(Seize heures trois minutes)
M.
Bérubé
:
Bonjour, tout le monde. Alors, en ma qualité de porte-parole de l'opposition
officielle en sécurité publique, j'aimerais vous faire une déclaration aujourd'hui,
à la lumière des informations reçues cet après-midi, la levée d'une partie de
l'ordonnance de non-publication, les propos du juge Louis Dionne aujourd'hui à
l'effet qu'il n'avait pas abaissé la cote de sécurité des trois fugitifs
vendredi dernier car il n'était pas en cour ce jour-là.
Je suis devant vous pour vous dire que
l'opposition officielle considère que le premier ministre doit demander la
démission de la ministre de la Sécurité publique, Lise Thériault. Cinq raisons
motivent notre demande : temps de réaction de la ministre, légèreté avec
laquelle elle a traité la question, elle est intervenue dans les médias sans
briefing; transmis des informations erronées, notamment sur NAV Canada et
l'ordonnance de non-publication; elle a mis la faute sur tout le monde sauf
elle : le Parti québécois, les fonctionnaires. Elle a prétendu qu'on lui
avait menti. Qui? Le D.G. de la Sûreté du Québec, sous-ministre, sous-ministre
associée aux services correctionnels. De qui s'agit-il? Enfin, une évasion qui
est devenue une crise interne.
Pour nous, cela est une crise importante,
qui mine la confiance des citoyens envers nos institutions. C'est pourquoi nous
demandons au premier ministre d'agir pour rétablir la confiance envers une
institution fondamentale. On a laissé la chance au coureur, maintenant la farce
a assez duré. Visiblement, cette crise a été gérée en amateur. La
confusion du gouvernement, depuis le début de ce dossier, est consternante.
Merci.
M. Robillard (Alexandre)
:
Donc, vous dites que le juge a affirmé qu'il n'avait pas abaissé la cote de
sécurité.
M.
Bérubé
:
Exact. Alors, le juge a émis un certain nombre de commentaires, notamment qu'il
n'a pas pu émettre… abaisser lui-même et que, samedi dernier, il n'avait pas…
l'essentiel des indications était sur la préparation au procès et que, samedi
dernier, la cour ne siégeait pas. Donc, il a envoyé un message à la ministre en
cour.
M. Robillard (Alexandre)
:
Pourtant, Mme Thériault, cette semaine, elle disait que… en Chambre, notamment
en réponse à vos questions, que, quand un juge recommande quelque chose, le
centre de détention doit s'y plier. Donc…
M.
Bérubé
: Ce n'était
pas le juge dans ce cas-là.
M. Robillard (Alexandre)
:
O.K. Mais donc comment vous réagiriez à ces propos-là de Mme Thériault?
M.
Bérubé
: Je
veux dire, bien, je dirais était manifestement mal informée ou elle a décidé de
donner des informations erronées, mais, dans les deux cas, c'est inacceptable.
Donc, c'est deux nouveaux éléments qu'on a cet après-midi, qui s'ajoutent à
tout ce qu'on a évoqué cette semaine. Je vous rappelle également la question de
NAV Canada, où très clairement, en Chambre, on a indiqué qu'on avait une
entente, et que NAV Canada s'est empressée, dans les heures qui suivent, de
nier cette information.
Mme Biron (Martine)
:
Est-ce que ça mérite vraiment la démission?
M.
Bérubé
: Je
crois que oui. Le premier ministre a dû venir à la rescousse de la ministre. Il
suffit de voir la consternation dans l'ensemble des acteurs au Québec qui
s'intéressent de près ou de loin à la sécurité publique, mais surtout de la population…
et on représente la population et, en ce sens, on vient protéger l'institution
qu'est la Sécurité publique, mais également le milieu carcéral.
Alors, bien sûr, il y a la traque pour
trouver des fugitifs, mais il y a aussi le souci de trouver la vérité et
s'assurer qu'on ait quelqu'un aux commandes de fort, qui est capable de réagir
correctement dans les circonstances difficiles, et manifestement le premier
ministre ne peut pas conserver Mme Thériault à ce poste, compte tenu des
erreurs successives et nombreuses dans ce dossier, dont vous avez été témoins
vous aussi, tout comme le public québécois.
M. Robillard (Alexandre)
:
Est-ce que Mme Thériault, elle a porté atteinte à l'intégrité du juge Dionne
avec ses propos?
