(Neuf heures trente et une minutes)
M. Khadir
: Alors,
bonjour et merci d'être présents avec nous. Il me fait un immense plaisir, et
c'est le reflet de l'importance que Québec solidaire y accorde, donc un
immense plaisir d'accueillir, à l'Assemblée nationale, des personnes, des représentants
des organismes qui sont actifs dans le domaine de la santé mentale. Je voudrais
remercier particulièrement le Réseau communautaire en santé mentale, le COSME,
et les différents porte-parole qui sont ici, notamment à mes côtés, Charles
Rice et Julie Nicolas. M. Rice est responsable, en fait, du Réseau
communautaire en santé mentale du Québec, et Mme Julie Nicolas est
coordonnatrice du Réseau alternatif et communautaire des organismes en santé
mentale de l'île de Montréal, le RACOR en santé mentale.
Alors, il y a une pétition qui a été
initiée, voilà déjà plusieurs semaines, qui a recueilli 2 000 noms, qui a
recueilli environ 2 000 noms, qui demande une véritable politique en santé
mentale au Québec, une politique qu'il nous tarde de voir apparaître, parce
que, depuis, bon, plus d'une vingtaine d'années, il y a plusieurs plans
d'action qui ont été mis en branle avec des succès, disons, relatifs, mais qui
étaient d'autant nécessaires qu'à plusieurs reprises les gouvernements en
place, notamment le gouvernement libéral, au milieu des années 2000, avec, à la
tête du ministère de la Santé, nul autre que l'actuel premier ministre, M.
Philippe Couillard, qui identifiait la santé mentale comme une priorité dans le
domaine social, une priorité en santé, avec le plan d'action qu'on connaît qui
allait de 2005 à 2010 et qui a été échu… donc qui a déchu déjà depuis quatre
ans.
Les problèmes en santé mentale sont
importants. Je viens d'apprendre, en fait, même comme médecin, c'est une donnée
que j'ignorais, si on évalue les problèmes causés par les santés mentales, notamment
le nombre de jours perdus dans une vie à cause des problèmes de santé liés à
différentes maladies, qu'on parle de santé vasculaire, qu'on parle de cancer,
de maladies respiratoires ou autres, la santé mentale vient en premier lieu
suivant les données de l'OMS. Et, de loin, la santé mentale affecte la vie de
nos concitoyens. Dans les pays occidentaux, c'est une personne sur cinq qui, au
cours de sa vie, va rencontrer des problèmes de santé mentale.
Alors, c'est véritablement une priorité
sociale, une priorité de santé, une priorité qui dépasse la stricte
intervention en matière de santé physique ou même mentale, c'est-à-dire ce n'est
pas des soins aigus qu'il faut uniquement, c'est bien au-delà de ça. Ça touche
plusieurs autres secteurs de la vie, parce qu'on connaît des problèmes
d'itinérance que peuvent connaître les personnes qui sont frappées par des
problèmes de santé mentale. Donc, il y a véritablement besoin d'une politique
en matière de santé mentale, qui touche, oui, le réseau de la santé, mais aussi
de l'éducation, du travail, du logement, etc.
Alors, moi, je voudrais donner la parole à
Mme Nicolas et M. Rice pour mieux insister sur les différents volets
dont on s'attend. Et je vais interpeler, au cours des prochaines semaines, mon
collègue le Dr Gaétan Barrette pour qu'il replace, comme son chef actuel l'avait
fait lorsqu'il était ministre, au centre de ses soucis, le problème de santé
mentale au Québec.
M. Rice (Charles) : Oui. En
fait, quoi dire de plus sinon, bien, c'est ça, on souhaite que la santé mentale
devienne une priorité gouvernementale. Il s'agit du dossier inachevé du premier
ministre Couillard. Philippe Couillard, du temps qu'il était ministre de la
Santé, avait décrété que la santé mentale était une priorité. Il y avait un
plan d'action qui avait adopté à ce moment-là, mais on est sans plan d'action
depuis… C'est un plan d'action qui couvrait 2005‑2010, donc on est sans plan
d'action depuis 2010. Donc, on souhaite que le gouvernement en fasse une
priorité compte tenu de l'importance des problèmes de santé mentale, comme le
soulignait M. Khadir tantôt.
Mme Nicolas (Julie) : Oui. Je
voudrais souligner que le milieu communautaire en santé mentale a déjà émis de
nombreuses propositions pour agrémenter un nouveau plan d'action qu'on attend
depuis quatre ans. Une de ces premières propositions, qui fait l'unanimité dans
le milieu communautaire au Québec, c'est d'avoir une politique gouvernementale
interministérielle. C'est vraiment le point qui nous semble important pour
toucher les déterminants sociaux et de santé des personnes qui souffrent de
problèmes de santé mentale et leurs proches. Et ce qu'on veut dire aussi
également aujourd'hui c'est que le milieu communautaire en santé mentale au Québec,
parce qu'on représente aujourd'hui ici plus de 450 organismes, on est prêts à
participer à la fois à l'élaboration et à la mise en œuvre de ce futur plan
d'action. On a des propositions, on est motivés et on espérerait pouvoir
participer également à une politique gouvernementale. Voilà, merci.
M. Khadir
: Tout à
l'heure, dans à peu près une heure, ma collègue Françoise David va déposer la
pétition du COSME à l'Assemblée nationale et qui est adressée au gouvernement
libéral.
Merci de votre attention. Avez-vous une
question?
M. Poinlane (Pascal)
:
Bien sûr. Comment qualifiez… Pascal Poinlane, Radio-Canada. Comment
qualifieriez-vous l'action du gouvernement sans plan d'action? Alors, comment
agit-il, comment qualifieriez-vous son action, sachant qu'il n'y a pas de plan
d'action global?
