(Seize heures vingt-cinq minutes)
M. Barrette : Alors, bonjour, tout
le monde. Comme vous le voyez, je suis accompagné de ma coprésentatrice du projet
de loi, Mme Hivon, la députée de Joliette, qui aujourd'hui, à la suite d'un
vote qui couronne quatre années et demie de travail intensif… et je suis très,
très, très content pour elle. Je suis aussi accompagné, comme vous le voyez, de
plusieurs des parlementaires qui ont participé aux travaux de la commission
parlementaire et des commissions précédentes, qui ont fait en sorte
qu'aujourd'hui on célèbre essentiellement un grand jour. Et je suis aussi
accompagné de représentants des organisations professionnelles, mais aussi de
citoyens qui ont présenté des mémoires, et qui sont venus défendre leurs
positions dans cette commission, et qui aujourd'hui, je pense, sont très
heureux du dénouement.
Je l'ai dit à plusieurs reprises dans le
passé, cette loi-là n'aurait pas pu exister il y a 20 ans, il y a 30 ans. La
population du Québec était rendue à un point où sa propre réflexion collective
était à un point où il devait y avoir un exercice de réflexion et des
ajustements législatifs pour faire face aux besoins et aux demandes des
situations. Et c'est à cause de ça, fondamentalement, évidemment, qu'est née,
au début, la commission mourir dans la dignité et qu'il s'en est suivi par la
suite le projet de loi que vous connaissez et qui se conclut aujourd'hui par
son adoption.
C'est quatre ans et demi de travail. C'est
quatre ans et demi de dialogue avec la population. C'est quatre ans et demi
d'écoute et c'est quatre ans et demi de compassion. On ne le dira jamais assez,
ce n'est pas un projet de loi qui est unidimensionnel, c'est un projet de loi
sur les soins de fin de vie, soins de fin de vie qui constituent un continuum
dans lequel il y a plusieurs éléments, et ce sont ces éléments, maintenant, qui
sont, à mon avis, très bien encadrés, qui vont faire en sorte que, au bénéfice
des citoyens et citoyennes du Québec qui font face à cette difficile situation là,
il y aura des options.
Je laisse la parole à Mme Hivon pour
rentrer peut-être un peu plus dans le détail, elle qui, avec patience et
résilience, a mené ces travaux-là qui nous amènent aujourd'hui avec un vote que
vous connaissez. Mme Hivon.
Mme
Hivon
: Merci
beaucoup. Merci beaucoup, Dr Barrette. Alors, écoutez, je me présente devant
vous avec beaucoup d'émotion et de fébrilité, mais surtout avec un très grand
sentiment de gratitude, de gratitude à l'égard de l'ensemble de la société
québécoise, parce que, si on en est là aujourd'hui c'est parce que c'est toute
la société qui a été partie prenante de ce débat qui nous a occupés au cours
des quatre dernières années. Et, si on a pu en arriver où on en est
aujourd'hui, à ce très large consensus, bien sûr, que l'on sentait, que l'on
pressentait, mais qui s'est avéré, c'est parce que toutes les participations
citoyennes d'organisations, des ordres professionnels, ont donné, à l'ensemble
de la démarche initiée par les parlementaires, vraiment des assises très
solides et une légitimité qui fait en sorte qu'aujourd'hui on peut dire :
oui, il y a un vaste consensus. Et le projet de loi que l'on vient d'adopter,
cette loi sur les soins de fin de vie, est vraiment en phase avec la population
du Québec.
Donc, après toutes ces années de travaux,
de débats, de participation citoyenne exemplaire, je pense qu'on vit
aujourd'hui un moment très fort, un moment qui marque une avancée sans
précédent pour la compassion, pour la dignité humaine, un moment fort aussi, je
pense, à l'image de la société québécoise, un moment fait d'ouverture, un
moment fait de solidarité et un moment fait d'une grande humanité et d'un grand
progrès pour l'ensemble des citoyens du Québec, parce que d'abord, évidemment,
c'est une loi pour les personnes en fin de vie, pour ces personnes, pour leurs
proches, mais c'est aussi une loi pour l'ensemble des Québécois que nous sommes,
qui, oui, souhaitons pouvoir avoir des assurances que, si le pire devait
survenir dans notre vie, nous allons être accompagnés de la meilleure manière
possible, avec tout le soin, toute l'individualité que notre situation va
requérir et donc avec toute la compassion nécessaire, en tenant compte de
toutes les souffrances qu'on pourrait vivre.
