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Point de presse de M. Amir Khadir, député de Mercier

Version finale

Tuesday, May 7, 2013, 11 h

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Onze heures)

M. Khadir: Alors, merci d'être présents avec nous en point de presse pour parler d'une situation préoccupante dans le réseau des services de santé et des services sociaux depuis l'introduction, par une firme privée, de méthodes de minutage et de pression au travail qui font tout sauf tenir compte des besoins des patients, par exemple, dans les services à domicile. Nous avons invité aujourd'hui Mme Louise Desmarais, qui est ergothérapeute - qui était ergothérapeute jusqu'à tout récemment - au CSSS de la Pointe-de-l'Île, et également Mme Nadine Lambert, vice-présidente de la Fédération de la santé et des services sociaux de la CSN, qui vont décrire la situation préoccupante dans le réseau. Mme Desmarais.

Mme Desmarais (Louise): Bonjour. J'ai travaillé dans le réseau de la santé pendant 32 ans, en grande partie à titre d'ergothérapeute, et je suis donc bien placée pour témoigner des effets d'arrivées de firmes pour optimiser le travail. Il y a eu plusieurs conséquences négatives, je vais vous en donner quelques-unes.
Depuis l'arrivée de la firme, le focus a été mis sur la quantité plutôt que la qualité. Les interventions sont maintenant départagées en deux groupes: celles qui sont considérées comme étant à valeur ajoutée par l'employeur, qui sont des interventions directes, et il y a les interventions non directes aussi. On a moins de temps pour faire les démarches pour la clientèle. Par exemple, en tant qu'ergothérapeute, je devais trouver les équipements qui étaient le plus à même de répondre aux besoins des usagers, j'avais des démarches à faire pour référer les usagers à d'autres programmes de l'établissement ou du réseau. Ça, ce n'était pas des interventions qui étaient considérées comme importantes.
Une autre conséquence, les intervenants font maintenant plusieurs visites au même usager pour répondre au même besoin plutôt que de faire plusieurs interventions à la fois. Ça entraîne des pertes de temps, des frais de déplacement supplémentaires aussi. Par exemple, pour obtenir les pourcentages de performance souhaités, si on fait des essais d'équipement à domicile puis que ça demande du temps parce que l'usager a des difficultés à se déplacer, ou si le milieu de vie entraîne des complications, ou si on a besoin de faire plusieurs essais, bien, on va être appelés à retourner à plusieurs reprises à domicile plutôt que de prolonger une visite.
Il y a aussi un double système de statistiques. Le ministère de la Santé et des Services sociaux a toujours imposé un devoir de remplir des statistiques de travail. Avec ce qui a été apporté par la firme privée, il s'est rajouté un deuxième système, donc on passe plus de temps par jour à remplir des petits carreaux, à remplir des statistiques. Pendant ce temps-là, évidemment, on ne donne pas de services directs à la clientèle.
L'administration de l'établissement pour lequel je travaillais disait que ce système d'optimisation de la performance là avait fait diminuer les listes d'attente. Ce n'est pas tout à fait le cas parce qu'on répartissait plus vite les dossiers entre les différents intervenants, ce qui fait que les intervenants qui n'avaient pas nécessairement le temps de prendre en charge tout de suite les usagers avaient les usagers sur leur liste d'attente personnelle. Donc, liste d'attente de l'établissement moins longue mais liste d'attente des intervenants allongée.

Ça a eu aussi comme effet de limiter le travail interdisciplinaire, ce qui diminue la coordination des services. Par exemple, les auxiliaires familiaux, qui, avant, avaient des rencontres régulières avec les équipes professionnelles, étaient un peu écartés de ça, ce qui fait que l'information qu'ils nous apportaient, quand on travaillait à domicile, sur la vie quotidienne de l'intervenant avec lequel ils sont plus familiers que nous, on n'avait plus ce genre d'information là ou beaucoup moins qu'avant.
Pour conclure, j'aimerais témoigner de mon cas personnel. Comme mon niveau de stress puis la pression sur les travailleurs ont grandement augmenté depuis l'arrivée de la firme et de sa méthode pour optimiser le travail, j'ai décidé de prendre ma retraite au moins un an et demi plus tôt que prévu, à 55 ans. Plus la firme implantait ses mesures, plus mon niveau de stress augmentait, pour atteindre un niveau carrément intolérable. Je faisais de l'insomnie, je pensais toujours au travail, je faisais beaucoup plus de migraines puis j'étais de plus en plus agressive face à ce système-là.
J'ai adoré faire mon travail dans le réseau et donner des services à la population, mais j'aurais voulu pouvoir continuer plus longtemps, mais j'ai décidé de prendre ma retraite. Mon stress a tombé depuis ce temps-là. Je dors bien, mes migraines ont diminué puis j'ai retrouvé ma bonne humeur.

