(Quatorze heures quatre minutes)
M. Khadir
:
Je vous remercie de vous être déplacés. Françoise David et moi-même avons le
plaisir, finalement,
de rencontrer le ministre des Finances, M. Leitão,
plus tard en cours de journée. Nous prenons acte de
cette invitation d'abord avec en tête l'idée que ce gouvernement s'est
prononcé et a insisté qu'il était prêt à du changement dans son attitude, dans
son ouverture aux propositions qui viennent de l'opposition. Alors, c'est dans
cet esprit-là que nous y allons.
On a
entendu, bien sûr,
le discours inaugural de M. Couillard
avec vous, c'est un exercice très douloureux auquel
invite M. Couillard la population du Québec. Nous rappelons que,
s'il s'agit de couper plus de 3 milliards de dollars dans les dépenses du gouvernement,
il est impossible, mathématiquement, logiquement, avec ce qu'on connaît de
l'appareil de l'État, il est impossible de le faire sans couper dans les
services. D'ailleurs, les directions des établissements et des différents ministères
semblent avoir déjà saisi le message et se préparaient en conséquence. J'ai eu
un appel du psychologue du CSSS de la Montagne à Montréal, en début de semaine,
on les avait conviés à une rencontre pour annoncer qu'il y aurait 20 coupures
de postes, deux de direction et 20 coupures de postes, dont des intervenants de
première ligne. Et, dans le cas d'espèce, celle qui avait alerté ma collègue
psychologue, c'était une éducatrice spécialisée. Donc, on peut passer pour les
enfants qui ont des difficultés à l'école, etc.
Je voudrais vous rappeler
que votre collègue, M. Gérald Fillion, de Radio-Canada, un de vos collègues, rencontre M. Thomas Piketty, qui est la sensation de l'heure dans le domaine
économique. Pas à lui tout seul, il est un peu la
sensation de l'heure parce qu'il était appuyé, dans son analyse de la
situation économique, par des prix Nobel de l'économie, M. Paul Krugman,
en l'espèce, un des plus récents prix Nobel de l'économie, qui écrit dans le New
York Times. Tous les deux arrivent à la conclusion que les mesures
d'austérité…Parce que ce que nous annonce
M. Couillard, bien qu'il veuille parler de rigueur… La rigueur dont il
parle, c'est une
vieille recette qu'on appelle austérité budgétaire, puis ce n'est pas la
première fois qu'on l'applique au Québec. Et vous savez quoi? Depuis qu'on
l'applique, ce qu'on assiste — c'est
exactement ce que M. Piketty, cet économiste français, vient nous
dire — en Amérique du Nord et un peu partout dans le monde, c'est que les inégalités, là, ça nous coûte cher. Les
austérités qui ont été appliquées, au Québec comme ailleurs, depuis 25 ans, ont produit des inégalités
croissantes, et ces inégalités deviennent de plus en plus intolérables. Ce sont
des dangers pour les démocraties, des dangers pour nos sociétés, en plus de
nous coûter cher parce que ça affaiblit nos économies.
Alors, c'est drôle
parce qu'on va rencontrer M. Leitão au même moment où votre
collègue va avoir une interview de fond avec M. Piketty.
Je ne sais pas si on va trouver le temps, quelques minutes,
de l'écouter ensemble, mais c'est sûr que nous croyons qu'il y a intérêt
à ce qu'on reste ouverts à la critique de ce qu'on a fait dans le passé. Et
l'austérité, on l'a déjà faite dans le passé, avec des
résultats relativement peu convaincants qu'on
connaît.
Alors, nous, la première chose dont on voudrait saisir M. Leitão, c'est
que l'équilibre budgétaire peut se faire autrement que par l'austérité. Parler d'équilibre budgétaire et austérité budgétaire et
toujours prétendre que c'est synonyme, c'est faux. C'est une confusion dans les
genres. On peut atteindre l'équilibre budgétaire par d'autres moyens que
l'austérité par des coupures. On peut atteindre l'équilibre budgétaire en
stimulant, par exemple, l'économie de toutes sortes de façons pour augmenter
les rentrées d'argent pour l'État ou on peut
atteindre l'austérité budgétaire… l'équilibre budgétaire, j'entends, en
diminuant un peu des cadeaux inutiles et des dépenses inutiles, du gaspillage qui se fait dans notre système.
