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Point de presse de Mme Françoise David, députée de Gouin

Version finale

Wednesday, January 15, 2014, 9 h

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Neuf heures une minute)

Mme David : Alors, bonjour, tout le monde. Très heureuse d'être ici, de retour à l'Assemblée nationale. J'étais absente hier, non pas parce que je boycottais les travaux de la commission, mais je ne pouvais être présente, tout simplement. J'y serai, à partir de maintenant, le plus souvent possible comme déléguée… pardon, comme députée non membre de la commission. Mais, cela dit, j'aurai quand même un temps de parole minimal, j'insiste sur le mot minimal. Je ne pourrai présenter des amendements et je n'aurai pas le droit de vote, mais, croyez-moi, je serai tout de même une actrice, je pense, importante de tout ce débat sur la laïcité.

Alors, les remarques préliminaires que, dans le fond, moi, je veux faire ce matin, la première, c'est de dire : cette commission parlementaire doit absolument, si on veut être sérieux, nous mener à une recherche de consensus, dans la société québécoise, sur les meilleurs moyens, à l'étape actuelle, de faire avancer la laïcité de l'État et des institutions publiques. On ne réglera pas tout en quelques mois, mais on peut faire des pas significatifs. Je pense, et ça, évidemment, on me traitera de candide, mais moi, je pense que, dans le meilleur des mondes, c'est un débat qui devrait se faire loin de la logique partisane, comme le débat, d'ailleurs, sur l'aide médicale à mourir. C'est un débat qui est complexe, émotif, divisif, et vraiment on devrait le faire en se donnant les meilleurs moyens possible pour qu'il se fasse dans la sérénité et qu'il y ait, au terme de ce débat, un très, très, très large appui de la population au projet de loi qui sera finalement adopté.

Or, le problème, c'est que j'ai bien peur, à cette étape-ci, qu'on soit davantage dans une sorte d'électoralisme ostentatoire que dans la recherche calme et sereine de consensus forts. Le ministre Drainville a dit ad nauseam depuis quelques jours, et il l'a répété hier, il n'y aura aucun recul sur les principes. Le problème, c'est que le ministre nous dit que, sur la question des signes religieux, l'interdiction du port de signes religieux par les employés de l'État est une question de principe.

Alors, faites l'adéquation, il n'y aura recul sur les principes. L'interdiction du port des signes religieux est un principe, ça s'adonne que c'est à peu près la seule question qui divise vraiment la population québécoise et c'est celle sur laquelle le ministre nous dit : Ne vous attendez, de ma part, à aucun compromis. Bien, moi, je demande au ministre : À ce compte-là, pourquoi avez-vous déclenché une commission? Si, sur la seule question qui vraiment, là, occasionne un débat majeur dans la société québécoise, vous n'êtes prêt à aucun ajustement, à aucun accommodement, tiens, à aucun compromis, je me demande bien ce qu'on est en train de faire. Donc, moi, j'invite le ministre à faire une différence nette entre ce qu'on appelle, en général, un principe et ce qu'on appelle des règles d'application d'un principe.

Le principe, c'est la laïcité de l'État et de ses institutions. Un autre principe, c'est l'égalité entre les hommes et les femmes, puis moi, j'aimerais bien qu'on se dise qu'au Québec aussi, le principe de la solidarité sociale est cher au coeur des Québécois. Pourquoi pas? Ça, ce sont des principes, et après il y a une multitude de façon de les appliquer. Les pays se disant laïques les appliquent, ces principes-là, de façon très différente. Le Québec est à la recherche de son propre modèle. Alors, la question des signes religieux, c'est une question parmi tant d'autres, c'est une règle d'application, et j'invite le ministre à faire preuve de plus de souplesse.

Je l'invite aussi à considérer que, pour l'instant et quoi qu'il en dise, l'appui à sa proposition d'interdiction complète et totale du port des signes religieux n'est pas un appui massif. Nous avons fait une recension des 250 mémoires qui sont présentés, nous avons regardé surtout ceux de ce qu'on pourrait appeler les acteurs majeurs, les grands organismes, les grandes associations. La division est patente, et je doute très fort qu'au terme de la commission on soit arrivés à ce que 75 % ou 80 % des grands acteurs sociaux soient d'accord avec l'interdiction du port des signes religieux par les employés de l'État.

