(Onze heures quarante-deux minutes)
Mme Massé : Alors, bonjour, tout
le monde. Je me réjouis de voir le président de l'Assemblée nationale
considérer les paroles et les actes du député de Jean-Lesage comme de
l'intimidation et lancer un message très clair à la députation.
Le président a prouvé officiellement que
tout geste d'intimidation est inacceptable dans le cadre du travail parlementaire
qui se veut démocratique et libre de toute pression morale ou physique. La
raison pour laquelle je n'ai pu accepter la lettre d'excuse du député de Jean-Lesage
est simple : ses excuses étaient davantage une justification de ses gestes
et paroles. Elle manquait de sincérité.
Vous savez, les dernières heures m'ont
rappelé que le problème de l'intimidation est bien vaste, mais surtout méconnu.
En effet, bien qu'on m'a félicitée de me tenir debout, d'être forte, de ne pas
me laisser intimider, par plein de personnes — d'ailleurs, je les
remercie — d'une autre part, on m'a aussi traitée de députée pas
forte, pas assez forte pour faire ce métier, que je n'étais pas capable d'en
prendre. On m'a dit que je jouais à la victime. Ça me révolte. Je ne suis pas
une victime. J'ai été victime d'actes, mais je ne suis pas une victime.
Depuis quelques années, le Québec entier
est pourtant mobilisé contre l'intimidation : campagnes de sensibilisation
dans les écoles, les milieux de travail, démarches de lutte à l'homophobie, et
je n'aurais pas dû dénoncer le moment où on m'intimide, moi, Manon Massé. Il ne
faut pas laisser un pouce à l'intimidation, car, je vous le jure, elle va
prendre un mètre, un mille. Je vais donc être claire sur ce qui s'est passé le
10 juin dernier.
Vers 19 h 45, le député de
Jean-Lesage m'a interpellée à mon pupitre au salon bleu, qui ne compenait…
comportait, pardon, que très peu de députés en Chambre. J'étais isolée lorsque
le député de Jean-Lesage s'est penché sur moi et m'a tenu fermement le bras. À
voix basse, refusant à quatre reprises de me vouvoyer, alors que je lui ai
demandé, il m'a dit être mécontent de mes déclarations dans le journal sur la
poussière de nickel dans Limoilou. À voix basse… pardon, sur un ton menaçant,
il m'a dit de m'occuper de mes affaires, qu'il était au service de ses
concitoyens et qu'il les connaissait très bien. Je lui ai répondu que ce sont
des citoyens de sa circonscription qui sont venus me rencontrer et m'ont
demandé d'intervenir dans le dossier. Il m'a demandé, sur un ton très méprisant :
Tu connais du monde dans mon comté, toi? Ne viens pas jouer dans mes
platebandes, me dit-il.
Avant de partir, il m'a rappelé que je
n'avais rien à lui apprendre puisqu'il était élu au Parlement depuis 2008. Je
suis demeurée assise tout ce temps, abasourdie par la situation. Je l'ai dit et
je le redis : On ne fera pas le procès du député de Jean-Lesage ici. Telle
n'est pas mon intention. La dernière, dernière chose que je veux, c'est qu'on
utilise cette situation pour l'intimider à son tour.
Mais je tenais à ce que tout le monde
sache que l'intimidation n'est pas acceptable dans aucun milieu et que ceux et
celles qui en subissent ont les moyens d'agir, de lutter, de dénoncer. Il ne
faut pas craindre de se tenir debout et dénoncer. Ensemble et ce n'est seulement
qu'ensemble que nous parviendrons à éliminer ce type de comportement. Merci.
M. Gagné (Louis) : Mme Massé,
un des problèmes avec l'intimidation — il y en a
plusieurs — c'est l'impunité, c'est souvent que les gens le font, là,
en toute impunité, sans en subir les conséquences.
Est-ce que, là, dans ce cas-là, vous ne
trouvez pas que M. Drolet, peut-être, s'en tire à bon compte, sachant que, bon,
vous refusez de lui lancer la pierre, de porter plainte officiellement, alors
qu'il y a eu quand même, bon, je ne sais pas si on peut qualifier ça
d'agression physique, mais il y a quand même… Il s'en est pris à votre
intégrité physique en vous maintenant le bras, en vous tutoyant, en étant… Vous
étiez assise; il était debout, donc en étant en position un peu, là, de
supériorité.
Est-ce qu'il ne l'a pas un peu facile dans
ce cas-là?
