(Treize heures cinq minutes)
M. Barrette : Alors, bienvenue
tout le monde. Je pense qu'on peut dire aujourd'hui que c'est un grand jour de
la vie parlementaire du Québec.
Alors, nous sommes ici aujourd'hui
rassemblés, représentant les quatre partis qui sont présents à l'Assemblée
nationale. Je suis accompagné, comme vous le savez, de Mme Hivon, M. Amir
Khadir, M. Schneeberger, alors représentant chacun des partis qui ont participé
à cette grande démarche extrêmement démocratique, qui a commencé maintenant il
y a cinq ans, en 2009, c'est-à-dire tous les travaux qui ont mené au dernier projet
de loi qui est officiellement ramené aujourd'hui à l'Assemblée nationale de
façon unanime, et on parle évidemment du projet de loi sur les soins de vie.
Rappelons en quelques mots tout le travail
qui a été fait dans le passé par tout le monde, qui a commencé en 2009 par une
commission spéciale et qui a été suivie par divers travaux parlementaires et
ultimement par le dépôt d'un projet de loi, mais surtout par un grand exercice
démocratique qui a été fait de façon systématique et qui a été présidé, sur le
plan législatif, par Mme Hivon, dont il faut reconnaître ici tout le travail et
tous les efforts qui ont été faits.
Évidemment, il faut reconnaître tous les
efforts et tout le travail qui a été fait par tout le monde, tant par les gens
au Parti libéral initialement à la commission spéciale, par M. Kelley qui
coprésidait la commission avec Mme Hivon, que par tous les députés de tous les
partis qui ont siégé, à divers moments, aux différentes étapes de ce projet de
loi qui nous mènent aujourd'hui à son éventuelle adoption.
Alors, c'est un grand jour qui fait en
sorte qu'on met en place un projet de loi qui s'adresse fondamentalement à
l'ensemble des projets… des soins de fin de vie. Et ça, c'est important de le
retenir, parce que ce n'est pas un projet de loi qui a une vision unique, d'un
seul aspect. Il faut le voir comme étant ce qu'il est, c'est-à-dire un projet
de loi qui vise à bien encadrer et à garantir à la population des soins de fin
de vie de qualité, selon les choix de la population. C'est un grand exercice
qui va se conclure bientôt par un vote dans cette session parlementaire ci. Et
j'ose espérer que ce projet de loi sera adopté, comme, sans doute, mes
collègues avec moi l'espèrent.
Alors, ça répond aux besoins de la
population. Je pense que c'est un grand moment sur le plan démocratique. Le
gouvernement, l'Assemblée nationale, les gouvernements précédents ont répondu
aux attentes de la population. Et, bien que ça a été dit à plusieurs reprises,
je le redis aujourd'hui, je pense qu'on peut être fiers, au Québec, d'avoir
assisté, et participé, et conclu un tel exercice parlementaire démocratique,
qui vise, sur un sujet extrêmement délicat, à tirer une conclusion qui soit, à
mon avis, à la satisfaction de la population.
Je vais passer la parole à Mme Hivon, qui,
évidemment, a travaillé d'une façon ardue, longue, pendant des années sur ce
dossier-là et qui en a sûrement quelques bons mots à dire. Mme Hivon.
Mme
Hivon
:
Merci beaucoup, M. Barrette. Alors, je pense qu'effectivement c'est un autre jour
d'espoir, un autre jour très important pour les personnes en fin de vie, ces
personnes qui, en fait, sont celles qui nous ont toujours guidés, comme
parlementaires, depuis maintenant près de cinq ans, dont l'intérêt a toujours
été au coeur de nos travaux, de nos délibérations, ce qui a permis de
travailler à travers le tumulte qui pouvait parfois exister en parallèle de nos
travaux et de toujours garder le focus sur ce qui devait être notre
préoccupation, c'est-à-dire d'offrir le plus de compassion, d'humanité et de
solidarité pour les personnes en fin de vie.
Donc, je me réjouis donc, d'abord et avant
tout, aujourd'hui pour elles, pour ces personnes-là et aussi pour la population
en général, pour les Québécois, qui, on le sait, sont très largement derrière
ce projet de loi, en souhaitent ardemment l'adoption. Et on a pu le constater,
je crois… en tout cas, j'ai pu le constater sur le terrain à tous les jours,
lors de la dernière campagne électorale, parce que je m'en faisais parler, et
les gens nous disaient à quel point ils avaient hâte que ce projet de loi
devienne une loi en bonne et due forme.
Donc, je veux aussi dire que ce projet de
loi là, c'est un projet de loi excessivement novateur. Je pense que le Québec a
toutes les raisons d'être fier d'être un précurseur, oui, pour la question de l'aide
médicale à mourir, qui est celle qui retient le plus l'attention, mais aussi
pour toute l'approche qui est mise de l'avant. C'est le premier projet de loi
qui intègre vraiment toute la réalité des soins de fin de vie, les soins
palliatifs jusqu'à l'aide médicale à mourir, y compris toute la question des
directives médicales anticipées. Donc, c'est le seul projet de loi qui existe
qui vraiment met de l'avant une vision d'un continuum de soins pour répondre à
tous les besoins spécifiques, individuels, je dirais, bien en lien avec la
situation propre d'une personne, de chaque personne en fin de vie. Et ça, pour
moi, c'est vraiment une très belle avancée sur le fonds des choses avec ces
trois volets, donc le droit aux soins palliatifs, la question, bien sûr,
de ce soin exceptionnel pour des cas de souffrance exceptionnelle qui est l'aide
médicale à mourir, et aussi cette autre nouveauté, qu'on passe malheureusement
trop souvent sous silence, du régime des directives médicales anticipées qui
donne toute la place à la volonté et au respect de la volonté de la personne.
Donc, je vous ai dit d'entrée de jeu que c'était
un jour d'espoir pour les personnes en fin de vie, mais je pense que, comme M.
Barrette l'a dit, c'est aussi un jour d'espoir pour le parlementarisme, pour
notre démocratie parce que ce processus-là a été exemplaire et il nous montre
que, quand on décide de s'élever, quand on décide de faire preuve de maturité,
tout est possible, et cet enjeu-là requérait une telle approche. Un enjeu de
société aussi fondamental, je dois vous dire que je suis très fière de tout ce
qu'on a réussi à faire ensemble, collégialement. C'est un projet de loi qui a
passé à travers deux changements de gouvernement, une démarche en fait et un
projet de loi qui passent à travers un deuxième gouvernement, une démarche qui
a été initiée alors que nous étions dans l'opposition, et qui a été continuée
quand on était au gouvernement, et qui, là, continue avec un nouveau
gouvernement, alors que les initiateurs se retrouvent dans l'opposition.