Et je veux remercier, bien sûr, les gens
qui sont ici, parce que ce sont des gens qui, chacun à leur manière, ont donné
une très grande assise, une très grande légitimité à la démarche. Je vois M.
Leblond, qui est à l'origine avec… d'ailleurs, le Collège des médecins est
représenté par son président, M. Bernard, à l'origine de la démarche, dès 2009,
parce que ce sont deux instances, une personne et une instance qui nous ont
interpellés, comme Assemblée nationale, de faire ce débat, d'avoir le courage
de le faire, ce débat.
Et vous avez, bien sûr, aussi des représentants
de gens qui nous ont accompagnés par leurs histoires qui nous ont
particulièrement touchés. Je pense à Mme Gobeil, je pense à la représentante de
la famille Rouleau, de Laurent Rouleau aussi qui nous a accompagnés. Je pense
au président de l'ordre des travailleurs sociaux qui a toujours été un allié de
tous les moments. Je pense à Me Jean-Pierre Ménard qui a fait tout le travail
juridique qui a suivi le dépôt du rapport de la commission et qui a vraiment
donné une légitimité accrue. Et je pense surtout à tous mes collègues
parlementaires, qui ont été des alliés de tous les instants pendant les travaux
de la commission spéciale et qui nous ont donné un coup de main qui… On s'est
tous entraidés et on a tous travaillé très fort dans la même direction, et c'est
ce qui fait en sorte qu'on peut dire aujourd'hui mission accomplie. Et je
vois M. Bureau, l'acolyte de M. Leblond, qui évidemment est un partenaire de
tous les instants parce que c'est sa cause de sa vie, et je pense qu'il a
travaillé très, très fort dans l'ombre aussi pour qu'on puisse en arriver où on
en est aujourd'hui.
Alors, moi, je veux simplement dire que je
pense qu'on a un exemple devant nous aujourd'hui, avec l'adoption de cette loi,
de tout ce dont la société québécoise est capable, de cette grande maturité
dont elle est capable. Je pense qu'aujourd'hui les sceptiques sont confondus.
Beaucoup de gens, au départ, pensaient que ce serait très difficile, que ce
serait très polarisé, que ce serait très difficile d'en arriver à un consensus.
Or, je pense que les sceptiques sont confondus. Je pense que quand on fait
confiance à la population, je pense que quand se fait confiance comme élus, on
est capables des plus grandes choses. Et ce qui est formidable avec cette loi,
c'est que, oui, je pense que c'est une grande chose que cette loi parce qu'elle
amène une solution intégrée, une vision intégrée pour accompagner les gens en
fin de vie. C'est la première loi qui est faite comme ça. Ce n'est pas une loi
sur l'aide médicale à mourir ou sur les soins palliatifs, c'est une loi sur
l'ensemble de l'accompagnement qu'on peut apporter aux personnes en fin de vie
et c'est ce qui, selon moi, en fait sa très grande force.
Donc, je veux vous dire que, si je suis si
profondément à l'aise avec ce qui est dans ce projet de loi et avec ce vote
très fort que l'on vient de vivre à l'Assemblée nationale, c'est parce que,
pour moi, j'ai acquis la conviction, au cours des quatre dernières années, que
c'est ce que la société souhaitait et j'ai le sentiment aujourd'hui que nous
sommes en phase avec la société québécoise. En démocratie, dans des sujets
aussi sensibles, il ne faut pas être parfois trop à l'avance, mais il ne faut
pas non plus être trop à la remorque, et je pense qu'ici on est en synchronisme
avec la société. Il n'y aura jamais d'unanimité. Je l'ai dit souvent, ce ne
serait pas souhaitable dans une démocratie. Mais il y a un très fort consensus,
et je pense qu'on peut en être fiers.
