(Treize heures vingt-neuf minutes)
M.
Caire
:
Alors, je voulais réagir au point de presse qui a été donné par le ministre
Bolduc tout à l'heure. La grande conclusion, c'est que le ministre s'enfonce de
plus en plus dans le marasme qu'il a lui-même créé.
Deux explications qui ne tiennent pas la
route. D'abord, je dois dire qu'il a été extrêmement insultant envers les
députés de l'Assemblée nationale, en disant : Si je suis capable de faire
ma pratique médicale et mon travail de député, c'est parce que moi, je
travaille fort. Moi, je suis député à l'Assemblée nationale depuis sept ans et
je peux vous dire une chose : des organismes, dans mon comté, il y en a
plus d'une centaine. Je me fais un devoir d'assister à au moins une activité de
chacun, et ça, ça se passe les fins de semaine et les soirs. J'ai aussi 54 000
électeurs dans mon comté, et il y en a plusieurs là-dedans qui ont différents
problèmes qui nécessitent mon attention, toute mon attention, et ces gens-là,
je les rencontre à mon bureau de comté les lundis et les vendredis quand on
siège. Donc, quand Yves Bolduc nous dit : Moi, je travaille tous les
samedis et dimanches dans ma pratique médicale, les lundis et les soirs, bien,
il y a une incompatibilité claire, nette et précise avec son travail de député.
L'autre chose, il estime qu'il était
légitime pour lui d'avoir la prime de prise en charge parce que, disait-il, on
ne pouvait pas prévoir qu'un gouvernement minoritaire ne tiendrait pas quatre
ans. Écoutez, ce que je comprends, c'est que Julie Boulet ne savait pas qu'elle
avait 100 000 $ à ramasser puis elle était la seule, puis Yves Bolduc
est le seul au Québec qui ne sait pas qu'un gouvernement minoritaire ça toffe
en moyenne 18 à 24 mois. Il a dit : Si j'avais su, j'aurais été plus
prudent. Je pense qu'il est un peu trop tard pour parler de prudence, et donc
il faut croire que les motivations d'Yves Bolduc étaient autres. Il a choisi le
travail le plus payant à celui pour lequel il avait été élu. C'est la
conclusion à laquelle nous en arrivons. Là-dessus, j'attends vos questions.
M. Robillard (Alexandre)
:
Donc, il ne peut plus rester en poste, selon vous. S'il ne part pas, qu'est-ce
que ça va avoir comme impact?
M.
Caire
: Ça va
discréditer le message du premier ministre qui dit que le gouvernement libéral
2.0… parce qu'on essaie de nous faire croire qu'il y a une rupture, là, avec le
gouvernement libéral de Jean Charest, qui, comme on le sait, avait une éthique
à géométrie variable. Ça va nous indiquer clairement qu'on est, au contraire,
dans la grande tradition libérale au niveau de l'éthique et de la morale.
M. Robillard (Alexandre)
:
Est-ce que les patients, qui sont aussi des contribuables, en ont eu pour leur
argent et est-ce que les électeurs ou, en tout cas, les gens qui vivent dans sa
circonscription en ont eu aussi pour ce qu'ils peuvent… suffisamment pour ce
qu'ils peuvent s'attendre de l'engagement d'un député?
M.
Caire
: Pas
du tout. Pas du tout. D'abord, au niveau de la prime de prise en charge, je
pense qu'Yves Bolduc a trahi l'esprit de cette entente-là qu'il a concoctée et
signée lui-même. Donc, il était bien placé pour savoir comment passer entre les
mailles du filet.
L'idée, c'était d'une prise en charge à
long terme, et l'excuse un peu pathétique de : je ne pouvais pas savoir
qu'un gouvernement minoritaire ne tofferait pas plus que 18 mois, à sa face
même, c'est ridicule. Je veux dire, partout dans les médias, on pouvait lire
que le gouvernement Marois aurait probablement une durée de vie de 18 à 24
mois, ce qui est la durée de vie moyenne d'un gouvernement minoritaire. Donc,
cet argument-là ne tient pas la route du tout. Et donc il l'a fait en toute
connaissance de cause, il est allé chercher cette surprime parce qu'il faut
bien comprendre qu'il est payé pour chaque acte médical qu'il a posé. Il a été
rémunéré et, comme il le faisait la fin de semaine, il était rémunéré 30 %
de plus. Ça fait que je comprends que c'était plus payant d'aller faire des
patients que d'aller aux Chevaliers de Colomb, sauf que son travail de député
nécessitait qu'à l'occasion, dans les fins de semaine, il soit présent pour ces
organismes, il soit présent pour ses citoyens. Et ce qu'il nous dit, c'est
qu'il ne l'a pas fait.
Mme Prince (Véronique)
:
M. Bolduc a dit que la majorité de ses patients, il les a eus il y a plus d'un
an, mais il en a accepté pareil dans la dernière année, donc il reconnaît que,
pour ça, il doit rembourser une partie qui va probablement être entre 40 000 $
et 60 000 $. Est-ce que c'est suffisant? Est-ce que ça peut…
M.
Caire
: Non,
non, non. En fait, il a commencé par dire : Si jamais il y a des sommes à
rembourser, on le fera le cas échéant. Et aujourd'hui il y avait une belle
évolution dans son discours. Là, il dit : Il y aura des sommes à
rembourser. Ça fait que déjà il le sait.
