(Onze heures seize minutes)
Le Modérateur
: …commencer,
M. Samson. On va passer avec, d'abord, la présentation, ensuite une période de
questions en français suivie d'une période de questions en anglais. M. Samson.
M. Samson (Michel)
:
Oui. Merci. Mesdames et messieurs, bonjour. Ce matin, le président de
l'Assemblée nationale a remis aux députés deux rapports concernant les
résultats de travaux effectués durant la dernière année. L'un est intitulé Vérification
de l'optimisation des ressources et l'autre, Rapport du Commissaire au
développement durable.
Je vais vous présenter les principaux
constats formulés pour l'émission de vérifications figurant dans le premier
rapport, et le Commissaire au développement durable, M. Jean Cinq-Mars, prendra
ensuite la parole pour vous transmettre les constatations les plus importantes
de son rapport.
Le tome intitulé Vérification de
l'optimisation des ressources inclut une vérification particulière portant
sur la réalisation et l'exploitation d'aires de service du réseau autoroutier
québécois. Cette vérification résulte d'une demande formulée par l'ancien
gouvernement, par le Conseil du trésor, en avril 2013, en vertu de l'article 36
de la Loi sur le Vérificateur général du Québec.
J'ai donc regardé de près l'entente
concernant la réalisation et l'exploitation en partenariat public-privé de sept
aires de service sur le réseau autoroutier québécois.
Dans le chapitre 2 de mon rapport,
j'explique comment les lacunes relevées à chacune des étapes menant à la
signature de l'entente de partenariat ont contribué à fragiliser ce projet
qui est l'un des premiers PPP signés au Québec. Par exemple, les négociations
permises avec le candidat sélectionné ont donné lieu à des modifications
notables au modèle financier.
Malgré une participation financière
publique plus élevée que prévu, le modèle financier est demeuré… Pardon. Le
modèle financier est demeuré fragile. En outre, les garanties accordées par le
ministre des Transports du Québec ont augmenté les risques assumés par ce
dernier.
Je traite, dans le chapitre 3, des activités
d'acquisition de biens et services accomplies par le Centre de services
partagés du Québec, soit le CSPQ. Après huit ans d'existence, ce dernier n'est
pas encore devenu le centre d'excellence qu'il devrait être et il n'est
toujours pas la référence dans son domaine. Dans un contexte où la gestion des
finances publiques s'avère difficile, je soulève l'importance pour le CSPQ de
revoir son offre de service en matière d'acquisition. Il doit l'arrimer aux
besoins prioritaires de ses clients et l'orienter sur les meilleures économies
potentielles du point de vue gouvernemental.
Dans le chapitre 4, j'aborde la gestion que
fait la commission scolaire du Chemin-du-Roy du Complexe sportif Alphonse-Desjardins.
Je conclus que des mesures s'avèrent nécessaires afin d'éviter que la
commission scolaire ne se trouve dans une situation qui la mènerait à investir
davantage de fonds publics dans le projet. À titre d'illustration, au cours des
cinq dernières années, le complexe sportif a engendré des déficits annuels pour
la commission scolaire variant de 700 000 $ à 1,2 million.
D'ailleurs, je me questionne d'emblée sur le lien entre le projet et la mission
éducative de la commission scolaire. D'autre part, le modèle d'affaires selon
lequel la plupart des risques lui sont attribués ainsi que le suivi qu'elle
effectue de la gestion du complexe sportif présentent des lacunes. Notons
qu'elle a confié cette gestion à un mandataire.
Je fais état des conclusions de ma
vérification portant sur les traverses et dessertes maritimes exploitant en
partenariat dans le chapitre 5 de mon rapport. Mes travaux ont été menés auprès
de la Société des traversiers du Québec. Je souligne notamment la difficulté
qu'a la STQ à établir clairement sa vision d'ensemble du mode d'exploitation à
privilégier pour les services liés à chaque traverse et desserte maritime, que
ce soit pour le transport des personnes ou pour celui des marchandises. Le
choix d'exploiter elle-même les traverses qui étaient auparavant en partenariat
n'est pas appuyé sur une analyse complète. De plus, la démonstration n'est pas
faite que c'est le mode d'exploitation le plus avantageux. D'autre part, le
suivi de la performance des partenaires et l'information fournie au conseil
d'administration et au ministère des Transports font l'objet de certaines
réserves.
Dans le chapitre 6, je me suis intéressé à
la gestion des médicaments et des services pharmaceutiques. Je me suis penché
sur des enjeux liés à l'approvisionnement en médicaments, notamment le prix de
ceux-ci. En effet, j'ai relevé dans plusieurs cas des écarts de plus de
10 % pour un même médicament. Les ruptures d'approvisionnement et le
contenu des listes de médicaments dans les établissements ont aussi mobilisé
mon attention. Je mets également en lumière le manque de contrôle a posteriori
de l'usage des médicaments, ce qui ne permet pas de s'assurer de leur
utilisation optimale.
Le chapitre 7 de mon rapport est consacré
à l'administration provisoire que fait Revenu Québec des produits financiers
non réclamés. D'après moi, des ajustements sont nécessaires afin de favoriser
la récupération des produits financiers non réclamés par leurs ayants droit et
d'assurer la remise à l'État de ceux pour lesquels les ayants droit demeurent
introuvables. Par exemple, un faible pourcentage de détenteurs effectue des
remises de produits financiers non réclamés, et Revenu Québec utilise peu les
moyens d'intervention à sa disposition pour améliorer la situation.
Le dernier chapitre de mon rapport
présente les résultats d'un suivi d'une vérification menée en 2010 concernant
la sélection des immigrants travailleurs qualifiés. Je tiens à souligner les
efforts du ministère pour donner suite à mes recommandations, puisque, pour six
des sept recommandations, soit 86 %, les progrès sont satisfaisants.
