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Point de presse de M. Philippe Couillard, chef de l'opposition officielle

Version finale

Tuesday, February 18, 2014, 15 h 32

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Quinze heures trente-deux minutes)

M. Couillard : …un peu de cette question de Pétrolia, que j'ai soulevée ici à la période de questions, pour dire que ce qui me déçoit beaucoup dans la façon dont le gouvernement a procédé, c'est que, moi, j'y crois à l'exploitation des ressources naturelles puis les hydrocarbures au Québec, il faut qu'on les exploite, on doit les exploiter, mais le gouvernement a très mal choisi la façon dont il fait ses débuts dans ce secteur-là. Tout est dans le montant et la façon dont on met l'argent du contribuable à risque parce que c'est ce qui vient d'arriver ici. Le gouvernement du Québec, ce n'est pas une société de capital de risque. Il y a des sociétés qui remplissent ce montant-là… ce mandat-là, pardon, du côté du capital privé et ce n'est pas aux contribuables de le faire.

J'ai parlé du rapport Sproule, je voudrais vous le signaler parce que vous pouvez le trouver sur le site Web de la compagnie Pétrolia. C'est un rapport destiné aux actionnaires, fait par une firme de consultants de Calgary, qui indique à quel point le niveau de probabilité qu'il y ait du pétrole exploitable à Anticosti est faible et que rien n'a encore été démontré. Donc, on met l'argent du contribuable en jeu à un niveau beaucoup plus précoce de l'exploration, avant que la ressource soit véritablement confirmée.

L'analogie que je pourrais faire, puis c'est pour ça que je regrette beaucoup qu'on procède de cette façon-là : si on fait ça, à ce stade-là, pour le pétrole, qu'est-ce qui empêche un entrepreneur d'exploration minière québécois qui pense avoir trouvé une mine de cuivre dans le Nord, de venir voir le gouvernement, il dit : Écoute, la roche a l'air d'avoir du cuivre. Je ne sais pas s'il y en a, mais je voudrais avoir ma subvention pour voir s'il y a du cuivre, puis, ensuite, tant mieux si ça marche, mais tant pis si ça ne marche pas. Alors, ce n'est pas au contribuable de prendre ce risque-là. Le risque du contribuable, on peut le prendre, il y a un risque mesuré qui est acceptable, mais c'est beaucoup, beaucoup trop précoce actuellement.

Ce qu'il aurait fallu faire — parce que la question qui pourrait venir : qu'est-ce que, vous, vous auriez fait? Je la devine déjà sur vos lèvres — d'abord, je pense que toute la question de la filière des hydrocarbures a besoin d'être étudiée par le moyen d'une évaluation environnementale stratégique qui regarde l'ensemble de la question, autant le gaz naturel que le pétrole. Dans le pétrole au Québec, finalement, on a trois sites intéressants ou potentiellement intéressants : il y a Anticosti, que je vous ai parlé du rapport Sproule; il y a la péninsule gaspésienne, à Haldimand; et puis il y a et puis il y a le site Old Harry dans le golfe. Essentiellement, c'est là que se trouvent probablement nos gisements de pétrole. Il faut le regarder de façon méthodique.

Sur le projet, ici, qui est devant nous, avant… moi, avant de mettre de l'argent public, j'aurais dit à l'entreprise : Vous allez continuer à lever des capitaux privés et vous allez vous rendre jusqu'à l'exploration plus avancée, où on va faire un puits vertical, un puits horizontal puis on va être capables de mesurer la quantité de ressource qu'il y a puis son degré d'exploitabilité. Parce que vous avez bien noté, dans les différents articles, tout le jeu ici dépend d'abord de la quantité de milliards de barils de pétrole qu'il y a ou qu'il n'y a pas — on ne le sait pas — puis le pourcentage, donc, qu'on est capables d'aller chercher. Toute la rentabilité puis le calcul financier dépendent de ça, et, actuellement, on ne dispose pas des informations nécessaires pour poser ce jugement-là. Il aurait fallu avoir cette information pour prendre cette décision.

