(Douze heures dix-neuf minutes)
M. Khadir
: Alors,
bonjour, tout le monde. Merci d'être présents. Le Vérificateur général du Québec
vient de publier son rapport aujourd'hui, de le rendre public, en fait. Je suis
vraiment très heureux de dire que, pour Québec solidaire, c'est un excellent
travail. Je pense que ça rappelle l'importance qu'on décide à l'Assemblée
nationale de sortir le Vérificateur général actuel de son intérim et lui donner
les pleins pouvoirs d'une nomination par l'Assemblée nationale.
Maintenant, ce que ça démontre, c'est que,
s'il y avait une collaboration complète de tous les ministères, le Québec
serait mieux géré au niveau de ses finances pour éviter un gaspillage au moment
où on veut couper dans les services. Il y a tellement de choses à faire pour
éviter le gaspillage, notamment en matière du coût des médicaments au Québec.
En fait, finalement, le Vérificateur général s'est penché sur le dossier des
médicaments sans le dire directement.
En fait, ce que son rapport vient nous
confirmer, c'est la pertinence d'une société publique comme Pharma-Québec pour
s'assurer qu'on négocie de manière concertée, à l'échelle du Québec, les
meilleurs prix pour les contribuables. On voit que dans les établissements,
même dans les établissements de santé, qui disposent de plusieurs groupes
d'achat, ce qu'on appelle les groupes d'achat et d'approvisionnement de
médicaments, comme il y a des disparités, il y a des différences parfois de
10 %, qui font que le Vérificateur général se questionne sur l'opportunité
de payer 10 % plus cher dans certains établissements par rapport à
d'autres.
Alors, je rappelle que... En fait, ça, c'est
pour les établissements du Québec. Si on regarde maintenant le coût de ce
que... la facture, pour la RAMQ, pour rembourser les pharmaceutiques, pour les
médicaments sur ordonnance qu'achètent les patients qui sont assurés par le
gouvernement, c'est 30 % de coûts supplémentaires par rapport à ce que les
hôpitaux achètent.
Alors, voici ce que le gouvernement... Et,
ça, on l'a démontré à moult et moult reprises. Et ce que je dis, depuis que
Québec solidaire existe, que je dis depuis que je suis à l'Assemblée nationale… en
fait, j'en ai parlé à quatre ministres des Finances : Mme Jérôme-Forget,
M. Bachand, M. Marceau, et on l'a dit aussi dernièrement à M. Leitão. Je l'ai
dit aussi à quatre ministres de la Santé : à M. Bolduc, à M. Hébert et
même à M. Barrette et M. Couillard, parce que M. Couillard était ministre de la
Santé lorsque nous sommes venus présenter l'idée d'un Pharma-Québec, pour
prendre l'exemple ontarien, l'exemple néo-zélandais, mieux négocier, à
l'échelle de l'ensemble du Québec, nos médicaments pour ne pas gaspiller
inutilement des fonds publics sur la facture de la RAMQ. Si on fait ça, si on
fait ce que le Vérificateur général demande, ça voudrait dire 1 milliard
d'économies à l'échelle du Québec pour les fonds publics, au moins
1 milliard, parce qu'actuellement on dépense 3,5 milliards juste pour
la facture de la RAMQ. Je le répète, nous le disons depuis longtemps, il
s'agit, pour le Québec, de faire ce que le Vérificateur général demande aux
établissements de faire, c'est-à-dire mieux gérer l'acquisition, le coût des
médicaments.
Je rappelle que ce qui suscite
l'indignation du Vérificateur général concerne une facture de 600 millions
des établissements de santé, alors que la RAMQ, pour nos médicaments
d'ordonnance, paie 3 352 000 000 $. Imaginez donc que, si
on arrivait à baisser la facture de la RAMQ au même niveau que les
établissements paient aujourd'hui, comme je vous le dis, c'est 30 % de
réduction de cette facture. Faites le calcul, ça fait plus de 1 milliard
de dollars.
Maintenant, nous, on propose d'aller plus
loin. Le modèle néo-zélandais nous permettrait d'arriver à 2 milliards
d'économies. M. Leitão, 2 milliards d'économie pour les contribuables
québécois, 2 milliards d'argent de moins à jeter par la fenêtre,
2 milliards de moins qu'on paierait si on réussit à se dégager du lobby
des pharmaceutiques, qui est très fort. Parce que malheureusement ceci est le
résultat, la situation actuelle est le résultat d'un autre lobby, c'est un
autre résultat déplorable de la présence trop forte des lobbys au Québec.