En terminant, je veux faire le point sur
les travaux que j'ai entrepris à la suite de l'élargissement de mon mandat pour
la vérification de l'optimisation des ressources. Depuis le 14 juin 2013,
je peux effectuer des vérifications de l'optimisation des ressources auprès des
entreprises du gouvernement sans qu'une entente soit conclue au préalable avec
le conseil d'administration, à l'exception de la Caisse de dépôt et placement
du Québec. À ce jour, j'ai entrepris des travaux de revue des activités auprès
de quatre sociétés d'État, soit Hydro-Québec, Loto-Québec, la Société des
établissements de plein air du Québec et la Société des alcools du Québec. Dans
trois de ces sociétés, les travaux se déroulent bien. J'ai toutefois des
préoccupations sur la position d'Hydro-Québec par rapport aux travaux que je
veux y mener. En effet, la société d'État interprète de façon restrictive et
contraignante les pouvoirs qui sont dévolus au Vérificateur général. Or, cette
position est incompatible avec la recherche d'une plus grande transparence et
d'une efficacité accrue de l'administration publique. Mon but est simple :
c'est celui d'obtenir, de la part d'Hydro-Québec, une collaboration semblable à
celle que j'ai établie avec les autres entités dans lesquelles j'effectue des
travaux.
Je vous remercie de votre attention.
J'invite maintenant M. Jean Cinq-Mars à vous faire part des résultats de ses
travaux.
M. Cinq-Mars (Jean) :
Bonjour, mesdames et messieurs. Ce matin, j'ai rencontré la Commission de
l'administration publique et j'ai présenté mon rapport qui contient quatre
chapitres.
Le premier chapitre est un chapitre qui
porte sur mes observations sur l'application du développement durable. Vous
savez que le développement durable a été… la loi a été adoptée en 2006, et on a
une stratégie qui a été adoptée en 2008 et qui devait prendre fin en 2013. Cependant,
elle a été prolongée jusqu'en 2013. Alors, l'année actuelle est une année
charnière pour le développement durable, étant donné qu'on doit adopter une
nouvelle stratégie sur le développement durable pour, au plus tard, décembre
2014.
Alors, pour examiner l'application de la
stratégie gouvernementale et examiner si l'administration publique avait
intégré les principes de développement durable, j'ai examiné, dans
l'administration, quels étaient les principes et les pratiques qu'on avait pour
la gestion du risque. Je me suis référé à plusieurs vérifications qui avaient
été faites antérieurement par moi et d'autres collègues au bureau du
Vérificateur général pour tirer des conclusions.
Les principales conclusions sont à l'effet
qu'une culture de prévention et de gestion du risque est à changer. En effet,
lorsqu'on examine la problématique du risque au niveau planétaire, on
s'aperçoit que la mondialisation a apporté des risques nouveaux, des risques de
contamination dus aux changements climatiques. Certaines maladies tropicales
font maintenant apparition dans des pays beaucoup plus nordiques. Le transport
de marchandises, la circulation des personnes amènent également des risques beaucoup
plus importants. On a tous vécu les conséquences de la crise économique de 2008‑2009,
si bien que, lorsqu'un pays a des difficultés économiques, à ce moment-là, les
autres pays peuvent avoir des effets néfastes.
Également, au Québec, on a fait face à
plusieurs sinistres récemment, qu'on pense à l'incendie à L'Isle-Verte en janvier
dernier, la conflagration à Lac-Mégantic l'été dernier, la légionellose à
Québec, les inondations l'an dernier… il y a deux ans le long du Richelieu, si
bien qu'on a une gestion des risques qui doit être revue. La gestion du risque
est une préoccupation dans plusieurs pays. J'ai consulté des analyses qui ont été
faites par la Banque mondiale. On recommande de plus en plus que le pays centralise
la gestion du risque et qu'on crée des postes de responsable du risque près du
président ou du premier ministre dans les pays. Dans les multinationales, une
approche similaire est adoptée. On recommande la création d'un poste de
responsable du risque très près du président des entreprises pour faire face
aux risques multiples et aux risques qui peuvent avoir des effets domino l'un
envers l'autre.
Lorsqu'on examine le développement
durable, c'est un peu la même situation. On avait fait un balisage des
meilleures pratiques l'an dernier et on avait observé que les pays où le
développement durable avait fait des plus grandes avancées, le poste de
contrôleur ou de gestionnaire au développement durable était très près de celui
du premier ministre ou du président.
Nous avons également effectué trois
vérifications spécifiques. La première concernait l'application de la Loi sur
le développement durable. Il y avait quatre entités qui ont été vérifiées :
la Commission des normes du travail, le ministère de la Culture et des
Communications, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, et la
société de développement des entreprises sociales. Toutes ces entités ont mis
en place certaines mesures pour faire avancer l'application du développement
durable, mais ce que l'on a constaté, c'est que des mesures avaient été mises
en place, mais de façon partielle, si bien que l'appropriation du développement
durable par ces entités n'avait pas fait de grands progrès.
Le troisième chapitre de mon rapport
traite des terres du domaine de l'État et de la gestion du foncier. Je vous
rappelle qu'au Québec 92 % du territoire est du territoire public,
contrairement à des pays européens où c'est l'entière totalité du territoire
qui est un territoire privé. Ici, l'État a un rôle fondamental de gestion des
terres publiques. Alors, on a examiné toute la question qui touche l'octroi des
droits fonciers, c'est-à-dire la vente, la cession à titre gratuit, les
échanges ou la location. Au départ, on a observé qu'il y avait cinq régions sur
13 qui avaient un plan d'aménagement du territoire. C'est équivalent à un plan
d'urbanisme, donc dire que c'est cinq régions qui avaient l'équivalent d'un
plan de développement qui identifiait les priorités d'affection du territoire.
Au sujet de la vente des terrains, on a
constaté que le ministère n'avait pas développé de ligne directrice pour
informer ses différents employés, à travers les régions, au niveau des ventes
de terrains.
Au niveau des ventes, on doit souvent
utiliser la notion de valeur marchande. Alors, sur cet aspect, on s'est aperçu
qu'il y avait également des lacunes, si bien qu'on n'a pas de garantie que les
ventes ont été faites dans le meilleur intérêt des citoyens.
Au niveau des dossiers industriels et
économiques, sur 18 des 22 dossiers qu'on a examinés, on a observé que les
données socio-économiques ou les données de développement durable étaient
absentes des dossiers.