Donc, je pense que ça montre qu'on est
capables, quand on a toute la volonté qu'il faut, de faire de grandes choses
pour notre démocratie, et j'espère que le prochain point de presse va être
celui de la réalité, et qu'on va donc s'en reparler la prochaine fois, quand on
va passer de l'espoir à la réalité pour faire une vraie différence pour plus de
compassion et d'humanité pour les personnes en fin de vie.
M. Barrette : Merci. M.
Schneeberger, peut-être, quelques mots.
M.
Schneeberger
:
Moi, je voudrais juste souligner vraiment toute la collaboration entre députés
et surtout souligner, surtout c'est un vote libre, alors chaque député est
libre de voter comme… avec ses propres convictions. Ça, c'est vraiment très
important. Ça ne se fait pas souvent, il faut le souligner.
M. Barrette : M. Khadir.
M. Khadir
: Merci. Au
centre de ce projet de loi, il y a une préoccupation à laquelle Dominique a
fait allusion : la souffrance humaine, souffrance excessive, souffrance
intolérable, puis une société qui a évolué dans la manière d'appréhender la
mort, et la vie, et le passage de l'un à l'autre. Si on a souligné à plusieurs
reprises l'unanimité qui a entouré… la volonté unanime qui a entouré le travail
qui débouche sur ce projet de loi, cette volonté-là traduit un consensus, quand
même, social assez fort : plus de 80 % des gens, de fois en fois, qui
ont été questionnés sont d'accord.
J'aurais juste un mot à l'attention…
l'intention de ceux qui ont encore des doutes ou qui pensent qu'il pourrait y
avoir quelque part un risque pour un certain nombre de patients. Je veux les
rassurer. Tout le long des cinq années dont on vient de parler, quatre ans et
demi, là, cinq ans…
M. Barrette : Presque cinq
ans.
M. Khadir
: …tous les
travaux auxquels j'ai assisté, ça a été un souci central permanent des membres
de la commission qui ont œuvré sur ce projet de loi de justement éviter tout
dérapage, toute atteinte au droit à la vie des gens. En fait, ce qui est question
ici, c'est le droit, justement, fondamental, au centre de la vie, qui est…
qu'on reconnaît dans nos sociétés modernes des êtres et des individus pour
décider d'eux-mêmes. Et c'est dans le respect de cette dignité qu'on a fait ce
travail ensemble.
M. Barrette : Alors, je
terminerai, avant la période de questions, sur ces quelques mots. Au Parti
libéral, nous avions demandé de façon claire, nette et précise, et ça nous l'a
été reproché à plusieurs reprises, d'avoir un vote libre, du moins pour le
Parti libéral. Je comprends aujourd'hui que, nous et nos collègues, ce sera le
cas, ce sera un vote libre pour les quatre partis lorsque ce vote-là se fera
d'une part.
Nous nous étions engagés à le ramener, ce
projet de loi là, dans une circonstance où il y a eu un déclenchement d'une
campagne électorale, et ce que l'on avait demandé à l'époque était d'avoir la
possibilité pour chacun de pouvoir s'exprimer et, idéalement, d'avoir un vote
libre, et ça sera le cas. Alors, il y aura une période où les gens pourront
s'exprimer de façon formelle une dernière fois, face à leurs propres électeurs,
et il y aura un vote libre. Et aujourd'hui je suis très fier de faire partie
d'une Assemblée qui fait en sorte que, pour un sujet aussi délicat, il y aura
un vote libre. Et je suis… comme Mme Hivon, j'espère qu'il y aura un grand jour
et que ce projet de loi passera.
M. Lacroix (Louis)
: Dans
votre caucus, M. Barrette, est-ce que vous avez sondé les gens? Parce que, lors
du dernier vote, là, sur le principe, je pense, il y avait eu 25 députés
libéraux qui avaient voté contre le projet, c'était la moitié de la députation.
Alors, est-ce que vous avez fait ce même sondage parmi les troupes?
M. Barrette : Alors, je vous
dirais que ce qui s'est passé, c'est une mise à jour de l'information. Parce
que, vous savez, le problème de ce projet de loi là, qu'on soit député ou qu'on
soit citoyen, ça vient nous chercher dans nos valeurs qui sont profondes, et
malheureusement ce projet de loi là, bien… et, encore aujourd'hui, à bien des
égards, chez bien des gens, c'est encore perçu comme étant un projet de loi sur
l'aide médicale à mourir. Ce n'est pas ça.
Je vous invite à lire les deux premiers
paragraphes du projet de loi. C'est un projet de loi qui traite des soins de
fin de vie, qui, eux, sont compris dans un continuum qui va du refus des soins
jusqu'à, à l'autre extrême, l'aide médicale à mourir, mais avec un focus très
particulier sur les soins palliatifs, projet de loi qui dit d'ailleurs que les
soins palliatifs sont un droit.
Ce n'est pas un projet de loi qui est un
projet de loi sur l'aide médicale à mourir, c'est un projet de loi sur les
soins de fin de vie. Et j'ai eu à faire une présentation, ce débat-là, à
l'interne et je peux vous dire que bien des gens dans le Parti libéral ont
changé d'idée par rapport à leur position précédente. Je ne vous dirai pas quel
sera le score. Le score sera celui qui sera constaté le jour du vote. Mais,
même aujourd'hui… Et je vous le dis personnellement, là, moi, la semaine dernière,
j'étais dans mon comté, j'avais une assemblée demandée par des personnes plus
âgées, j'avais une soixantaine de personnes, et, encore aujourd'hui, il y a des
gens, particulièrement ceux qui s'y opposent, qui n'ont pas la bonne lecture de
ce qu'est ce projet de loi là, qui est un projet de loi de soins de fin de vie
d'abord et avant tout.
Mme Prince (Véronique)
:
Tout à l'heure, M. Moreau avait peur de ne pas trouver une fenêtre
d'opportunité pour faire adopter le projet de loi sur l'inspecteur général
avant la fin de la session. Est-ce que vous pensez, de votre côté, que vous
allez avoir cette fenêtre-là pour l'adoption?
M. Barrette : Pour ce projet
de loi là? C'est notre intention de l'avoir. Alors, je serais le premier déçu
et surpris — alors, surpris d'abord, déçu ensuite — qu'on
n'ait pas un vote. C'est fermement notre intention d'avoir un vote sur ce
projet de loi là dans cette session-ci.
Mme Lajoie (Geneviève)
:
M. Barrette, combien de personnes veulent s'exprimer? Parce que, là, il y a 70
députés, maintenant, libéraux, il y en a des nouveaux…
M. Barrette : C'est ça. Écoutez,
je n'ai pas le chiffre au moment où on se parle, mais une chose est certaine :
ceux qui veulent s'exprimer vont s'exprimer, et on verra, là. Malheureusement,
je n'ai pas de chiffre précis à vous donner aujourd'hui.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Puis, parmi les nouveaux élus du Parti libéral, est-ce que le projet de loi
reçoit un appui majoritaire à ce moment-ci?
