(Neuf heures une minute)
Mme David
: Alors,
bonjour, tout le monde. Très heureuse d'être ici, de retour à l'Assemblée
nationale. J'étais absente hier, non pas parce que je boycottais les travaux de
la commission, mais je ne pouvais être présente, tout simplement. J'y serai, à
partir de maintenant, le plus souvent possible comme déléguée… pardon, comme députée
non membre de la commission. Mais, cela dit, j'aurai quand même un temps de
parole minimal, j'insiste sur le mot minimal. Je ne pourrai présenter des
amendements et je n'aurai pas le droit de vote, mais, croyez-moi, je serai tout
de même une actrice, je pense, importante de tout ce débat sur la laïcité.
Alors, les remarques préliminaires que,
dans le fond, moi, je veux faire ce matin, la première, c'est de dire : cette
commission parlementaire doit absolument, si on veut être sérieux, nous mener à
une recherche de consensus, dans la société québécoise, sur les meilleurs
moyens, à l'étape actuelle, de faire avancer la laïcité de l'État et des
institutions publiques. On ne réglera pas tout en quelques mois, mais on peut
faire des pas significatifs. Je pense, et ça, évidemment, on me traitera de
candide, mais moi, je pense que, dans le meilleur des mondes, c'est un débat
qui devrait se faire loin de la logique partisane, comme le débat, d'ailleurs,
sur l'aide médicale à mourir. C'est un débat qui est complexe, émotif, divisif,
et vraiment on devrait le faire en se donnant les meilleurs moyens possible
pour qu'il se fasse dans la sérénité et qu'il y ait, au terme de ce débat, un
très, très, très large appui de la population au projet de loi qui sera
finalement adopté.
Or, le problème, c'est que j'ai bien peur,
à cette étape-ci, qu'on soit davantage dans une sorte d'électoralisme
ostentatoire que dans la recherche calme et sereine de consensus forts. Le
ministre Drainville a dit ad nauseam depuis quelques jours, et il l'a répété
hier, il n'y aura aucun recul sur les principes. Le problème, c'est que le
ministre nous dit que, sur la question des signes religieux, l'interdiction du
port de signes religieux par les employés de l'État est une question de
principe.
Alors, faites l'adéquation, il n'y aura
recul sur les principes. L'interdiction du port des signes religieux est un
principe, ça s'adonne que c'est à peu près la seule question qui divise
vraiment la population québécoise et c'est celle sur laquelle le ministre nous
dit : Ne vous attendez, de ma part, à aucun compromis. Bien, moi, je
demande au ministre : À ce compte-là, pourquoi avez-vous déclenché une
commission? Si, sur la seule question qui vraiment, là, occasionne un débat
majeur dans la société québécoise, vous n'êtes prêt à aucun ajustement, à aucun
accommodement, tiens, à aucun compromis, je me demande bien ce qu'on est en
train de faire. Donc, moi, j'invite le ministre à faire une différence nette entre
ce qu'on appelle, en général, un principe et ce qu'on appelle des règles
d'application d'un principe.
Le principe, c'est la laïcité de l'État et
de ses institutions. Un autre principe, c'est l'égalité entre les hommes et les
femmes, puis moi, j'aimerais bien qu'on se dise qu'au Québec aussi, le principe
de la solidarité sociale est cher au coeur des Québécois. Pourquoi pas? Ça, ce
sont des principes, et après il y a une multitude de façon de les appliquer.
Les pays se disant laïques les appliquent, ces principes-là, de façon très
différente. Le Québec est à la recherche de son propre modèle. Alors, la
question des signes religieux, c'est une question parmi tant d'autres, c'est
une règle d'application, et j'invite le ministre à faire preuve de plus de souplesse.