Je pense donc que le ministre doit faire preuve d'ouverture. Je l'invite à aller regarder du côté du projet de loi déposé par Québec solidaire l'automne dernier, un projet de loi qui faisait largement consensus, qui s'appuyait sur les consensus actuels. Québec solidaire avait fait l'exercice de renoncer temporairement à sa demande d'abolir le financement des écoles privées religieuses, sachant justement que le débat n'était pas mûr sur cette question. Mais que le ministre en fasse autant, qu'il soit capable, lui aussi, de dire : O.K., sur les signes religieux, visiblement, on ne s'entendra pas. Laissons ça sur la glace et avançons sur tout le reste parce que, sur tout le reste, on peut avancer.

Sur la question plus particulière des signes religieux, je crois que le Québec au complet fait une erreur en ce moment en plaçant cette question au coeur d'un projet de laïcisation accrue des institutions. C'est devenu, dirait-on, le symbole. Il y a interdiction, on est laïque; il n'y a pas interdiction, supposément, on ne serait pas laïque. Franchement, là, de façon… Si on pense au concept de laïcité tel qu'il a été énoncé pour la première fois à peu près dans la loi de 1905 en France, on fait vraiment erreur. C'est une question, c'est une mesure, mais on pourrait parler de financement des écoles privées religieuses. C'est bien plus structurant, hein? On pourrait le faire, le débat, là, puis tranquillement arriver à des consensus là-dessus. On pourrait parler des exemptions fiscales accordées par l'État aux églises et des exemptions de taxes douanières accordées pour des produits religieux. Ça, c'est structurant.

Moi, je vous dirais même qu'on pourrait se parler, dans le projet de loi de M. Drainville, de l'article 10 qui, non seulement couvre les employés de l'État en matière de signes religieux, mais va beaucoup plus loin, couvre des employés de toutes sortes de firmes qui contractent avec l'État et qui seraient couvertes par le projet de loi. Il y a trop peu de gens qui parlent de ça. Ça va très, très loin, ce projet de loi là. On pourrait même se parler de l'article qui porte sur les questions déontologiques, l'article 12, les règles de déontologie touchant les médecins et les pharmaciens, à qui on veut continuer de permettre de ne pas poser des gestes qui vont à l'encontre de leurs convictions personnelles.

Mais alors, attendez. Ça, ça veut dire qu'un médecin ou un pharmacien peut refuser de prescrire et de donner la pilule du lendemain si c'est contraire à ses convictions religieuses, mais une femme médecin portant un hidjab pourra, elle, parce que ça ne sera pas contraire à ses convictions, prescrire cette pilule du lendemain. Vous voyez bien qu'il y a là des aberrations qu'il va falloir que le ministre nous explique. Pour moi, c'est bien plus dommageable pour les femmes de ne pas se voir prescrire quelque chose auquel elles ont droit que d'être soignées par une femme portant un voile.

En conclusion, je pense que, si on veut que cette commission donne quelque chose, que les centaines d'heures que nous passerons à écouter des gens soient utiles, il va falloir absolument écouter, chercher à comprendre, entendre de nouveaux arguments. Il va falloir faire la somme des contradictions et des incohérences qui nous traversent tous dans la société québécoise sur ce sujet-là. Il va falloir être ouverts peut-être à de nouvelles questions qui vont nous être posées. Mais il va falloir surtout, si on peut se rendre jusque-là, c'est-à-dire à l'étude article par article, il va falloir surtout, tout le monde, être prêts à faire des compromis pour qu'on avance dans la voie de la laïcité et que ça se passe autrement que par une campagne électorale. Je l'ai souvent dit, je pense que c'est le pire moment pour avancer dans ce genre de débat à cause de la charge partisane qui est le moment d'une charge la plus agressive et la plus émotive.

Alors, j'espère qu'on va agir aussi dans tout ça, dans une logique d'inclusion, que le projet de loi qui sera finalement, un jour, adopté sera celui qui pourra convenir à l'immense majorité des Québécoises et des Québécois, toutes origines confondues. Merci.

Mme Biron (Martine) : Il y a, au sein de Québec solidaire, semble-t-il, une frange procharte assez organisée, qui veut militer. Est-ce que c'est le cas?

