(Neuf heures trente-trois minutes)
Mme David
: Bonjour.
Mon collègue et moi, nous allons rencontrer le ministre des Finances à 4 heures,
cet après-midi, dans le cadre des consultations prébudgétaires. Évidemment,
vous comprendrez que c'est sans grande illusion que nous allons essayer de lui
apporter nos propositions, puisque, si on en croit les rumeurs, le budget est probablement
presque terminé et sera présenté très bientôt. Mais toutefois, nous tenons à
participer à cette consultation pour dire au ministre des Finances et au
gouvernement du Québec : Arrêtez de faire semblant de nous préparer un
budget de prospérité, vous faites exactement la même chose que l'ancien
ministre des Finances, et ça, vous le faites depuis 18 mois. Vous êtes dans
l'austérité, vous êtes dans les compressions. En fait, si je voulais ironiser
un peu, je dirais que je crains très fort que nous ayons un budget conservateur
la semaine prochaine au Québec.
Le document de consultation prébudgétaire
nous parle très peu, en fait, de prospérité, mais annonce des mesures
d'austérité tout à fait conséquentes d'ailleurs avec ce qu'on connaît depuis 18
mois. Par exemple, on ne va pas chercher de nouveaux impôts, de nouvelles
taxes, y compris chez les gens les plus fortunés ou dans les grandes
entreprises. On préfère augmenter les taxes et les tarifs de la classe moyenne
et des gens à revenus modestes. On met le garrot sur le financement des services
publics. 2 % d'augmentation, concrètement, ça veut dire nécessairement des
coupures. Nous le vivons dans nos circonscriptions, dans les CSSS, nous le
voyons dans les commissions scolaires, nous le voyons partout.
L'austérité, c'est une hausse des tarifs d'électricité
qui pourrait atteindre 22 % sur quatre ans et 5,8 % dès cette année,
ce qui est énorme pour les gens ordinaires. C'est aussi la multiplication de d'autres
hausses : hausse des tarifs de transport en commun, possiblement hausse
des tarifs en services de garde. Là-dessus, le gouvernement se garde bien
d'annoncer ses vraies couleurs. On continue d'avoir des frais accessoires dans
la santé. Bref, on est vraiment dans une situation de budget d'austérité, c'est
ce qu'on vit depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois. Nous craignons
très fort que ce soit comme ça qu'on continue.
M. Khadir
: En fait,
souvent, le gouvernement va invoquer le fait qu'on ne peut pas aller d'autres
revenus. C'est parfaitement faux, c'est un choix politique. Le premier exemple
qui me vient à l'esprit, il s'agit de Pharma-Québec, par exemple. Ça fait des
années qu'on en fait la proposition. À chaque fois qu'on présente le projet,
personne ne peut contester les chiffres. On se rappelle que l'Ontario, déjà
depuis 2006, a une politique d'achats groupés des médicaments qui lui permet de
faire des économies suivant les chiffres officiels qu'ils peuvent
avancer. Étant donné les ententes secrètes, c'est limité ce qu'ils peuvent
dire là-dessus, mais c'est 500 millions au moins. Moi-même, j'ai
rencontré des responsables. 500 millions, au moins de réduction de dépenses
inutiles, des prix des médicaments qu'on paie en trop. On sait qu'en
Nouvelle-Zélande un gouvernement conservateur a réussi à réduire de 65 %
ces coûts de médicaments. Ça, ça veut dire 2 milliards, si c'était
aujourd'hui au Québec, pour la RAMQ.
Donc, vous voyez bien à quel point le
gouvernement peut réduire des dépenses inutiles pour les consacrer à d'autres
besoins, mais, en plus, il y a des revenus. Le gouvernement libéral, en 2007, a
aboli la taxe sur le capital des entreprises sans faire de distinction entre
entreprises petites et moyennes, qui créent des emplois, qui doivent investir
dans leurs équipements, etc., et les entreprises financières. Or, le gros de ce
cadeau fiscal a été gobé par des banques et des entreprises financières qui
sont l'investissement spéculatif. Ils n'en ont pas besoin, c'est entre 600 et
800 millions, dépendamment de comment on le calcule, mais juste rétablir
une taxe qu'il y avait avant aux banques et aux entreprises financières, c'est
un autre 600 millions, au bas mot, de revenus pour l'État.
