(Treize heures trente-quatre minutes)
Mme Vallée
:
Alors, bonjour, bon vendredi. Aujourd'hui, en
compagnie de mon collègue le ministre responsable des Affaires
intergouvernementales canadiennes et de la Francophonie canadienne, on voulait
vous faire connaître notre réaction à la suite de la décision de la Cour
suprême du Canada concernant la réforme du Sénat.
Donc, évidemment, vous ne serez pas
surpris de nous entendre dire que le gouvernement du Québec accueille
favorablement la décision de la Cour suprême, qui déclare inconstitutionnel le
projet de loi qui était proposé par le gouvernement fédéral afin de modifier le
Sénat. C'est une décision historique qui, combinée aux récentes décisions
rendues par la Cour suprême du Canada, démontre l'importance de la
collaboration entre les provinces et le gouvernement fédéral. Nous sommes
heureux de voir l'avis de la Cour suprême confirmer la position du Québec,
selon laquelle toute modification au mode de sélection des sénateurs et à la
durée de leur mandat doit se faire dans le cadre de
négociations multilatérales et avec l'accord d'une majorité de provinces, et
ce, en raison des conséquences sur les institutions et le fédéralisme.
En clair, l'avis est révélateur d'une
approche qui est la nôtre. Nous sommes partisans du dialogue pour tout
changement au sein de la fédération canadienne. Le gouvernement fédéral ne peut agir seul, la Cour suprême du
Canada vient de nous le confirmer une fois de plus.
Dans les
faits, la Cour suprême reconnaît aux provinces un droit de participation aux
modifications constitutionnelles mettant en cause leurs intérêts. Selon la
cour, un des objectifs des procédures de modification prévues à la Constitution
de 1982 est de restreindre les pouvoirs du fédéral de modifier unilatéralement
la Constitution. C'est une confirmation sans équivoque que nous accueillons
avec satisfaction ce matin… cet après-midi, en
fait.
Donc, comme le ministre de la Justice et
Procureur général, mon collègue, Jean-Marc Fournier — il faut se
rappeler, c'est lui qui était là à l'époque — il était au coeur de ce
dossier. Et permettez-moi de vous rappeler les faits
brièvement. Donc, en juin 2011, le gouvernement fédéral déposait le
projet de loi C-7, qui limitait la durée
de la fonction sénatoriale à un mandat non
renouvelable de neuf ans et procédait à des élections avant la
nomination des sénateurs.Le gouvernement du
Québec, via mon collègue, s'est adressé à la Cour d'appel pour contester la
validité de ce projet tant ses impacts étaient non
seulement sur la question du Sénat, mais pour toutes les relations
futures entre le fédéral et les provinces.
En octobre 2013, la Cour d'appel, dans un jugement unanime de cinq juges, rendit son jugement et donnait raison à la
position du Québec. Donc, par la suite, ce fut au tour du gouvernement fédéral
de s'adresser à la Cour suprême du Canada, le
1er février 2013, demandant un avis sur une série de questions. Les arguments
présentés par le Québec étaient les mêmes que ceux présentés en Cour d'appel.
De plus, en réponse aux autres questions qui étaient soulevées par le gouvernement
fédéral, il a notamment soutenu que l'abolition du Sénat
ne pourrait se faire sans l'accord unanime des provinces et du Parlement fédéral.Le
dialogue entre les provinces et le gouvernement fédéral est à la base du
fédéralisme canadien, et nous nous engageons à
travailler en ce sens.
Je tiens à prendre quelques secondes pour
souligner le travail exceptionnel de l'équipe de juristes, de professionnels et
de plaideurs tant du ministère de la Justice que du Secrétariat aux affaires intergouvernementales. Ils ont travaillé
sur ce dossier avec beaucoup d'ardeur, ils ont mis beaucoup de temps. Alors,
mesdames messieurs, je tiens à vous remercier. Je vais céder la parole à mon
collègue Jean-Marc Fournier, qui a quelques
petits mots pour votre attention également.
M. Fournier
:
Merci beaucoup. Alors, quelques mots,
effectivement,avant
de prendre les questions. La décision récente… la décision, c'est-à-dire, sur la
modification du Sénat s'ajoute aux décisions récentes de la Cour suprême, notamment celle sur la nomination des juges de la Cour suprême et celle sur la Commission des
valeurs mobilières. À chacune de ces occasions, la Cour suprême a rappelé
l'essence du fédéralisme canadien. Dans la décision d'aujourd'hui, la cour
revient en plusieurs occasions sur les références historiques ayant donné
naissance à l'architecture fédérale canadienne et particulièrement sur les origines du Sénat canadien.