Mme David : Il y a, au sein de Québec solidaire, depuis que nous avons adopté nos positions en congrès en 2009, une petite frange de militantes et militants qui ne sont pas d'accord avec notre position sur les signes religieux, mais d'accord avec tout le reste, et qui ont formé un collectif sur la laïcité. Je ne vous apprends rien de neuf, c'est public depuis plusieurs années. Donc, l'automne dernier, ils se sont exprimés, l'un d'entre eux s'est exprimé par la voix des médias. Mais, écoutez, on a eu un conseil national fin novembre, début décembre, il y avait de la place pour discuter de la laïcité, là, abondamment, et finalement nos membres continuent de nous dire assez massivement qu'ils sont d'accord avec notre position.

Mais moi, je suis très à l'aise, je l'ai dit souvent, avec le fait que nous soyons un parti démocratique et qu'au sein de ce parti il puisse y avoir des gens qui aient des opinions différentes. Il n'y a aucun problème.

Mme Biron (Martine) : Alors, cette frange-là est de combien de personnes, combien de militants? Est-ce que, si elle se met à militer activement, elle va aller contre la ligne du parti?

Mme David : Chez nous, le droit à la dissidence est reconnu dans les statuts de Québec solidaire et cette dissidence peut même être exprimée publiquement. Elle l'a été l'automne dernier. À ma connaissance, le collectif sur la laïcité compte une quarantaine de personnes, c'est ce que je peux vous dire.

M. Dutrisac (Robert) : Un des principes évoqués par… le principe évoqué par M. Drainville concernant le port des signes religieux, c'est le fait que la neutralité de l'État s'incarne dans l'apparence… Ça, vous êtes contre. Vous êtes contre cette notion-là.

Mme David : Attendez. On est évidemment pour la neutralité de l'État. Mais, quand on relit nos classiques sur la laïcité, là, ce n'est pas du tout ça que ça veut dire, neutralité de l'État. La neutralité de l'État, quand on parle de laïcité, ça veut dire que l'État doit être neutre vis-à-vis l'ensemble des religions qui existent sur son territoire. L'État n'en choisit aucune et l'État ne fait surtout pas le choix entre appuyer des religions ou appuyer les gens qui n'ont pas de religion, de la même façon que la séparation des pouvoirs entre les Églises et l'État doit être absolument étanche. Et l'État, c'est dans le concept de laïcité, doit aussi être l'organisme qui permet l'expression de la diversité religieuse sur son territoire.

Il n'y a donc rien, absolument rien, dans le principe de laïcité qui interdit à des employés de l'État — et il faut voir le projet de loi, ça va très loin, les employés de l'État, là — de porter des signes religieux. Le fait qu'un ou une préposée à la SAAQ, une infirmière, un enseignant, etc., porte un signe religieux ne signifie en rien, et tout le monde le sait, que subitement l'État québécois est devenu tantôt musulman, tantôt juif ou tantôt catholique, là. Tout le monde sait ça et tout le monde le sait tellement que, depuis 50 ans, depuis qu'on a une fonction publique forte, qu'on a des institutions comme des écoles publiques, des hôpitaux publics, etc., il y a des gens qui ont continué, par exemple, à porter des croix. Est-ce que quelqu'un quelque part a remis en question le fait que ces hôpitaux, ces écoles, ces centres de services sociaux étaient ou n'étaient pas laïques? Ça ne tient pas la route à sa face même.

Donc, je comprends ce que M. Drainville essaie de dire, mais je crois qu'on est en train vraiment de créer un faux problème. Si on veut chercher des vrais problèmes, moi, je crois qu'il y en a parfois autour des questions d'accommodement, mais je crois aussi que les gestionnaires les gèrent de mieux en mieux. Cependant, vous le savez, nous sommes tout à fait d'accord pour qu'il y ait, dans la loi, des balises. Il doit y avoir des règles qui encadrent les demandes d'accommodement religieux, parce que, ça, ça peut être plus problématique dans certains milieux. Ça, c'est une vraie question. Mais moi, je vous le dis, j'ajoute qu'aussitôt qu'on aura terminé tout ce pan-là de l'avancée de l'État dans sa laïcisation, j'ai bien hâte, moi, qu'on parle de financement des écoles privées religieuses puis j'ai bien hâte qu'on parle des exemptions fiscales que l'État accorde aux églises. Ça, c'est structurant.

M. Dutrisac (Robert) : Maintenant, sur la question du tchador, est-ce que vous partagez le point de vue du Parti libéral?