M. Barrette : Écoutez,
particulièrement pour les nouveaux élus au Parti libéral, je devais faire cette
présentation-là et qui a eu le bénéfice d'éclaircir certains points pour ceux
qui, précédemment, avaient émis une position plus critique ou plus hésitante.
Alors, moi, je peux vous dire qu'à l'intérieur du Parti libéral le vote sera
certainement très favorable.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Du
côté de la CAQ, est-ce que c'est possible de préciser le nombre d'appuis?
Est-ce qu'il y a un appui majoritaire?
M.
Schneeberger
:
Actuellement, c'est unanime. Pas une… bien, unanime
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Unanime?
M.
Schneeberger
:
Oui, actuellement. Il pourrait toujours y avoir changement.
La Modératrice
: M.
Robillard.
M. Robillard (Alexandre)
:
Comment vous expliquez, M. Barrette, que ça ait nécessité des explications
supplémentaires au sein de votre caucus pour que la portée du projet de loi
apparaisse claire?
M. Barrette : Pour la même
raison qu'il y a 60 personnes dans mon comté, après cinq ans de débats sur la
place publique dans les deux langues, me demandent encore d'aller leur
expliquer. C'est un projet de loi qui, fondamentalement, peut générer certaines
interrogations et certaines inquiétudes dans la population. M. Khadir y faisait
référence il y a quelques instants puis avec justesse. Il prend quelques
moments pour prendre la parole pour dire à la population : Les craintes
que vous avez sont prévues dans la loi pour ne pas arriver.
Alors, moi, je trouve ça tout à fait
normal que, quand on touche un sujet aussi délicat, aussi personnel que les
soins de fin de vie, qu'il y ait des hésitations. C'est tout à fait normal.
Maintenant, c'est le parlementarisme. Nous, comme parlementaires, on n'est pas
là pour se juger les uns les autres, on est là pour faire un exercice de
représentation et de réflexion et d'en arriver, à un moment donné, à un vote
qui représente éventuellement l'opinion de la majorité de la population. Moi,
je trouve ça très sain, et je l'ai dit, et je le redis, je suis très fier de
faire partie d'une assemblée qui fait cet exercice-là, qui est non partisane.
Alors, moi, je pense que ce n'est pas un bon angle de nous poser des questions
par parti. L'angle ici, c'est le parlementarisme qui a fait son travail.
M. Lacroix (Louis)
:
Vous dites qu'il y a une différence, que ça a été mal perçu, etc…
M. Barrette : Non, ce n'est
pas ça que j'ai dit.
M. Lacroix (Louis)
:
Mais non, mais dans la population…
M. Barrette : Ce que j'ai dit,
c'est que… je m'excuse de vous interrompre puis je vais vous laisser… je vais
répondre à votre question. Ce n'est pas une question de perception, c'est une
question de cheminement personnel, tout le monde, là. Mais j'étais à
l'extérieur, moi, avant. J'ai vu des parlementaires cheminer. Ils ont cheminé
par le débat et, par le débat, ils sont arrivés à la conclusion de ce projet de
loi là qui a été proposé par Mme Hivon. Alors, on parle ici de cheminement
d'êtres humains qui se retrouvent à être députés et représenter la population.
Ce n'est pas une question d'hésitation, c'est tout à fait normal.
M. Lacroix (Louis)
:
Mais là où j'allais, parce que j'ai...
M. Barrette : Oui, je
m'excuse. Je vous ai interrompu, là.
M. Lacroix (Louis)
:
Vous m'avez peut-être arrêté juste avant, mais ce n'est pas grave.
M. Barrette : Je ne le ferai
pas trop souvent.
M. Lacroix (Louis)
:
Recommencez pas ça.
M. Barrette : C'est une
déformation professionnelle.
M. Lacroix (Louis)
: Oui,
oui, c'est ça. Il y a deux publicités qui tournent en ce moment, là, des
opposants, là, à ce projet de loi et qui laissent sous-entendre, en fait,
que... entre autres, on parle de la Commission des droits de la personne qui
voudrait faire en sorte d'étendre le projet de loi aux enfants et on laisse
sous-entendre qu'on pourrait euthanasier — c'est le terme qu'ils
utilisent — les enfants. Comment vous réagissez quand vous entendez
des... Mme Hivon, particulièrement, qui a été dans le dossier pendant
longtemps, etc., comment vous réagissez quand vous entendez ceci? Est-ce que c'est
irresponsable de laisser sous-entendre ça?
Mme
Hivon
:
Bien, écoutez, je trouve ça excessivement regrettable parce qu'évidemment c'est...
Premièrement, on ne peut pas encapsuler dans des pubs de 30 secondes un débat
aussi complexe, aussi raffiné sur des enjeux aussi fondamentaux et humains et,
deuxièmement, de faire des rapprochements avec des réalités qui ne sont
aucunement présentes dans le projet de loi. Les informations qui sont
véhiculées n'ont rien à voir avec le contenu du projet de loi. Il faut aller
voir l'article 26 pour voir que le premier alinéa, c'est une personne majeure
et apte. Donc, toute cette information-là qui est véhiculée n'est aucunement
fondée sur les faits et sur la réalité du projet de loi. Donc, évidemment que
je déplore ces publicités-là.
Mais, ceci dit, je ne pense pas que ça
vient vraiment changer les choses pour les gens qui sont vraiment très, très
majoritairement en faveur de ce projet de loi là. On le sent sur le terrain, on
le sent dans nos bureaux de circonscription, on le sent depuis le début parce
que ça a été une démarche de participation citoyenne exceptionnelle pendant des
mois et des mois de consultation. Donc, je pense que le pouls de la population
est très clair et je ne pense pas que c'est des publicités comme ça qui vont
changer.
Mme Lajoie (Geneviève)
:
…certaines juridictions, comme la Belgique, qui ont étendu effectivement
l'euthanasie ou, en tout cas, aux jeunes enfants. Est-ce que c'est quelque
chose qui pourrait être perfectible, ce projet de loi là, et aller jusque-là à
un moment donné? Bien, pas là, mais peut-être éventuellement…
M. Barrette : Je ne dirai pas
que d'aller là, c'est d'avoir perfectionné le projet de loi. Je n'utiliserai
pas ce terme-là. Ceci étant dit, le projet de loi, comme Mme Hivon l'a dit, a
des balises qui sont très claires, très limitatives. Et jamais, dans ces
débats-là qui ont précédé, là, qui ont amené à ce projet de loi là, jamais quelqu'un
n'a fait la promotion ou même, je dirais, mentionné la possibilité d'aller dans
cette direction-là. Ça n'a jamais été sur la table, d'une part. Et là on voit
des groupes qui, bon, dépensent des sommes, font un lobby et qui vont entraîner
probablement la même réaction que ces mêmes groupes là ont eue lorsqu'ils ont
fait leurs commentaires-épouvantails, lorsqu'il y a eu des débats dans le
passé, parce que c'est de ça qu'on parle. Ici, on parle de groupes de pression,
il y en aura toujours, il y a toujours une minorité, il y a toujours une
majorité.