Alors, freiner la croissance des dépenses,
pour nous, ce n'est pas toujours la bonne mesure parce que freiner la
croissance des dépenses, même dans le système de la santé, ça veut dire des
coupures, et des coupures, ça veut dire des pertes d'emploi, et des pertes
d'emploi en trop grand nombre, une fois qu'on coupe, on coupe, on
coupe — et là le gouvernement libéral veut couper pour à peu près
3 milliards quelque part — ça, ça ralentit l'économie.
L'autre, c'est de voir comment on réforme
un peu la fiscalité. Alors, voici, nous proposons au
gouvernement, plutôt que de viser des échéanciers courts, de s'inspirer
des meilleures pratiques, de viser des équilibres dans des cycles économiques,
donc de viser des équilibres plus réalistes sur plusieurs années. Ça peut être
des cycles de trois à cinq ans. Donc, l'équilibre budgétaire, pour nous, c'est
un objectif à long terme et qui peut se prendre de différentes façons, pas
uniquement par les coupes.
Nous, on pense,
par exemple, aussi que, quand on a des difficultés à faire l'épicerie,
là, on ne commence pas à augmenter les paiements d'hypothèque. Actuellement, le
gouvernement, en même temps qu'il nous dit qu'il a de la difficulté à payer
pour l'épicerie puis qu'il s'apprête à couper, il veut augmenter les mises de
fonds dans le Fonds des générations, qui est un fonds… c'est
un peu comme l'hypothèque à long terme qu'on doit payer. Moi, je pense
que, là, il y a une piste pour M. Leitão,
il y a des marges de manoeuvre qu'il peut aller chercher pour rendre l'exercice
plus intéressant.
Et nous disons, pour revenir à ce que j'ai
dit comme essentiellement : Diminuez le gaspillage. Je
vous rappelle, M. Couillard a invité, lors de l'assermentation, son
ministre de la Santé, M. Barrette,
d'envisager de mieux négocier le prix des médicaments. Nous trouvons que c'est une excellente idée. Je le répète depuis que je
suis à l'Assemblée nationale, c'est au centre
de notre projet Pharma-Québec. Mais commençons par
exactement ça, une meilleure négociation des prix des médicaments,
négociation de groupe par l'État. C'est une
économie de 1 milliard sur la facture d'Hydro-Québec. Il me semble que M. Leitão ne devrait pas dire non à une telle
promesse et une telle possibilité.
Et ensuite, deux
choses, puisque M. Couillard envisage déjà une réforme de la fiscalité, une revue, alors… Regardez, les
crédits d'impôt pour gains de capital, là, ça nous coûte 500 millions. C'est un cadeau de 500 millions aux frais des contribuables qu'on fait
actuellement parce que, quand on fait ce cadeau-là, c'est moins de revenus, et on coupe quoi?
Dans les services aux contribuables ou dans des tarifs augmentés, comme on le
voit.Donc, au lieu de donner ce cadeau-là, on
pourrait peut-être commencer à réduire juste de moitié ce cadeau. Enlever le
crémage sur le gâteau. Donc, ça serait une économie
de 250 millions pour les crédits d'impôt pour gains de capital.
Puis, pour ce qui est des gains de dividendes, suivant les calculs les
plus conservateurs, c'est 400 millions que ça nous coûte
inutilement, qu'on n'a pas besoin. C'est un cadeau qui a été donné à d'autres époques,
dans d'autres situations, ça ne s'applique plus. Alors,
on enlève 200 millions de ça, ça fait
déjà une économie de 450 millions de dollars
pour l'État québécois. M. Leitão devrait, je pense, être ouvert à
notre proposition.
Mme David (Gouin) : J'ajoute tout simplement que, si on est si inquiet du discours inaugural et qu'on veut rencontrer M. Leitão parce
qu'on aura bientôt un budget, c'est parce
qu'on pense aux conséquences concrètes des coupures. Amir vient d'en parler dans un CSSS, il y en aura d'autres, là, c'est