Puis je terminerais en disant que la meilleure façon de mettre l'argent du contribuable ou de faire récolter des bénéfices aux contribuables en minimisant le risque, qui n'est d'ailleurs pas fait actuellement par le gouvernement, c'est d'avoir un cadre réglementaire, un cadre de redevances puis d'avoir un système de redevances qui monte et descend selon le niveau de production et de rentabilité des puits. C'est la façon dont beaucoup de pays procèdent. Moi, je n'exclus pas la prise de participation de l'État à des entreprises d'exploitation pétrolière, mais, encore une fois, j'en suis contre le moment où c'est choisi, dans un gisement qui m'apparaît encore loin d'être confirmé. Et ce qui met la puce à l'oreille, comme on l'a constaté, c'est le manque d'intérêt assez total des joueurs majeurs de l'industrie pétrolière pour ce gisement-là. Alors, voilà.

M. Journet (Paul) : Qu'est-ce que vous pensez de l'autre modèle, qui était celui du gouvernement Charest, avec l'entente secrète qui a été révélée il y a quelques mois? C'était une bonne entente puis c'était un bon modèle?

M. Couillard : D'ailleurs, cette entente-là a été, en général, saluée positivement par les observateurs parce que le montant était minime. Il y avait un montant en plus des redevances, le gros du rendement était obtenu par les redevances, puis il y avait un petit pourcentage également de participation éventuelle. Mais ça n'a rien à voir avec ce qu'on nous a mis là.

M. Journet (Paul) : Mais lequel modèle préférez-vous : la prise de participation à un stade un peu plus tard ou le modèle du gouvernement Charest?

M. Couillard : Regardez la Norvège. Regardez la Norvège, ils prennent des parts de participation dans l'exploitation pétrolière, mais ils embarquent à un stade plus tardif. Moi, j'aurais préféré qu'on attende le stade… parce qu'il faut lire le rapport, parce que c'est bien expliqué là-dedans quelles sont les étapes. La prochaine étape d'exploration, c'est de faire un puits vertical, ensuite un puits horizontal pour voir véritablement est-ce qu'il y a du pétrole, oui ou non, quel est le pourcentage d'extraction qu'on peut envisager? Là, on fait un modèle financier puis on voit si c'est rentable ou pas.

M. Dutrisac (Robert) : Le précédent ministre des Finances avait créé deux sociétés : Ressources Québec, qui est le véhicule qui est utilisé; il y avait aussi une espèce de société de capital de risque. Donc, il y avait une volonté, l'ancien gouvernement libéral, d'investir...

M. Couillard : Oui, je suis d'accord avec ça. C'est une question, M. Dutrisac… je répète, ce n'est pas le principe de l'investissement puis de la participation, c'est le moment dans l'histoire d'un projet où on choisit de mettre l'argent à risque. Il faut gérer ce risque-là puis il faut le déterminer exactement, et ce n'est pas de l'argent à nous, c'est l'argent des autres, c'est l'argent des contribuables, donc il faut être encore plus prudent au moment de choisir le moment où on met l'argent en jeu.

M. Dutrisac (Robert) : Mais l'idée d'avoir l'État dans un projet aussi tôt, c'est aussi une question d'acceptation sociale. C'est l'argument que le gouvernement sort puis c'est un argument qui a, à mon avis, un certain sens, c'est-à-dire que les Québécois n'accepteraient pas que l'île d'Anticosti soit, disons, exploitée par seulement l'entreprise privée. Il y a une grande réticence à cet égard.

M. Couillard : Mais encore une fois, M. Dutrisac, moi, je suis d'accord avec la participation de l'État dans les entreprises d'exploitation pétrolière ou gazière. Je souhaite que ça se fasse. Toute la question, tout le jeu est de déterminer le moment où vous choisissez de prendre le risque, et vous ne le prenez pas pour vous, vous le prenez au nom des contribuables du Québec. Et c'est ce que je critique dans ce projet-là, ce n'est pas le fait qu'on exploite éventuellement le pétrole, c'est le fait qu'on le fasse… qu'on mette en jeu l'argent des contribuables à un niveau beaucoup… à un moment beaucoup trop précoce.