L'entente fédérative d'origine a, encore aujourd'hui,
tout son sens, et ses principes sont
préservés. La cour a de nombreuses fois rappelé que les partenaires provinciaux
et fédéral ne sont pas soumis l'un à l'autre, mais égaux et responsables chacun
dans leur juridiction.
L'action unilatérale qui cherchera à
altérer cette égalité des partenaires sera inconstitutionnelle. L'action
unilatérale n'est pas un choix, pas une option, c'est
un chemin sans issue. La cour écrit au
paragraphe 31 du jugement d'aujourd'hui,
et je cite : «[...]les provinces sont sur un pied d'égalité [avec le fédéral].
La formule de modification ainsi établie est conçue pour favoriser le dialogue
entre le gouvernement fédéral et les provinces…»
Fin de la citation.
En ce qui concerne la modification d'une
institution fédérale comme la Cour suprême ou le Sénat, les récents jugements
du plus haut tribunal viennent réaffirmer le rôle incontournable des provinces.
Comme la Cour d'appel du Québec l'avait déjà décidé, la formule du 7-50 doit
s'appliquer pour tout changement à la durée de mandat et au processus de sélection
des sénateurs. Par ailleurs, en ce qui concerne l'abolition du Sénat, le
Québec se voit confirmer un veto. Pour ce qui est de la qualification foncière
des sénateurs, le Québec se voit reconnaître un veto spécifique, puisque la Constitution prévoit un arrangement
spécial pour le Québec sur cette question.
Pour le gouvernement du Québec, les
institutions fédérales sont au coeur du fédéralisme
canadien, ces institutions n'appartiennent pas au gouvernement fédéral ou au Parlement fédéral.La Cour suprême nous donne raison. Ces institutions
constituent des éléments fondamentaux de notre entente fédérative. Il est
maintenant réaffirmé que le fédéral doit rechercher la coopération des
partenariats provinciaux.
Il est aussi affirmé que le fédéral doit
tenir compte de la nature de ses partenaires,
notamment de la spécificité du Québec. Dans l'affaire Nadon, la Cour suprême a
affirmé l'importance de protéger la spécificité juridique et les valeurs
sociales distinctes du Québec. Somme toute, à l'occasion de jugements récents,
la Cour suprême a identifié les repères qui tracent le chemin que doivent
emprunter les gouvernements dans la conduite de la
fédération : premièrement, l'égalité de l'ordre fédéral et de l'ordre provincial est réaffirmée; deuxièmement, le
rôle incontournable des provinces dans la modification des institutions fédérales est confirmé; troisièmement, les
valeurs sociales du Québec s'ajoutent à la langue, la culture et le droit civil
comme caractéristiques essentielles et spécifiques du Québec.
Ces repères sont incontournables. À
compter de maintenant, le chemin est tracé, le fédéral et les provinces doivent
faire le choix du dialogue et de la coopération dans leurs relations
intergouvernementales. Le Québec souhaite un dialogue constructif. Comme ce fut
le cas pour les valeurs mobilières ou pour le Sénat, le gouvernement libéral
sera toujours vigilant et interviendra pour protéger et promouvoir les intérêts
du Québec. Le gouvernement du Québec souhaite d'abord et avant tout une
relation ouverte et respectueuse.
Nous sommes convaincus de l'importance de
la place du Québec au Canada et de l'importance du Canada pour le Québec.
L'avantage réciproque et notre désir commun de bâtir
un pays ensemble furent les fondements de notre coopération en vue de se
doter d'une union fédérale. Ce désir et cet avantage sont toujours présents. La
collaboration et le dialogue sont le chemin de l'avenir. Voilà pour quelques commentaires, et par la suite nous
prenons vos questions.
M. Laforest (Alain)
: Mme Vallée,
est-ce que le statu quo est la chose à maintenir,
actuellement, avec le Sénat?
Mme Vallée
:
Mais actuellement la réforme du Sénat, vous
comprendrez que nous ne sommes pas… ce n'est pas notre préoccupation première. C'est plutôt l'économie et l'emploi, vous le savez. Et donc, par contre, si la question
est soulevée par le fédéral, on sera présents.
Mais c'est…
M. Laforest (Alain)
: Elle a été
soulevée, vous êtes allés devant les tribunaux. Est-ce que le statu quo… puis avec ce qui se passe, actuellement, au
Sénat, ça vous satisfait?