Mme Lambert (Nadine): Alors, nous, à la Fédération de la santé et des services sociaux, depuis l'arrivée de la firme - principalement, de Proaction, mais de toutes les autres firmes privées qui utilisent le même modèle de méthode de gestion - nous sommes très préoccupés, un, sur l'impact que ça a sur la population, sur les services à la population - Mme Desmarais en a donné un bref exemple - mais aussi sur, bien évidemment, les conditions de travail qui sont imposées, la dégradation des conditions de travail dans... lequel est imposé à nos travailleurs, à nos membres.
Donc, depuis plusieurs mois, les membres et les syndicats nous ont interpellés, partout au Québec, pour nous signifier et dénoncer l'impact négatif de l'implantation, là, du mode de gestion de ces firmes-là. On peut remarquer partout, c'est les mêmes dénominateurs communs, il y a une diminution, là, de l'autonomie des professionnels, hein? Vraiment, on touche au coeur même du travail des professionnels, et ça a un impact direct, là, sur la qualité des services aux usagers, notamment toutes les activités qui sont jugées n'ayant pas une valeur ajoutée, donc pas une action directe sur le client. Ces actions-là, c'est vraiment, là, mis de côté et elles sont pratiquement éliminées, alors que c'est des actions essentielles pour les travailleurs.
Je vais vous donner quelques exemples. Vous savez, les ordres professionnels ont émis beaucoup de réserves sur ce type de gestion là. Ça vient en contradiction avec les codes de déontologie, où on ne peut pas imposer... L'employeur, ou peu importe, ne peut pas imposer des méthodes de travail qui viendraient à l'encontre, là, des codes de déontologie. C'est ce que subissent les travailleurs, les professionnels du réseau qui sont confrontés à cette firme-là. On vient amenuiser complètement tous les outils utiles pour développer le jugement clinique. Donc, pour mettre en place les bons soins au bon moment par le bon intervenant, il faut utiliser notre jugement clinique. Alors, on vient vraiment amoindrir, là, toutes les actions qui nous permettent, comme professionnels, de développer notre jugement clinique puis de l'appliquer afin qu'on puisse donner des... assurer des soins de qualité.
Il y a aussi... Ces firmes-là se défendent sur certains indicateurs - Mme Desmarais en a fait un bref exposé - qui viennent soit dire qu'il y a une amélioration ou une augmentation des visites de faites, alors que des indicateurs quantitatifs, ça ne donne aucune indication sur la qualité qui sort au bout de l'action qui est portée auprès des usagers. Donc, depuis... La firme... ces genres de firmes là utilisent les indicateurs... ils disent que, oui, ils utilisent des indicateurs de qualité, donc, c'est la satisfaction à la clientèle. Alors, quand on est une personne vulnérable puis qu'on nous demande: Est-ce que vous êtes content d'avoir eu le service de M. ou Mme X? Cette personne-là est tellement contente d'avoir vu quelqu'un qu'elle dit oui. Mais ça n'a aucun... Ce n'est pas un indicateur de qualité.
Il y a des indicateurs de qualité qui existent dans le réseau de la santé, qui sont crédibles comme: Est-ce qu'on a eu une diminution de retours de visites à l'urgence? Est-ce qu'on a eu une diminution d'hospitalisations? Est-ce qu'on a eu une diminution des chutes pour ce client-là? Ce sont des indicateurs de qualité. On ne voit aucunement ces indicateurs apparaître dans les bilans de ces firmes-là lorsqu'elles utilisent leurs méthodes d'optimisation.
Le ministre Hébert est fin connaisseur du milieu de la première ligne, si je peux dire comme ça... je peux m'exprimer comme ça, ce qu'est les soins à domicile et le maintien à domicile. Alors, quand on parle de maintien à domicile, tout le monde veut rester chez lui. Personne ne veut subir une hospitalisation, personne ne veut se rendre dans une maison d'hébergement, alors que ces firmes-là, ce qu'elles... de la façon qu'elles imposent le travail aux professionnels, font en sorte qu'on a une diminution du maintien de l'autonomie des usagers.
Pour vous donner un exemple, lorsqu'une personne a besoin d'un bain, on a besoin d'une hygiène à domicile, lorsque le travailleur se présente, c'est non seulement le bain qu'elle va aller donner à cette personne-là, mais, si cette personne-là a des problématiques de mobilité, on va l'entraîner, on va l'aider à se mobiliser. Plus elle se mobilise, plus c'est un gage qu'elle va rester chez elle longtemps. Donc, ce n'est pas seulement donner un bain au lit, c'est vraiment amener la personne à la baignoire.
Pour la firme Proaction ou toute autre firme qui utilise le même type de gestion, l'activité qui est jugée à valeur ajoutée, c'est le bain, ce n'est pas tout le volet du maintien. Cette firme-là se base sur... développe des standards et des minutages. La grande question qu'on se pose, c'est: Comment on peut établir des standards lorsqu'on n'est même pas un professionnel de la santé, lorsqu'on n'a aucune... - comment je pourrais dire? - quand on n'est pas un professionnel de la santé, quand on... Je perds mon mot, je m'excuse, je vais y revenir.