Rappelons-nous que ce projet de loi là,
l'exercice a commencé par une commission spéciale parce qu'il y avait assez de
gens qui considéraient qu'on devait avoir un débat là-dessus. Ce n'est pas un
projet qui est mené, à la case départ, d'intention de parlementaires. Au
contraire, il y avait suffisamment de gens sur le terrain, qui se sont exprimés
dans des sondages, dans des lettres, dans nos cabinets de nos médecins pour
qu'on puisse dire à ce moment-ci : On est rendus là dans la société,
répondons à un besoin que la population exprime, fortement ou pas fortement,
vocalement.
J'ai dit, moi, à certains groupes, dont
jeudi passé encore une fois, j'ai dit la chose suivante : Ce projet de loi
là n'aurait pas été possible en 1945. Jamais on n'aurait pensé à cette
époque-là que la population était rendue là. Le projet de loi existe parce qu'à
un moment donné il y a eu assez de bruit de fond — permettez-moi
d'utiliser cette expression-là — pour qu'on aille de l'avant dans ce
débat-là parlementaire. Et je réitère le fait que le parlementarisme a servi la
population correctement aujourd'hui.
Mme Prince (Véronique)
:
En campagne électorale, Philippe Couillard avait dit que le nom «mourir dans la
dignité» le dérangeait, il avait évoqué le souhait de peut-être le changer. Si
je comprends bien, ça n'arrivera pas.
Mme
Hivon
:
Bien, le titre du projet de loi, c'est sur les soins de fin de vie, donc il
garde le même titre. Et je vous dirais que la commission spéciale était sur la question
de mourir dans la dignité, parce qu'en fait, vous savez, mourir dans la
dignité, ce n'est pas synonyme de demander une aide médicale à mourir.
Qu'est-ce que ça veut dire, mourir dans la dignité? Ça veut dire mourir avec le
moins de souffrance possible, ça veut dire mourir en sentant qu'on est toujours
la personne qu'on a été et qu'on a pu être pendant sa vie et qu'on reste… on
souhaite pouvoir demeurer cette personne-là. Donc, c'est ça que ça veut dire.
Donc, c'est vrai que peut-être que, pour
certains, c'est associé à ça, mais le projet de loi, c'est un projet de loi sur
les soins de fin de vie, c'est très clair partout. Mais je pense que cette
expression-là est consacrée parce qu'elle vient du nom de la commission
spéciale. C'est une expression qu'on entend souvent.
M. Barrette : Voilà. Et je
prends le relais de Mme Hivon parce que c'est... il faut se rappeler ce
qui s'est passé. Le débat, là, quand il a commencé, là, il y avait un mouvement
de fond de gens qui disaient : O.K., il faut qu'on s'adresse à ça. Le
premier nom, ça a été la Commission sur mourir dans la dignité, et il y a eu
une migration du nom vers les soins de vie parce que le parlementarisme a fait
sa job, parce que les gens qui sont venus, là, ils sont venus s'exprimer puis
ils ont dit : Non, non, non, ce n'est pas juste ça, là, c'est les soins de
vie. Et il y a eu l'emphase, à un moment donné, sur les soins palliatifs.
Et je réitère, encore une fois, ce que les
deux premiers paragraphes disent. Ils disent : Voici un projet de loi qui
donne le pouvoir au citoyen de choisir comment va se passer sa fin de vie, dans
les mesures du possible, dans un cadre spécifique et en limitant certains
gestes, comme, par exemple, les enfants, comme par exemple... comme, par exemple,
on ne peut pas, par mesure anticipée, dire : Bien, voici, là, je veux
qu'on me donne l'aide médicale à mourir si un jour je suis dément. C'est parce
que ce n'est pas là, là.
M. Khadir
: Tout ceci
étant dit, on parle beaucoup de transparence nécessaire à notre vie collective.
Mais de parler de manière transparente sans réserve des considérations de
souffrance, de souffrance terminale, de la vie et de la mort, collectivement,
une fois de temps en temps, dans la vie d'une société, il n'y a rien de mal à
ça. Et il n'y a rien de mal aussi de parler du droit de mourir dans la dignité,
qui veut dire mourir, faire le choix de mourir parce que la souffrance est
inadmissible et impossible à régler. C'est de ça qu'on a parlé, et c'est bon
qu'on en parle ouvertement.
M. Barrette :
Voilà.
Mme Plante (Caroline)
:
Mr. Barrette, the groups Living with Dignity and the Physicians' Alliance
against Euthanasia are announcing at 2 :00 o'clock this afternoon their
intention of challenging Bill 52. Do you worry about possible lengthy
court procedures?
M. Barrette :
Not at all. My understanding is that... not my understanding, the reality is
that when we had the commission at first, those aspects, the legal aspects were
addressed, and there was a large consensus in the judiciary world that this
would pass all federal laws, and Constitution, and all that. So it's their
right to go ahead and to take that action, if they want to do that, but I'm not
very quite worried at all that it will be a revolt in any
way.
Mme Plante (Caroline)
: What is the importance of this bill and how likely it will pass
before the end of the session?
M. Barrette : My opinion, and we will see if I am right, but we… I think I can
say that, between the four of us, we think that the bill will pass strongly. I
think that's our opinion. Am I right by saying that? And I hope it will, but I
think it will.
The impact, basically, is
to give… to empower each and every one of us to decide, when we are at the
stage of the end of our life, to decide exactly how that life will end. We will
have the choice, by this law, to choose from palliative care to medical aid to
die, to dying. So this is something that will be addressed… not addressed, but
this is to be written in the law, and I think that, when we talk about dignity,
we need to say, and that's my understanding and my
belief, dignity passes through choice. We are giving each and everyone in this
province the choice to live that part of their life, the end of it, the way
they want. They want palliative care, they want no treatment, they want medical
aid to dying, that's their choice. Their choice, not my choice as a doctor, not
my choice as a minister, not anybody else's choice. It's their choice. And I
think it's a strong statement.
Mme Montgomery
(Angelica)
: Mrs. Hivon, during the election campaign and even
a little bit before, you suggested several times that the Liberals would not
bring forward this bill at the stage it has been. You said : Vote PQ in
order to have a dying with dignity bill. If your concerns were real, how do you
explain that we are here today?
Mme
Hivon
:
I'm really happy we are here today.
M. Barrette :
So am I, by the way.