Mme David : La réponse, c'est non. Nous ne partageons pas en tous points l'opinion du Parti libéral, comme vous le savez, sur un certain nombre de questions et, par exemple, de façon beaucoup plus fondamentale, je crois, moi, que la recherche d'une société harmonieuse, c'est une société qui est capable de trouver un équilibre entre le respect des libertés individuelles, auxquelles Québec solidaire est attachée, et le respect du droit collectif d'une nation de se développer sur la base de valeurs communes.

Donc, de sacraliser les libertés individuelles, ce n'est pas la tasse de thé de Québec solidaire et, de toute façon, c'est une erreur factuelle. Il y a des moments, dans la vie des sociétés, où on contraint quelque peu les gens en termes de libertés individuelles; la loi 101 en étant un exemple plus patent.

M. Dutrisac (Robert) : Donc, il y a des signes religieux qui sont acceptables puis il y en a d'autres qui sont des signes évidents de soumission des femmes…

Mme David : Moi, je trouve qu'à partir du moment où le signe religieux qui n'est… enfin, qui est un signe, mais qui, là, devient un vêtement ample couvrant entièrement les femmes, interdisant de voir la moindre forme du corps des femmes, comme si c'était totalement impudique et qu'on ne pouvait pas le voir, je trouve que c'est problématique.

J'ajoute aussi que ça me paraît absolument impensable, tout simplement impensable qu'une femme portant un tchador veuille être candidate pour Québec solidaire. Vous comprenez que, là, on est dans les franges les plus conservatrices de la religion musulmane, tout comme j'aurais de la misère à imaginer qu'un candidat ou une candidate évangéliste de droite veuille être membre de Québec solidaire. Je vous rappellerai qu'on est un parti féministe, qu'on a des positions très claires sur les droits reproductifs des femmes, incluant le droit à l'avortement, et des positions très claires aussi sur le droit des gais et lesbiennes, transgenres, bisexuels, et vous comprendrez que tout ça, c'est assez incompatible avec les franges conservatrices de toutes les religions.

Mme Lajoie (Geneviève) : Mais pensez-vous qu'une personne, une enseignante ou une fonctionnaire peut porter le tchador?

Mme David : Je trouve que c'est une question qui mérite d'être regardée de très près à cause de ce que je viens de dire. Quand on est rendu au tchador, on a le visage découvert, ce qui est quand même un minimum, mais on est vraiment dans l'expression, je dirais, d'un semi-enfermement des femmes, dont on ne peut plus voir du tout les formes, et, pour moi, le corps des femmes est une belle chose, comme le corps des hommes aussi d'ailleurs, et on peut les montrer.

Mme Lajoie (Geneviève) : Donc, vous n'avez pas de position ferme là-dessus.

Mme David : Pardon?

Mme Lajoie (Geneviève) : Donc, vous n'avez pas de position ferme sur le tchador.

Mme David : Bien, il me semble que c'est assez ferme, là, ce que je viens de dire.

Mme Lajoie (Geneviève) : Bien, est-ce qu'un fonctionnaire ou un enseignant peut porter, selon vous, le tchador?

Mme David : C'est une question, je vais être honnête avec vous, qu'on n'a pas discutée parce qu'on ne se l'est jamais posée comme telle. Ça nous paraît tellement hypothétique, là, on ne l'a pas discutée à Québec solidaire.

Je vais donc vous donner ma position personnelle et je n'engage que moi. Moi, je pense que c'est très difficile à imaginer. Sincèrement, c'est difficile à imaginer, c'est… Rendu là, c'est dur de tracer la frontière. C'est ça que je comprends qui est difficile. Mais, rendu là, je trouve qu'on est tellement dans une image où, en fait, c'est comme si les femmes avaient à peine le droit d'exister. Pour moi, c'est incompatible, par exemple, avec une fonction pédagogique.

Mme Lajoie (Geneviève) : Mais il y en a-tu?

M. Corbeil (Michel) : Bien, vous êtes contre. C'est ça?

Mme Lajoie (Geneviève) : Il y en a-tu, des enseignantes qui portent le tchador?

Mme David : Bien, premièrement, je pense qu'il n'y en a pas. Moi, je n'en ai jamais vue, en tout cas, ou...

Mme Lajoie (Geneviève) : Oui, mais c'est la même question qu'on posait à M. Couillard. M. Couillard disait aussi... avait le même discours que vous, là, c'est-à-dire, bien, ce n'est pas possible...