M.
Bérubé
: Je
crois que je ne vais pas parler pour un juge, mais disons que le message qui
lui a été adressé... Le juge Dionne n'a pas pris de décision vendredi dernier,
il a été très clair — vous pourrez retrouver ses propos — il
n'a pas pu le faire. Alors, ça s'ajoute aux informations que la ministre
choisit elle-même de dire. Elle aurait pu être dans le mutisme depuis le début.
Souvenons-nous que ça a pris du temps avant qu'elle réagisse. Elle a même
choisi de faire une activité d'inauguration lundi dernier, en matinée, au lieu
d'avoir le briefing avec la Sûreté du Québec, et s'en est suivi un ensemble de déclarations
à l'emporte-pièce qui étonnent même son gouvernement, qui nous amènent dans la
crise actuelle.
M. Robillard (Alexandre)
:
Et puis le fait qu'elle ait dit qu'il était responsable de la diminution des
mesures de sécurité, est-ce que vous considérez que ça ne porte pas atteinte à
la réputation du juge ou à son intégrité?
M.
Bérubé
:
Disons que la magistrature... et un juge peut se défendre avec les moyens qui
sont les siens. Je vais lui laisser l'occasion de manifester son désaccord avec
la ministre sur cet enjeu-là. Disons que, d'un point de vue du public, de ce
qu'on peut observer, de ce qui nous est livré en Chambre, quand même, comme parlementaires,
on s'attend à avoir la meilleure information possible. Et moi, comme porte-parole
de l'opposition en sécurité publique, j'en ai appris davantage aujourd'hui sur
les entrevues que la ministre a accordées de son bon gré à certaines radios
qu'en Chambre. Ça ne m'apparaît pas normal, et ce qui vient de nous être
communiqué cet après-midi est encore plus préoccupant dans la séquence qui nous
occupe.
Mme Biron (Martine)
:
Mais elle prétendait… il y a une enquête, c'est pourquoi une enquête a été mise
en place...
M.
Bérubé
:
Interne.
Mme Biron (Martine)
: Elle
prétend qu'elle a reçu des informations contradictoires, qu'elle a été mal
informée. Alors, c'est possible? Vous ne la croyez pas?
M.
Bérubé
:
Bien, écoutez, deux éléments là-dessus. Si quelqu'un lui a donné de l'information
erronée, donc elle connaît la vérité pour pouvoir prétendre que c'est erroné.
De qui s'agit-il? Est-ce qu'il y a quelqu'un, qui est toujours à l'emploi du ministère
de la Sécurité publique, qui transmet des informations erronées? Manifestement,
on n'a pas annoncé le départ de personne. Et là j'imagine, pour avoir été ministre
moi-même, qu'on parle à des personnes de haut rang lorsqu'on a ces informations-là.
Alors, il s'agit… Vous avez le choix : est-ce que c'est le D.G. de la
Sûreté du Québec, le sous-ministre, la sous-ministre associée aux services
correctionnels ou quelqu'un d'autre? Ça, c'est une première question.
L'autre élément qui nous fait douter de
cette version, c'est que le premier ministre lui-même, ce matin, souvenez-vous,
a parlé de cette version, si elle était avérée. Donc, il n'a pas confirmé les
dires de la ministre en Chambre, là où, pourtant, il y a une immunité. Il
m'apparaît que c'est un doute sérieux qui a été livré en cette Chambre ce
matin. Donc, on n'a pas voulu répéter que quelqu'un avait menti sciemment. Puis
un mensonge, c'est un acte délibéré. Où résiderait l'intérêt de quelqu'un à
l'emploi du ministère de la Sécurité publique de mentir à la ministre? Je peux
vous dire que c'est quelque chose d'extrêmement grave. Et on ne peut pas
affirmer ça sans indiquer que, dans les heures qui vont suivre, quelqu'un a été
limogé de son poste à la Sécurité publique.
Mme Biron (Martine)
:
Mais pour réclamer la démission d'un ministre, d'un vice-premier ministre
aussi…
M.
Bérubé
:
D'une ministre. C'est cette dimension-là qui m'intéresse.
Mme Biron (Martine)
:
…il faut avoir fait quelque chose de grave.
M.