écrit dans le ciel. Dans mon CSSS aussi, la direction se demande où est-ce que…
comment elle va faire pour organiser les services sans trop toucher à la
clientèle, parce qu'il y a de moins en moins
d'argent. Ça, là, c'est
un phénomène qui dure depuis plusieurs années et que
M. Couillard veut empirer.
J'ai été
sidérée de lire, la semaine dernière et l'autre avant, qu'il se pouvait qu'on pense à des économies du côté d'Emploi et
Solidarité sociale. J'aimerais rappeler au gouvernement actuel qu'en 1996 déjà
des coalitions incroyables d'organismes communautaires et féministes — et
j'avais l'honneur d'être, à cette époque, présidente de la Fédération des femmes du
Québec — se sont mobilisées contre cette idée d'appauvrir les plus
pauvres au nom du déficit zéro. M. Bouchard,
Lucien Bouchard, à l'époque, ne nous a pas écoutés, on a sabré dans les budgets pour
les plus pauvres, mais la force de la mobilisation citoyenne a fait en sorte
que, plusieurs années plus tard, le gouvernement
du Québec, l'Assemblée nationale, en fait, a
adopté à l'unanimité une loi-cadre pour l'élimination de la pauvreté.
Je tiens à le
rappeler, c'est une loi-cadre qui est censée régir l'ensemble de nos
politiques et censée s'assurer qu'on ne va pas vers l'accroissement de la
pauvreté. On va, évidemment, étape par étape,
vers l'élimination de la pauvreté. Alors, je vais le
rappeler à M. Leitão ce soir, peut-être qu'il ne se rappelle pas de
l'adoption de cette loi, mais moi, je vais certainement
lui rappeler pour lui dire : Attention! Si vous touchez aux plus
pauvres, eh bien, la mobilisation, elle sera encore au rendez-vous, et nous ne serons pas les derniers à y être.
L'appui aux organismes communautaires. On
ne peut pas non plus sabrer dans les budgets des
organismes communautaires.Au
contraire, il faut leur donner l'augmentation qui avait été promise par le
gouvernement précédent parce que tous ces gens vulnérables, pauvres, isolés, jeunes ou moins jeunes dont l'État s'occupe
de moins en moins bien, qui s'en occupe dans le fond? Bien, c'est les
organismes communautaires. Alors, il faut leur donner les moyens d'agir.
Je suis préoccupée aussi par la situation
du logement social. Il y avait eu un engagement du précédent gouvernement de la
construction de 3 000 nouveaux logements sociaux par année. Hier, dans le
discours inaugural, il n'y a pas eu un mot sur la réduction des inégalités et
sur la lutte à la pauvreté. La question du logement, elle est centrale pour
beaucoup de gens qui sont à statut précaire, au salaire minimum, à l'aide
sociale. Il faut absolument que les engagements soient,
au minimum, maintenus,
puisqu'on est tellement loin du compte.
Et finalement, en matière d'environnement,
je rappellerai que, si M. Couillard nous
dit : Je veux mettre dix ou
11 milliards dans des projets d'infrastructures — il
l'a dit en campagne électorale — bien là
il ne faudrait pas que ce soit encore des autoroutes, là. On a besoin de
développer le transport en commun au Québec. Voilà
quel pourrait être un beau projet, à la fois écologique, donc, visant à lutter contre la pollution et
l'augmentation des gaz à effet de serre, mais aussi un projet de création
d'emplois et un projet utile pour la
population, du moins à court terme, celle qui vit dans l'ensemble des grandes
villes du Québec.
Alors, c'est
tout ça que nous allons dire au ministre des Finances ce soir. Nous aurions
aimé être invités beaucoup plus tôt pour nous assurer d'avoir une meilleure
influence sur ce budget, mais nous y allons tout de même avec ouverture et dans
un esprit constructif.
M. Caron (Régys)
: Le premier ministre a tracé un
tableau assez réaliste, dit-il, quant à l'état des finances publiques. Il a
admis que les gouvernements précédents, y compris
celui des libéraux de M. Charest, avaient perdu le contrôle des dépenses. Quelle
cible d'augmentation de dépenses voyez-vous, Québec
solidaire? De combien les dépenses pourraient-elles augmenter pour qu'on
puisse contrôler?
M. Khadir
:
En dollars constants, les dépenses de l'État québécois,
par rapport à notre PIB, n'ont pas augmenté par rapport, par exemple, pour prendre des années de
référence, au début des années 90, au milieu des années 90. Si on pense qu'on a perdu
le contrôle des dépenses, c'est parce que la
dette augmente. Pourquoi? En raison peut-être — on pourrait le voir sous cet
angle-là — que l'État s'est privé de revenus légitimes en
accordant trop de cadeaux. Rappelez-vous, M. François
Legault, dernière législation, se demandait :
Pourquoi l'État québécois offre, bon an, mal
an, 4 à 6 milliards de dollars de crédits
et de cadeaux à des entreprises, dont une partie est sans doute superflue? Ça, c'est un ancien millionnaire… enfin, un ancien homme d'affaires, un millionnaire qui en parle, hein? François Legault
disait : On pourrait couper peut-être 20 % de ce cadeau-là. Donc, vous avez
raison qu'on perd le contrôle quand on se prive de moyens de revenus légitimes.