Mme Vallée
:
Actuellement, notre préoccupation, ce n'est
pas la réforme du Sénat. Notre préoccupation, comme
je vous le disais, c'est l'économie, c'est l'emploi.
Et c'est ça, la préoccupation. C'est pour ça qu'on
a… que le gouvernement a été élu le 7 avril
dernier. Comme je vous le disais, si le gouvernement fédéral revient à la
charge avec la question, on sera assis à la table et on participera de façon
proactive aux échanges.
M. Robillard (Alexandre)
: Mais est-ce
que vous êtes satisfaite de la façon dont ça
se passe au Sénat à Ottawa, à la lumière de
tout ce qui est sorti au cours des derniers mois? Ça, est-ce que c'est des éléments qui vous satisfont?
Mme Vallée
:
Bien, écoutez, les… Il n'appartient pas plus à
une province qu'au fédéral de dicter sa façon
de faire. Les échanges concernant le Sénat devront se faire avec les collaborateurs,
avec d'autres
provinces, avec le fédéral. Et à ce moment-là, lorsque la question sera
soulevée… Et c'est ce que la cour dit
aujourd'hui. La cour dit… La cour nous rappelle qu'il
n'appartient pas ni au fédéral ni au
provincial, unilatéralement, d'imposer sa façon de
faire. Les réformes aux institutions doivent
se faire en collaboration, donc dans un cadre de négociation. Et c'est ça… Et c'est pour ça
qu'on est là et c'est, comme le disait
si bien mon collègue, la nouvelle voie. Aujourd'hui, c'est
une nouvelle ère. C'est une décision historique qui est rendue parce qu'auparavant,
depuis 1982, il n'y a jamais eu une décision qui venait spécifier la façon dont
une réforme du Sénat pouvait s'effectuer, une modification, parce que les
institutions, en général, sont appelées, au
fil des années, au fil des décennies, au fil des siècles, à être modifiées. De quelle façon on les modifie? On les
modifie en collaboration parce que le fédéral
et les provinces sont sur un pied d'égalité lorsqu'il est temps de discuter de
ces questions-là.
M. Laforest (Alain)
: Mais avec ce qui se passe, en
souhaitez-vous une, une modification, ou vous
trouvez que c'est correct qu'on garde le statu quo?
M. Fournier
:
Si le gouvernement fédéral a manifesté dans le passé…
il l'a manifesté à au moins sept reprises par des dépôts de projets de loi, dans les années récentes, qui n'ont pas été adoptés, mais au moins sept projets de
loi ont été déposés, il a manifesté qu'il voulait des
modifications. S'il décide d'appeler à la coopération et au dialogue sur
cette question, le gouvernement du Québec va participer en amenant ses autres
enjeux sur ces matières, que vous connaissez
et dont on a parlé il n'y a pas si longtemps que ça.
M. Laforest (Alain)
: Mais,
moi, ce que je vous demande, M. Fournier, c'est :
Ce qui se passe actuellement au Sénat, vous
connaissez les scandales, vous connaissez les dépenses, vous savez… vous vous satisfaites? Le statu quo,
c'est correct?
M. Fournier
:
Et ma réponse à cette question-là : Cette
discussion sur l'amélioration du Sénat doit se faire selon le jugement qui a
été rendu, non pas de façon unilatérale, doit se faire dans le dialogue. Nous
disons que nous serons présents au dialogue, mais il ne sera pas question que
du Sénat. Lorsqu'une question constitutionnelle sera soulevée à une table, le
Québec arrivera aussi avec ses enjeux, ceux que vous connaissez historiquement,
dont on a parlé durant la campagne électorale, en passant.
Mme Tremblay (Marie-Hélène)
: Vous le savez,
il y a une majorité de Québécois qui souhaite, en fait, l'abolition du Sénat.
Certains avancent l'idée, peut-être, de tenir un référendum dans chacune des
provinces pour aller chercher, justement, les commentaires des électeurs. Qu'est-ce que vous
pensez de cette option-là?
M. Fournier
: Nous ne sommes pas en désaccord avec
le fait que des premiers ministres, que ce soit à Ottawa ou dans des provinces,
aient des enjeux électoraux lors d'une élection ou fassent des référendums. Ça
fait partie des choix que chacun peut faire. Nous, on en a fait, au Québec, dans
nos matières, hein, n'est-ce pas?