L'évaluation foncière est également un
secteur où il y a peu d'utilisation… d'évaluation formelle. Les frais
d'administration également, on s'est aperçu qu'il y avait eu des lacunes. En
fait, les frais ont été adaptés en 2010, mais, lorsqu'on regarde ces frais par
rapport à ceux qui existaient en 1989, en appliquant un facteur d'inflation, on
s'aperçoit que les frais de 2010 sont inférieurs à ceux de 1989.
Enfin, pour les loyers de villégiature, on
s'est aperçu qu'en 2010 les loyers étaient passés d'une tarification de
8 % à 6 %. Alors, si bien, ce qu'on conclut de ce rapport, c'est que,
bien entendu, les utilisateurs des terres ne paient pas, finalement, les coûts
que ça implique à l'État.
La dernière vérification touche la
question du Fonds vert. C'est un fonds qui a été créé en 2006. Il y a eu
2,1 milliards qui ont été investis. La dernière année, le Fonds vert a
rapporté 339 millions. La raison pour laquelle on a fait l'évaluation du
Fonds vert, c'est qu'on aborde maintenant le début d'une nouvelle mesure,
c'est-à-dire le commerce des permis d'échange de carbone, si bien que le
gouvernement estime avoir des revenus encore plus importants à partir de ce
commerce que ce qu'on a eu à partir des taxes sur… c'est-à-dire, des redevances
sur les produits pétroliers.
Alors, notre objectif était de vérifier
s'il y avait des mécanismes de gestion efficaces pour atteindre les objectifs.
Est-ce qu'il y avait une gestion efficiente des ressources? On a examiné trois
ministères. Alors, ce qu'on a conclu, c'est qu'il y a une gestion qui n'est pas
axée sur des objectifs. Il y a très peu d'information publique sur le Fonds
vert. Si vous allez sur le site du ministère, vous allez voir qu'il y a
simplement une description du fonds sans détails du fonctionnement. Ensuite,
les projets qui ont été financés, souvent, ont été faits sans appel d'offres,
sans critère de sélection et sans objectif précis et mesurable. Et enfin il y a
eu très peu de suivi sur les résultats des projets, est-ce que les projets ont
donné les résultats pour lesquels le gouvernement avait accordé un financement.
Je vous remercie.
Le Modérateur
: Donc,
nous allons passer maintenant à la période de questions avec Hugo Lavallée de
Radio-Canada.
M. Lavallée (Hugo)
:
Bonjour, M. Samson. On sent bien, dans votre rapport, la difficulté que vous
avez à obtenir la collaboration d'Hydro-Québec. Ils ne vous remettent pas
certains documents, prétendent que vous ne pouvez pas recevoir les documents
antérieurs à l'adoption de la loi.
Comment on qualifie ça? Est-ce que c'est
de l'obstruction à votre travail? Est-ce que vous avez déjà vu ça de la part
d'autres entités sur lesquelles vous faites des enquêtes, une telle attitude?
M. Samson (Michel)
:
Écoutez, ce qu'il faut comprendre, c'est tout de même… c'est la première… ce
mandat-là est nouveau, quand même, auprès des entreprises du gouvernement.
Donc, je pense qu'il y a peut-être des cultures d'entreprise qui existent, et
on ne nous connaît pas tellement bien, mais je pense que c'est à force de
s'expliquer, de demander, d'expliquer comment on veut procéder qu'on va arriver
à nos fins. Puis, comme je l'ai bien mentionné, mon but est simple, dans le
fond, c'est d'obtenir la même collaboration d'Hydro-Québec que j'obtiens des
autres sociétés, des ministères et des organismes quand je réalise des mandats,
donc ni plus ni moins. Et j'en ai discuté ce matin avec les membres de la Commission
de l'administration publique, parce que, présentement, vous comprenez que, si
on me refuse l'accès à tout document antérieur à juin 2013, je ne peux pas
réaliser mon mandat. Je ne peux pas faire une vérification qui porte juste sur
six mois. Je dois prendre connaissance des années antérieures comme on le fait
toujours. Donc, présentement, c'est une limite importante à mon mandat.
M. Lavallée (Hugo)
:
Mais donc est-ce que vous avez déjà vu ça dans d'autres entités sur lesquelles
vous enquêtez?
M. Samson (Michel)
: De
cette façon-là, non.
M. Lavallée (Hugo)
:
Quel recours vous avez si la situation ne change pas? Est-ce que vous pourriez,
par exemple, prendre… déposer un recours devant les tribunaux?
M. Samson (Michel)
:
Écoutez, je pense que… je ne suis pas certain qu'on a quelque chose à gagner de
s'en aller devant les tribunaux pour l'instant. Ma première démarche était d'en
faire mention dans mon rapport, d'en faire mention à l'Assemblée nationale, de
sensibiliser les membres de la Commission de l'administration publique. Ils ont
été très à l'écoute de mes propos. Je vais voir les suites qu'ils vont donner à
ce qui s'est discuté ce matin, lors du huis clos, mais j'ai espoir qu'Hydro-Québec
va comprendre nos façons de faire, et on va pouvoir travailler comme on le fait
partout ailleurs.
M. Lavallée (Hugo)
: Concernant
les haltes routières maintenant, on a vraiment l'impression que l'analyse qui a
été faite pour favoriser le partenariat public-privé était un peu biaisée en
faveur du partenariat public-privé. On dit que les dépenses de maintien des
actifs en mode conventionnel ont été surévaluées, les frais de financement
aussi. Est-ce qu'effectivement vous avez l'impression que l'analyse a été
biaisée d'une quelconque manière?
M. Samson (Michel)
:
Écoutez, l'analyse, à tout le moins, a été incomplète, et les hypothèses sur
lesquelles on a reposé cette analyse-là sont très, très discutables. Vous avez
fait mention des frais de maintien. Et, par la suite aussi, ce qui est arrivé,
c'est que, lorsqu'on a négocié avec le seul soumissionnaire, en fait, c'est
que, là, on a fait des changements par rapport à l'appel de proposition. Par
exemple, dans l'appel de proposition, le gouvernement ne devait pas garantir la
dette, soit l'emprunt que le partenariat effectuerait, alors que, dans les
négociations, maintenant, le gouvernement garantit la dette du partenaire à 100 %,
ce qui est environ 30 millions. Ce n'était pas prévu dans l'appel de
propositions. Il y a d'autres frais qui se sont ajoutés à ça. Ce qu'il faut
comprendre, c'est que, si demain matin… je sais que c'est en cours, mais, si on
résiliait le contrat, ça pourrait engendrer une dépense pour le gouvernement de
47 millions juste pour résilier le contrat, chose qui n'était pas prévue
dans l'appel de propositions.