Bérubé
:
C'est fait. C'est une accumulation de gestes graves. Écoutez, à deux reprises,
à deux reprises, on a donné des informations erronées en Chambre. Un juge a
même dû prendre position, presque, dans un débat public pour dire : On m'a
prêté des intentions. Il est assez clair que… D'avoir affirmé que la décision a
été prise vendredi par un juge, c'est la ministre qui l'a affirmé en Chambre,
je pense qu'on peut en convenir.
D'affirmer également que quelqu'un de
manifestement haut gradé ait pu mentir, c'est extrêmement grave aussi, sans
identifier cette personne, ce qui laisse planer le doute sur un ensemble de
hauts fonctionnaires du ministère de la Sécurité publique. Et, de façon générale,
et ultimement, le public, les intervenants au dossier, les gens qui s'intéressent
à la question de la sécurité au Québec — et ils sont de plus en plus
nombreux — ne voient pas où on s'en va avec la direction qui est
offerte présentement par la ministre.
Alors, deux choix s'offrent pour le
premier ministre : de décider de poursuivre avec la ministre actuelle dans
les conditions qu'on connaît, et il sera sanctionné là-dessus par la population
qui lui demandera pourquoi, ou de suivre le bon sens et de confier cette
responsabilité à une autre personne membre de son cabinet ou de sa députation.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais en quoi désigner un nouveau ministre de la Sécurité publique, à ce
moment-ci, faciliterait les opérations pour retrouver les trois fugitifs?
M.
Bérubé
:
Manifestement, la ministre est dépassée par les événements et a de la
difficulté à bien cerner l'essentiel. L'essentiel, c'est la quête de la vérité,
c'est de poser des gestes qui rassurent la population, qui ne créent pas de la
confusion, à la fois chez les parlementaires, à la fois chez le public et surtout…
Et j'essaie d'imaginer l'ambiance
présentement au ministère de la Sécurité publique. Ça doit être intenable.
Écoutez, à la Sûreté du Québec, du côté des sous-ministres, tout le monde se
pose la question : Est-ce que je suis la personne qui est pointée par la
ministre sans preuve? Et on ne peut pas dire : Il y aura une enquête puis,
en même temps, commenter des éléments importants qui pourraient faire l'objet
de l'enquête.
Et là, cet après-midi, on apprend qu'on ne
va pas mettre un procès en danger avec les questions qu'on pose, ça a été
confirmé cet après-midi. Alors, deux éléments qui arrivent et qui s'ajoutent à
une longue liste qui, pourtant, a commencé samedi dernier. Samedi dernier, on
aurait dû rassurer la population, envoyer un message rassurant sur la traque
des fugitifs, essayer de comprendre ce qui s'est passé, mais l'essentiel du
temps que la ministre a accordé à ce dossier a été essentiellement pour blâmer
le gouvernement précédent, gouvernement qui a été sanctionné, au lieu de
prendre les responsabilités qui s'imposaient et surtout de donner une information
lorsqu'elle est vérifiée, et juste, et indiscutable, surtout dans un enjeu
aussi sensible que celui-là.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais quelle crédibilité accordez-vous à la thèse qui circule présentement, que
les agents de l'État auraient donné un coup de main aux trois détenus, aux
trois prévenus pour qu'ils réussissent leur évasion du centre de détention?
M.
Bérubé
: Écoutez,
je ne sais pas si la ministre dispose d'informations, mais, pour moi, c'est la
question la plus fondamentale. Vous savez, on a parlé de l'espace aérien, on a parlé
des brouilleurs d'ondes, on a parlé des filets, on a parlé des câbles, mais
qu'est-ce qui a rendu possible? C'est d'avoir abaissé les cotes de sécurité,
d'avoir permis à des gens sans menottes de se retrouver au centre… dans une
cour intérieure d'un centre de détention et d'avoir des complices qui viennent
les chercher. Sans l'abaissement des cotes de sécurité, les gens auraient été
accompagnés, menottés, et la tâche aurait été passablement plus ardue. Alors,
le principal élément, c'est l'abaissement des cotes de sécurité. On comprend maintenant
que ce n'est pas le juge Louis Dionne qui a demandé cela. Donc, l'étau se
resserre, ça s'est passé à l'intérieur du centre de détention d'Orsainville et
c'est là qu'il faut essayer de comprendre ce qui s'est passé.