Je l'invite aussi à considérer que, pour
l'instant et quoi qu'il en dise, l'appui à sa proposition d'interdiction
complète et totale du port des signes religieux n'est pas un appui massif. Nous
avons fait une recension des 250 mémoires qui sont présentés, nous avons
regardé surtout ceux de ce qu'on pourrait appeler les acteurs majeurs, les
grands organismes, les grandes associations. La division est patente, et je
doute très fort qu'au terme de la commission on soit arrivés à ce que 75 %
ou 80 % des grands acteurs sociaux soient d'accord avec l'interdiction du
port des signes religieux par les employés de l'État.
Je pense donc que le ministre doit faire
preuve d'ouverture. Je l'invite à aller regarder du côté du projet de loi
déposé par Québec solidaire l'automne dernier, un projet de loi qui faisait
largement consensus, qui s'appuyait sur les consensus actuels. Québec solidaire
avait fait l'exercice de renoncer temporairement à sa demande d'abolir le
financement des écoles privées religieuses, sachant justement que le débat n'était
pas mûr sur cette question. Mais que le ministre en fasse autant, qu'il soit
capable, lui aussi, de dire : O.K., sur les signes religieux, visiblement,
on ne s'entendra pas. Laissons ça sur la glace et avançons sur tout le reste
parce que, sur tout le reste, on peut avancer.
Sur la question plus particulière des
signes religieux, je crois que le Québec au complet fait une erreur en ce
moment en plaçant cette question au coeur d'un projet de laïcisation accrue des
institutions. C'est devenu, dirait-on, le symbole. Il y a interdiction, on est
laïque; il n'y a pas interdiction, supposément, on ne serait pas laïque.
Franchement, là, de façon… Si on pense au concept de laïcité tel qu'il a été
énoncé pour la première fois à peu près dans la loi de 1905 en France, on fait vraiment
erreur. C'est une question, c'est une mesure, mais on pourrait parler de
financement des écoles privées religieuses. C'est bien plus structurant, hein?
On pourrait le faire, le débat, là, puis tranquillement arriver à des consensus
là-dessus. On pourrait parler des exemptions fiscales accordées par l'État aux
églises et des exemptions de taxes douanières accordées pour des produits
religieux. Ça, c'est structurant.
Moi, je vous dirais même qu'on pourrait se
parler, dans le projet de loi de M. Drainville, de l'article 10 qui, non seulement
couvre les employés de l'État en matière de signes religieux, mais va beaucoup
plus loin, couvre des employés de toutes sortes de firmes qui contractent avec
l'État et qui seraient couvertes par le projet de loi. Il y a trop peu de gens
qui parlent de ça. Ça va très, très loin, ce projet de loi là. On pourrait même
se parler de l'article qui porte sur les questions déontologiques, l'article
12, les règles de déontologie touchant les médecins et les pharmaciens, à qui
on veut continuer de permettre de ne pas poser des gestes qui vont à l'encontre
de leurs convictions personnelles.
Mais alors, attendez. Ça, ça veut dire
qu'un médecin ou un pharmacien peut refuser de prescrire et de donner la pilule
du lendemain si c'est contraire à ses convictions religieuses, mais une femme
médecin portant un hidjab pourra, elle, parce que ça ne sera pas contraire à
ses convictions, prescrire cette pilule du lendemain. Vous voyez bien qu'il y a
là des aberrations qu'il va falloir que le ministre nous explique. Pour moi,
c'est bien plus dommageable pour les femmes de ne pas se voir prescrire quelque
chose auquel elles ont droit que d'être soignées par une femme portant un
voile.
En conclusion, je pense que, si on veut
que cette commission donne quelque chose, que les centaines d'heures que nous
passerons à écouter des gens soient utiles, il va falloir absolument écouter,
chercher à comprendre, entendre de nouveaux arguments. Il va falloir faire la
somme des contradictions et des incohérences qui nous traversent tous dans la
société québécoise sur ce sujet-là. Il va falloir être ouverts peut-être à de
nouvelles questions qui vont nous être posées. Mais il va falloir surtout, si
on peut se rendre jusque-là, c'est-à-dire à l'étude article par article, il va
falloir surtout, tout le monde, être prêts à faire des compromis pour qu'on avance
dans la voie de la laïcité et que ça se passe autrement que par une campagne
électorale. Je l'ai souvent dit, je pense que c'est le pire moment pour avancer
dans ce genre de débat à cause de la charge partisane qui est le moment d'une
charge la plus agressive et la plus émotive.