M. Lavallée (Hugo)
:
Une dernière chose, si vous permettez, concernant… Vous avez déposé la semaine
dernière le rapport sur l'état des finances publiques. Ça a été plus ou moins
bien accueilli, surtout par l'opposition officielle qui voyait une commande politique.
Est-ce que vous pensez que ça peut nuire à vos chances, effectivement, de
recevoir une confirmation de votre poste comme Vérificateur général permanent?
Et est-ce que ça n'illustre pas un peu le problème que ça cause d'avoir un
Vérificateur général intérimaire si longtemps?
M. Samson (Michel)
:
Écoutez, je pense que d'avoir un Vérificateur général par intérim pour une
période aussi longue que deux ans et demi, effectivement, je pense que ce n'est
pas… à tout le moins, ce n'est pas souhaitable. Quant à mes chances, je n'ai
aucune évaluation là-dessus, parce que ce n'est pas mon choix. Comme vous le
savez, c'est le choix de l'Assemblée nationale, c'est le choix des
125 parlementaires. Ce que j'ai compris par certaines motions qui ont été
déposées, il n'y a pas eu de vote de non-confiance, donc je me dis, à tout le
moins, la confiance est là.
Ce que je vous dirais que je trouve le
plus triste un petit peu dans toutes ces discussions-là, c'est que
l'organisation du Vérificateur général est une organisation qui compte
275 personnes, qui est au service de l'Assemblée nationale, et ces gens-là
travaillent avec rigueur, indépendance et professionnalisme. Donc, quand
j'entends qu'on remet en cause l'indépendance de cette institution, je trouve
ça exagéré un petit peu, permettez-moi l'expression. Chez nous, quand on fait
un mandat, on le fait avec rigueur, et les résultats sont le fruit d'un travail
professionnel.
L'article qui a été utilisé par le
gouvernement a été utilisé, je peux vous dire, dans les 10 dernières
années, environ 10 ou 12 fois par tous les gouvernements, l'article 36 de notre
loi, qui donne le pouvoir au gouvernement, soit par un décret du Conseil des
ministres, soit par une demande du Conseil du trésor, de nous demander de
réaliser des mandats particuliers. Ça a été utilisé, comme je vous dis, environ
10, 12 fois dans les 10 dernières années, donc tous les gouvernements
l'utilisent. Le rapport sur les PPP en est un exemple, ça venait d'une demande
du Conseil du trésor en vertu de l'article 36. Le rapport, souvenez-vous, que
j'ai déposé cet hiver sur le Tribunal administratif du Québec était une demande
en vertu de l'article 36 aussi du Conseil du trésor.
Le Modérateur
: Davide
Gentile, Radio-Canada.
M. Gentile (Davide) : Quant à
Hydro-Québec, je sais que vous voulez être poli, on commence à vous connaître,
là, vous êtes…
M. Samson (Michel)
: C'est
une qualité d'un vérificateur.
M. Gentile (Davide) : …vous
faites preuve de bienséance, c'est bon, mais en bon français, là, vous dites
quoi, là? C'est l'État dans l'État? Qu'est-ce qui se passe à Hydro-Québec?
Est-ce que c'est… Est-ce qu'on est réfractaires quand vous arrivez là?
M. Samson (Michel)
:
Écoutez, est-ce qu'on est réfractaires, je dois vous répondre : Oui, qu'on
est réfractaires, puisqu'on ne nous donne pas accès à l'information qu'on
voudrait avoir. Moi, lorsqu'on me dit que ma loi a été changée le 14 juin 2013
et qu'Hydro-Québec aurait entre les mains un avis juridique qui dit que, tout
ce qui est antérieur à juin 2013, ils n'ont pas à me le donner, vous
comprenez que je ne peux pas fonctionner avec ça, là. Et alors que je vois dans
trois autres sociétés d'État, qui ne sont pas les moindres, je vous rappelle,
Loto-Québec, Société des alcools, où la collaboration est bonne, c'est
excellent, on nous fournit ce qu'on nous demande, on ne nous a jamais fait part
de cette entrave-là dans nos travaux.
M. Gentile (Davide) :
Maintenant, votre chapitre sur les médicaments. Là, je veux juste être certain
qu'il n'y a pas des virgules qui manquent, là. Le 892 %, c'était bien ça l'écart
que vous constatez?
M. Samson (Michel)
: Oui.
Il y avait un petit tableau d'ailleurs.
M. Gentile (Davide) : Oui,
j'ai vu le tableau, mais, bon, je n'étais pas fort en maths, donc je me pose la
question.
M. Samson (Michel)
:
Non, non, c'est vraiment ça. Ça vous montre les écarts qu'il peut y avoir pour
un même médicament entre deux groupes d'approvisionnement, le prix qu'on paie.
M. Gentile (Davide) : Avez-vous
été étonné de voir ça, vous…
M. Samson (Michel)
:
Oui, oui. Bien, ce qui nous étonne… Écoutez, oui, on est étonnés de l'ampleur
de l'écart, c'est bien sûr, là. Il faut dire que le 892 %, c'est l'exemple
extrême, je dirais, là, mais on a tout de même... Sur un échantillon de 800
quelques médicaments, on en a 275 qui ont un écart de plus de 10 %. Donc,
on en a le tiers environ qui ont plus que 10 % d'écart dans les prix pour
un même fabricant. Dans le fond, c'est deux groupes d'approvisionnement qui
négocient avec le même fabricant, on a des écarts de plus de 10 %. Donc,
oui, ça nous étonne, mais ce qui nous étonne aussi, c'est qu'on n'ait pas
procédé à des analyses soit par le ministère qui sensibilise les groupes
d'approvisionnement à cette situation-là.