Et je veux dire aux personnes qui ne sont
pas favorables au projet de loi et qui ont des craintes qu'elles nous ont
accompagnés pendant tous les travaux, qu'elles m'ont accompagnée pendant toute
l'élaboration du projet de loi, et c'est pourquoi il y a eu un tel soin de mis
dans chaque détail, dans chaque disposition, pour avoir les balises les plus
solides possible pour ce soin exceptionnel, pour les cas de souffrance
exceptionnelle, qu'est l'aide médicale à mourir. Et je veux qu'ils et qu'elles
sachent que je suis très confiante et que nous sommes très confiants, bien sûr,
que cet équilibre, cette recherche d'équilibre et surtout cette recherche de
tous les instants de la protection des personnes vulnérables sont accomplis
avec le projet de loi.
Donc, on m'a souvent demandé, je l'ai dit tout
à l'heure, ce qu'était, pour moi, mourir dans la dignité. Et, pour moi, mourir
dans la dignité, c'est mourir avec le moins de souffrance possible, mais c'est
surtout mourir en ayant la capacité d'être la personne qu'on a le sentiment qu'on
a été toute sa vie, de ne pas être tellement envahi de douleur, de souffrance
en fin de vie, d'avoir le sentiment qu'on ne se reconnaît plus; d'avoir, donc,
le sentiment qu'on est encore capable d'être soi-même, d'exprimer ses volontés
et de pouvoir avoir cette ultime liberté de dire qu'on ne peut plus souffrir parce
qu'il n'y a plus aucun sens à cette souffrance et qu'on est en fin de vie.
Alors, bien sûr, en terminant, je veux
remercier toutes les personnes qui se sont déplacées, mes chers collègues qui
sont, comme je l'ai dit, beaucoup plus que des collègues, maintenant. Et je
veux simplement réitérer toute la fierté, tout le sentiment de gratitude qui
m'habite aujourd'hui. Merci.
M. Barrette : Merci, Mme Hivon.
Alors, je vais passer la parole à M. Schneeberger, porte-parole de la coalition
en la matière.
M.
Schneeberger
:
Alors, bonjour, tout le monde. Mes premiers mots vont aller à Mme Hivon, alors députée
de Joliette qui a fait un travail extraordinaire tout au long de ces années. Et
puis félicitations pour la mission accomplie. Aussi, tous les collègues qui ont
travaillé là-dessus : mon collègue député de Deux-Montagnes, mais aussi
tous les collègues, mon ancienne collègue députée de Groulx et tous les
collègues ici présents.
Et je finirais par aussi dire à M. le
ministre : Merci beaucoup pour avoir ramené le projet de loi, par respect
pour tous les gens qui ont travaillé des heures, des heures et même des années,
hein? Alors, c'est important parce que… de ne pas laisser un projet de loi sans
finale. Au moins, là, il y a un résultat. Alors, merci beaucoup pour ce que
vous avez fait.
Je voudrais aussi rassurer les citoyens
qui… On a reçu nombreuses lettres, courriels, des citoyens surtout qui
s'opposaient par valeurs personnelles, valeurs profondes, valeurs religieuses.
Je voudrais dire à ces gens-là aujourd'hui que ça ne… pour vous, selon vos
valeurs, ça ne change rien au point de vue personnel, parce qu'il n'y aura pas
de… le cours de l'histoire ne changera pas. Il y a un changement pour les gens
qui, eux, voulaient un choix par rapport à leur fin de vie, peu importe
soit-elle.
Et, du point de vue personnel, je me suis
demandé moi-même, en tant qu'individu, parce qu'ici c'est vraiment des points
de vue personnels, chacun pour soi, qu'est-ce que… quel serait mon choix. Et je
vous dis aujourd'hui, je n'ai pas de réponse parce que je ne connais pas
l'avenir. J'ai deux jeunes enfants. Si, demain matin, il devait m'arriver une
maladie où est-ce que… sans issue… Premièrement, je me suis posé : Quelle
image je voudrais laisser à mes jeunes enfants? Et aujourd'hui, en tant qu'être
en forme, je me dirais : Je voudrais laisser une belle image. La journée
que ça pourrait m'arriver, je ne le sais pas. Mais il y a une chose que je
sais, ce qui me rassure, c'est d'avoir un choix. Et c'est vraiment là-dessus
que moi, je veux mettre le point. Aujourd'hui, c'est un grand jour parce que
les citoyens auront un choix sur leur propre vie et c'est ça qui est très
important.
