(Treize heures trente-cinq minutes)
Mme David (Gouin) : Alors, c'est
un plaisir pour nous d'être ici cet après-midi avec notre nouvelle députée, Manon
Massé. On n'en est pas peu fiers et on pense qu'on va avoir une bonne rentrée
parlementaire.
Ceci dit, cette rentrée parlementaire va
être bien meilleure si le gouvernement libéral, qui fait de l'austérité sa
marque de commerce, fait quand même très attention aux conséquences des gestes
que, semble-t-il, il est tenté de poser en matière de compressions budgétaires
et de tout ce qu'il appelle l'effort budgétaire, mais, en fait, soyons clairs,
on appelle ça des coupures, et ça touche beaucoup de gens.
À Québec solidaire, ce que nous nous
disons, c'est qu'il y a des gens auxquels on n'a pas le droit de toucher :
les gens les plus pauvres, les gens vulnérables, les gens malades, par exemple,
en mauvaise santé, les gens en difficultés financières, les travailleurs, les
travailleuses, leurs familles, les enfants. Il faut faire attention à notre
monde. Et c'est ça que nous allons plaider, nous, durant la courte session, là,
que nous allons avoir, de quelques semaines.
Nous avons quelques priorités très concrètes
et nous allons rapidement passer. D'abord, il faut absolument qu'il soit clair
qu'aucune compression à l'aide sociale ne pourra être tolérée ni par Québec
solidaire ni par l'ensemble des mouvements sociaux qui défendent les plus
pauvres d'entre nous. Moi, je suis toujours très inquiète quand je vois qu'on
parle de compressions administratives. À Emploi et Solidarité sociale, je ne
vois pas quelles compressions on peut faire sans affecter vraiment les revenus
ou les possibilités d'insertion des personnes assistées sociales. Donc, ça
m'apparaît impensable que ce ministère ait quelque coupure que ce soit.
Deuxièmement, les organismes communautaires
s'étaient fait promettre par l'ancien gouvernement un 120 millions
additionnel pour leur fonctionnement. Ils sont très inquiets. Les organismes
communautaires sont nombreux. Ils rejoignent des centaines de milliers de
personnes au Québec. Si on ne leur donne pas les moyens de travailler, là,
vraiment, ce sont des centaines de milliers de personnes qui se retrouvent avec
de graves problèmes à tous les niveaux, parce que les organismes touchent aussi
bien des enfants, des jeunes, des familles, des aînés, bon, toutes sortes de
gens.
Troisièmement, et ça, c'est un dossier qui
m'est très cher, quand je suis arrivée en septembre 2012 à l'Assemblée
nationale, j'ai dit à la ministre de la Condition féminine : Quand est-ce
qu'on abolit cette discrimination qui atteint les mères monoparentales à l'aide
sociale, à qui on enlève la quasi-totalité de la pension alimentaire pour
enfants? C'est une pure discrimination, puisque les autres femmes du Québec ne
voient pas ce revenu considéré comme un revenu imposable. C'est une pension
pour les enfants, ce n'est pas un revenu pour la mère. On m'avait promis de
faire diligence. Il ne s'est rien passé du tout. Alors, nous avons un nouveau
gouvernement. Je l'interpelle et je lui demande : Quand est-ce qu'il va
mettre fin à cette discrimination?
Et enfin, et ça on pourra en reparler
davantage la semaine prochaine, nous allons déposer un projet de loi balisant
l'éviction et les reprises de possession de logement dans les cas où ça touche
les aînés. Le projet de loi sera déposé la semaine prochaine. J'espère vraiment
avoir la collaboration des collègues de tous les partis pour que ce projet de
loi soit mis à l'étude et éventuellement adopté.
Donc, soyons clairs, à Québec solidaire,
on n'est pas contre l'atteinte de l'équilibre budgétaire. On n'en fait pas un
dogme. Mais on est contre le dogme d'une atteinte de l'équilibre budgétaire à
n'importe quel prix, trop vite et surtout au prix des conditions de vie, de
tout ce qui touche, là, les gens ordinaires de notre société, en fait la
majorité des gens. Et nous suggérons vivement au trio économique, hein, ce trio
issu des milieux d'affaires, des milieux de la finance, de l'économie, des HEC,
donc des gens qui connaissent bien le milieu des affaires, qui connaissent bien
le milieu de la finance, qui en ont sûrement rencontré beaucoup, de gens de ces
milieux-là… Moi, je pense que ce trio-là sait très bien où aller chercher
l'argent qui manque dans les coffres du gouvernement du Québec, et on l'invite à
le faire plutôt que de s'en prendre à la population en général.