M. Gentile (Davide) :
Récemment, on a beaucoup joué dans des films où il y a des gens qui
soumissionnaient, d'autres curieusement ne soumissionnaient pas. Je ne veux pas
faire de parallèle indu, mais là, à la page 75, vous écrivez : Pour un
même médicament, le fabricant soumissionne lors de l'appel d'offres lancé par
un groupe, mais ne le fait pas pour l'autre groupe. Qu'est-ce qu'on devrait
avoir comme impression de ça?
M. Samson (Michel)
:
Écoutez, je n'ai pas… Si on avait eu des explications satisfaisantes et bien
documentées, on les aurait mises dans notre rapport. Mais comme l'analyse ne se
fait pas, c'est difficile à comprendre. On n'est pas en mesure de vous dire
pourquoi, mais ce qu'on constate, par contre, la conséquence de cet état de
fait là, c'est que le groupe d'approvisionnement qui n'a pas reçu de
soumission, bien, les centres hospitaliers doivent négocier, à ce moment-là, à
des prix beaucoup plus élevés que le groupe… que l'autre groupe
d'approvisionnement a obtenu. Donc, ça coûte plus cher à l'État, c'est certain.
M. Gentile (Davide) : Donc,
il y a moins de compétition, là. C'est ce que vous…
M. Samson (Michel)
: Il
y a moins de compétition, mais il y a une source d'économie potentielle, c'est
certain, à cet égard-là.
M. Gentile (Davide) : Mais
vous ne pouvez pas parler de collusion.
M. Samson (Michel)
:
Non, je ne peux pas parler… Non, je ne peux pas parler de collusion.
M. Gentile (Davide) : Mais
d'absence de volonté de concurrencer…
M. Samson (Michel)
:
Bien, je ne peux pas vous dire pourquoi un fabricant ne veut pas répondre à… ou
un grossiste ne veut pas répondre à la soumission qui est faite par un groupe
d'approvisionnement. Je pense que c'est au groupe d'approvisionnement et au
ministère à se questionner. Un peu la même chose lorsqu'on lance un appel
d'offres, si vous voyez que, pour la majorité de vos appels d'offres, vous avez
juste un ou deux soumissionnaires, je pense qu'il faut que vous vous
questionniez pour savoir pourquoi je n'ai pas plus de soumissionnaires que ça.
Est-ce que je suis trop restrictif? Est-ce que c'est le marché? Est-ce que je
dois changer mon approche, chose qui ne se fait pas présentement dans le
domaine de la santé?
Le Modérateur
: Denis
Lessard, LaPresse.
M. Lessard (Denis)
:
Deux questions. La première, sur les médicaments : Est-ce que vous pensez que
les pénuries qu'on a connues depuis deux ans auraient pu être évitées avec une
meilleure gestion des stocks dans les départements de pharmacie des hôpitaux?
M. Samson (Michel)
: De
vous dire est-ce qu'on les aurait évitées, c'est difficile à répondre, mais
sûrement qu'on aurait diminué le risque, à tout le moins. D'ailleurs, ce qu'on
constate au niveau des pénuries, c'est que les groupes d'approvisionnement ont
des… les deux groupes d'approvisionnement ont des pratiques différentes. Dans
ses derniers appels d'offres, un groupe d'approvisionnement a exigé, de la part
d'un fabricant, qu'ils aient une série de médicaments qui soient disponibles
pour une période de stock, mettons aux trois mois, alors que l'autre groupe
d'approvisionnement a suggéré au fabricant d'avoir un certain nombre de
médicaments en stock pendant un certain temps. Un exige, l'autre suggère. Vous
comprenez, ça n'a pas le même poids, et ce qui nous arrive : des pénuries
de médicaments.
M. Lessard (Denis)
:
Deuxième question. Vous avez dit tantôt que vous avez vu les motions adoptées
ou déposées. Or, il n'y a pas eu de motion de déposée parce que l'opposition
officielle a refusé son consentement, n'a pas voulu dire : Nous
renouvelons notre confiance en le Vérificateur général.
Est-ce que vous… Ces nominations-là sont
toujours par… plus que consensus, par l'unanimité de la Chambre. Est-ce que
vous accepteriez d'être Vérificateur général sur un vote de division?
M. Samson (Michel)
:
Question hypothétique; réponse…
M. Lessard (Denis)
:
Bien, s'il y a un vote partagé, est-ce que vous acceptez ou…
M. Samson (Michel)
:
Écoutez, ce que la loi dit, du Vérificateur général…
M. Lessard (Denis)
: C'est
le deux tiers.
M. Samson (Michel)
: …c'est
que le Vérificateur général doit être nommé aux deux tiers de la Chambre.
M. Lessard (Denis)
:
Puis ça vous suffit, ça.
M. Samson (Michel)
: Je
ne vous dis pas que ça me suffit. Il s'agirait de voir, à ce moment-là, si ça…
Je ferai ma propre réflexion à ce moment-là. Je ne vous cache pas que c'est
souhaitable qu'un vérificateur général soit nommé à l'unanimité. Je pense que
tout le monde en convient. Mais, en même temps, je peux vous dire que le
Vérificateur général du Canada, rappelez-vous la dernière nomination, mon
collègue à Ottawa a été nommé à 62 % par la Chambre. Donc...
M. Lessard (Denis)
:
...pas d'entacher ou de ternir la réputation d'indépendance de votre
organisation?
M. Samson (Michel)
: Écoutez,
c'est certain que, si jamais... Premièrement, il faudrait qu'on suggère mon
nom, chose que je ne contrôle pas, comme j'ai mentionné. Et, deuxièmement, on
verra s'il y a un résultat de la sorte, et, à ce moment-là, je ferai ma
réflexion, et c'est certain que ma décision va être prise pour le bien et le
mieux de l'organisation, de l'institution du Vérificateur général. Ce n'est pas
Michel Samson, là, c'est l'institution du Vérificateur général et son
indépendance qui sont importantes.
M. Lessard (Denis)
:
...vous partagez, est-ce que ça mine la réputation d'indépendance de...