Alors, j'espère qu'on va agir aussi dans
tout ça, dans une logique d'inclusion, que le projet de loi qui sera
finalement, un jour, adopté sera celui qui pourra convenir à l'immense majorité
des Québécoises et des Québécois, toutes origines confondues. Merci.
Mme Biron (Martine)
: Il
y a, au sein de Québec solidaire, semble-t-il, une frange procharte assez
organisée, qui veut militer. Est-ce que c'est le cas?
Mme David
: Il y a, au
sein de Québec solidaire, depuis que nous avons adopté nos positions en congrès
en 2009, une petite frange de militantes et militants qui ne sont pas d'accord
avec notre position sur les signes religieux, mais d'accord avec tout le reste,
et qui ont formé un collectif sur la laïcité. Je ne vous apprends rien de neuf,
c'est public depuis plusieurs années. Donc, l'automne dernier, ils se sont
exprimés, l'un d'entre eux s'est exprimé par la voix des médias. Mais, écoutez,
on a eu un conseil national fin novembre, début décembre, il y avait de la
place pour discuter de la laïcité, là, abondamment, et finalement nos membres
continuent de nous dire assez massivement qu'ils sont d'accord avec notre
position.
Mais moi, je suis très à l'aise, je l'ai
dit souvent, avec le fait que nous soyons un parti démocratique et qu'au sein
de ce parti il puisse y avoir des gens qui aient des opinions différentes. Il
n'y a aucun problème.
Mme Biron (Martine)
:
Alors, cette frange-là est de combien de personnes, combien de militants? Est-ce
que, si elle se met à militer activement, elle va aller contre la ligne du
parti?
Mme David
: Chez nous,
le droit à la dissidence est reconnu dans les statuts de Québec solidaire et
cette dissidence peut même être exprimée publiquement. Elle l'a été l'automne dernier.
À ma connaissance, le collectif sur la laïcité compte une quarantaine de
personnes, c'est ce que je peux vous dire.
M. Dutrisac (Robert)
:
Un des principes évoqués par… le principe évoqué par M. Drainville concernant
le port des signes religieux, c'est le fait que la neutralité de l'État
s'incarne dans l'apparence… Ça, vous êtes contre. Vous êtes contre cette
notion-là.
Mme David
: Attendez.
On est évidemment pour la neutralité de l'État. Mais, quand on relit nos
classiques sur la laïcité, là, ce n'est pas du tout ça que ça veut dire,
neutralité de l'État. La neutralité de l'État, quand on parle de laïcité, ça
veut dire que l'État doit être neutre vis-à-vis l'ensemble des religions qui
existent sur son territoire. L'État n'en choisit aucune et l'État ne fait
surtout pas le choix entre appuyer des religions ou appuyer les gens qui n'ont
pas de religion, de la même façon que la séparation des pouvoirs entre les
Églises et l'État doit être absolument étanche. Et l'État, c'est dans le
concept de laïcité, doit aussi être l'organisme qui permet l'expression de la
diversité religieuse sur son territoire.
Il n'y a donc rien, absolument rien, dans
le principe de laïcité qui interdit à des employés de l'État — et il
faut voir le projet de loi, ça va très loin, les employés de l'État, là — de
porter des signes religieux. Le fait qu'un ou une préposée à la SAAQ, une
infirmière, un enseignant, etc., porte un signe religieux ne signifie en rien,
et tout le monde le sait, que subitement l'État québécois est devenu tantôt
musulman, tantôt juif ou tantôt catholique, là. Tout le monde sait ça et tout
le monde le sait tellement que, depuis 50 ans, depuis qu'on a une fonction
publique forte, qu'on a des institutions comme des écoles publiques, des hôpitaux
publics, etc., il y a des gens qui ont continué, par exemple, à porter des
croix. Est-ce que quelqu'un quelque part a remis en question le fait que ces hôpitaux,
ces écoles, ces centres de services sociaux étaient ou n'étaient pas laïques?