Mme
Hivon
:
You know that Mr. Barrette was one of the biggest fans of the bill. So I'm
really happy about this, I think that the past is behind. But what was
worrisome, was that… And I don't want to go back to the past, because this is a
happy day, and we are looking forward to the future, and the collaboration that
has been there, you know, from the start. But I think, yes, there was some
worries because… you know, the last days, you remember, the last days of the
last session, and we weren't able to go through with the last hours. So, yes,
there were worries, but we never, never used this bill as a partisan tool.
Never, even during the campaign. We just asked and said how important it was to
bring it back and we are really happy that this is what's happening today.
M. Daigle (Thomas) : Mr. Barrette, can you explain the discrepancy between the way some
people see this bill versus what it is really and what the ultimate goal here
is?
M. Barrette :
I believe strongly that forever there will be
discrepancies because it's a subject that goes deep within each and everyone of
us and, as we saw with deputies, we have to follow our own path. And one day we
might be against and then we might move on the other side and before. I think
it's such a delicate issue that, for each and everyone of us, it is quite
normal to take some times to make our mind. So if you're asking me why is it
that some deputy for instance will change his mind… that's absolutely normal. I
don't see that as being anything else that the human reflection on such a
delicate issue, that's all. Period.
M. Dougherty (Kevin)
:Dr. Barrette, I know you are a ministry now, but I
think… Mme Hivon said, just a minute ago, really, but you… in fact, you are one
of the people who were the initiators of this law. Aren't you… I mean, you
were, as a doctor, you were in favor of taking this measure. Can you tell me, a
bit, as a doctor, why do we need this?
M. Barrette : If you remember well, years ago, the topic of euthanasia and what
we call… the topic of euthanasia, at some point, was put on the table of the
college, and the college was not… was taking quite some time to make a
statement at that time. At that time, when I was in my other job, and then when
I was practicing, at that time, the issue for the general public to address
that specific issue of end of life care was something that was spoken in our
offices, addressed in our offices all the time. The issue of the… what I called
previously the proverbial morphine injection was something that wasn't lived
every day. The issue of clarifying that situation, regarding to the federal
law, the criminal law, was something that had to be addressed.
So that was basically the
situation when, in my previous job, if you remember well, I pulled, we pulled
doctors — maybe you
remember that — and
the numbers were astonishing. The numbers were quite clear because we polled
doctors and we polled the general public, as many others did, and it was clear
in those polls that the society was there, they were ready to address that
because they were asking for it. And then there was a cascade. After that, my
colleague Dr. Bolduc, at that time, took the ball, and went forward, and
created the first commission with Mr. Kelley and Mrs. Hivon, and then you know
what happened.
So, what… in my personal
view — because you're
asking me my personal view — it had to be addressed. You might say that I provoked things a bit,
but obviously it was the right thing to do considering what was the reaction
for the general population and all
the deputies that had to work through that for over those years.
La Modératrice
:Étant donné qu'on
va bientôt terminer, peut-être encore une ou deux questions, s'il vous
plaît.
Une voix
: …
La Modératrice
:S'il y a des questions sur d'autres sujets, on pourra peut-être les faire individuellement par la
suite.
M. Poinlane (Pascal)
: I just would like to know if you're going to address these concerns
that people have that their could be abuses in terms of, you know… we've had the groups from Belgium,
with all the comparisons to Belgium, that they changed their law the years
after was passed, to include children or to include a wider group of people.
What is to say that is not going to happen here eventually?
M. Barrette : If it were to happen, it would have to go again through a democratic
process, a new law, modifications, parliamentary commissions and all that. That's what happened in Belgium. People think that
in Belgium deputies or ministers decided by themselves.
No. That's not what happened. There were debates over there, strong debates,
big discussions, commissions and all that again. That's where they are. That's
not to say that in Québec we will get there or we were even then dare to
discuss that.
M. Harrold (Max) :
So then I've just one question. If you're the parent of a terminally ill 16
years-old, and the parents… and the child…
M. Barrette :
16.
M. Harrold (Max) :
Let's just say under… well, under the age than what is in the law…
M. Barrette :
It won't happen.
M. Harrold (Max) :
What do you say?
M. Barrette :
It won't happen.
M. Harrold (Max) :
And the reason is : It's just an obituary cut-off.
M. Barrette :
The reason is that we have stated at this time, in this year, that the criterias
by which you can address that or to go through that path are those. You know
them, a jury is there. 16 is not a possibility, period.
Mme
Hivon
:
I think it's important to say that it was not an issue that was raised a lot
during the consultations, I think two people out of 350 raised that issue and I
don't think the consensus is there. That being said, like Mr. Khadir said, I
think that it's OK to discuss those things. And, you know, one of the merits of
this whole process was to show that we can address, as a society, the most
difficult sensitive issues, ones that relate to die, to your end of life and do
it in a very mature way. And I think that that should also teach us lessons for
the rest.
M. Barrette :
And if you were to ask me… maybe one last comment. If you were to ask me today
if I'd be willing today to go in that direction, the answer would be, today,
no.
M. Poinlane (Pascal)
:
…devant les tribunaux, là, du projet de loi et de la loi…
M. Barrette : Je m'excuse, je
n'ai pas compris le début de votre question.
M. Poinlane (Pascal)
:
Si la loi est contestée devant les tribunaux, là, quelle pourrait être sa
solidité? Vous l'avez dit en anglais, c'est juste qu'on ne l'a pas entendu.
M. Barrette : Bien, écoutez,
notre compréhension de la jurisprudence et des lois, parce qu'il y a eu quand
même… Si vous vous rappelez, lorsqu'il y a eu la commission spéciale
initialement, mon collègue Jean-Marc Fournier, à l'époque, avait demandé à un
groupe de juristes de faire l'analyse des composantes légales de ce projet de
loi là. Et la conclusion avait été, à l'époque, que ça passait le test et de la
Constitution et de la loi fédérale.
Maintenant, comme nous sommes dans une
démocratie, libre à tout un chacun de contester tel ou tel projet de loi devant
les tribunaux. Mais nous, on est assez… et je pense que Mme Hivon à l'époque
l'était aussi, nous sommes bien confiants que nous gagnerions une telle
contestation.
Mme
Hivon
: Et
aussi le Barreau.
M. Barrette : Et aussi le
Barreau, c'est vrai.
Mme
Hivon
: Il
faut le dire, le Barreau lui-même a dit… a même émis un communiqué pour dire
qu'il estimait que le projet était tout à fait solide sur des bases juridiques.
M. Bélair-Cirino (Marco) : La
version actuelle du projet passerait le test des tribunaux?
Mme
Hivon
:
C'est la même.