M. Samson (Michel)
: On
va attendre. Je pense que c'est vous qui avez l'habitude, les journalistes, de
dire que, quoi, 24 heures en politique, c'est une éternité? Ou il y a un
proverbe un peu comme ça. Donc, on parle peut-être à l'automne qu'il y aurait
possiblement un candidat de présenté. Donc, on a quatre, cinq mois devant nous.
On verra, tu sais. Les choses peuvent changer rapidement, vous savez.
Le Modérateur
: Charles
Lecavalier, QMI.
M. Lecavalier (Charles)
:
Bonjour. Vous écrivez dans votre rapport qu'il y a des établissements de santé
qui ont accepté des ristournes qui sont non conformes à la loi. La première question :
Est-ce que c'est un euphémisme pour dire illégal? Et ça, est-ce que ça vous
étonne? Est-ce que vous croyez que c'est répandu dans tout le réseau de la
santé, ces ristournes-là qui sont données aux centres de… aux pharmacies des hôpitaux,
des CSSS?
M. Samson (Michel)
: Le
premier point, quand vous dites que c'est non… on écrit que c'est non conforme
à la loi, ça fait qu'effectivement, si ce n'est pas conforme à la loi, c'est
illégal. Donc, ce n'est pas un euphémisme, là, c'est un état de fait. On ne
respecte pas la loi ou la réglementation en vigueur.
Est-ce que c'est répandu dans le réseau?
Je ne peux pas vous répondre. Mais, écoutez, on a fait cinq établissements, on
a vu ça dans plusieurs établissements. À tout le moins, je pense que le
ministère doit se poser la question puis faire des travaux en conséquence ou
faire des demandes dans les différents établissements, particulièrement les
plus importants, pour voir si on retrouve la même situation.
M. Lecavalier (Charles)
:
Vous dites aussi que les établissements vérifiés n'ont pas encadré les
pratiques relatives aux visites des représentants pharmaceutiques pour éviter
des pressions indues. Ça veut dire quoi? Comment est-ce qu'on peut empêcher ces
pressions-là? Est-ce que vous vous êtes fait dire qu'il aurait pu y avoir des
pressions exercées par les représentants?
M. Samson (Michel)
:
Bien, pour nous, ça représente un risque. Il y a un risque potentiel
d'influence ou… pour certains médicaments ou peu importe. Écoutez, ce qu'on a
constaté, c'est que, par les gens qu'on a rencontrés, tant le personnel que les
gestionnaires de certains centres hospitaliers, ces gens-là n'étaient même pas
au courant qu'il existait un code d'éthique et de déontologie pour leur propre
établissement. Donc, déjà là, on se dit : Il y a un petit problème, là.
Normalement, tu devrais être au courant de ton code d'éthique pour ton propre
établissement puis agir en conséquence. Donc, si tu n'es pas au courant de ce
qui est défendu ou ce que ton code dit, c'est difficile par la suite pour toi
de réagir face à des situations plus éthiques ou qui peuvent mettre en cause
ton indépendance.
M. Lecavalier (Charles)
:
Dernière petite question. Là, vous dites qu'il y a présence de médicaments non
homologués par Santé Canada sur les listes et qu'il y a des médicaments qui
sont non recommandés par l'INESSS. Est-ce que ça doit cesser? Qu'est-ce que ça
veut dire?
M. Samson (Michel)
:
Non. Bien, en fait, ce qu'on dit, c'est que, vous savez, il y a une liste, ce
qu'on appelle… je ne veux pas tomber dans le trop… dans le technique, mais il
existe une liste provinciale de médicaments, qui compte environ 8 000
médicaments. Chaque établissement, par la suite, établit ce qu'on appelle sa
liste locale ou la liste de chaque établissement. On peut trouver 2 000 à
3 000 médicaments sur cette liste-là. Ces médicaments-là, normalement,
sont tous reconnus, homologués Santé Canada, reconnus par l'INESSS. Il peut
arriver qu'un médicament qui n'est pas reconnu, par exemple, pour Santé Canada,
va être utilisé dans un établissement. À ce moment-là, il y a une autorisation
qui est donnée par le conseil des médecins, dentistes, pharmaciens de
l'établissement et l'autorisation est donnée pour utiliser ce médicament-là
pour un patient bien précis.
Ce qu'on a constaté, c'est qu'il y a des
établissements qui, une fois qu'ils ont cette autorisation-là, ils mettent ce
médicament-là sur la liste locale. Donc, à ce moment-là, ce qui peut arriver,
c'est que ce médicament-là est utilisé pour d'autres patients sans qu'on ait
obtenu le consentement de ces patients-là. Ce qui nous a préoccupés à cet
égard-là, c'est que, sur les cinq établissements qu'on a vérifiés, il y en a
seulement deux qui ont été en mesure de nous identifier les médicaments qui
n'étaient pas, disons, homologués ou reconnus par Santé Canada et l'INESSS sur
leurs propres listes locales. Donc, les trois autres n'ont pas été en mesure de
nous les identifier. C'est ça qui est préoccupant aussi.
Et, en même temps, je ne suis pas capable
de vous dire… L'autre question, c'est : Est-ce que ça met la santé des
gens en danger? Je ne suis pas capable de vous répondre, dépendamment du type
de médicament, mais ce qui est certain, c'est qu'on devrait obtenir
l'autorisation du patient avant d'utiliser ce médicament-là.
M. Séguin (Rhéal)
:
Robert Dutrisac, Le Devoir.
M. Dutrisac (Robert)
:
Oui. J'aimerais revenir sur la vérification que vous avez faite du solde
budgétaire du gouvernement. Vous avez dit… 10 ou 12 fois, le gouvernement vous
a demandé de faire des vérifications particulières. Les cas que vous avez
cités, il s'agissait d'entités publiques, parapubliques avec des fonctions bien
précises. Dans le cas qui nous concerne, est-ce que vous n'avez pas été
entraîné sur le terrain politique puisqu'il s'agissait, en réalité, de faire
une vérification des données financières fournies par l'ancien gouvernement?