M. Caron (Régys)
: Vous parlez des revenus, là. Moi, je
vous parle d'augmentation de dépenses par rapport à l'année précédente. Vous,
vous dites : Par rapport au PIB, les dépenses n'augmentent pas. D'une année à l'autre,
les dépenses augmentent, là.
M. Khadir
:
Oui, mais, il faut… Bien, il y a l'inflation,
bien sûr.
M. Caron (Régys)
: Mais là on est trois fois
l'inflation, là.
M. Khadir
:
Mais, si on ne considère pas d'associer les
revenus pour accoter l'inflation et si on ne considère pas que… Oui, il y a
certains secteurs où les dépenses augmentent davantage.
Pourquoi? Parce que votre population vieillit et nos attentes par rapport à nous-mêmes augmentent : on veut avoir
plus de place, puis on est au XXIe siècle,
on veut avoir de meilleurs services, on veut que nos aînés soient accompagnés,
on veut… on a des patients de plus en plus âgés qui ont besoin de soins à différentes étapes de leur existence, c'est
très légitime. Pourquoi est-ce qu'on se questionnerait? On ne peut pas avoir un
diagnostic général. Si c'est des besoins légitimes, faisons-le. Mais il y a de
ces secteurs, oui,
où c'est complètement illégitime. Je vous donne un
exemple : le prix des médicaments. Nous, on l'a décrié, ce n'est
pas nous qui sommes d'accord avec ça, ça fait
10 ans au moins que moi, je me bats pour dire : On paie trop cher nos médicaments. Il y a
une commission royale d'enquête qui disait que c'est trois à six fois plus
cher. Mais c'est drôle, quand il s'agit de prix de médicaments, qui bénéficient à des multinationales, le
gouvernement ne fait rien. Quand il s'agit de couper dans des services aux
assistés sociaux, là il n'y a pas de problème.
M. Caron (Régys)
: Mais je vous repose la question : Quelle cible serait acceptable pour Québec solidaire quant à l'augmentation
des dépenses en 2014‑2015?
Mme David (Gouin) : On va le prendre autrement. À Québec solidaire, s'il est vrai — et ça, moi,
j'attends le rapport du Vérificateur général, O.K.? — que
nous serions dans un déficit de 3,7 milliards,
il y a une chose qui est claire, là, claire, avec ce
que M. Couillard nous propose, ça ne peut pas être résorbé en un
an, à moins de coupes extrêmement sévères non
seulement dans l'administration, dans le nombre de cadres, etc., de coupes dans
les services. Alors, ça veut dire non-remplacement
du personnel, non-remplacement des congés de maternité, départs par attrition. Ça veut dire plein de choses. Mais
ce n'est pas possible, ça. Qu'est-ce qu'on va couper au juste, là, après ça? On
va couper des médecins. On va éliminer des médecins. On va dire : Bien, non, les infirmières, finalement, il
va falloir couper des postes d'infirmière ou… on
ne peut pas couper les postes de professeur, c'est gênant de laisser les
classes sans professeur, mais on pourrait
couper dans le personnel qui est en soutien
aux professeurs et qui rend les classes vivables. Ce n'est pas possible, ce n'est juste pas possible.
Moi, je ne suis pas en train de vous dire : Il serait tout à fait acceptable — je
vais caricaturer, là — d'augmenter les budgets des ministères de
20 %, là. On n'est pas là-dedans, à Québec solidaire. Ce qu'on est en
train de dire, c'est : Il faut assumer
les dépenses raisonnables qui sont induites par — mon collègue l'a
dit — le vieillissement de la population, on peut parler aussi de la
pauvreté d'une partie de la population. On pourrait les résoudre, les problèmes
de pauvreté, mais, en attendant, bien, il y a
des gens qui tombent malades parce qu'ils sont pauvres. On va s'en occuper.
Alors, je pourrais
bien vous dire cinq, six, huit; ce n'est pas le chiffre qui est important. Ce qui est
important — mon collègue vous l'a dit — c'est : On donne les bons services aux bons
endroits. Là où il y a du gaspillage, trop de bureaucratie, et tout, on l'a dit, nous, en campagne
électorale...