M. Barrette : Oui. Alors, la
version actuelle, pour que les choses soient claires, est exactement
la même version, à l'exception de trois choses, et je vous les dirai dans un
instant. C'est la même version que Mme Hivon avait présentée. Il y a trois
ajustements linguistiques, parce que, dans la traduction, on nous a relevé
quelques coquilles, mais il n'y a rien qui change dans le projet de loi, là. On
parle ici d'éléments de traduction, là, qui sont des mauvais choix de mots en
anglais par rapport au français.
Journaliste
: Alors, la
semaine prochaine, peut-être…
M. Barrette : Ah! Bien, le
plus vite possible. Merci, Mme Hivon.
Des voix
: …
Mme Lajoie (Geneviève)
:
M. Barrette, peut-être une question sur le cas du Centre médical
Quatre-Bourgeois. Que s'est-il passé pour que ce centre médical disparaisse?
M. Barrette : Bien, pour le
moment, il n'est pas disparu. Pour le moment, il n'est pas disparu, mais je
dois vous avouer que je l'ai appris dans le journal comme vous. Ce n'est pas un
élément qui m'avait été… pour lequel on m'avait donné des informations jusqu'à
ce que je voie dans le journal ce matin. Je vais aller voir exactement de quoi
il en retourne. Je comprends, comme vous l'avez rapporté — je ne sais
pas si c'est vous ou… la personne qui l'a rapporté — qu'il y a deux
médecins qui prennent leur retraite et que le reste de la clinique allait
arrêter ses activités, mais je ne peux pas en dire plus aujourd'hui évidemment.
Mme Lajoie (Geneviève)
:
Comment on peut, pour une clinique à Québec, ne pas trouver assez de médecins
pour remplir une clinique, là? Il y a déjà des patients…
M. Barrette : Écoutez, il y a
diverses hypothèses, là, dans la vie. Vous savez, là, moi, j'ai déjà oeuvré
dans un cabinet qui a fermé, là, parce qu'on est déménagés. Alors… Ou tel, tel,
tel… Écoutez, je ne sais pas ce qui s'est passé là. Il y a des circonstances
probablement administratives, ou de ceci, ou de cela, ou de vétusté, je ne sais
pas. Écoutez, je ne peux pas vous répondre parce que je ne la connais pas, la
clinique. Mais ils doivent avoir des raisons, là.
Mme Lajoie (Geneviève)
:
Quel pouvoir vous avez dans ces cas-là?
M. Barrette : Pour empêcher
une clinique de fermer?
Mme Lajoie (Geneviève)
:
Parce qu'il y a quand même 1 400 patients qui perdront un médecin de
famille, là.
M. Barrette : Alors, je n'ai
aucun pouvoir et je peux vous dire que c'est le genre de choses à propos
desquelles nous allons réfléchir, et c'est dans notre plan d'avoir des mesures
qui soient plus spécifiques pour ce genre de situation. La problématique de
l'accès, vous savez que, pour nous, c'est une priorité, et on va aller de
l'avant dans ce mandat-là. On comprend que ça ne se réglera pas dans les deux
prochains mois, mais la problématique plus spécifique de la prise de retraite,
qui est normale, et de la gestion des patients qui étaient sur la liste de ces
médecins-là qui prenaient leur retraite, bien là, à un moment donné, il faut
avoir une mécanique qui garantit plus un suivi clair pour la population en
termes de transfert à d'autres médecins. Le gouvernement du Québec actuellement
ou notre système n'a jamais prévu ça. J'ai l'intention de m'y adresser.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Le
chef de l'opposition a demandé aujourd'hui que vous soyez écarté des
négociations avec les fédérations de médecins. Pourquoi ce n'est pas le
président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, qui dirige ces négociations-là?
M. Barrette : Alors, écoutez,
vous devez réaliser que, quand il y a une négociation qui se fait avec une
organisation, peu importe le ministère, ça finit toujours au Conseil du trésor,
mais ce n'est pas dans l'intérêt du Conseil du trésor de devenir le ministre de
tous les ministères. Alors, cette mesure-là, elle est absolument impraticable
et invraisemblable, parce que ça voudrait dire que, un, le président du Conseil
du trésor doit avoir une expertise dans tous les champs et, en plus, la
responsabilité de tous les champs. Ça ne tient pas la route, mais surtout
sachant que, particulièrement dans les grands ministères, mais — je
dis particulièrement parce qu'ils sont grands, là — tous les
ministères finissent au Conseil du trésor et ils le savent très bien. Alors,
moi, j'appelle ça un écran de fumée, là, d'ouverture de session, puis ça
fonctionne parce qu'on en discute.
Mme Lajoie (Geneviève)
:
Mais vous n'avez pas l'intention de laisser le dossier à M. Coiteux.
M. Barrette : Bien, je pense
qu'il n'y a aucun intérêt pour M. Coiteux que j'abandonne le dossier. Ça
me surprendrait beaucoup que ça soit son désir profond.
Journaliste : …
M. Barrette : Bien, ça, écoutez,
quand on négocie… moi, j'ai négocié dans l'autre sens, là. Alors,
quand on négocie, à un moment donné, là, on finit au Conseil du trésor, mais il
y a un travail à faire, là. Vous savez, une négociation, ce n'est pas juste un
montant d'argent. Il y a du normatif, il y a des mesures, il y a des
planifications, il y a des développements qu'on peut faire, des choses qu'on
veut arrêter. Ce n'est pas simplement un montant d'argent.
Faire cette proposition-là, ça n'a aucun
sens et c'est vraiment nier la réalité. Alors, quand un ministre… et moi, quand
j'étais l'autre bord, c'était la même chose, qu'on ait fini par négocier tout
le normatif, bien là, à un moment donné, il y a un coût, puis là le coût, bien
là, l'approbation doit aller au Conseil du trésor. Le Conseil du trésor est
toujours là, mais on ne peut pas demander au Conseil du trésor d'aller négocier
le normatif. Ça n'a pas de sens, là.
M. Robillard (Alexandre)
:
Et si vous comparez avec le processus auquel vous avez participé avant
l'élection, M. Bédard était plus présent que M. Coiteux dans le
processus.
M. Barrette : Bon, le
problème, c'est que j'avais saisi — et il faut que ça soit au Parti
québécois de le confirmer ou non — moi, j'avais saisi dans ma job
précédente que le ministre de la Santé était un peu sous tutelle, il n'avait
pas la possibilité de signer aucun document qui engageait des dépenses. C'est
ce qu'on nous avait dit. Alors, le milieu de la santé, il était contrôlé, pour
toutes sortes de raisons qui leur sont propres, par le Conseil du trésor.
C'était un ministre qu'on a compris comme étant en tutelle. Alors, ça sera à
eux de dire si c'est vrai ou ce n'est pas vrai, mais c'était la première fois
que je voyais ça.