M. Khadir: La compétence.

Mme Lambert (Nadine): La compétence. Merci, M. Amir. Quand on n'a aucune compétence en santé, aucune compétence en services sociaux, comment est-ce qu'on peut établir des standards? Alors, c'est vraiment... Pour nous, là, c'est une grave question, alors que les travailleurs, les travailleuses, les gestionnaires du réseau sont des professionnels de la santé et ont les compétences.
On a plusieurs exemples dans le réseau de la santé, présentement - et même depuis 2007 - de projets d'organisation du travail qui sont faits en collaboration avec les gestionnaires, avec les syndicats, avec les travailleuses et les travailleurs, qui portent des résultats concrets sur la qualité, la quantité et même sur des réductions de coûts.
Alors, nous, ce qu'on demande au ministre, c'est un moratoire, présentement, sur l'utilisation de ce type de firme là et un encadrement des gestionnaires, un encadrement des employeurs et un encadrement des agences de santé et services sociaux sur tout ce qu'on appelle organisation du travail. Lorsqu'on entend que les établissements sont autonomes, les agences de santé et services sociaux sont autonomes, bien, de l'autonomie, ça s'exerce dans un encadrement.

M. Khadir: Alors, je crois qu'on doit répéter que... Et d'ailleurs le ministre Hébert l'a reconnu il y a plusieurs mois. Personne ne nie l'intérêt d'une meilleure organisation dans la dispensation des services à domicile, services de maintien à domicile. Le problème intervient - et là aussi le ministre l'a reconnu - lorsqu'on le fait au détriment de la qualité des soins puis c'est une question de minutage industriel des méthodes, sous prétexte, par exemple, de méthode «lean» ou Toyota, d'imposer une cadence qui n'a rien à voir et qui ne peut pas s'intégrer au système de santé.
Cette firme-là, d'ailleurs, n'a aucune compétence dans aucun de ces domaines-là. Et là il y a une situation qui est survenue dans le système de la santé, où, depuis les deux dernières années, une firme, sous de fausses représentations, à toutes fins pratiques, profitant de ce discours qui a été lancé par les libéraux - rappelez-vous, avec M. Bolduc qui a continué l'oeuvre de privatisation du système de la santé commencée par M. Couillard - cette firme-là a obtenu 17 contrats puis, dans 15 des cas, c'était soit de gré à gré, soit la firme n'était que parmi les un ou deux autres soumissionnaires. En fait, on ne connaît pas d'autres firmes dans le réseau qui ont obtenu de tels contrats. Elle semble, à elle seule, avoir complètement accaparé le système, on ne sait par quel hasard.
Le ministre a reconnu qu'il y avait un problème. Le ministre a admis que ce n'était pas acceptable qu'on ampute dans la qualité des services pour la cadence et pour la quantité. Et ça fait six mois, parce que c'est en novembre qu'il a promis de faire le point. J'invite le ministre à agir le plus rapidement possible, parce que là les ratés se multiplient. Et le réseau a besoin d'être restabilisé, sans ça, on va perdre d'autres infirmières, d'autres ergothérapeutes comme Mme Desmarais. Donc, j'espère que M. le ministre est à l'écoute.
Je l'invite à agir, d'autant plus, d'autant plus qu'on voit là toutes les mêmes pratiques de lobbyisme ou d'avantages indus octroyés par la firme pour obtenir des contrats, notamment le voyage payé à une dirigeante du CSSS de Cavendish, un voyage payé à Vancouver par la firme pour faire la promotion de Proaction à Vancouver. C'est le genre de choses qu'on décrie aujourd'hui dans le domaine de la construction, dans le domaine des contrats publics, puis on voit les mêmes comportements se produire dans le réseau de la santé. Et je suis sûr que le ministre Hébert ne vit pas à l'aise avec ça. C'est une privatisation en douce et une gestion privée de notre système public de santé. Le gouvernement péquiste avait promis d'agir pour empêcher ça. J'invite M. le ministre à rencontrer Mme Nadeau... je m'excuse, Mme Lambert - je me suis mélangé avec son prénom, Nadine - donc Mme Lambert et Mme Desmarais, également, qui pourraient témoigner, auprès du ministre, quelles sont les conséquences concrètes. Et nous espérons que cette rencontre puisse avoir lieu aujourd'hui.
Il y a une pétition aussi à l'Assemblée nationale, parrainée par un des syndicats actifs dans le réseau. C'est une pétition qui demande justement au ministre de mettre fin à une dérive qui nuit considérablement non seulement à la qualité du milieu de travail pour les travailleurs, mais surtout à la qualité des soins et au maintien à domicile de nos aînés et de nos personnes malades.