Alors, je vous recommande, en passant, de lire ce rapport. Je sais que c'est un peu aride, il y a des tableaux, et on voit les différentes possibilités d'estimés : bas, moyen, élevé. En passant, ce qu'a choisi de publier le gouvernement, c'est l'estimé élevé, qui a à peu près 10 % de chance de se réaliser, s'il y a du pétrole. Je vous donne ça en passant, là, vous pourrez le voir dans le rapport. Maintenant, on choisit ses chiffres, naturellement, quand on fait ce genre de communication là. Alors, ce n'est pas, encore une fois, le principe de participation de l'État à l'exploitation pétrolière, c'est le moment où on choisit de mettre des fonds publics. Ce n'est pas des investisseurs privés, c'est l'argent public qui est mis en jeu.

M. Dutrisac (Robert) : Mais l'argument, c'est de dire : Ces compagnies-là ne pouvaient pas aller chercher des capitaux.

M. Couillard : Bien, pourquoi?

M. Dutrisac (Robert) : Parce que, justement, compte tenu des risques…

M. Couillard : La question se pose. Bien oui.

M. Dutrisac (Robert) : …aussi du risque réglementaire. Avec toute l'histoire du gaz de schiste, où il y a eu une grosse opposition, si l'État n'embarquait pas, je veux dire, le projet est mort-né.

M. Couillard : Bien, je vous ferai remarquer que l'État a adopté un règlement pour permettre la fracturation hydraulique à Anticosti spécifiquement pour ce projet-là. Donc, il n'y avait plus d'incertitude réglementaire, le règlement a été adopté.

Mais ce que vous soulevez, M. Dutrisac, c'est assez central. Ce qu'on est en train de dire… je ne dis pas que c'est ce que vous dites, là, mais ça va jusque-là. On dit : Bien, parce qu'il n'y a pas d'entreprise... d'investisseur privé intéressé, il faut que l'État prenne la place. Peut-être que la raison pour laquelle il n'y a pas d'investisseur privé intéressé, c'est les mêmes que je vous... celles que je vous exprime. Il faut réfléchir à ça, il faut bien l'évaluer.

M. Lavallée (Jean-Luc) : M. Couillard, le chiffre de 45 milliards, donc, pour vous... vous parlez de l'estimé élevé. Donc, pour vous, c'est de la poudre aux yeux, ça?

M. Couillard : Bien, je ne le sais pas. Moi, je vous renvoie au texte. Vous allez voir, il y a un tableau, dès le début du rapport, qui donne trois niveaux de possibilités en termes de quantité totale de barils de pétrole, et on est dans les milliards de barils, et là vous appliquez le pourcentage d'extraction, qui est, en passant, critique, entre 1 % et 5 %, les gens ne s'entendent pas là-dessus. Alors, il y a trois niveaux. En gros, c'est 19, 30 puis 45. Alors, le gouvernement a choisi de prendre 45, puis, si vous regardez le tableau, c'est le chiffre qui a la plus faible probabilité de se réaliser.

M. Lavallée (Jean-Luc) : En même temps, le précédent gouvernement avait promis aussi des dizaines de milliards en retombées pour le Plan Nord, ce qui était hautement hypothétique, là.

M. Couillard : Bien, il n'y a plus de Plan Nord, tu sais, ce n'est pas difficile.

M. Lavallée (Jean-Luc) : Oui, mais la méthode... c'est la méthode...

M. Couillard : Et d'ailleurs, en passant, on va le remettre en place, le Plan Nord. Mais, encore une fois, là, il ne s'agit pas de dire... Dieu seul sait à quel point, nous, les libéraux, on est pour l'exploitation des ressources naturelles, les mines, les hydrocarbures. On ne peut pas se permettre, au Québec, de ne pas les exploiter.

La question que je soulève n'est pas le principe de la participation de l'État ou non dans les entreprises pétrolières. C'est le moment choisi et le profil de risque du projet qui m'apparaissent discutables. Je soulève la question... vous avez vu, je n'ai pas eu de réponse directe à ça, je n'ai pas eu aucune réponse qui revenait sur la question de risque et sur la question du moment de l'investissement. Alors, je vous suggère de lire le rapport.