D'où viennent les informations qui
laissent croire à la ministre qu'on lui aurait menti? De l'intérieur du centre
de détention? De l'intérieur de son ministère? Et, si c'est à l'intérieur de
son ministère, ça laisse planer le doute sur de nombreux loyaux serviteurs de
l'État qui, présentement, seront pointés en se disant : Est-ce que c'est
vous qui avez menti à une ministre? Moi, ça fait sept ans que je suis parlementaire
à l'Assemblée nationale, je n'ai jamais vu une telle situation.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Donc, la personne qui a pris la décision d'abaisser les cotes de sécurité…
M.
Bérubé
: La
ou les personnes.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
…doivent être suspendues sur-le-champ.
M.
Bérubé
:
Bien, il y a quelqu'un qui… à moins qu'on ne soit pas capables de les
identifier. Mais manifestement on sait que ce n'est pas le juge, c'est exclu.
Alors, c'est quelqu'un quelque part qui a pris cette décision. Est-ce que c'est
sur la base d'un argumentaire, sous la contrainte? On ne le sait pas pour
l'instant. Mais ce qui nous a menés là, la recherche de la vérité a fait en
sorte que toutes sortes d'informations ont été lancées de part et d'autre par
la ministre. Écoutez, ça va tellement loin qu'à un moment donné la ministre a
dit : Ce qui crée de la confusion, c'est les questions de l'opposition.
Alors, nos questions ont un peu brouillé, semblerait-il, son jugement sur
certaines questions.
Écoutez, on pose des questions au nom du
public, ça m'apparaît légitime, et il y a un intérêt certain d'avoir quelqu'un
en poste qui comprend bien la situation, qui la maîtrise et qui aura la
confiance à la fois de la population et de tout le système carcéral du Québec.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Précisément,
est-ce que la ou les personnes qui ont pris la décision d'abaisser la cote de
sécurité doivent être suspendues sur-le-champ, avant même que l'enquête
administrative soit complétée?
M.
Bérubé
: Si
on les connaît. Bien, je crois que, si on les connaît, oui, si ça ne nuit pas
au procès. Et manifestement, ce qu'on apprend aujourd'hui, c'est qu'on avait beaucoup
trop de limitations. Ils sont évadés, là, les trois fugitifs, ils sont évaporés
dans la nature ou, pire, à l'extérieur du Québec. Alors, est-ce qu'on peut
comprendre à tout le moins comment ils ont quitté le pénitencier? Puis le
procès, c'est une autre chose, puis il va continuer, le procès, dans des
circonstances particulières, on en convient, mais le procès va se poursuivre.
Là, on ne parle pas du procès, on ne parle
pas des crimes qui ont été... qui auraient été commis par ces accusés. On parle
des conditions d'évasion du centre de détention d'Orsainville. Donc, c'est deux
choses différentes, quant à nous.
M. Daigle (Thomas) : In English. What did you learn today that is leading you to ask the
minister to step down?
M.
Bérubé
: Well, let's say we have more information, new data about what the Judge
Dionne tells us about the fact that he's not responsible, though, is... He
didn't take the decision about lower the security conditions last Friday, so
it's new, and now we have, like, this secret document of court telling us that
it's not a matter of ruining the court, the process.
So what we say is :
Since last Saturday, we have a lot of bad information, a confusion, and the
Minister Thériault has to step down for the sake of the Justice of the Government of Québec. And I ask the Premier Couillard to make sure he takes the good
decision for the health of the system.
M. Daigle (Thomas) : What does she said that mislead Quebeckers?
M.
Bérubé
:
Well, a couple of things. First of all, she took too much time to react after
the escape. That's a first thing. Then she decides to tell us information
without having any briefing from the SQ, which is not a good idea, because she
needs good information. She could wait a little bit before saying : It's
the fault of the opposition or it's the fault of a judge. And this is what she
says... she tells us.
Then she told us, in the
Chamber, that Nav Canada has an agreement with the Government of Québec about
the aerial area and… which is not true, that we know, now, since Nav Canada
tell us that a few hours after that. And then she told us that some people in
her entourage are lying to us. So who's lying to us? Is it the Director General
of the SQ or someone in… her Minister? We don't know
but that put suspicion on a lot of people. And then we have this new
information about the Judge Dionne today and the nonpublication document
telling us that, since the beginning, it's not the right path. So it's too much
for us and it's too much for the Quebeckers, and we do think that she has to step down. Fair enough? Merci.
(Fin à 16 h 19)