Ça ne tient pas la route à sa face même.
Donc, je comprends ce que M. Drainville
essaie de dire, mais je crois qu'on est en train vraiment de créer un faux
problème. Si on veut chercher des vrais problèmes, moi, je crois qu'il y en a
parfois autour des questions d'accommodement, mais je crois aussi que les
gestionnaires les gèrent de mieux en mieux. Cependant, vous le savez, nous
sommes tout à fait d'accord pour qu'il y ait, dans la loi, des balises. Il doit
y avoir des règles qui encadrent les demandes d'accommodement religieux, parce
que, ça, ça peut être plus problématique dans certains milieux. Ça, c'est une
vraie question. Mais moi, je vous le dis, j'ajoute qu'aussitôt qu'on aura
terminé tout ce pan-là de l'avancée de l'État dans sa laïcisation, j'ai bien
hâte, moi, qu'on parle de financement des écoles privées religieuses puis j'ai
bien hâte qu'on parle des exemptions fiscales que l'État accorde aux églises.
Ça, c'est structurant.
M. Dutrisac (Robert)
:
Maintenant, sur la question du tchador, est-ce que vous partagez le point de
vue du Parti libéral?
Mme David
: La réponse,
c'est non. Nous ne partageons pas en tous points l'opinion du Parti libéral,
comme vous le savez, sur un certain nombre de questions et, par exemple, de façon
beaucoup plus fondamentale, je crois, moi, que la recherche d'une société
harmonieuse, c'est une société qui est capable de trouver un équilibre entre le
respect des libertés individuelles, auxquelles Québec solidaire est attachée,
et le respect du droit collectif d'une nation de se développer sur la base de
valeurs communes.
Donc, de sacraliser les libertés
individuelles, ce n'est pas la tasse de thé de Québec solidaire et, de toute
façon, c'est une erreur factuelle. Il y a des moments, dans la vie des
sociétés, où on contraint quelque peu les gens en termes de libertés
individuelles; la loi 101 en étant un exemple plus patent.
M. Dutrisac (Robert)
:
Donc, il y a des signes religieux qui sont acceptables puis il y en a d'autres
qui sont des signes évidents de soumission des femmes…
Mme David
: Moi, je
trouve qu'à partir du moment où le signe religieux qui n'est… enfin, qui est un
signe, mais qui, là, devient un vêtement ample couvrant entièrement les femmes,
interdisant de voir la moindre forme du corps des femmes, comme si c'était
totalement impudique et qu'on ne pouvait pas le voir, je trouve que c'est
problématique.
J'ajoute aussi que ça me paraît absolument
impensable, tout simplement impensable qu'une femme portant un tchador veuille
être candidate pour Québec solidaire. Vous comprenez que, là, on est dans les
franges les plus conservatrices de la religion musulmane, tout comme j'aurais
de la misère à imaginer qu'un candidat ou une candidate évangéliste de droite
veuille être membre de Québec solidaire. Je vous rappellerai qu'on est un parti
féministe, qu'on a des positions très claires sur les droits reproductifs des
femmes, incluant le droit à l'avortement, et des positions très claires aussi
sur le droit des gais et lesbiennes, transgenres, bisexuels, et vous
comprendrez que tout ça, c'est assez incompatible avec les franges
conservatrices de toutes les religions.
Mme Lajoie (Geneviève)
:
Mais pensez-vous qu'une personne, une enseignante ou une fonctionnaire peut
porter le tchador?