Ceci étant dit,
le jugement vient nous dire que ce n'est pas par référendum que ça se change,
ces choses-là. Ça se change par les gouvernements,
provinciaux, fédéral, ordre égal, ce qui est un élément très important parce que — permettez-moi
peut-être de faire cet aparté — on
peut passer l'après-midi à parler du Sénat, mais ce qui est bien plus
fondamental dans les jugements récents qu'on vient de voir, ce sont… et la Cour
suprême, jugement après jugement, précise la question de
l'égalité, précise la question des vetos,
précise la question de la collaboration obligatoire des provinces et ajoute des
éléments de spécificité pour le Québec. Alors, aujourd'hui, c'est un moment de
faire un temps d'arrêt et voir qu'il y a eu, dans la jurisprudence récente, des
éléments qui sont excessivement favorables au Québec.
Ceci étant dit,
lorsque quelqu'un — et ça, c'est une position
que vous connaissez, M. Couillard l'a tenue
au moins pendant quatre ou cinq jours consécutifs durant la campagne — si
quelqu'un souhaite ouvrir, lancer une discussion sur les modifications aux
institutions fédérales, à la Constitution, le
Québec va y participer, mais nous aurons aussi les enjeux qui sont les enjeux
du Québec, soient-ils ceux de la Cour suprême, soient-ils ceux de la
spécificité du Québec, reconnue par la jurisprudence, mais qui pourrait être
reconnue aussi dans les textes. Ces éléments-là viendront.
Ceci étant, à la
question : Êtes-vous satisfaits?, nous
n'avons pas à répondre à cette question-là. La question est : Quelles sont vos priorités? C'est
l'économie. Si vous nous demandez :
Est-ce que c'est 250 000 emplois ou les 24 emplois
des sénateurs? C'est les 250 000 emplois.
M. Robillard
(Alexandre)
: Vous pourriez
quand même dire non.
M. Fournier
: Dire non à quoi?
M. Robillard
(Alexandre)
: Que vous n'êtes
pas satisfaits de la façon dont ça se passe au Sénat à Ottawa.
M. Fournier
: Lorsqu'il y aura des propositions,
lorsqu'il y aura une demande de discussion, on
pourra en discuter…
M. Robillard
(Alexandre)
: Quand on parle
des dépenses de…
M. Fournier
: Soyons
francs : l'enjeu du Sénat n'est pas l'enjeu du Québec en ce moment.
Par contre, si la question est soulevée, nous allons y participer avec tout le
leadership qu'on pourra manifester et on va amener les autres sujets.
M. Corbeil
(Michel)
: Vous n'avez pas
l'intention de soulever la moindre proposition en ce sens-là? Je comprends que vous avez des priorités, mais il semble qu'on
peut des fois marcher et mâcher de la gomme en même temps. Dans ce cas-là, ce n'est pas possible?
M. Fournier
:
Bien, quand on a des priorités, c'est important
de les manifester, c'est important de les
réaffirmer aussi pour qu'on puisse toujours savoir…
M. Corbeil (Michel)
: Mais
vous, vous ne proposez rien?
M. Fournier
:
Il faut savoir qu'elles sont toujours là, les priorités. La priorité à l'économie
et à l'emploi dans nos relations canadiennes…
M. Corbeil (Michel)
: Pour le
Sénat, vous, vous n'allez rien proposer?
M. Fournier
:
Ce n'est pas ce que j'ai
dit, laissez-moi terminer. Je veux être sûr qu'on s'est bien compris. La
priorité pour le gouvernement du Québec, le gouvernement libéral actuel, dans
les relations canadiennes sera l'économie, sera l'emploi
dans toutes nos relations, c'est notre priorité. Si d'aventure se
soulève la question de la réforme du Sénat,
qui doit, selon le jugement, devenir une question constitutionnelle qui appelle
tous les partenaires, je vous annonce que nous allons y participer. Je vous
annonce aussi que nous ne parlerons pas que du Sénat. Pour le Québec, la
question du Sénat n'est pas l'enjeu premier en
matière d'amendements constitutionnels. Il y en a d'autres, vous les
connaissez. Nous allons discuter de tout cela.
M. Corbeil (Michel)
: Lesquels?
M. Fournier
:
Mais notamment ceux sur les nominations de juges à la Cour suprême,
notamment ceux sur la reconnaissance, dans le
libellé, des actes constitutionnels de la
spécificité. Par contre, je viens de vous dire que la jurisprudence a déjà fait
abondamment évoluer cette question au cours des jugements récents.