Alors, nous allons rencontrer, Amir Khadir
et moi, le ministre Leitão en fin de journée jeudi et nous allons lui exposer
nos attentes budgétaires, donc on vous en reparlera jeudi. Nous aurons des
propositions concrètes à lui faire pour aller chercher de l'argent non pas dans
les poches de la classe moyenne et des plus pauvres, mais chez ceux qui en ont,
et il y en a, de l'argent au Québec, il ne faut surtout pas en douter. Et c'est
ainsi que nous allons, donc, dans les prochaines semaines, faire notre travail
à Québec solidaire, qui est toujours, toujours, toujours de travailler pour le
bien commun, pour la solidarité sociale, pour les gens les plus vulnérables.
M. Chouinard (Tommy)
:
Oui, bonjour.
Mme David (Gouin) : Bonjour.
M. Chouinard (Tommy)
:
Mme David, d'abord, M. Couillard répète constamment que, derrière toute cette
opération de compression, de révision de programmes, il y a l'objectif de
préserver… là, tantôt, vous nous parliez du modèle québécois, là, qui se
décline en trois axes : l'affirmation du caractère spécifique du Québec,
mais aussi la solidarité qu'on a entre nous puis la préservation d'une société
parmi les plus équitables, sinon la plus équitable en Amérique du Nord. Est-ce
que ce sont des propos de nature à vous rassurer?
Mme David (Gouin) : Vous
savez, il y a une chose qui s'appelle le discours, il y a une autre chose qui
s'appelle les gestes. Alors, si M. Couillard prépare, en fait, un peu avec vous
et avec le public, son discours inaugural, et que tout ça nous donne un
avant-goût de ce qu'il va dire demain, c'est intéressant. Mais c'est le budget
et qui, plus encore, c'est l'étude des crédits qui va venir nous dire :
Est-ce que, oui ou non, ce gouvernement met à l'avant-plan la solidarité
sociale? Parce que le précédent gouvernement, je vous le rappelle, disait la
même chose. Pourtant, quand on avait étudié les crédits, on avait bien vu qu'il
y avait des coupures dans quelque chose, par exemple, d'aussi névralgique que
le transport adapté pour les personnes handicapées.
Donc, les paroles, c'est une chose, les
gestes en sont une autre. Je vous rappelle que le précédent gouvernement a
coupé dans l'allocation de contrainte temporaire à l'emploi pour les personnes
de 54 à 57 ans. Le Parti libéral, à l'époque, a dénoncé ce geste, d'ailleurs.
Alors, moi, je les attends. Je les attends. Nous les attendons.
M. Gentile (Davide) : Donc,
vous verriez où les pistes, là, quand vous évoquez le fait que le trio
économique sait où aller chercher l'argent? Vous l'avez déjà dit, mais
peut-être que vous pouvez revenir là-dessus. À votre avis, il devrait faire
quoi? Vous vous attendez à quoi dans le prochain budget?
Mme David (Gouin) : Écoutez, c'est
sûr que ça demande de la volonté politique, ça demande de sortir d'un carcan
idéologique, là, qui nous dit, depuis 30 ans : Non, non, il ne faut
surtout pas imposer les plus riches, il ne faut pas taxer les plus riches parce
qu'ils vont tous se sauver puis ils n'investiront plus, alors que ce que toutes
ces opérations ont démontré depuis les années 80, c'est qu'on a beau réduire
les impôts des plus riches, on a beau détaxer les plus riches, ils
n'investissent pas plus, ils ne créent pas plus d'emplois, ça n'augmente pas la
richesse et, surtout, ça ne diminue pas les inégalités.
Je vous rappellerai que, même s'il est
vrai que le Québec, en Amérique du Nord, est loin d'être le territoire le plus
inégalitaire — ça, c'est un fait — on peut tellement faire
mieux. Alors, on va répéter à M. Leitão des choses qu'on a déjà dites, comme
taxer le gain en capital des banques et des autres entreprises financières, comme
le beau projet de Pharma-Québec de mon collègue Amir Khadir, qui permettrait
d'économiser au minimum 1 milliard par année. C'est dans des projets comme ça
qu'il faut aller : lutte au gaspillage, avoir moins de cadres pour le
nombre de travailleurs, travailleuses dans le monde de la santé. Il y en a
plein de façons d'économiser.