Mme David : M. Couillard n'a pas le même discours que moi. D'abord, je vous rappellerai que le Parti libéral patine allègrement sur cette question. Moi, je viens de vous dire que, pour moi, c'est assez inconcevable qu'une personne veuille se porter candidate pour Québec solidaire en portant un tchador. C'est inimaginable de son point de vue à elle et de notre point de vue à nous. Moi, je suis claire là-dessus, là. Donc, non, je ne peux pas m'imaginer qu'il y ait une élue à l'Assemblée nationale portant le tchador.

Pour ce qui est de l'enseignement, ça me paraît tout aussi inimaginable à cause de l'aspect pédagogique. Bref, non, vous ne ferez pas de moi quelqu'un qui va être bien proche du port du tchador.

Mme Lajoie (Geneviève) : Vous parlez des formes des femmes, tout ça, mais, par exemple, le... Je ne sais pas si... En tout cas, je ne connais pas bien ça, mais la djellaba, ou des trucs comme ça, ou les habits africains, souvent, ça couvre le corps des femmes au complet pour ne pas montrer, justement, les formes. Est-ce que ça aussi...

Mme David : Je suis allée en Afrique et j'ai vu bien des boubous féminins qui, je vous le jure, sont très jolis, très féminins et ne poseraient aucune espèce de problème.

M. Gagné (Louis) : Mais est-ce que le voile ne procède pas, bien, à un degré différent de la même logique que le tchador, c'est-à-dire le tchador, c'est juste le pousser plus loin, parce que, bon, les formes, c'est honteux. Mais, en couvrant les cheveux et tout ça, est-ce qu'il n'y a pas... est-ce que ce n'est pas un peu la même chose, mais à un degré moindre? Est-ce qu'on...

M. Dutrisac (Robert) : C'est un symbole de soumission, comme dit la Fédération des femmes.

Mme David : Nous, ce que nous disons sur le voile à Québec solidaire, c'est que ça n'est certainement pas un morceau de tissu anodin. Moi, de toute façon, je pense que je l'ai dit assez souvent, vous devez connaître ma position là-dessus, je ne suis pas une provoile. Ça n'est pas anodin. Pour moi, ça symbolise clairement le rôle de citoyenne de seconde… seconde zone, pardon, au sein de l'islam, pour ce qui est des femmes. Maintenant,j'ajouterai, pour mon plaisir à moi, que toutes les religions infériorisent les femmes, y compris la religion catholique que je connais très bien.
Donc, ce que l'islam y ajoute… pour certaines femmes, hein, parce que l'immense majorité des femmes musulmanes, je vous rappelle, ne portent pas de voile ni de signe religieux, mais il y en a qui le portent, il y en a qui le font par pression sociale, familiale. Oui, dans notre pays et dans d'autres pays, c'est de toute façon, la règle, elles ne peuvent pas ne pas le porter, ce qui, pour moi, est inconcevable, ce qui est odieux. Et donc, oui, dans tous ces signes-là, dans tous ces vêtements-là, à des degrés divers, vous avez raison, il y a un symbole, et ce symbole, certains vont dire, c'est celui de la soumission des femmes. Moi, pour avoir rencontré des femmes qui portent le voile, je trouve ça difficile de dire ça parce que j'ai rencontré des femmes qui sont tout sauf soumises.

Donc, c'est plus pour moi un symbole du rôle, de la place que les femmes occupent dans l'islam. Comme je vous dis, les femmes catholiques ne portent pas de signe religieux, mais elles ont la même place : interdiction d'avorter, interdiction de pouvoir contrôler ses fonctions reproductives, interdiction d'être ordonnées prêtres. Je vous rappellerai que l'Église catholique n'est pas exempte de sexisme elle non plus. Mais, oui, il y a un symbole là, puis, oui, c'est difficile, à un moment donné, de savoir où tracer la ligne. Il n'y a rien de simple, il n'y a rien de clair, mais voilà justement pourquoi il faut en discuter avec sérénité.

M. Corbeil (Michel) : Sur le tchador, vous avez dit : J'ai une position personnelle. Est-ce que le parti va trancher? Parce que vous dites : c'est telle…

Mme David : Ce sont des choses qu'on va devoir discuter, mais sincèrement, là, je vous rappelle qu'on est dans une commission parlementaire autour d'un projet de loi qui, lui, ne s'embarrasse pas de, comment je dirais, de nuance, hein, qui dit : Non, il n'y aura pas de signe religieux, même pas une croix, rien, rien, rien, d'un bout à l'autre, dans toute la loi, parmi tous les employés des services publics, y compris les employés d'entreprise faisant affaire à l'État, ce qui va très, très, très loin, là.