M. Robillard (Alexandre)
: Mme Vallée, vous avez dit tout à
l'heure que la décision de la Cour suprême est utile parce que ça sert à écrire
du droit qui clarifie quelque chose que vous serez probablement d'accord pour
dire que ce n'était seulement pas clair pour les conservateurs, là. Mais
j'aimerais ça vous entendre, savoir, justement,
ces démarches-là des conservateurs, qu'est-ce que ça dit sur leur conception de
la collaboration avec les provinces?
Mme Vallée
:
Bien, je pense qu'aujourd'hui, là, ce qu'on a, c'est
une voie qui est tracée pour l'avenir. Ce qui s'est
fait dans le passé, on n'est pas là pour les
juger, la Cour suprême s'est prononcée. Nous, aujourd'hui, on est ici pour dire
que nous serons présents lorsqu'il y aura des rondes de négociations. On sera
présents pour représenter l'intérêt du Québec, pour représenter les revendications
du Québec. On va participer à ces négociations-là. Ça, c'est…
M. Robillard (Alexandre)
: Mais les décisions, défavorables aux conservateurs, de la Cour suprême,
que vous avez citées avec fierté, qu'est-ce que ça
dit sur la conception des conservateurs des relations
avec les provinces, avec le Québec?
M. Fournier
:
Si vous me permettez, je pense que ça dit que
le meilleur choix pour l'avenir, c'est de
revenir dans la coopération et dans le dialogue, de se faire confiance, d'avoir
un dialogue ouvert, respectueux les uns des autres, de respecter le fait que
nous sommes des paliers, des ordres de gouvernement égaux. Ce que ça dit, c'est qu'après des cheminements dans plusieurs
décisions de cour, maintenant on est rendus au
stade de dire : Bien, et puis si on travaillait ensemble? C'est ça que ça dit.
M. Laforest (Alain)
: Est-ce que, M. Fournier, au
fond, ce que vous tentez de dire et que vous ne dites pas, c'est que…
M. Fournier
:
Là, vous allez me le dire?
M. Laforest (Alain)
: … — non, mais vous me direz si
je suis dans l'erreur — la Cour suprême vient de dire au
gouvernement Harper : Respectez donc la
Constitution telle qu'elle a été écrite par les Pères
de la Confédération?
M. Fournier
:
Bien, c'est évident que la Cour suprême, en répondant non aux questions soumises par le
gouvernement fédéral dans son référé à la Cour suprême, elle vient de leur dire : Les principes fondateurs ont encore tout
leur sens, doivent être respectés. Et autant le Canada a été bâti sur la
coopération, bien, cette coopération-là doit être
maintenue, et l'unilatéralisme n'est pas une voie ouverte au Canada.
M. Laforest (Alain)
: C'était ça, votre pensée.
Le Modérateur
: Marco.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Oui. Je veux juste être certain de bien
comprendre. Vous nous dites aujourd'hui que vous pourriez appuyer une réforme
ou l'abolition du Sénat si, en échange, vous
obtiendriez des gains pour le Québec dans d'autres matières.
M. Fournier
:
Oh! Votre «si»
est beaucoup trop grand pour que je puisse répondre à la question. Je dis ceci : Il est bien possible, si je regarde comment
le gouvernement fédéral a déposé plusieurs lois, qu'il
veuille poursuivre dans sa volonté de réformer le Sénat. Aujourd'hui, il a une
décision de la cour qui lui indique qu'il doit le faire avec les provinces. Au
Québec, la réforme du Sénat, ce n'était pas notre priorité. Nous en avions
d'autres, par contre, et nous en avons encore
d'autres. Ceci étant, si on veut, nous, au
Québec, avoir une écoute de la part du reste du Canada par rapport à nos
demandes, il faut bien qu'on soit aussi en position d'écoute par rapport aux
demandes des autres. Lorsque viendra le temps à quelqu'un, notamment du
fédéral, qui voudrait ouvrir cette discussion constitutionnelle présumément sur
la question du Sénat, nous allons y participer et
on dit à l'avance : Nous allons amener
nos enjeux. Et nous discuterons de la teneur, du
contenu de ces réformes — parce que, là, vous avez évoqué plusieurs scénarios possibles — lorsque
nous verrons ceux qui seront sur la table. Là, il est trop tôt pour faire ça.
On ne connaît pas la teneur de ces éléments-là qui viendraient à ce moment-là.
M. Bélair-Cirino (Marco) :Mais la décision de la Cour suprême
aujourd'hui, c'est un levier de négociation
pour vous.
M. Fournier
:
C'est un appel au dialogue. Honnêtement?