M. Samson (Michel)
:
Écoutez, toute vérification est basée sur les données fournies par le
gouvernement actuel ou l'ancien gouvernement. Ça fait que, pour moi, peu
importe l'ancien, le nouveau, je m'appuie sur les données qui sont disponibles.
Puis je vous rappelle que le mandat que j'ai effectué sur l'évolution du solde
budgétaire, c'est vraiment dans la continuité du mandat que j'avais déjà
réalisé à l'automne dernier, dont j'avais déposé le rapport en février, où on
m'avait refusé l'accès, au Conseil du trésor, aux données financières des
ministères, les prévisions des ministères.
Là, j'ai eu accès, on m'a donné accès.
Bon, bien, écoutez, j'ai tracé le portrait, on a tracé le portrait, l'équipe,
avec toutes les données auxquelles on a eu accès au Conseil du trésor et dans les
systèmes informatiques du Conseil du trésor. C'est un outil… l'article 36 de la
Loi sur le vérificateur général est un outil qui est un moyen qui est à la
disposition des gouvernements pour nous demander de faire des travaux
particuliers. Si vous lisez comme il faut l'article, à la fin, tout ce qu'on
dit, c'est que je ne peux refuser à moins que ça remette en cause mes
opérations courantes. Donc, on est rendu loin, là. De dire que je ne peux pas
accepter ce mandat-là parce que ça remet en cause mes opérations courantes, il
faudrait que je reçoive trois, quatre mandats de la sorte en même temps, qui,
là, chambouleraient tout notre planning à l'interne.
Sinon, écoutez… mais, vous le savez, je
répète et je répète 10, 12 fois que notre client, c'est l'Assemblée nationale,
les 125 députés. Et le gouvernement qui est en place, bien, a des élus. Ces
élus-là sont mes clients aussi. Il y a un article qui me dit : Je peux
avoir une demande du Conseil du trésor ou du Conseil des ministres, donc, lorsque
je la reçois, je l'analyse premièrement, évidemment, pour être sûr que c'est
dans mon champ de compétence — ce que j'ai amplement démontré avec le
premier mandat — et, une fois que c'est dans mon champ de compétence,
théoriquement, je n'ai pas vraiment de raison… je n'aurais pas de raison de
refuser un mandat de la sorte.
M. Dutrisac (Robert)
:
Donc, en quelque sorte, vous êtes obligé de le faire de par la loi, ça, c'est
très clair, mais, quand même, il s'agit d'un gouvernement qui vient de
remporter la victoire, qui demande… qui questionne les chiffres du gouvernement
précédent et qui vous fournit des données financières aussi, là. Je veux dire,
la machine vous a fourni des données financières, c'est le gouvernement…
M. Samson (Michel)
:
Qui nous fournit, mais on les vérifie. On les vérifie. Ce qui est important, M.
Dutrisac, c'est… soyez certain que les données qu'on nous fournit, on ne les
prend pas les yeux fermés, au contraire. Si vous faites vos petites recherches
au ministère des Finances et au Conseil du trésor, ils vont peut-être vous dire
qu'on en pose pas mal de questions avant de mettre un chiffre dans notre
rapport. Ça fait que c'est sûr qu'ils ne font pas juste nous fournir des… C'est
beau nous fournir des chiffres et des données, mais il y a un travail d'analyse
qui est fait chez nous pour voir : Oui, O.K., ce chiffre-là, mais qu'est-ce
qui sous-tend ce chiffre-là, sur quoi vous vous basez, sur quoi vous vous
appuyez? Je peux vous dire qu'il y a un travail rigoureux qui est fait, et on
ne prend pas pour acquis aucune des données qui… La plus grande qualité d'un
vérificateur, c'est son scepticisme professionnel, et je peux vous dire que,
chez nous, il est très développé.
Le Modérateur
: Marco
Cirino-Bélair, Le Devoir.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Oui, bonjour. Question pour M. Cinq-Mars, si vous permettez. Comment
expliquez-vous la lente implantation d'une culture de développement durable
dans les ministères puis les organismes publics? Vous avez observé le travail
de quatre entités. À quoi se heurte la Loi sur le développement durable?
M. Cinq-Mars (Jean) : Il y a
plusieurs facteurs. Tout d'abord, les objectifs ou des objectifs précis et
mesurables à atteindre pour transformer l'administration publique en une
administration qui a implanté le développement durable n'ont pas été définis au
départ. Les indicateurs pour mesurer les progrès de la société et de
l'administration face au développement durable ont été fort critiqués par mon
bureau lorsqu'ils ont été acceptés. On a trouvé que les indicateurs étaient
beaucoup trop détaillés et que finalement ça ne permettait pas de voir que les
investissements dans ce domaine étaient pour avoir des impacts sur le
développement durable comme tel. Et ensuite, bien, il y a quand même une
lenteur administrative à adopter des nouvelles pratiques, et les ministères ont
adopté certains principes ou certaines pratiques administratives, mais de là à
dire que les ministères ont changé leur philosophie pour faire en sorte que le développement
durable soit au coeur de leurs préoccupations, de leur mandat, c'est là qu'il y
a eu le plus grand problème. On a adopté des mesures pour faire en sorte qu'il
y ait des communiqués, il y ait des comités en places, etc., mais des
changements de pratiques dans les ministères, c'est là qu'on a eu des
problèmes, les principaux.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Est-ce que vous faites face à une certaine indifférence des ministères?
M. Cinq-Mars (Jean) : Je ne
dirais pas qu'on fait face à une indifférence. Je pense que des ministères ont
différentes préoccupations, différentes priorités. Alors, lorsque les objectifs,
au départ, ne sont pas très clairs et que les indicateurs ne le sont pas non
plus, bien entendu, les ministères vont peut-être mettre un accent plutôt sur
des pratiques où ils vont avoir une reddition de comptes à faire qui est beaucoup
plus précise.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Est-ce
que le ministère des Ressources naturelles est en train de brader les terres du
domaine de l'État, selon vous?