Mme David
: Je trouve
que c'est une question qui mérite d'être regardée de très près à cause de ce
que je viens de dire. Quand on est rendu au tchador, on a le visage découvert,
ce qui est quand même un minimum, mais on est vraiment dans l'expression, je
dirais, d'un semi-enfermement des femmes, dont on ne peut plus voir du tout les
formes, et, pour moi, le corps des femmes est une belle chose, comme le corps
des hommes aussi d'ailleurs, et on peut les montrer.
Mme Lajoie (Geneviève)
:
Donc, vous n'avez pas de position ferme là-dessus.
Mme David
: Pardon?
Mme Lajoie (Geneviève)
:
Donc, vous n'avez pas de position ferme sur le tchador.
Mme David
: Bien, il me
semble que c'est assez ferme, là, ce que je viens de dire.
Mme Lajoie (Geneviève)
:
Bien, est-ce qu'un fonctionnaire ou un enseignant peut porter, selon vous, le
tchador?
Mme David
: C'est une
question, je vais être honnête avec vous, qu'on n'a pas discutée
parce qu'on ne se l'est jamais posée comme telle. Ça nous paraît tellement
hypothétique, là, on ne l'a pas discutée à Québec solidaire.
Je vais donc vous donner ma position personnelle
et je n'engage que moi. Moi, je pense que c'est très difficile à imaginer. Sincèrement,
c'est difficile à imaginer, c'est… Rendu là, c'est dur de tracer la frontière.
C'est ça que je comprends qui est difficile. Mais, rendu là, je trouve qu'on
est tellement dans une image où, en fait, c'est comme si les femmes avaient à
peine le droit d'exister. Pour moi, c'est incompatible, par exemple, avec une
fonction pédagogique.
Mme Lajoie (Geneviève)
:
Mais il y en a-tu?
M. Corbeil (Michel)
:
Bien, vous êtes contre. C'est ça?
Mme Lajoie (Geneviève)
:
Il y en a-tu, des enseignantes qui portent le tchador?
Mme David
: Bien, premièrement,
je pense qu'il n'y en a pas. Moi, je n'en ai jamais vue, en tout cas, ou...
Mme Lajoie (Geneviève)
:
Oui, mais c'est la même question qu'on posait à M. Couillard. M. Couillard
disait aussi... avait le même discours que vous, là, c'est-à-dire, bien, ce
n'est pas possible...
Mme David
: M.
Couillard n'a pas le même discours que moi. D'abord, je vous rappellerai que le
Parti libéral patine allègrement sur cette question. Moi, je viens de vous dire
que, pour moi, c'est assez inconcevable qu'une personne veuille se porter
candidate pour Québec solidaire en portant un tchador. C'est inimaginable de
son point de vue à elle et de notre point de vue à nous. Moi, je suis claire là-dessus,
là. Donc, non, je ne peux pas m'imaginer qu'il y ait une élue à l'Assemblée
nationale portant le tchador.
Pour ce qui est de l'enseignement, ça me
paraît tout aussi inimaginable à cause de l'aspect pédagogique. Bref, non, vous
ne ferez pas de moi quelqu'un qui va être bien proche du port du tchador.
Mme Lajoie (Geneviève)
:
Vous parlez des formes des femmes, tout ça, mais, par exemple, le... Je ne sais
pas si... En tout cas, je ne connais pas bien ça, mais la djellaba, ou des
trucs comme ça, ou les habits africains, souvent, ça couvre le corps des femmes
au complet pour ne pas montrer, justement, les formes. Est-ce que ça aussi...
Mme David
: Je suis
allée en Afrique et j'ai vu bien des boubous féminins qui, je vous le jure,
sont très jolis, très féminins et ne poseraient aucune espèce de problème.