M. Khadir
:
On coupe.
Mme David (Gouin) : ...on coupe. On regarde sérieusement. On
fait le ménage dans tous les crédits, là, donnés aux entreprises. Ça,
là-dessus, le gouvernement a l'air de vouloir bouger un peu. On verra, mais on
ne coupe certainement pas dans les services aux gens, c'est impossible.
M. Khadir
:
Ou la rémunération des médecins spécialistes, et c'est un médecin spécialiste
qui vous parle. Vous avez parlé de croissance déraisonnable, parfois, des
dépenses, voilà une croissance qui était spectaculaire.
M. Gentile (Davide) : Donc, vous allez l'appuyer là-dessus.
M. Khadir
:
Absolument. Et on l'a dit, et moi, je l'ai dit dès le moment où ça a été
introduit, j'ai dénoncé l'entente entre la FMSQ — bien que je suis membre, moi-même, de la FMSQ — et
M. Bolduc, pour dire : Non. Au moment où on impose tant de
rigueur à tout le monde, c'est juste déraisonnable, inacceptable. Et vous savez
quoi? Je ne suis pas persuadé que l'ensemble des spécialistes étaient du même avis que M. Barrette.
Beaucoup de médecins que je connais… mais je
ne peux pas donner des chiffres parce que je n'ai pas
les moyens de le vérifier, mais beaucoup de médecins que je connais
étaient eux-mêmes gênés et pensaient que l'État avait mieux à faire que
d'augmenter de manière si rapide leur rémunération.
M. Caron (Régys)
: M. Barrette est-il le mieux
placé pour négocier un étalement ou...
M. Khadir
:
C'est une question que vous devez poser à M. Couillard.
Moi, je pense que, s'il le veut, s'il y a une volonté
de la part du gouvernement… Ça ne tient pas au
ministre, à personne, si le gouvernement veut — puis, quand le
gouvernement veut, il peut — si le gouvernement le veut, il peut demander à M. Barrette : Tu vas
au bâton puis tu rouvres ce contrat.
M. Gentile (Davide) : Quelles sont vos chances de succès quant
au crédit d'impôt, bon, gain en capital… le
gain en dividende — excusez-moi? Avez-vous l'impression que vous allez
avoir une oreille attendrie... attentive...
Des voix
:
Ha, ha, ha!
M. Khadir
:
J'espère qu'il sera même attentif et attendri. Enfin, je ne sais pas comment je vais attendrir M. Leitão, je vais
l'essayer. Non, mais la réalité est que, je pense, on est rendus quand même à un moment de l'évolution de nos
sociétés, avec tous les problèmes qu'on connaît depuis 2007‑2008, qu'il y a des
questionnements légitimes. Les paradis fiscaux, on a parlé des îles Caïmans, de
Delaware, de la Suisse, de l'île Jersey… Et je pense
que M. Couillard et les trois banquiers, ou presque, qui forment son équipe économique… enfin, les deux banquiers…
M. Coiteux, qui vient des finances, et il y a M. Leitão et M. Daoust. Ils
ont une obligation supplémentaire d'agir pour être au-dessus de toute critique,
de montrer qu'ils sont tout à fait impartiaux
et, quand ils sont au gouvernement, agissent
dans l'intérêt public, ils sont capables de saisir les critiques qui viennent
de partout, dont de Thomas Piketty, qu'il faut
commencer à questionner des privilèges déraisonnables accordés aux
multinationales, aux grandes corporations,
notamment aux banques.
Donc, je vais
dire à M. Leitão :Écoutez, vous venez de la Banque Royale, vous
connaissez les problèmes liés aux échappatoires fiscaux, vous connaissez les problèmes liés… tout l'argent que
ça représente, tous ces crédits d'impôt qu'on donne. Est-ce que c'est vraiment les bonnes dépenses à faire? Est-ce
que les contribuables ont les moyens de donner ces cadeaux-là à des banques et
des institutions financières? On va lui poser la question.
M. Gentile (Davide) : Dans le cas
des… Parlant de déductions d'impôt ou d'avantages, entre guillemets,
avez-vous réfléchi… vous êtes-vous penchés sur
la question des CPE totalement privés? Je ne parle pas des garderies privées
subventionnées. Il y a un crédit qui est accordé aux parents qui envoient leurs
enfants là. On sait qu'il y a des problèmes financiers dans ce réseau-là.