M. Cinq-Mars (Jean)
:
Bien, on ne peut pas dire que le ministère est en train de brader, sauf que
nous, on trouve qu'on n'a pas de preuve au dossier pour nous démontrer que les
transactions ont été faites dans le meilleur intérêt, disons, du public. Lorsqu'on
cite, par exemple, que les frais d'administration sont inférieurs à ce que ça
coûte et de façon quand même assez importante, on s'aperçoit que finalement,
bien, les gens qui ont loué des terrains ou acheté des terrains n'ont pas vraiment
payé le prix. Alors, bien entendu, lorsqu'on regarde dans une situation de
rareté de budget, bien, on se trouve que finalement peut-être que le ministère
devrait resserrer un peu ses mécanismes de gestion pour s'assurer que ses frais
administratifs soient couverts, par exemple.
Aussi, il y a une question de gestion du
territoire par rapport au risque. On fait peu de suivi une fois que les
terrains sont vendus ou loués. Par exemple, les terrains plutôt loués, on ne va
pas voir tellement l'utilisation du terrain. Est-ce qu'on va reprendre un
terrain qui est contaminé ou est-ce qu'on va prendre un terrain qui est en bon
état? Je vous rappelle qu'on a déjà cité ici qu'on avait pour
3,17 milliards de terrains contaminés au bilan du Québec actuellement. Donc,
on ne veut certainement pas en avoir des additionnels. Alors, le ministère, de
ce côté-là, ne fait pas une gestion du risque qui est à point.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Est-ce que chaque dollar du Fonds vert est bien dépensé à l'heure actuelle?
M. Cinq-Mars (Jean)
:
Le Fonds vert a été un fonds substantiel dans le domaine de développement
durable et de l'environnement, sauf que le Fonds vert n'est pas associé à des
objectifs très précis. Le fonds sert à financer différentes activités. Alors,
de dire que le Fonds vert a contribué à faire avancer le développement durable,
on n'est pas fait… on est incapables de faire l'adéquation, disons, entre les
investissements de 2,1 milliards et l'avancement dans le domaine du
développement durable ou, par exemple, dans le domaine du changement
climatique, qui est un des volets principaux du Fonds vert.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Merci. M. Samson, rapidement, est-ce que vous… exerceriez-vous votre travail
différemment si vous étiez désigné Vérificateur général en titre?
M. Samson (Michel)
:
Non, pas du tout. Écoutez, intérim ou non-intérim, la loi est là et la loi me
donne les mêmes pouvoirs, donne au Vérificateur général exactement les mêmes
pouvoirs, qu'il soit en titre ou qu'il soit par intérim.
Le Modérateur
: Kevin Dougherty, The Gazette.
M. Dougherty (Kevin)
: Yes. Mr. Samson, chapter 6, to what extent is patent protection an
issue in the prices, in these variations that we see in the price of drug
purchases?
M. Samson (Michel)
: What is… Pardon me, I'm not…
M. Dougherty (Kevin)
: Patent protection. Les brevets. Est-ce que les brevets, c'est un facteur pour…
M. Samson (Michel)
: No, I don't think… No, no, I don't think so. No.
M. Dougherty (Kevin)
: OK. Now, is it possible that… You know, it seems to me that you have different... I find it interesting
that you have two different groups purchasing drugs and then getting different
prices from the same manufacturer. Would it be... Can you solve this problem if
you're a common purchasing process?
M. Samson (Michel)
: For sure. And if we... Health Department must analysis this situation and, with its conclusion, take
action to do that, because the variation is wide also to 800% between two medicaments.
M. Dougherty (Kevin)
:
Yes, OK. A question to M. Cinq-Mars as well. We had the debate about shale
gas, you've written about it as well. The new Government has talked about doing
another strategic environmental assessment of all hydrocarbons and talks about…
They talk about changing, you know, the social acceptability. People who have
said no, they're… What they're proposing is that… maybe that people, you know,
see it differently, they will change their minds. Is that a good way of doing
things?
M. Cinq-Mars (Jean)
:
Well, that's the way that the Government chose, and I think that we'll have to
wait and see the final results before we make any conclusions, because, as you
know, our position is not a speculation, we're auditing. So I think that we'll
let the new Government try this process and then we'll probably be a little
comment at the end.
M. Dougherty (Kevin)
:
OK. And in this… by December of this year, the minister has to come up with a
new strategy. What would you recommend? Would you… You just audit.
M. Cinq-Mars (Jean)
:
Well, some recommendations. I think that you can read my chapter 1, where
I draw parallels between risk management and sustainable development
management. We presented last year, in this audience, the fact that the
countries that have made most progress with regards implementing their
sustainable developments were those that had place the coordination of
sustainable development very near the center of government. And I think that
several countries are good examples of that. So that's one example, but there
are several examples that can… our suggestions, that can be drawn from the
audit that we did in the chapter 2, where we audited four entities.
M. Séguin (Rhéal)
:
J'aurais juste une courte question. Je veux juste savoir, M. Samson,
est-ce que, dans la vérification des immigrants, les programmes d'immigrant,
vous avez retracé ou avez des soupçons soit de pots-de-vin ou d'abus de pouvoir
des agents de sélection d'Immigration Québec pendant la sélection des
immigrants investisseurs?
M. Samson (Michel)
:
Non, non. Non, d'ailleurs, c'est un suivi d'un mandat que nous avions déjà
réalisé en 2010-2011, et le but de cette vérification-là était de voir de
quelle façon le ministère avait donné suite aux recommandations que nous avions
formulées en 2010‑2011. Ce qu'on a constaté, c'est que, pour 86 % de nos
recommandations, ce qui est excellent, le ministère a donné suite à nos
recommandations.
M. Séguin (Rhéal)
:
Allez-vous entreprendre une vérification du Programme d'immigrants investisseurs
pour justement évaluer la possibilité de pots-de-vin ou d'abus de pouvoir?
M. Samson (Michel)
:
Écoutez, vous savez, ça fait partie… Chez nous, on a un processus pour
identifier les projets qu'on va réaliser dans l'avenir, donc ça fait partie d'un
certain nombre de projets qui peuvent être examinés. Mais, comme vous le savez,
on n'annonce pas nécessairement à l'avance les mandats qu'on réalise, donc ça
va faire partie de nos réflexions, oui.
Le Modérateur
: Bon,
bien, merci beaucoup.
(Fin à 11 h 57)