M. Gagné (Louis) : Mais est-ce
que le voile ne procède pas, bien, à un degré différent de la même logique que
le tchador, c'est-à-dire le tchador, c'est juste le pousser plus loin, parce
que, bon, les formes, c'est honteux. Mais, en couvrant les cheveux et tout ça, est-ce
qu'il n'y a pas... est-ce que ce n'est pas un peu la même chose, mais à un
degré moindre? Est-ce qu'on...
M. Dutrisac (Robert)
:
C'est un symbole de soumission, comme dit la Fédération des femmes.
Mme David
: Nous, ce
que nous disons sur le voile à Québec solidaire, c'est que ça n'est certainement
pas un morceau de tissu anodin. Moi, de toute façon, je pense que je l'ai dit
assez souvent, vous devez connaître ma position là-dessus, je ne suis pas une
provoile. Ça n'est pas anodin. Pour moi, ça symbolise clairement le rôle de
citoyenne de seconde… seconde zone, pardon, au sein de l'islam, pour ce qui est
des femmes. Maintenant,j'ajouterai, pour mon plaisir à moi, que toutes
les religions infériorisent les femmes, y compris la religion catholique que je
connais très bien.
Donc, ce que l'islam y ajoute… pour certaines femmes, hein, parce que
l'immense majorité des femmes musulmanes, je vous rappelle, ne portent pas de
voile ni de signe religieux, mais il y en a qui le portent, il y en a qui le
font par pression sociale, familiale. Oui, dans notre pays et dans d'autres
pays, c'est de toute façon, la règle, elles ne peuvent pas ne pas le porter, ce
qui, pour moi, est inconcevable, ce qui est odieux. Et donc, oui, dans tous ces
signes-là, dans tous ces vêtements-là, à des degrés divers, vous avez raison, il
y a un symbole, et ce symbole, certains vont dire, c'est celui de la soumission
des femmes. Moi, pour avoir rencontré des femmes qui portent le voile, je
trouve ça difficile de dire ça parce que j'ai rencontré des femmes qui sont
tout sauf soumises.
Donc, c'est plus pour moi un symbole du
rôle, de la place que les femmes occupent dans l'islam. Comme je vous dis, les
femmes catholiques ne portent pas de signe religieux, mais elles ont la même place :
interdiction d'avorter, interdiction de pouvoir contrôler ses fonctions
reproductives, interdiction d'être ordonnées prêtres. Je vous rappellerai que
l'Église catholique n'est pas exempte de sexisme elle non plus. Mais, oui, il y
a un symbole là, puis, oui, c'est difficile, à un moment donné, de savoir où
tracer la ligne. Il n'y a rien de simple, il n'y a rien de clair, mais voilà justement
pourquoi il faut en discuter avec sérénité.
M. Corbeil (Michel)
:
Sur le tchador, vous avez dit : J'ai une position personnelle. Est-ce que
le parti va trancher? Parce que vous dites : c'est telle…
Mme David
: Ce sont des
choses qu'on va devoir discuter, mais sincèrement, là, je vous rappelle qu'on
est dans une commission parlementaire autour d'un projet de loi qui, lui, ne
s'embarrasse pas de, comment je dirais, de nuance, hein, qui dit :
Non, il n'y aura pas de signe religieux, même pas une croix, rien, rien, rien,
d'un bout à l'autre, dans toute la loi, parmi tous les employés des services
publics, y compris les employés d'entreprise faisant affaire à l'État, ce qui
va très, très, très loin, là.
Alors, on n'est tellement pas dans ce
débat-là. Je sais que c'est conceptuellement un débat intéressant puis je
comprends que vous me posiez la question, mais, honnêtement, ce n'est pas ça le
sujet. Le sujet, c'est : est-ce que, oui ou non, les employés de l'État
pourront porter des signes religieux? Si oui, pourquoi, sinon pourquoi? Puis,
pour moi, le sujet, c'est : est-ce qu'on pourrait arrêter d'en faire le
symbole majeur et principal de la laïcité de l'État? Ça, c'est important.