Alors, je vous… merci à tous puis encore
merci d'être là. Merci beaucoup.
M. Barrette : Merci. Je passe
la parole maintenant à Mme Massé qui va nous dire quelques mots au nom de
Québec solidaire.
Mme Massé : Merci. Mme Hivon,
bravo, merci; M. Barrette, beau défi relevé, merci; le comité; mon collègue
Amir qui ne pouvait pas être là aujourd'hui, mais qui me dit comment qu'il est
content du résultat du vote.
En fait, je pense que le travail qui a été
fait dans les dernières années démontre que, les parlementaires, on est
capables de travailler en collaboration et de travailler en lien direct avec
les gens de la société civile qui portent des rêves, qui ont des besoins. Et ce
travail d'échange là a abouti aujourd'hui, et j'en suis vraiment très, très
heureuse. Mon collègue Amir Khadir… Moi, je n'étais pas élue à l'époque; parce
que j'aurais bien aimé participer à cette réflexion. Mon collègue Amir Khadir a
été de toutes les rencontres, trouvait très important ce processus-là, et, à
Québec solidaire, on est plutôt très heureux et heureuses de voir le résultat,
là où on en est rendus.
La clé, mon collègue en faisait mention,
c'est cette capacité de choisir. Et le titre, cette notion de mourir dans la
dignité, parle beaucoup. Alors, pas question d'aller au-delà des convictions
personnelles des gens, l'idée étant d'avoir la possibilité de choisir. Ce
projet de… bien, cette loi maintenant, cette loi est équilibrée, elle balise
adéquatement les processus — Véronique en a largement
parlé — et on en est fort heureux.
Ce que j'aimerais souligner en terminant,
c'est que, lorsqu'on a une volonté commune... il n'y a pas d'unanimité, c'est
impossible, ça pourrait être dangereux, mais, lorsqu'on converge... il y a des
gens qui auraient aimé qu'on aille plus loin, il y a des gens qui trouvaient qu'on
allait trop loin, mais je suis tellement fière que mes collègues parlementaires
ont trouvé ce juste milieu qui permet aujourd'hui à tout le monde d'être
heureux et heureuse du résultat.
Et je terminerais vraiment sur une note
personnelle, ce que je fais très rarement, mais je veux dire à ma mère, qui est
en CHSLD, que je suis très heureuse d'avoir pu voter en faveur de ce projet de
loi là.
M. Barrette : Merci, Mme
Massé. Alors, en terminant, je ferai deux ou trois remarques supplémentaires.
Alors, au nom du Parti libéral, nous sommes très heureux d'avoir ramené ce projet
de loi là, parce qu'il devait être ramené pour une raison simple : parce
que la population le voulait. Nous sommes ici des parlementaires qui doivent...
nous devons être à l'écoute de la population, et la population s'était
largement exprimée, dans le passé, en faveur au moins d'une démarche qui se
conclut ici aujourd'hui.
Et je veux aussi terminer, avant la
période de questions, pour exprimer, comme je l'ai dit tout à l'heure dans ma
présentation, mon plus profond respect pour ceux qui ont voté contre. Ici, là,
ce n'est pas de la politique. C'est de la politique parce qu'on fait des lois,
mais il n'en reste pas moins que ce sujet-là, c'est un sujet qui touche nos
valeurs les plus profondes, et ce n'est pas possible d'avoir une unanimité. Ce
n'est pas possible. Les pays qui ont de l'unanimité, là, bien, allez voir
comment ça fonctionne là-bas, là, ce n'est pas normal. Dans une société
normale, quand on touche un sujet aussi délicat, ce n'est pas possible d'avoir
une unanimité. Et je respecte tous ceux et celles qui ont voté contre, qui, d'ailleurs,
nous respectent aussi, ceux et celles qui ont voté pour. Et je pense que la
conclusion est tout à l'honneur à la fois du Parlement et, comme l'a dit Mme
Hivon, de la société québécoise dans son ensemble. Aujourd'hui, la démocratie a
très bien rempli son rôle. Merci beaucoup. Bravo encore. Voilà.