M. Bélair-Cirino (Marco) : Oui.
M. Fournier
:
Vous pouvez appeler ça comme ça dans la mesure où vous dites : Si quelqu'un voulait être unilatéral, ça
vient de changer son plan. Alors, jusqu'à un certain point, oui, ça change son
plan. Ceci étant, ça fait juste réaffirmer ce qu'est
le Canada, honnêtement. Et ça nous permet de
dire : Si on se parlait?, plutôt que de dire : Bien, je vais essayer de la faire tout seul, puis on verra ce que ça donne. Il y a des intérêts
du Québec qui sont touchés. On va toujours être là pour défendre les intérêts du Québec, et on va profiter de
toutes les occasions pour promouvoir nos intérêts, et
ça peut en être.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Dans sa forme actuelle, est-ce que le
Sénat sert les intérêts du Québec?
M. Fournier
:
Écoutez, on est… Lorsqu'on regarde le Sénat, on est capables, comme tout le monde,
de lire des éléments qui peuvent être moins intéressants. On pourrait avoir des
études qui vous en soulèveraient de nombreux qui sont intéressants aussi : la question de la représentation des
régions, du nouveau regard. La Cour suprême s'arrête autant sur la
représentation des régions que sur le second regard attentif porté à la législation d'une deuxième Chambre. Alors, il y
a différents éléments. On pourrait soupeser le tout,
mais on est dans le domaine très conditionnel,
«si, si, si». Aujourd'hui, la question
est la suivante : Un appel à la
collaboration et au dialogue qui intervient après,
notamment, l'affaire Nadon — tout
juste d'arriver — où on retient
quoi, finalement? C'est les trois points
repères importants : l'égalité dans les
ordres de gouvernement, la collaboration obligée des provinces et la
spécificité du Québec, des repères sur un
chemin qui est celui du dialogue. Alors, à
partir de là, on peut refaire le procès du passé et
puis on peut aussi dire : Si on recommençait de la bonne façon pour l'avenir? C'est ce qu'on
propose.
Le Modérateur
: Geneviève Lajoie, deux questions, puis on passe en anglais.
M. Fournier
:
D'accord. Oui, monsieur.
Mme Lajoie (Geneviève)
: Pourquoi est-ce que vous êtes si mal
à l'aise de dire ce que vous pensez de la réforme ou
de l'abolition du Sénat? Pourquoi?
M. Fournier
:
On n'est pas du tout mal à l'aise, c'est que
ce n'est pas la priorité du Québec, la réforme du Sénat.
Mme Lajoie (Geneviève)
:Non, mais vous
avez des avis sur d'autres sujets puis vous êtes
capables de dire :Bon, mais on a
tel avis sur un sujet, mais qui n'est pas
prioritaire, là.
M. Fournier
:
Mais je suis obligé de répondre à votre question du
mieux que je peux, hein? Ce n'est pas parce qu'on n'aura pas quelque
chose à dire le moment venu. Mais aujourd'hui
ce qu'il est important de dire — puis je
sais que vous voulez restreindre ça à la question du
Sénat, mais je suis obligé de vous dire qu'on voit
un peu plus large que ça — d'abord,
dans les relations canadiennes, il n'y a pas que la modification
constitutionnelle dans les relations canadiennes. Toutes mes excuses, mais
c'est comme ça. Dans les relations canadiennes, il est possible aussi
d'envisager le mieux-être de nos concitoyens autant par l'économie que par les
mesures sociales. On va commencer par se dire ça. Et ça, c'est notre priorité.
Bon.
Si on veut restreindre ça à l'aspect constitutionnel,
on l'a déjà rappelé, on l'a dit à maintes reprises durant la dernière élection,
si quelqu'un veut ouvrir ce créneau-là, notamment par
la question du Sénat, nous allons y
participer. On aura notre point de vue à ce moment-là, on verra si ça
arrive, on verra. Mais à ce moment-là il ne
faut pas s'étonner qu'on aura nos priorités.
Alors, je vous
rappelle, le Sénat n'est pas la priorité du Québec. On va en discuter.
On est bien prêts à être respectueux du désir des autres parce qu'en échange on
leur demande d'être aussi respectueux de nos intérêts à nous aussi, notamment
sur la question de la spécificité, sur la question des juges de la Cour
suprême. L'affaire Nadon vient d'ailleurs nous aider dans ces revendications-là
du Québec.