M. Dutrisac (Robert)
: Mais
vous avez parlé de compromis. Donc, sur ça, il n'y a pas de compromis possible.
Je comprends que…
Mme David
: Du côté de
Québec solidaire?
M. Dutrisac (Robert)
:
Oui.
Mme David
: Sur la question
du port de signes religieux, Québec solidaire a avancé sa position, c'est celle
de l'interdire pour les personnes en situation d'autorité coercitive et pour la
présidence de l'Assemblée nationale. Pour le moment, c'est là qu'on arrête.
M. Dutrisac (Robert)
:
Pour le moment? Parce que, là, vous avez parlé que les partis… ça devrait être
hors partisanerie, ce débat-là, il devrait y avoir des compromis qui soient
faits de part et d'autre. Donc, vous êtes ouverte à une certaine forme de
compromis là-dessus. On parle des enseignants...
Mme David
: En tout
cas, on est certainement ouverts à la discussion, mais, à un moment donné, il
va falloir aussi assumer les choix qu'on fait. Nous, nous pensons qu'un employé
de l'État peut porter un signe religieux sans porter atteinte à la laïcité de
l'État et de ses institutions. Et, si on commence à dire : O.K. on va
laisser les hôpitaux de côté… Vous savez, d'ailleurs, le gouvernement leur a
déjà prévu pas mal d'années de transition, hein? Moi, je pense qu'ils n'y arriveront
jamais de toute façon.
On finit par se concentrer sur
l'enseignement et les services de garde, puis là il y a des mots que
probablement le gouvernement n'ose pas trop dire. Ça n'est plus au nom de la
laïcité qu'ils se concentrent sur l'enseignement et les services de garde, c'est
à cause de ce fameux voile et du message que, selon le gouvernement, il envoie.
On est dans un tout autre débat, puis ce débat-là va devoir être nommé à un
moment donné. Mais, si on en arrive là, que c'est uniquement… ce sont
uniquement les employés de l'enseignement et des services de garde qui sont
interdits de signes religieux, on vient de toucher de plein fouet qui? Les
femmes musulmanes portant le voile qui travaillent de façon assez nombreuse,
comme par hasard, dans l'enseignement et les services de garde. Vous comprenez
que, pour Québec solidaire, ça pose un gros problème.
Mme Lajoie (Geneviève)
:
C'est quoi, selon vous… Vous pouvez le nommer, vous, c'est quoi le débat?
Mme David
: Bien, un
des débats, c'est clairement le débat dont on est en train de discuter, là,
autour du voile. Il faut le nommer, il faut être capable de le dire. Parce que,
j'ai relu attentivement le projet de loi, il y a tellement de mesures de
transition qui sont accordées aux municipalités et à tous les établissements de
santé et de services sociaux, établissements d'enseignement supérieur, il reste
quoi? Sérieusement, là, à court terme, il reste les écoles et les services de
garde. Et qu'est-ce qui se pose dans ces milieux-là comme question sur les
signes religieux? La question du voile. Il n'y aurait que les croix, là, est-ce
qu'on serait vraiment en train de faire une commission parlementaire avec 250
mémoires? Moi, je crois que non. Honnêtement, je crois que non.
Mme Lajoie (Geneviève)
:
Donc, vous pensez que le Parti québécois vise vraiment une religion en
particulier?
Mme David
: Oui. Il
vise aussi, bon, l'avancement.
Mme Lajoie (Geneviève)
:
…en emploi, notamment?
Mme David
: Oui, le
Parti québécois a aussi de bons côtés. Je veux dire, dans le projet de loi, il
y a articles où j'ai coché oui. À Québec solidaire, on est d'accord avec
plusieurs aspects, là, de la charte du Parti québécois, là. Mais, sur la
question des signes religieux, pour moi, c'est très clair, ce sont les femmes
musulmanes qui sont voilées… qui sont voilées et qui sont visées. Merci
beaucoup.
(Fin à 9 h 24)