Enfin, il y a le gain de dividende et le
gain de capital. Vous savez qu'ils sont imposés à moitié. Autrement dit, moi,
comme médecin, si je travaille à voir des patients, mon impôt s'applique à
l'ensemble de mes revenus, mais si je mets cet argent-là, qui travaille pour
moi, dans la bourse et j'ai le même revenu, bien, c'est la moitié de cet
argent-là qui est imposé. Et vous savez qui en profite, essentiellement? C'est
les gens les plus fortunés, qui ont des investissements capitalisés ou touchent
des dividendes.
C'est 800 millions de dollars de
revenus supplémentaires que le gouvernement pourrait aller chercher. Alors,
faites les calculs, entre 2,5 et 3,5 milliards de dollars de revenus
supplémentaires que le gouvernement, juste en ces trois chapitres là, peut
aller chercher. Donc, je pense que le gouvernement ne peut pas invoquer qu'il
n'a pas de revenus, c'est une question de choix. On décide d'imposer ces
choix-là, de serrer la ceinture des gens ordinaires, d'augmenter leurs tarifs,
d'augmenter leurs coûts ou on le fait à ceux qui sont déjà très, très fortunés,
les banques, les entreprises multinationales pharmaceutiques.
M. Caron (Régys)
: Ne
croyez-vous pas que, ce faisant, si le gouvernement, là, adoptait les mesures
que vous suggérez, ils joueraient le jeu du fédéral qui, selon le ministre
Marceau, ramène le déséquilibre fiscal?
Mme David
: Attention.
On sait très bien — on s'est documentés, quand même, là — que
le gouvernement fédéral peut diminuer la péréquation à l'égard du Québec si
l'on augmente de façon importante les redevances au niveau des ressources
naturelles et que ça nous rapporte beaucoup d'argent. Là, il y a effectivement
un enjeu, pas si on adopte les mesures dont mon collègue vient de parler.
M. Khadir
: Aucun rapport,
et, de toute façon, un gouvernement indépendantiste… à un moment donné, un gouvernement
est indépendantiste ou pas. Il choisit les politiques qui, à long terme,
l'avantagent ou pas. On ne peut pas continuellement faire le quêteux au niveau
fédéral et se dire indépendantiste. Il y a des choix à faire, le peuple du
Québec a besoin de voir un gouvernement qui est décidément et assurément
investi d'une capacité d'agir souverainement en fonction des meilleurs intérêts
de la population.
M. Laforest (Alain)
:
Justement, à Ottawa, hier, ce qui a circulé après la sortie du ministre des
Finances, c'est que le gouvernement du Québec était dépendantiste par rapport à
Ottawa.
Mme David
: Il y a tellement
de démagogie qui se fait autour de ça. Ça s'est beaucoup dit, dans les
dernières semaines, qu'il y avait énormément d'argent qui était donné au Québec,
mais, si on calcule ces montants-là per capita, c'est-à-dire au prorata de la population
du Québec, on reçoit moins qu'au moins, de mémoire, là, quatre provinces
canadiennes. Donc, qu'ils arrêtent de nous bassiner à Ottawa.
Et j'en profite pour dire que leur budget,
leur budget conservateur, est une véritable honte à toutes sortes de niveaux,
mais aussi et entre autres parce qu'il empiète sur les compétences du Québec en
matière de formation de la main-d'oeuvre et que ça, c'est inacceptable.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Pourrait-il y avoir un transfert d'espace fiscal entre Ottawa et Québec, selon
vous?
M. Khadir
: Oui. La
réponse à ça, c'est l'indépendance du Québec, tout simplement. Vous savez où on
loge, un gouvernement Québec solidaire, dans son premier mandat, engage un
véritable processus d'accession à l'indépendance. Donc, c'est des questions
qu'on peut toujours poser en termes particuliers sur quelques points d'impôt,
mais nous, on a choisi la voie de l'indépendance, d'une action énergique pour
mener le peuple québécois à un choix clair sur son destin et sur son avenir.
Mme David
: Merci
beaucoup.
M. Khadir
: Merci.
(Fin à 9 h 40)