Alors, on n'est tellement pas dans ce débat-là. Je sais que c'est conceptuellement un débat intéressant puis je comprends que vous me posiez la question, mais, honnêtement, ce n'est pas ça le sujet. Le sujet, c'est : est-ce que, oui ou non, les employés de l'État pourront porter des signes religieux? Si oui, pourquoi, sinon pourquoi? Puis, pour moi, le sujet, c'est : est-ce qu'on pourrait arrêter d'en faire le symbole majeur et principal de la laïcité de l'État? Ça, c'est important.

M. Dutrisac (Robert) : Mais vous avez parlé de compromis. Donc, sur ça, il n'y a pas de compromis possible. Je comprends que…

Mme David : Du côté de Québec solidaire?

M. Dutrisac (Robert) : Oui.

Mme David : Sur la question du port de signes religieux, Québec solidaire a avancé sa position, c'est celle de l'interdire pour les personnes en situation d'autorité coercitive et pour la présidence de l'Assemblée nationale. Pour le moment, c'est là qu'on arrête.

M. Dutrisac (Robert) : Pour le moment? Parce que, là, vous avez parlé que les partis… ça devrait être hors partisanerie, ce débat-là, il devrait y avoir des compromis qui soient faits de part et d'autre. Donc, vous êtes ouverte à une certaine forme de compromis là-dessus. On parle des enseignants...

Mme David : En tout cas, on est certainement ouverts à la discussion, mais, à un moment donné, il va falloir aussi assumer les choix qu'on fait. Nous, nous pensons qu'un employé de l'État peut porter un signe religieux sans porter atteinte à la laïcité de l'État et de ses institutions. Et, si on commence à dire : O.K. on va laisser les hôpitaux de côté… Vous savez, d'ailleurs, le gouvernement leur a déjà prévu pas mal d'années de transition, hein? Moi, je pense qu'ils n'y arriveront jamais de toute façon.

On finit par se concentrer sur l'enseignement et les services de garde, puis là il y a des mots que probablement le gouvernement n'ose pas trop dire. Ça n'est plus au nom de la laïcité qu'ils se concentrent sur l'enseignement et les services de garde, c'est à cause de ce fameux voile et du message que, selon le gouvernement, il envoie. On est dans un tout autre débat, puis ce débat-là va devoir être nommé à un moment donné. Mais, si on en arrive là, que c'est uniquement… ce sont uniquement les employés de l'enseignement et des services de garde qui sont interdits de signes religieux, on vient de toucher de plein fouet qui? Les femmes musulmanes portant le voile qui travaillent de façon assez nombreuse, comme par hasard, dans l'enseignement et les services de garde. Vous comprenez que, pour Québec solidaire, ça pose un gros problème.

Mme Lajoie (Geneviève) : C'est quoi, selon vous… Vous pouvez le nommer, vous, c'est quoi le débat?

Mme David : Bien, un des débats, c'est clairement le débat dont on est en train de discuter, là, autour du voile. Il faut le nommer, il faut être capable de le dire. Parce que, j'ai relu attentivement le projet de loi, il y a tellement de mesures de transition qui sont accordées aux municipalités et à tous les établissements de santé et de services sociaux, établissements d'enseignement supérieur, il reste quoi? Sérieusement, là, à court terme, il reste les écoles et les services de garde. Et qu'est-ce qui se pose dans ces milieux-là comme question sur les signes religieux? La question du voile. Il n'y aurait que les croix, là, est-ce qu'on serait vraiment en train de faire une commission parlementaire avec 250 mémoires? Moi, je crois que non. Honnêtement, je crois que non.

Mme Lajoie (Geneviève) : Donc, vous pensez que le Parti québécois vise vraiment une religion en particulier?

Mme David : Oui. Il vise aussi, bon, l'avancement.

Mme Lajoie (Geneviève) : …en emploi, notamment?

Mme David : Oui, le Parti québécois a aussi de bons côtés. Je veux dire, dans le projet de loi, il y a articles où j'ai coché oui. À Québec solidaire, on est d'accord avec plusieurs aspects, là, de la charte du Parti québécois, là. Mais, sur la question des signes religieux, pour moi, c'est très clair, ce sont les femmes musulmanes qui sont voilées… qui sont voilées et qui sont visées. Merci beaucoup.

(Fin à 9 h 24)

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