Est-ce que vous avez l'amorce d'une réflexion là-dessus?
Mme David (Gouin) : Bien, oui, on
a l'amorce d'une réflexion, mais c'est
vraiment une situation très difficile. Pourquoi? Parce que l'ex-gouvernement libéral de M. Charest a
développé tous azimuts les services de garde privés. Que ce soit en
installations, en garderies, là, ou que ce soit en
milieu familial, vraiment, là, on a
largement diminué la création de CPE pour laisser plus de place au privé. Mais, ce faisant, évidemment,
les garderies privées, qui sont des garderies
à profit, demandent aux parents des coûts
assez élevés, là. Moi, j'entends des chiffres, là, allant jusqu'à 50 $, là — je suis assez
sidérée — par jour.
Une voix
:Je vous le confirme, que ça existe.
Mme David (Gouin) : Vous confirmez, très bien.Donc, bien sûr, le
gouvernement est obligé face aux parents, qui
sont des contribuables, de leur accorder un
crédit d'impôt parce que, écoutez, là, les
parents du Québec, payer 250 $ par semaine de leur poche sans recevoir le
moindre crédit d'impôt pour une garderie, ça serait pas mal difficile. Donc,
les parents accueillent quand même ce crédit d'impôt avec une certaine
satisfaction. Mais le problème, il est profond, c'est
que l'État québécois a accordé des permis à des tonnes d'institutions privées
qui chargent cher, puis l'État ensuite donne
un crédit d'impôt aux parents.
M. Gentile (Davide) : Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose
d'un peu baroque là-dedans? Est-ce que…
Mme David (Gouin) : C'est
baroque, oui. C'est baroque, c'est bancal. C'est
vraiment la privatisation d'un réseau. Ça
s'est fait pendant plusieurs années. J'avoue que,
là-dessus, on était pas mal d'accord avec le gouvernement péquiste, qui a tenté de rétablir… de ramener la barre un
peu en créant beaucoup plus de nouvelles
places en CPE que de places — d'ailleurs, il n'en créait pas — dans les
garderies privées non subventionnées. Avec le nouveau gouvernement, j'ai bien
hâte de voir comment ça va se passer. Est-ce que ça va être encore priorité aux
CPE ou si on revient à des formes de privatisation qui, malgré tout, coûtent
moins cher à l'État, là — ça peut être ça, là, le mécanisme — alors
que les CPE sont de loin de meilleure qualité, contrôlés par les parents et par
les représentants du personnel?
M. Gentile (Davide) : Vous allez lui passer votre message
là-dessus?
Mme David (Gouin) : Bien, c'est certain parce que c'est une
aberration ce qui s'est passé dans les années 2000,
c'est le détournement d'une très, très belle idée puis
du sens du réseau des centres à la petite enfance. Ça a été complètement
détourné par le gouvernement Charest.
M. Caron (Régys)
: Parlez-vous des garderies privées
subventionnées ou des garderies privées…
Mme David (Gouin) : Bien, je pense que la question portait
sur les garderies privées, privées, privées, là, non subventionnées. Parce que celles qui sont subventionnées nous, dans notre
programme, nous proposons que…nous, nous disons que, si nous prenons le pouvoir un jour, nous allons leur proposer de se
transformer en centres à la petite enfance,
pour que les parents aient un droit de regard aussi sur ce qui se passe là-dedans.
M. Caron (Régys)
: Et, pour
ce qui est des garderies privées subventionnées, bon, les libéraux ont une
préférence… en tout cas, le précédent gouvernement
libéral avait une préférence pour ces garderies-là.Craignez-vous
le dérapage qui a été dénoncé par le Parti québécois…
M. Khadir
:
Dans l'octroi des permis?
Mme David (Gouin) : L'affaire Tomassi.
M. Caron (Régys)
: Oui,
l'octroi des permis.
M. Khadir
:
J'espère que non, mais c'est sûr que, dans ce genre de considération, il en va
de la volonté, vraiment, des deux partis qui ont formé le pouvoir de se réformer de
l'intérieur. Qu'on mette n'importe quel programme, que ça soit ça ou autre
chose, c'est susceptible de connaître des dérapages de cette nature si les deux
partis, sérieusement, de l'intérieur, ne font
pas une réforme de leur financement, de leur approche du pouvoir, parce que ce
n'est pas juste ça, hein, on peut en étaler d'autres.
Merci.
Mme David (Gouin) : Merci.
(Fin à 14 h 26)