Merci. Alors, on peut passer à la période
de questions, s'il y a des questions.
Journaliste
: Je ne
sais pas si ça fonctionne... oui. Peut-être une question très technique au
début. Qu'est-ce qu'il en est pour la mise en place de ce projet de loi, l'entrée
en vigueur? Comment ça fonctionne exactement?
Mme
Hivon
:
Bien, il y a une période de 18 mois maximum avant l'entrée en vigueur. Donc, ce
qui est prévu dans la loi, c'est qu'il peut entrer en vigueur au plus tard 18
mois après sa sanction. Donc, il devrait être sanctionné très, très, très
bientôt. Et donc il pourra être en vigueur avant, si jamais les processus sont
en place, mais il y a une période de 18 mois qui est prévue, notamment pour de
la formation, notamment la mise en place de la Commission sur les soins de fin
de vie, qui est une commission très importante aussi, qui a un rôle de conseil
et un rôle de vigie, et aussi pour toute la question de la mise en place des
formulaires, tout ça, les directives médicales anticipées et le registre.
M. Barrette : Je vous
rappellerai… Bien, pour répondre à un élément de la question, à 90 %, la
loi sera sanctionnée vendredi, donc demain. Et, par la suite, comme Mme Hivon
l'a dit, bien là, il y a toute la question de la mise en place des formulaires.
Vous savez, le projet de loi, par exemple, demande à toutes les institutions de
s'organiser pour avoir la possibilité de mettre en place tout ce qui est nécessaire
pour offrir toutes ces possibilités-là à la clientèle dans tout le réseau.
Alors, il y a un volet, qu'on va qualifier d'administratif, qui doit être mis
en place, d'où le délai, mais, encore une fois, ça doit être mis en place dans
un maximum de 18 mois.
Journaliste
: O.K.
Donc, on peut s'imaginer que ça va être… on va pouvoir l'offrir d'ici 18 mois. C'est
ce qu'on comprend?
M. Barrette : C'est comme ça,
c'est la réalité, là, c'est exactement ça.
Journaliste
: Vous avez
tous dit, un après l'autre, que l'unanimité, ce n'était pas une chose
souhaitable dans ce cas-ci. J'aimerais vous entendre là-dessus un peu plus
profondément.
M. Barrette : Je ne dis pas
que ça ne doit pas être souhaitable, mais c'eût été surprenant. Je ne pense pas
et je suis de l'avis de mon premier ministre, et d'ailleurs c'était l'avis de
tous les partis. Je pense que la délicatesse et l'importance de ce sujet-là
quant aux valeurs sociétales selon lesquelles on vit, nous, au Québec, ça
demande un vote de conscience et non une simple ligne de parti. Alors, ce n'est
pas un projet de loi de nature économique, c'est un projet de loi qui a une
portée si profonde dans la vie quotidienne de chacun des citoyens que ça
demande à ce que le vote soit libre, ce que l'on appelle communément un vote de
conscience, ce qui a été le cas.
M. Teisceira-Lessard (Philippe) :
Mme Hivon, bonjour. Philippe Lessard de LaPresse. On a vu
que ça s'est divisé pour un ratio à peu près de quatre pour, pour un contre, à
l'Assemblée nationale, de façon approximative. Est-ce que ça correspond à votre
définition de «consensus»? Puis, par ailleurs, est-ce que vous croyez que ça
reflète la division dans la population générale?
Mme
Hivon
: Si
on fait le… Oui, si on fait la proportion, écoutez, c'est toujours bien, bien
approximatif, là, mais les sondages d'opinion et puis, nous, le questionnaire
pour lequel on a eu des milliers et des milliers de réponses, ça donnait
toujours autour de 80 % d'appui dans la population, donc je pense qu'on
s'approche de ça aujourd'hui.