Mme Massé : En fait, comme je
le disais, pour moi, c'était qu'on prenne acte de par où ça arrive,
l'intimidation, comment ça arrive. Je pense que le… je ne sais pas comment on
appelle ça, mais le discours du président… lorsque le président a rendu son
verdict, je pense qu'il a très bien détaillé qu'est-ce qu'il est non acceptable
de faire. Et, dans ce sens-là, moi, ce que j'aspire par ce geste-là, depuis le
début, c'est de faire en sorte que, collectivement, on reconnaisse… bien sûr,
que M. le député de Jean-Lesage reconnaisse, lui aussi, que, dans ses
comportements, il a posé des gestes intimidants, mais qu'à partir de ce
moment-là on se donne ensemble, y compris les gens qui posent ces gestes-là… que
ceux et celles qui les subissent, de pouvoir changer ces comportements-là.
Alors, impunité, pas vraiment. Toute
l'Assemblée a entendu ce que le… premièrement, ma déclaration et ce que le
président a dénoncé.
M. Lavallée (Hugo)
: Vous
dites que sa lettre d'excuse n'est pas recevable parce que c'est davantage une
justification.
Est-ce que vous souhaiteriez, donc, avoir
des excuses plus sincères, des excuses verbales, peut-être? Qu'est-ce que vous
attendez de M. Drolet?
Mme Massé : Bien, je pense qu'à
partir du moment où M. Drolet voit que je ne suis pas là pour l'attaquer, que
je ne suis pas là… il me semble que je suis tout ouverte à dire : Vous
voulez débattre du dossier de Limoilou? Ça va me faire plaisir, on va en
débattre, mais on n'utilisera pas ces moyens-là, parce que, je le réitère,
donner un pouce à l'intimidation, c'est d'y donner un mètre. Alors, si toutefois
l'idée lui venait de reprendre sa lettre d'excuse, je la relirai. Je ne suis
pas fermée.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Vous avez évoqué, il y a quelques minutes, les réactions de certaines personnes
à l'Assemblée nationale et à l'extérieur de l'Assemblée nationale, des gestes
de solidarité notamment, de compassion. Vous avez aussi dit qu'il y en a
certains qui vous ont montrée du doigt pour ne pas être une députée selon le
modèle…
Mme Massé : Assez forte, là.
M. Bélair-Cirino (Marco) : …c'est
ça, selon le modèle qui est souvent véhiculé, là, une personnalité forte, qui
est prête à encaisser des coups puis à avoir peut-être des prises de bec avec
d'autres membres de l'Assemblée nationale. Pouvez-vous me dire… est-ce qu'il y
a des gens ici, des élus, qui vous ont fait de tels reproches?
Mme Massé : Non, non, non. Ce
n'est pas venu…
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Des gens de l'entourage…
Mme Massé : Oui. Bien, vous
savez, avec les méthodes de communication qu'on a aujourd'hui, Facebook,
etc., il y a toutes sortes de moyens que l'information arrive à vous, et je
pense que, là-dessus, moi, je veux être claire, je pense que le fait de se
tenir debout, c'est d'avoir une très grande force de caractère. Le fait de
vouloir malgré tout continuer à délibérer et à discuter des sujets en litige,
et notamment, là, on parle de la réalité des concitoyens de Limoilou qui se
font pleuvoir sur la tête avec toutes sortes de matières qui sont dangereuses
pour leur santé, pas de problème, je veux faire ça.
Alors, je pense que c'est juste que cette
ancienne façon de faire, hein — c'est comme ça, moi, que je le vois — ce
n'est pas pour ça que, moi, je suis venue à l'Assemblée nationale. J'ai été
élue démocratiquement, comme tous mes collègues à l'Assemblée nationale. On n'a
pas toutes les mêmes idées, sinon on serait un parti unique, puis ça, ça ne
serait pas très bon, généralement. Alors donc, c'est dans cette perspective où
je dis : Bien, oui, ce n'est pas d'être faible que de dire non à
l'intimidation. Au contraire, c'est d'être très forte.
M. Lavallée (Hugo)
:
Donc, les propos auxquels vous avez fait écho, c'est davantage dans les médias
sociaux, là. Juste pour être clair, c'est ce qu'on comprend? Pas des
commentateurs ou des gens connus…
Mme Massé : C'est des gens
aussi que j'ai croisés sur la rue, par exemple hier, quand je suis sortie pour
souper, et c'est aussi à travers les réseaux sociaux. Vous aviez une question?
Non? C'était la même que lui. Bien, je vous remercie beaucoup puis merci de
poursuivre ce travail de dire non à l'intimidation.
(Fin à 11 h 51)