Journaliste: Mais savez-vous, justement, pourquoi... savez-vous, justement, pourquoi le ministre Hébert n'agit pas? Vous avez parlé de pratiques de lobbyisme. Est-ce que vous pensez qu'il y a un certain lobbyisme ou une certaine pression qui se fait également au ministère de la Santé, donc que M. Hébert... dans une position ou...

M. Khadir: Nos recherches ne sont pas encore terminées là-dessus. Il se peut que quelque chose aboutisse d'ici cet après-midi. En période de questions, je pourrais mieux vous répondre à ça. Nous sommes encore en train de finaliser un certain nombre d'informations.
Mais je ne crois pas. Moi, je pense que le ministre Hébert est sincèrement convaincu de la nécessité d'avoir une gestion, à l'interne, publique et une meilleure organisation du travail qui ne laisse pas de place à cette privatisation et surtout à cette cadence inhumaine pour les patients, intenable, inacceptable.
Par exemple, rappelez-vous le cas qui a été rapporté. Il sont obligés, pour respecter le minutage, d'appeler souvent une heure, 1 h 30 min à l'avance, de demander à l'épouse âgée d'un monsieur à qui on donne le bain de le dévêtir avant que l'intervenante arrive. Donc, il y a un monsieur qui est resté, comme ça, plus d'une heure, nu sur sa chaise en attendant que l'intervenant vienne, parce que Proaction avait exigé que le minutage soit serré comme ça. Et je suis sûr que M. Hébert, qui est spécialiste en maintien à domicile, surtout pour les personnes âgées, a horreur de ce genre de choses là. Ce qu'on lui demande, c'est de presser le pas.
J'espère qu'il n'y a pas d'autres lobbys, au Conseil des ministres, ou dans son gouvernement, ou sur les sous-ministres, qui font en sorte qu'on n'a pas bougé encore.

Journaliste: Est-ce que vous craignez que la méthode de Proaction, si on ne fait rien, ça se multiplie, ça se multiplie et que, dans le fond, là, ce qu'on voit, c'est le début d'un processus qui pourrait prendre encore plus d'ampleur?

Mme Lambert (Nadine): Présentement, on est à même d'observer, dans la région de Montréal, une multiplication des activités de cette firme-là dans plusieurs CSSS. On l'a observée dans la région de Québec, on commence à entendre, dans la région de l'Outaouais... Donc, pour nous, là, c'est vraiment, là, un virus, qui est en train de se déployer.

Journaliste: Est-ce que d'autres pourraient être tentés de faire la même chose que Proaction si le ministre ne fait rien puis si on ne met pas des balises?

Mme Lambert (Nadine): Bien évidemment que les sommes qui sont attribuables à ces firmes-là, ce sont des sommes assez faramineuses. Donc, effectivement, il y a d'autres firmes, présentement, qui font du coaching de gestion, d'organisation du travail. Jusqu'à maintenant, on n'en a pas observées qui étaient d'une agressivité telle que Proaction. Donc, notre intervention aujourd'hui, c'est aussi une mise en garde pour toutes les autres qui auraient envie de profiter des fonds publics pour démanteler le réseau.

M. Khadir: Et, si le ministre apporte des remèdes, ça pourrait aussi être utile pour les autres, des remèdes à l'interne. Demandez aux infirmières, aux ergothérapeutes, aux intervenants d'organiser eux-mêmes. Ces gens qui sont au front, c'est les mieux à même de savoir ce que les patients, le réseau ont besoin. Merci.

(Fin à 11 h 19)

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