Et moi, je suis… c'est ça que je voulais
dire tantôt, j'ai vraiment acquis l'intime conviction, à travers toutes ces
années de travaux, de démarches, de consultations, de questionnements aussi,
qu'on est en phase avec la société. Et ce n'est pas que ce n'est pas
souhaitable, mais je pense que ce n'est pas possible d'avoir une unanimité, et
je pense que le très fort consensus qu'on sent dans la population, on l'a vu
aussi s'exprimer aujourd'hui.
M. Barrette : Et, au risque
d'impliquer mes collègues des autres partis, c'est la même lecture que, moi, je
fais aujourd'hui au Parti libéral et que je faisais avant, dans ma vie
antérieure.
M. Teisceira-Lessard (Philippe) :
Peut-être juste une sous-question là-dessus avant de passer à ma deuxième question.
Tous les votes contre ce projet de loi sont venus du côté libéral des
banquettes. Est-ce qu'il y a une explication philosophique ou…
M. Barrette : Bien, je
n'oserais pas lancer d'explication à cette étape-ci, mais je trouve, par contre,
que c'est tout à fait normal qu'il y ait des votes contre. Je trouve que ça
reflète l'état de notre société. Quand on regarde aussi… on peut essayer une
explication. Dépendamment des régions ou du profil de la population de
différents comtés, on peut s'attendre à ce que, dans certains endroits, il y ait
plus d'opposition, par exemple, pour toutes sortes de raisons. Et moi, je
considère ça sain en soi. Et ce n'est pas une question de parti, c'est une question,
à mon avis, simplement de représentation.
Journaliste
: Dernière
question. Est-ce que le gouvernement est confiant que la loi passe le test des tribunaux?
M. Barrette : Oui. Alors, ça,
je pourrais passer la parole à Mme Hivon là-dessus, mais je suis tout à fait d'accord
avec elle et avec l'exercice qui a été fait. Je rappellerai qu'au début, lorsque
nous l'avions lancé, la première commission, la commission mourir dans la
dignité, il y avait eu un exercice de consultation juridique qui avait été
piloté par Me Ménard, et des juristes ont eu à s'adresser… ont eu le mandat de
s'adresser spécifiquement aux aspects légaux, criminels, constitutionnels de la
loi. Et la conclusion qui a été tirée par les juristes était que ça passait la
barre.
Alors, nous sommes d'avis, nous, comme
l'était le Parti québécois lors de ses travaux, que ça passe la barre
juridique. Alors, s'il y a une contestation, je suis très confiant qu'on va la
gagner.
Mme
Hivon
: Mais
c'est important de dire qu'au-delà du comité d'experts, qui est représenté d'ailleurs
par Me Ménard aujourd'hui, le Barreau du Québec a pris position en faveur, en
disant que les assises juridiques étaient très solides.
Journaliste
: Bonjour.
La Résidence de soins palliatifs West Island vient d'émettre un avis, un communiqué
dans lequel ils disent que, eux, ils n'ont pas l'intention d'aller… en fait,
d'appliquer, si on veut, l'aide médicale à mourir, même si un patient le
demande. Comment vous réagissez à… C'est le premier, là, qui officiellement le
fait après la…
Mme
Hivon
: En
fait, c'est prévu dans la loi que, si les établissements publics ont l'obligation
d'offrir l'ensemble des soins de fin de vie, ce qui veut dire y compris l'aide
médicale à mourir, les maisons de soins palliatifs, qui sont des entités qui
relèvent des communautés, n'ont pas l'obligation. Donc, c'est chaque administration
de maison de soins palliatifs qui va décider de l'étendue des soins de fin de
vie qu'elle offre. Mais, pour protéger les gens, il est prévu dans la loi
qu'ils doivent informer les gens qu'ils accueillent dans leur maison de s'ils
offrent ou non l'aide médicale à mourir, donc que les gens y aillent en toute connaissance
de cause.