Alors, oui, j'ai eu à rencontrer Stéphane
Bédard à plusieurs reprises parce qu'il y avait ça, et, en plus, à l'époque,
contrairement à ce qui a été dit à plusieurs reprises par le Parti québécois,
le Parti québécois nous demandait des étalements qu'on avait consentis lorsque
j'étais dans mon ancienne job, et ils ne l'ont pas appliqué pour toutes sortes
de raisons. Maintenant, c'était leur choix, mais ce n'était pas nécessairement
le choix le plus pratique possible. C'était du jamais-vu pour moi.
M. Robillard (Alexandre)
:
Donc, vous avez les coudées plus franches que M. Hébert.
M. Barrette : Bien, c'est-à-dire
que je suis un ministre dans une position normale. Moi, je n'ai jamais vu… J'ai
eu à négocier des choses, moi, depuis 1996 avec le gouvernement. C'était la première
fois, avec Réjean Hébert, que je voyais un ministre de la Santé qui ne
négociait pas pour la santé, et qu'on s'en allait directement au Trésor. Je
n'ai jamais vu ça. Jamais.
Alors, ça, c'est à eux de s'exprimer là-dessus.
Moi, je vous dis la réalité. Moi, j'ai connu comme ministre de la Santé en
négociation, là, Pauline Marois, Rémy Trudel, François Legault, Philippe
Couillard, Yves Bolduc, Réjean Hébert. Il y a un seul ministre qui ne négociait
pas pour le gouvernement en santé, c'était Réjean Hébert, mais je savais aussi
qu'il ne pouvait pas signer de chèque non plus.
M. Croteau (Martin)
: Mais
pouvez-vous illustrer de quelle manière c'est plus avantageux que ce soit vous
plutôt que le Conseil du trésor qui nécocie les conditions avec les médecins?
M. Barrette : Encore une fois,
une négociation, ce n'est pas simplement une question d'argent, c'est une
question normative. Je vois mal le président du Conseil du trésor aller
négocier les heures d'accès avec les groupes de médecine familiale sur la base
tarifaire. Là, à un moment donné… Et je vois mal le président du Conseil du
trésor aller négocier les heures supplémentaires des infirmières aux soins
intensifs. Je vois mal le Conseil du trésor aller négocier, avec les
agriculteurs, la question des quotas.
À un moment donné, le Conseil du trésor,
il est là pour distribuer des sous aux ministères, et les ministères sont là
pour faire les évaluations, les arbitrages et les négociations propres au
ministère. Alors vous comprenez que, cette proposition-là, non seulement ne
tient pas la route, mais elle est insensée. Maintenant, on comprend aussi que
la manoeuvre ferait en sorte qu'elle empêtrerait le président du Conseil du
trésor du Parti libéral et le paralyserait, ce qui serait très amusant pour
l'opposition. Mais nous ne tomberons pas dans ce piège.
Mme Lajoie (Geneviève)
:
Mais vous ne voyez aucun problème à ce que ce soit vous qui ayez signé la
précédente entente…
M. Barrette : Absolument pas.
Mme Lajoie (Geneviève)
:
Vous tentez maintenant d'allonger ou de modifier…
M. Laforest (Alain) : Vous
n'êtes pas en conflit d'intérêts?
M. Barrette : Non. Bien,
écoutez, au moment où on se parle, comme je l'ai dit à plusieurs reprises et je
vais me citer moi-même, je ne suis pas là pour représenter 8 000 médecins,
ni 16 000, ni 20 000, mais bien les 8 millions de citoyens du
Québec. C'est eux qui jugeront si je fais bien mon travail par le vote au Parti
libéral aux prochaines élections, qui, évidemment, fera en sorte qu'on sera
encore majoritaire parce qu'on va bien faire notre travail.
Mais moi, là, regardez mon «track record»,
là, je n'ai aucun problème avec ça, là, j'ai toujours bien assumé mes
fonctions…
M. Laforest (Alain)
: Sauf
qu'on demande à un ministre d'attendre deux ans avant d'aller travailler comme
lobbyiste. Là, vous venez de faire le contraire, vous n'avez pas eu votre deux
ans.
M. Barrette : Oui, c'est ça, c'est
tout à fait normal. Vu du gouvernement, je ne m'autolobbyise pas, alors… En
passant, vous me rappellerez quel ministre, député du Parti québécois aurait
osé ou proposé une proposition aussi difficile à négocier que celle que j'ai
mise sur la table maintenant. Ça devrait vous indiquer que je n'ai pas trop,
trop de conflit d'intérêts.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Rapidement, concernant le chantier du CUSM, vous avez dit ce matin que le gouvernement
libéral, à l'époque, a agi tout à fait correctement et protégé les intérêts du Québec.
M. Barrette : Absolument.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Qui
a payé pour les 22,5 millions de dollars versés en pots-de-vin au Dr
Porter et à ses sept associés allégués?
M. Barrette : Attention. Alors
là, ici, là… Très bien. Alors là, ici, là, est-ce que vous avez reproché au ministre
des Transports le fait qu'il y a des individus qui passent sur des lumières
rouges? Alors, au moment où on se… C'est-à-dire, on va remonter dans le temps.
Vous avez un gouvernement qui était en place, un ministre qui était en place,
pour qui il est impossible de voir la fraude qui se passe parce qu'elle est
cachée. Elle est cachée. Comment peut-on reprocher à qui quelqu'un de ne pas
avoir pris de décision ou de ne pas avoir vu un élément qui était presque
parfaitement caché? Il y a combien d'années entre cette fraude-là et
maintenant? Et ça sort aujourd'hui, après une enquête policière complexe.
Bon, O.K., moi, je suis dans le camp des
citoyens, ici, là. Je l'ai dit en Chambre tout à l'heure, moi, je suis dans le
camp des citoyens, je suis aussi scandalisé que les citoyens. Je suis pareil
puis je suis comme eux autres, là, puis j'espère que ce monde-là va se faire
pogner, puis j'espère qu'ils vont aller devant un juge, puis j'espère qu'ils
vont être condamnés, puis j'espère qu'il y a des sommes d'argents qui vont être
récupérées. Mais mettez-vous dans la situation du ministre d'alors. C'est
invisible à ses yeux.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais le stationnement, lui, n'était pas invisible…
M. Barrette : Alors là, monsieur,
on ne parle pas du stationnement ici, on parle de la fraude elle-même.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Non, mais on parle du dossier, là.
M. Barrette : Non, mais là,
vous me parlez de la fraude, je réponds à la fraude.
M. Bélair-Cirino (Marco) : On
dit qu'il n'y a pas de faille dans le dossier…
M. Barrette : Je vais répondre
à votre première question. Alors, vous avez un ministre qui est là, qui reçoit
des propositions sur appel d'offres qui excèdent notre capacité de payer et qui
décide de casser le processus pour en faire un nouveau, ce qui est déjà un
événement, là. Ça ouvrait à des poursuites, là… d'ailleurs, ça a fait des
poursuites, hein? Et il décide de casser le processus pour en faire un qui
fasse en sorte qu'à la fin on paye un montant qu'on peut se payer. Bien, moi,
je trouve qu'il a fait une pas pire job, là. Il a sauvé 400 millions de
dollars à la société québécoise, qui a pu aller dans les soins et services
sociaux du Québec.