M. Gentile (Davide) : Donc,
ça, vous appuieriez le ministre de la Santé, s'il se lance dans cette opération
qui est complexe...
Mme David (Gouin) : Il y a toujours
la manière. Là, vous parlez de la question des cadres?
M. Gentile (Davide) : Oui.
Mme David (Gouin) : Oui. Il y
a toujours la manière, là. On fait attention, c'est quand même des personnes
aussi, là, qui sont au travail. Mais, par attrition, par exemple, je pense
qu'il faudrait vraiment examiner sérieusement comment il se fait que le nombre
de cadres s'est multiplié par trois depuis 10 ans, alors que le nombre
d'employés a doublé. Il y a quelque chose qui ne marche pas, là.
M. Khadir
: Même chose
dans les établissements de santé, hein? Ce qu'on a vu progresser de manière
exponentielle, c'est les postes de cadre, d'ailleurs, malheureusement, sous l'administration
Couillard, lorsqu'il était ministre de la Santé. Il y a énormément de choses à
faire là, mais ça, c'est des mesures nécessaires, sans doute très saines pour l'administration.
Mais rappelons-nous qu'il y a une série
d'autres mesures, que Mme David a nommées, qui permettraient, ces mesures-là,
d'épargner des centaines de millions, voire quelques milliards de dollars,
qu'on a énumérées. Mentionnons-en juste un pour lequel des employés des
cimenteries, des travailleurs des cimenteries sont devant l'Assemblée nationale :
450 millions de l'argent des contribuables que le PQ a investi dans ce projet
de Bombardier, qui n'en a pas besoin et qui va déshabiller Paul pour habiller
Pierre. Bien, ça, c'est de l'argent qui serait mieux investi ailleurs.
M. Gentile (Davide) : Vous
feriez quoi dans ce dossier-là? Si vous aviez pris le pouvoir, vous auriez fait
quoi?
M. Khadir
: Bien,
j'aurais... M. Couillard, lorsqu'il était dans l'opposition, disait que ça
n'avait pas d'allure, faire ça. Pour Anticosti, il disait la même chose. Bien,
moi, si j'étais à la place de M. Couillard, j'agirais comme je l'ai dit avant
la campagne électorale. J'ai dit aux gens que ce n'est pas bon pour le Québec,
la cimenterie de Port-Daniel, alors j'agirais en conséquence. J'ai dit aux gens
que c'est prendre des risques et jouer à la loterie, l'histoire d'Anticosti, le
pétrole à Anticosti, j'agirais en conséquence. Agir en conséquence, comme on
l'a dit avant de se faire élire.
Mme David (Gouin) : Et ça veut
dire, par exemple, dans le cas de Port-Daniel : Non, on ne mettra pas tout
cet argent public dans une cimenterie. On pourrait probablement, avec la moitié
de cet argent-là, créer autant d'emplois dans d'autres secteurs diversifiés. Il
y a toutes sortes de propositions qui émergent d'autres groupes dans la
Baie-des-Chaleurs. On peut créer de l'emploi au Québec, là, le problème n'est
pas là, mais on peut décider quels emplois on veut créer dans quels domaines.
M. Gentile (Davide) :
Pourquoi il s'entête? Est-ce que c'est politique, là?
Mme David (Gouin) : Pardon?
M. Gentile (Davide) :
Pourquoi, à votre avis, le gouvernement s'entête là-dessus, même si plusieurs
disent que c'est...
M. Khadir
: La
question que vous posez...
Mme David (Gouin) : C'est une
bonne question.
M. Khadir
: C'est une
bonne question. Donc, ce n'est pas rationnel. La CAQ était contre; nous, on
était contre; le PQ... le Parti libéral, dans l'opposition, était contre. Tous
les acteurs économiques disent : Ça n'a pas de bon sens, ça va être
probablement un éléphant blanc. Donc, qu'est-ce qu'il y a, autre que ça? Bien,
c'est le lobby des milieux industriels, c'est le lobby de Bombardier. C'est ça
qui est malheureux.
Mme David (Gouin) : Merci.
(Fin à 13 h 45)