Journaliste
: En anglais, oui? Yes. I would say, it's… today, people across Canada are looking at what you've done today
and maybe they, you know, would like to do something similar. But we see
something… The current government in Ottawa, I believe, is against this. What do you say? You talked about the legal
arguments, the legal case, but, if the federal Government is opposed, isn't
that a problem?
Mme
Hivon
: They never said… If you look carefully at every statement, they
never said that they oppose it and they never said they would bring it before
the tribunals. Every time they are asked the question, they refer to what
exists in their jurisdiction, but they don't talk about the bill in Québec. So
we don't know how they stand precisely. And I want to remind you that Rona
Ambrose, as the Minister of Health, last fall, at the federal-provincial Health
Ministers meeting, she said that the process of Québec was a legitimate one,
and that the other provinces could look at it.
M. Barrette :And above that I would say that Canada will not spare the debate. At some point,
they will have to face it, but I would believe that the support for an
initiative like this one would not be uniform across the country. This is
something that it's fair to predict, but I can… I strongly believe that they
will have, themselves, to face the debate as we did. They cannot go by it. It's
my opinion and it's going to be in their hands to decide whatever they want to
do with this.
But I understand your
point. Everybody is looking at us. I think we did a good job, I think we did it
properly, and the conclusion is satisfactory to the general population of
Québec.
Journaliste
: I'm going forward, this is a one occasion. Even when Mr. Chagnon
was reelected as Speaker, he pointed to this process, it's a four and a half
years' process over three governments, as you said, Mme
Hivon. Is there something else that you could do
together? You take the numbers of the Assembly…
Mme
Hivon
: We are starting a new one tomorrow. They don't all know, but keep…
M. Barrette :
Didn't you notice that we were working together so efficiently since April 7th?
Mme
Hivon
: Et
on… en tout cas, on doit vraiment, vraiment remercier, je veux juste le
redire, l'ensemble des parlementaires. Je vois mes collègues Geoff Kelley,
Maryse Gaudreault, Benoit Charette, Pierre Reid. Vraiment, ça a été… c'est à
cause de cette…
Une voix
: …
Mme
Hivon
: Germain,
il est où, Germain? Germain Chevarie, oui. Parce que c'est à cause de cette
chimie-là et de cette collégialité-là qu'on a pu arriver à un rapport unanime,
et aujourd'hui, à ce qu'on voit, le projet de loi, il n'est que la suite des
travaux de la commission.
Journaliste
: Mais c'est
exceptionnel, quand même. Ce n'est pas quelque chose, comme vous dites...
Mme
Hivon
: C'est
exceptionnel, mais, regardez, on va réussir...
Journaliste
: ...il y a
une question qui est intéressante : Est-ce qu'il y a d'autres grands
enjeux moraux comme ça que les Québécois sont prêts à affronter? Non, mais...
Mme
Hivon
: À
eux de nous le dire.
M. Barrette : Bien, je vous renverrai
la question, parce que la... n'oubliez jamais que le Parlement s'est saisi de
cette situation-là, de ce sujet-là, parce qu'il a été débattu dans les médias
d'abord. Ça vient de vous autres. Vous êtes le porte-parole, comme nous sommes
le porte-parole, les représentants de la population sur le plan légal, mais,
sur le plan vocal, même si vous êtes la presse écrite, vous représentez la population.
C'est parce qu'il y avait un sentiment dans la population nous le permettant.
Moi, je me rappelle, dans ma vie antérieure,
on faisait des sondages, puis sondage, après sondage, après sondage, les gens
disaient : Clarifiez la situation, on veut s'adresser à ça. Et je l'ai dit
en introduction, et c'est un fait, là, ce n'est pas une illusion, ce débat-là
n'aurait jamais pu avoir lieu en 1955, ni en 1945, parce que jamais, à cette
époque, pour des raisons évidentes, ce sujet-là n'aurait été amené sur la place
publique. Il a été amené sur la place publique parce que des gens se sont
exprimés dans nos officines des médecins d'abord, ensuite sur la place
publique, dans les médias. Et c'était notre rôle, comme parlementaires, de
répondre à la population, ce qui a été fait. Merci.
Mme
Hivon
:
Merci. Merci beaucoup.
(Fin à 16 h 52)