Alors, on abordera cette question-là lorsque le moment sera venu et on verra quelles
sont les hypothèses sur la place publique, mais
aujourd'hui, si je me limite à répondre à votre question sur le Sénat, on pourrait en
découler que nous limitons nos relations canadiennes
au Sénat. Je ne veux vraiment pas que ce soit ça qui soit compris parce
que ce n'est pas ça. Les relations canadiennes, c'est beaucoup
plus large et, si en matière constitutionnelle,
on limitait ça au Sénat, non plus ce ne serait pas la vérité. Voilà.
Mme Lajoie (Geneviève)
: Vous avez dit tout à l'heure, dans la question de ma collègue sur le référendum, que ce qui ressort de la décision du jugement
d'aujourd'hui, c'est que ce sont des décisions
des gouvernements. Est-ce qu'on comprend que vous ne consulteriez pas la
population?
M. Fournier
:
Ce n'est pas ce que je dis. Non. J'ai simplement dit que je m'en remets
au jugement, en fait je m'en remets à la Constitution.
Et la Constitution fait reposer les demandes de modification constitutionnelle à des votes majoritaires pris à la Chambre des
communes, au Sénat et dans les Assemblées législatives des provinces.
Alors, je suis obligé de vous dire que c'est ce que
la Constitution dit. Elle ne dit pas : Il
y aura des élections ou il y aura un référendum, elle
parle de cela. Il peut y avoir… Je ne contreviens pas à l'idée qu'une province
peut décider de faire un référendum. Au Québec, on en fait, alors j'imagine
qu'on ne peut pas empêcher les gens d'en faire. Mais ce n'est pas comme ça que ça marche, ça marche avec des votes adoptés par les Assemblées.
Mme Lajoie (Geneviève)
: Est-ce qu'il faudrait qu'il y en ait
un si jamais la question est soulevée?
M. Fournier
:
Bien là, on va arriver à ce moment-là puis on en reparlera à ce
moment-là. Pour l'instant, on est dans l'hypothèse.
Le Modérateur
:On va
passer en anglais avec Max Harrold.
M. Harrold (Max) : Yes. Well, how
is this victory… how is this ruling a victory
for Québec, if it is at all?
Mme Vallée
: Well, it's a… First of all, it's an
historical decision because it's the first… one of the first decisions where we
are interpreting the Constitution and the way that any change should be made in
the future. And, for Québec, it's a big step
because it precises that Québec needs to be involved.
If Québec and the federal… The provinces and the federal are on equal
status, both of them, and you can't, on a one-way base,
impose on the provinces or on the federal a
modification to the Constitution. It needs to be
decided by both levels… not levels but…
M. Fournier
: Orders of Government.
Mme Vallée
: …orders — sorry — of Government.
M. Harrold (Max) : And you've mentioned before that there
are conditions for which you might participate in the future for a reform of the Senate.Can
you tell me what they are?
Mme Vallée
: If we are...If the federal wants to
sit down and discuss with the Senate… about the Senate, we… Québec will come to
the table. We will participate to the discussion but we will bring other
historical requests of the Province of Québec, which…
for example the Supreme Court judges'
appointment.
M. Harrold (Max) : OK. So, I just wanted you to get into it. So, the Supreme Court judges' appointment process… what? Could just name
a couple of them? What would be your bargaining
points?
M. Fournier
: Well, the
distinct society clause, and things like that, some dispositions that we had in the past with
immigration that are really in application right now but that could be also
written in the Constitution. In fact, when we
talk about that, sometimes the political is behind the evolution of the court and, in those recent
judgments, what we see is that the evolution about the distinct aspect of Québec… The court is going now, with the judge Nadon judgment some weeks ago, talking about the
social values of Québec that
are different… Before, we knew about the
French, the culture, our civil law, now they
add that. So, when you look at the picture, it has changed. Now, when you say,
«Is there a win?», just remember that, on the Senate, the federal Government was trying to change the
Senate alone, without any provinces. So, we went into our court of appeal just
to challenge that, because we said :
Those institutions, like the
Supreme Court or the Senate, are not federal exclusive institutions, those are Canadian institutions, and that's what the
Supreme Court is saying. So, yes, of course it's a
win for us.
But, now, a win, a lose…
What is for us in the future? The best aspect
for us is to look ahead, and ahead is… the road that is in front of us is the
new Government has to work in cooperation, dialogue. We should work more and more
for the economy, more and more for creating jobs. Of course, some are trying to ask what we're going to do with the 24 jobs ofthe Senate, in Québec. Well, we can talk about that, but we're working for 250 000
jobs for Quebeckers in five years, so, clearly, that's our priority. Now, if we've got a table talking about
constitutional modifications, we will bring our own interests, of all
Quebeckers. We will talk about requests of others
because we want them to talk about ours. Respect,
dialogue, start with that.