M. Rice (Charles) : Bien, en
fait, on est un peu mitigés, en fait. On est un peu d'accord avec le
commissaire à la santé et services sociaux qui a rendu public un rapport l'an
dernier. Il y a eu des avancées dans le dernier plan d'action, mais il y a
aussi eu des reculs, puis un des principaux reculs, c'est qu'on considère qu'on
n'est pas reconnus à notre juste valeur. Quand je dis «on», je parle du milieu
communautaire en santé mentale au Québec. On parle de 450 groupes, donc on
voudrait que le travail qu'on fait, le travail de terrain, le travail de
proximité qui est fait par ces organismes-là soit reconnu à sa juste valeur par
l'État.
M. Khadir
: Et une
première démarche pour reconnaître cette valeur, c'est au minimum de reconduire
la promesse du Parti québécois, lorsqu'il était au pouvoir, des
120 millions supplémentaires immédiats qu'il faut accorder aux organismes
communautaires pour leur financement.
M. Poinlane (Pascal)
:
Mais diriez-vous que le gouvernement a besoin de cette politique pour… est-ce
que le gouvernement est complètement désorganisé en matière de santé mentale ou…
Pourquoi ça prend une politique? C'est un peu ça…
Mme Nicolas (Julie) : Bien,
le dernier plan d'action est arrivé à échéance il y a quatre ans, donc on
fonctionne toujours sur ce plan-là, et ce qu'a souligné le Commissaire à la
santé et au bien-être, c'est qu'il n'y avait pas eu les investissements
nécessaires pour vraiment faire de ce plan une réussite. Il avait une belle
vision, mais, malheureusement, les investissements n'ont pas été faits, donc
maintenant on se retrouve un peu entre deux chaises. On avait un peu fait… on
voulait faire circuler les personnes de la troisième ligne vers la première
ligne, sauf que les budgets n'ont pas suivi. Donc, il y a des gens qui se
retrouvent effectivement dans des situations difficiles de problème d'accès et
de suivi de continuité.
M. Poinlane (Pascal)
:
Par exemple?
Mme Nicolas (Julie) : Par
exemple, si tu es une personne qui souffre d'un problème de schizophrène et que
tu te retrouves dans une période de ta vie où tu es stabilisé, on te dit :
Bien, maintenant, ce n'est plus ton psychiatre qui va te suivre, c'est ton
médecin de famille. Sauf que le médecin de famille… oui, je suis dans une
période très stabilisée, mais mon médecin de famille, il n'a pas le soutien, et
les connaissances, et la formation continue requise pour me soutenir au moment
où je vais me déstabiliser dans ma vie.
M. Poinlane (Pascal)
:
Une petite question complémentaire, M. Khadir, sur le dossier de Port-Daniel.
Je sais que ce n'est pas le sujet aujourd'hui.
M. Khadir
: Il n'y a
pas d'autre question sur la politique en santé mentale?
M. Poinlane (Pascal)
: Nous
sommes seuls en tête-à-tête.
M. Khadir
: Des fois, c'est
des questions de…
M. Poinlane (Pascal)
:
Alors, on voit que le ministre responsable du dossier semble dire qu'il va
peut-être falloir reculer. Il va y avoir une décision potentiellement d'ici le
budget et, en contrepartie…
M. Khadir
: Ce n'est
pas un recul. Je dis au ministre : Il n'est jamais trop tard pour bien
faire. Donc, si le ministre peut aujourd'hui reconnaître, avec l'ensemble des
acteurs… parce que, pour beaucoup de gens, c'était incompréhensible, là. On se
rappelle que le PQ avait promis cet argent-là pour gagner un comté
essentiellement. C'est une mesure électoraliste, qui coûtait très cher au
trésor public, dénoncée d'ailleurs par plusieurs acteurs et même du bout des
lèvres jusqu'à un certain point par l'opposition libérale. On s'entend
aujourd'hui que c'était une mauvaise décision, qui va être contestée, qui va
sans doute être un autre éléphant blanc dans la région de la Gaspésie. Donc, il
est plus que temps pour le gouvernement libéral, de manière honorable,
d'annuler cette aide et de s'assurer que, si on a de l'argent à dépenser, même
si cet argent est dépensé uniquement en Gaspésie, tout le monde sait qu'en
investissant dans divers secteurs pour diversifier l'économie gaspésienne, on
va créer beaucoup plus d'emplois plus durables à long terme.
M. Poinlane (Pascal)
:
Et une dernière. Le fait que plusieurs élus de trois États américains sont en
train de s'organiser pour demander une intervention de Washington pour
contester ce projet devant l'OMC, s'il voit le jour, là, parce qu'ils crient
déjà à la concurrence déloyale, aux subventions de l'État pour leur faire
concurrence, qu'est-ce que ça vous dit?
M. Khadir
: Mais,
écoutez, ce qui est déplorable et ce qui est triste, c'est que ça soit des
Américains, des élus américains qui contestent ça et qui réussissent, alors que
des élus au Québec, et des acteurs sociaux, et les travailleurs, et les
syndicats l'ont dit, ont dit exactement la même chose. C'est non seulement une
concurrence déloyale pour les entreprises américaines, c'est une concurrence
déloyale même pour nos propres entreprises de cimenterie au Québec qui ont de
la peine à subsister, à persister dans le marché. C'est triste, mais moi,
j'aurais souhaité que ce genre de décision logique et qui n'est pas un recul,
qui est une avancée, c'est-à-dire tenir compte de la réalité plutôt que d'agir
de manière électoraliste, ait été prise sur la base de nos propres évaluations
puis de la protestation de notre propre peuple plutôt que de tribunaux
internationaux. Merci beaucoup.
(Fin à 9 h 41)