M. Pépin (Michel) : Mais vous êtes conscient... M. Couillard, vous êtes conscient qu'évidemment, si on attend... je comprends très bien ce que vous voulez dire, mais aussi, en contrepartie, si on attend davantage d'assurances en ce qui a trait au pétrole, ça risque de coûter plus cher à l'État d'investir.

M. Couillard : Oui, mais là, c'est... absolument, mais là vous appliquez le raisonnement d'une société de capital de risque, ce que le gouvernement n'est pas. Alors, il faut qu'il choisisse d'abord le mode d'intervention. Ça peut être une prise de participation dans la société ou ça peut être un simple système de redevances dans lequel le risque pour le contribuable est minime.

M. Pépin (Michel) : Ou une prise de participation dans un projet comme il le fait actuellement.

M. Couillard : Dans un projet plus avancé. Moi, je n'aurais pas pris de participation à ce stade-là. Évidemment, la logique qu'on entend, c'est que, si on le fait plus tôt, ça va coûter moins cher que si on le fait plus tard. Mais, si on perd, on perd également beaucoup.

Lorsque j'entends Mme Marois dire : Bien, c'est formidable, on est majoritaires... bien, on va être majoritaire des pertes, s'il y en a, aussi. Et c'est ça qu'il faut réaliser.

M. Lacroix (Louis) : M. Couillard, pourquoi vous avez refusé d'accorder davantage de temps pour le débat sur les trois projets de loi, là, qui sont vraiment au coeur de l'agenda législatif? M. Bédard avait demandé de reporter un débat de deux heures sur Télé-Québec, et votre leader, M. Moreau, a refusé. Pourquoi?

M. Couillard : Bien, je regrette, ce n'est pas ce qui s'est produit. Ce qui est en train d'arriver, c'est que le gouvernement, malheureusement, est en train d'essayer de passer à la vapeur le projet de loi n° 52 sur les soins de fin de vie. Et je vais le répéter, je vous l'ai dit, je ne sais pas si vous étiez au point de presse tantôt en bas, j'ai dit : Moi, j'ai permis, puis je suis convent de l'avoir fait sur un sujet aussi sensible et personnel, un vote libre des députés libéraux. Ce n'est pas vrai que je vais empêcher un député libéral ou une députée libérale qui veut exprimer les raisons de son vote… D'ailleurs, je vais probablement le faire moi-même. Qu'on vote pour ou contre, il y a le moment, qui est rare au Québec, où un député ou une députée rend compte individuellement de son vote, et ça, c'est un moment, pour moi, qui est très important. Alors, ce qu'on essayait de nous faire faire, c'est de limiter ou même de diminuer au maximum le nombre d'intervenants, et je ne peux pas faire ça.

M. Lacroix (Louis) : …sur Télé-Québec, là, si on le reporte, on récupère deux heures, là, pour étudier d'autres projets de loi, là. Pourquoi vous refusez ça?

M. Couillard : C'est le leader qui est en conversation avec l'autre leader, puis tout ça est lié, là. Il n'y a pas un élément qui est dissocié ou qui flotte en l'air tout seul. C'est que c'est dans un ensemble de demandes qu'on nous fait, qui visent toutes à accélérer et à réduire le temps d'intervention des députés sur le projet de loi n° 52.

Puis je veux répéter que ce n'est pas pour bloquer la procédure parlementaire. C'est un projet tellement important, tellement personnel que les députés, d'ailleurs qu'elles votent ou qu'ils votent contre ou pour, veulent avoir… puis ils auront 10 minutes. Ce n'est pas beaucoup, 10 minutes, pour expliquer comment on en vient à la décision de voter pour ou contre un projet semblable. Moi, je veux que chaque député qui veut s'exprimer le fasse.

M. Lacroix (Louis) : Mais M. Bédard va demander, en fait, d'aller récupérer ou peut-être d'étirer les débats…

M. Couillard : Bien, il négociera avec M. Moreau. M. Moreau est un homme…

M. Lacroix (Louis) : …mais est-ce que vous êtes ouvert à débattre plus longtemps d'ici la fin de la semaine?

M. Couillard : M. Moreau est un homme très ouvert. Nous, on est là pour travailler. Merci. Au revoir.

(Fin à 15 h 44)

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