M. Dougherty (Kevin)
: Mr. Fournier, do you have any
indication, at this time, that there could be some… a new round, you know,
because, in fact, the Supreme Court left the door open in the sense that, you know, if there's seven provinces, 50%
of the population… Do you have any indication that
Brad Wall or somebody up there wants to start the process, which means the Québec agenda is… on the agenda as well?
M. Fournier
: We could… and I'm listening to your
question today, and it seems that you've got more enthusiasm for a
constitutional table than we see with all political actors. But maybe it's
because it's Friday, I don't know… But, certainly, what
I see, it's not that. That's…
The important point is… I want to come back to that. The conclusion of our presentation is to not just focus on the
judgement of today, but on recent judgments.
And when we pile up those judgments, what we see, more than just the quality in the order of Government, and the fact that provinces have to participate,
and the fact that specificity of Québec has been recognized, more than that,
over that, we should work together. Easy to say… let's just try to do that.
Mme Vallée
: Let's work at it.
M. Dougherty (Kevin)
: …working together. Another thing that
the judgment leaves open is the possibility of discussing,
you know… Now, the senators are named by the Prime Minister of Canada,
maybe there is another way, without changing the Constitution, that senators
could be named; that's what the judgment says as well. Is that something that
you see happening?
M. Fournier
: Well, what the judgment is saying is : If you want to change any institution that are in the nature of our Federation, you've
got to talk with provinces. Those talks didn't start.
We didn't… there was no phone call this morning saying : Well, we've got a new kind of reform for the Senate. And I can tell you,
today our focus is not on the reform of
Senate, the focus is on the economy. We're
going to do that. If ever there is a phone call talking about : Eh, let's have a talk, I'd say : Eh, don't forget, we're ready to talk
about your issue, but we are going to talk also about our issue.
Le Modérateur
: Merci beaucoup, merci.
Mme Verville (Marie)
: I have a question in English…
Des voix
: …
Mme Verville (Marie)
: Please! Could we finish in English,
please? Thank you. You have to fight for your rights,
right? You guys fought for your rights, I'm fighting for mine.
M. Fournier
: Yes! Hello, how are you?
Mme Verville (Marie)
: You're speaking about economy, you
say this is your priority. What's your
reaction to the report we got this morning from Mr. Godbout
and Mr. Montmarquette?
M. Fournier
: Well, I think that you know now that
the focus must be on economy, on public financing, and our economic situation, and jobs of all Quebeckers. Your question is an
answer to the question of your colleagues here before…
Mme Verville (Marie)
: But don't you… it kind of… «ça jure» — I
don't know the term in English — with what you
were promising during the campaign because,
you know, obviously, if you have a freeze on salary mass, somebody is going to
have to pop out of their chair, right?
M. Fournier
: Well, what you see today, and
yesterday, and what we look now is that the context
in the economy is tough.We're going to
have to make tough decisions, but we will make it.
The Minister… was really clear on that. So, the focus must be there, and
we will maintain our focus there. Now, somebody has
said that «on peut marcher puis mâcher de la
gomme en même temps», just on my right, here, and I can say just that
thing : If ever somebody wants to talk
about a modification of the Constitution, we will be there, but we will bring
our issue too, that's the only thing.
So I'm not saying that, now, our top priority is
the Senate, I'm just saying that Canadian
relations first must be on economy, more relations with Ontario, with
other provinces to bring more trade. That's the thing we must do. So, coming
back to what happened this morning, I think Canadian relations must be on that.
If ever other topics are on the table, we'll be there, but our issue also.
Une dernière de M. Corbeil parce qu'il est si
sympathique et je m'en suis référé tantôt.
M. Corbeil (Michel)
: Vous deviez vous entretenir avec
votre collègue du… à Ottawa. Est-ce que c'est fait? Est-ce que vous avez
échangé sur le jugement?
M. Fournier
:Non. On n'a pas échangé du tout avec personne
aujourd'hui sur le jugement. J'ai pris connaissance du jugement ce matin, et
nous nous sommes empressés de venir vous faire part de nos commentaires, ce qui
est maintenant fait dans le plus grand bonheur de tous, j'en suis certain.
C'est tout? Merci.
Mme Vallée
:
Merci. Bon week-end.
(Fin à 14 h 6)