Alors, l'autre élément que je voudrais
mentionner, c'est la pénurie des médicaments dont fait mention le Vérificateur
général du Québec. En mars de cette année, c'était le Ritalin; maintenant, c'est
le Paclitaxel, qui est un médicament anticancéreux. À chaque saison nous pend
une crise de pénurie du médicament au bout du nez. Pourquoi pas un système
d'achat centralisé, un contrôle centralisé, justement, à travers Pharma-Québec
dont ça serait une des fonctions, comme on le dit depuis longtemps, un système
où la RAMQ, avec la collaboration d'un pôle d'achats et d'acquisitions
publiques, s'assurerait d'un approvisionnement mieux planifié pouvant à
l'avance savoir le stock, la gestion du stock dont les insuffisances sont
rapportées dans le rapport du Vérificateur général seraient des problèmes qui
seraient mieux réglés avec une planification centralisée, ce que la Nouvelle-Zélande,
justement, a réussi depuis une quinzaine d'années avec énormément de, je
dirais, d'éloquence.
Alors, je rappelle, la solution, c'est
Pharma-Québec. Nous en avons déjà parlé avec M. Leitão, après le présent
budget, nous allons discuter avec lui et lui montrer comment l'Ontario, et la Nouvelle-Zélande,
et d'autres législations, on parle de l'Angleterre, on parle de l'Équateur, des
pays très variés, la Belgique s'y intéresse, la France s'y intéresse. Partout,
on déplore le lobby des pharmaceutiques qui a fait en sorte que les prix des
médicaments ont crû de manière excessive, et, au Québec, on est le pays au
monde sans doute où on a les règles les plus laxistes, les moins favorables
pour les deniers publics et les plus favorables pour les compagnies pharmaceutiques
privées.
M. Dougherty (Kevin)
:
Oui. Comment ça se fait que la Nouvelle-Zélande, un petit pays loin de tout, a
réussi à négocier avec les gens des pharmaceutiques?
M. Khadir
: Écoutez,
Jean-Claude St-Onge a écrit pour la première fois là-dessus en 2003, dans un
livre qui s'appelle L'envers de la pilule, que j'ai préfacé à l'époque,
et nous nous sommes intéressés au cas de la Nouvelle-Zélande. Au milieu des
années 90, la Nouvelle-Zélande était dirigée par un gouvernement conservateur
qui avait des problèmes de finance, mais bon, pour une fois, en fait, pour une
rare fois, le ministre des Finances conservateur croyait vraiment en ce qu'il
disait, et il l'a mis en action, et il est parti du principe que le gouvernement
néo-zélandais, qui assure à peu près la moitié de la population, un peu comme
au Québec, nous, ici, c'est 40 % de la population qui est assurée par la
RAMQ, il a dit : Je suis un gros acheteur, j'assure beaucoup de gens.
Donc, comme assureur, je peux négocier avec des fournisseurs de médicaments. Et
il a commencé une réflexion là-dessus, et cette réflexion a créé ce qu'on
appelle, en Nouvelle-Zélande, Pharmac, Pharmacare, et Pharmac a regardé, un peu
dépoussiéré la liste des médicaments remboursables. Avec la liste des
médicaments remboursables et sa capacité d'achat, a négocié fermement avec les
pharmaceutiques.
Qu'est-ce qu'on disait à l'époque au ministre?
On disait : Ah! Ne faites pas ça, les compagnies pharmaceutiques vont
partir, il va arriver ceci... Il n'est rien arrivé de tout cela. Les compagnies
pharmaceutiques ont des pilules à vendre, c'est un marché comme un autre, et
donc ils ont négocié, et aujourd'hui la Nouvelle-Zélande a baissé sa facture de
deux tiers. D'ailleurs, c'est un ancien responsable de Pharmac qui est venu
plus tard travailler en Ontario et qui a inspiré le gouvernement ontarien de
Dalton McGuinty, qui a commencé à négocier fermement le prix des médicaments en
2006, que nous avons appris en 2010, avec quatre ans de retard, grâce à un
article du Globe and Mail, parce que les pharmaceutiques nous avaient
caché cette entente avec l'Ontario bien que les pharmaceutiques soient tenues
par la règle, qu'on appelle la règle de remorque, signée avec le Québec au
début des années 2000, quand M. Couillard était là, de nous donner les
meilleurs prix au Canada. Or, ils nous ont caché qu'ils donnaient de meilleurs
prix à l'Ontario et qu'on ne nous les donnait pas. Tout ça nous coûte des
centaines de millions, sinon plusieurs milliards de dollars.