Mais est-ce qu'on peut lui reprocher de ne
pas avoir vu ce qui était caché? Alors, dans ce sens-là, il a fait le travail
avec un certain succès. Bien, c'est-à-dire que vous pourriez dire : O.K.,
il a signé 1,3 milliard, il aurait peut-être pu signer à 1,2. Bon, bien
là, écoutez, là, à un moment donné, on peut refaire l'histoire au complet, là,
on peut revenir à Jésus-Christ, là, puis on ne le crucifiera pas, et puis
alléluia, là, on est tous heureux, tout le monde, là. Bien là, on n'est pas là,
là. Là, on est… Il était dans cette situation-là. Je pense qu'il a raison de
dire qu'il a fait la bonne affaire puis qu'au bout de la ligne il y a eu un
excellent résultat. Et aujourd'hui, bien, il y a une enquête qui met à jour
tout ça, puis on espère que ça va finir à la cour puis avec des barreaux.
M. Robillard (Alexandre)
:
Mais, compte tenu qu'il y a des détournements de fonds présumés, là, qui…
M. Barrette : On va dire
qu'ils sont pas mal présumés, d'après ce qu'on voit, là.
M. Robillard (Alexandre)
:
Mais comment est-ce qu'on peut dire qu'on a payé le prix juste pour ce
projet-là?
M. Barrette : Attention. C'est
parce que, quand on parle du prix juste, c'est le prix en connaissance de
cause. Vous, quand vous allez mettre de l'essence, là, dans votre auto, est-ce
que vous trouvez que vous payez le prix juste?
M. Robillard (Alexandre)
:
Je ne sais pas, moi.
M. Barrette : Bien, c'est…
M. Robillard (Alexandre)
:
…avoir une opinion.
M. Barrette : Le prix juste…
C'est comme la bourse, là. À la fin de l'année, c'est facile, être
millionnaire. Vous regardez, j'achète, là, au mois de février puis je vends au
mois d'avril. C'est facile, en rétrospective. Le prix juste, c'est quoi? C'est
une chose que l'on voit de façon prospective.
Qu'est-ce qu'a fait mon collègue? Il a
regardé les soumissions, il a analysé, il a constaté que ça n'avait pas une
minute de bon sens. Il a analysé à l'interne, là, avec notre expertise à nous
et d'autres expertises, puis tout le monde a conclu que ce qui était
soumissionné à 1,8 milliard était trop élevé. Il a pris action, il a pris
conseil. Il a pris action, il a fait baisser le prix et il a eu un contrat. Si
vous me dites que, parce qu'il y a eu de la fraude c'est un prix injuste, bien,
écoutez, là, c'est facile, c'est de la rétrospective. Mais, sur le coup…
M. Robillard (Alexandre)
:
Mais, à la lumière des faits qu'on connaît aujourd'hui est-ce qu'on peut encore
maintenant dire qu'on a payé le prix juste?
M. Barrette : Encore une fois,
je vous le…
M. Robillard (Alexandre)
:
Des faits qui, selon vous, semblent assez avérés, là, quand on parle de
détournement.
M. Barrette : Bien,
c'est-à-dire que… Je vais vous postuler une autre chose. Les fraudeurs, là, les
fraudeurs se sont-ils fait avoir, eux autres? Est-ce que les fraudeurs, par
exemple… ils étaient prêts à payer ce prix-là, qu'ils considéraient le juste
prix, mais il y avait de l'argent en arrière pour faire la fraude. Qui dit que
l'argent qui a été utilisé pour la fraude était de l'argent qui n'aurait pas
été dépensé, de toute façon, au montant qui a été choisi à la fin? L'UPAC dira
ça un jour. Je ne le sais pas, moi, mais, au moment où on se parle, là, je
pense que les choses ont été faites correctement.
M. Robillard (Alexandre)
:
Donc, vous considérez qu'on a payé un prix juste.
M. Barrette : Bien, selon les…
Encore une fois, vous, vous le regardez de façon rétroactive. Moi, je vous le
dis de façon…
M. Robillard (Alexandre)
:
À la lumière des faits qu'on connaît.
M. Barrette : Oui, mais là,
c'est parce que, quand on qualifie les actions de gens qui étaient là à ce
moment-là, qui, eux, l'ont vécu de façon prospective, je pense qu'ils ont fait
ce qu'ils avaient à faire, justement.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Selon les informations qu'ils avaient. S'ils avaient toutes les informations,
on aurait…
M. Barrette : Bien, avec les
informations qu'ils avaient, exactement.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
…le gouvernement aurait payé moins cher…
M. Barrette : Vous ne le savez
pas. Je ne les ai pas, moi. Je ne les ai pas.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Parce que vous dites qu'il y avait des informations cachées.
M. Barrette : Vous ne le savez
pas. C'est l'UPAC qui le dira. C'est l'UPAC qui le dira. Voilà. Y a-tu d'autres
questions? Là, c'est parce que vous voulez… Là, c'est sans issue parce qu'il
n'y a personne qui a la réponse à ce que vous dites, d'une part, puis, d'autre
part, en ce qui me concerne, c'est un angle qui est un peu particulier parce
que, si vous voulez savoir si le Québec a dépensé de l'argent inutilement,
parce que quelqu'un, en quelque part, a fraudé, là, bien, il faut que vous
fassiez la démonstration que l'argent qui a été utilisé vient du Québec.
Mais là, aux dernières nouvelles, là, ceux
qui ont fraudé, là, c'est une compagnie qui a pris de l'argent qu'on ne sait
pas d'où il vient. Il vient-u du contrat? Il vient-u de ses poches? Il vient-u
d'une filiale ailleurs? Puis elle a donné ça potentiellement à Arthur Porter ou
à quelqu'un d'autre. Il vient d'où, cet argent-là, là? Je ne le sais pas. Mais
ramenez-vous dans la situation du ministre à l'époque. Il a-tu fait... Dans sa
tête à lui, là, est-ce qu'il a l'impression d'avoir payé le prix juste? Moi, je
pense que oui puis je le comprends très bien. On ne peut pas demander à
quelqu'un, en rétrospective, de ne pas avoir fait la bonne conclusion, alors
que tout se passait, alors qu'il ne le sait pas.
Alors, ici, je pense qu'on devrait
focusser les réflecteurs un petit peu plus sur Arthur et ses amis que sur mon
collègue. C'est bon? Merci. À la prochaine.
(Fin à 13 h 52)