M. Dougherty (Kevin)
:
Le vérificateur, dans son rapport, il parle de… Il y avait un projet de loi au Québec
en 2011 pour donner au ministère de la Santé plus de pouvoirs dans ça. Mais ça
n'a pas été adopté. Pourquoi?
M. Khadir
: Question
de priorités, question de lobbyisme. Je vous rappelle, M. Dougherty, que le
lobbyisme pèse très lourd au Québec, à différentes échelles, ce qui nous coûte
trop cher. C'est des lobbyistes qui ont convaincu les gouvernements successifs
d'aller vers les PPP. On voit ce que ça donne : le PPP de l'îlot Voyageur,
un désastre; le PPP qui est dénoncé actuellement par le Vérificateur général,
qui coûte très cher, qui est un fiasco, les PPP pour les aires; les PPP en
matière de construction des hôpitaux, qui nous coûtent très cher, mais aussi en
matière de prix des médicaments. Il y a un excellent documentaire, produit par
Paul Arcand, animateur du 98.5, qui met en relief le rôle des PPP dans, si vous
voulez, la fixation des prix des médicaments et la vente des médicaments au
Québec, qui cause énormément de problèmes, dont les coûts excessifs.
M. Dougherty (Kevin)
: Qu'est-ce
que le ministre Leitão a dit quand vous avez proposé…
25 M. Khadir: Il
s'est montré ouvert et intéressé, bien sûr. Nous allons juger l'arbre à ses
fruits, parce que plusieurs ministres se sont montrés intéressés. Moi, j'offre
ma collaboration au ministre des Finances et au ministre de la Santé pour
résister au poids du lobby pharmaceutique qui est très puissant.
M. Dougherty (Kevin)
:
Est-ce qu'il y a… tu sais, il y a un problème de brevet, de propriété
intellectuelle, qui fait que des prix sont plus élevés? Est-ce que, ça, c'est
un facteur?
M. Khadir
: Ça peut
être un facteur de manière limitée. Au Québec, on est allés tellement loin dans
cette illusion que les pharmaceutiques allaient faire quelque chose et investir
ici, ce qui ne s'est pas avéré, qu'on a même étendu la protection des brevets
d'un cinq ans supplémentaire. D'accord? C'est sûr que ça coûte plus cher à ce
moment-là et, en 2012, la dernière année où ça a été appliqué, ça nous a coûté
190 millions de dollars supplémentaires, juste à cause de l'extension
québécoise.
Mais au-delà des brevets, ce que la
Nouvelle-Zélande fait, elle dit : D'accord, ton médicament est breveté, tu
me le vends cher depuis quelques années. Mais, si tu veux que ton nouveau
médicament rentre dans la liste des médicaments remboursables, puisque ce n'est
pas un des médicaments essentiels, c'est juste un autre médicament pour traiter
telle maladie, dont j'ai d'autres solutions, si tu veux que je l'inclue, tu vas
me donner des rabais sur d'autres.
Alors, il fait une négociation même s'il y
a des brevets. C'est toujours à la compagnie de décider à quel prix elle vend
son médicament. Donc, brevet ou pas, quand un gouvernement, un acheteur, un
assureur décide de négocier, il y a énormément de choses à aller chercher,
d'avantages à aller chercher. Ce que nous n'avons pas fait au Québec, c'est
qu'à cause des lobbys pharmaceutiques, dont un ancien député, M. Russell
Williams, est devenu un lobbyiste majeur, hein... Il était adjoint parlementaire
de M. Couillard au début des années 2000. En début mars, le 9 mars 2004, il
donne sa démission; avant la fin du mois de mars, il devient P.D.G de Rx &
D, qui est le lobby de 50 multinationales pharmaceutiques. C'est sûr que, dans
un contexte de lobbying comme ça, on se retrouve avec énormément de décisions
absurdes, aberrantes qui coûtent très cher aux deniers publics.
M. Dougherty (Kevin)
: Donc,
un prisonnier des lobbys.
M. Khadir
: Exact. Thank you very much
for your attention. Merci beaucoup.
(Fin à 12 h 31)