Et moi, je l'ai dit, quand Yves Bolduc a
demandé une enquête à la RAMQ, c'était de la poudre aux yeux. S'il y a
quelqu'un qui sait s'il a trahi l'entente, c'est bien Yves Bolduc. S'il y a quelqu'un
qui sait s'il n'a pas respecté l'entente, s'il a été payé, s'il a reçu des
montants inappropriés, c'est bien Yves Bolduc. Il n'a pas besoin d'une enquête.
Donc, au départ, ce qu'il nous disait, c'est :
Si la RAMQ réussit à me pogner, bien, O.K., je rembourserai. Et là d'emblée il
semble accepter que la RAMQ va trouver des irrégularités dans ce qu'il a fait,
d'une part. D'autre part, il ne pouvait pas prendre 1 500, puis il a même
parlé de 1 600, nouveaux patients, parce qu'il faut bien comprendre que,
quand il était ministre de la Santé, il ne pouvait avoir aucune pratique
médicale. C'est ce qu'il nous a dit. Donc, il est passé de zéro à 1 600 en
18 mois. C'est assez solide. Même M. Godin, le président de la FMOQ, dit :
C'est impossible, c'est un travail à temps très complet, il y a très peu de
médecins au Québec qui sont capables de faire ça. Puis lui, il nous sert la
ridicule excuse : C'est parce que moi, je travaille plus fort que les
autres.
Écoutez, comme député, c'est insultant,
parce que moi, je ne fais pas de ski la fin de semaine, je rencontre mes
organismes, le soir aussi, puis les lundis puis les vendredis, quand on siège,
je suis à mon bureau de comté à rencontrer des citoyens. Il n'y en a pas de
citoyens dans son comté, lui, qui ont des problèmes avec la RAMQ, la SAAQ,
Hydro-Québec, la SEPAQ, le ministère du Revenu ou que sais-je? Voyons donc.
M. Boivin (Simon)
:
Pourquoi, M. Caire, à ce moment-là, si toutes les heures d'un député travaillées
devraient l'être pour ses commettants, pourquoi le commissaire à l'éthique puis
le code d'éthique des députés permettent-ils qu'on ait une occupation par
ailleurs et que M. Bolduc ait pu faire… ait pu demander au commissaire s'il
pouvait, oui, retourner dans la pratique, et que le commissaire lui a dit :
Pas de problème. Est-ce qu'il y a manquement, là? Est-ce qu'il faut resserrer
la loi?
M.
Caire
: Bien,
en fait, c'est parce que je pense que la décision du commissaire à l'éthique
fait référence à quelque chose que M. Bolduc ignore totalement, qui s'appelle
le jugement. Alors, je ne dis pas… nous ne disons pas qu'un député qui est
médecin ne peut pas avoir un peu de pratique. Dr Khadir, c'est connu, fait une
demi-journée de pratique à l'hôpital, et je trouve ça très bien. Il rencontre
des patients, il est payé à l'acte, aucun problème. Aucun problème. Je ne
dis pas que, dans l'horaire, ça ne peut pas s'insérer du tout, mais entre une
demi-journée de pratique puis — il a dit combien? — 27, 30
heures de pratique par semaine, assidue, avec une responsabilité pour
1 500 patients, c'est là où le fossé qui a été creusé entre ce qui est
correct et qui répond parfaitement à notre code d'éthique et ce qui devient
totalement immoral a été creusé. Et il a creusé ce fossé-là en manquant totalement
de jugement. Au minimum, il a manqué totalement de jugement. Et quand je dis
que son travail de député, il y a une part importante de ce travail-là qui se
fait les fins de semaine, qui se fait les soirs pour rencontrer ses citoyens et
ses organismes, lui, il nous dit : Non, moi, j'ai préféré faire de la
médecine. Bien, je suis désolé, mais il a empoché un salaire de député, il doit
faire le travail de député.
Moi, je vous donne juste un exemple. Je
veux dire, dans le cadre du projet de loi n° 52, là, j'en ai rencontré des
citoyens, beaucoup de citoyens qui sont venus me donner leur opinion, puis ça,
bien, tu vas dans les clubs de l'âge d'or. S'il y a des gens qui se sentaient
interpellés par ça, c'est les gens de l'âge d'or. Et c'est là où le député est
capable d'aller se forger une opinion, d'être connecté sur sa population. Parce
qu'on parle au nom de ces gens-là, bien, il faut parler à ces gens-là. Et lui,
ce qu'il nous dit, c'est qu'il avait d'autres choses à faire. Alors,
nécessairement, il n'a pas été en mesure de faire un des deux travaux
correctement.
M. Boivin (Simon)
:
Mais là vous voulez qu'il démissionne uniquement de son poste de ministre ou
aussi de son poste de député?
M.
Caire
: Non,
comme député, ça, c'est à ses citoyens de porter le jugement, mais je pense
qu'il a perdu toute autorité morale pour être à la tête du deuxième plus gros
ministère du gouvernement du Québec. Ça, à mon avis, c'est clair. Et, comme il
n'a manifesté évidemment aucun regret, je pense qu'actuellement la balle est
dans le camp du premier ministre. C'est à Philippe Couillard à trancher. Il
nous a promis un gouvernement intègre, il nous a promis un gouvernement
éthique.
Ce que j'ai entendu tout à l'heure de la
part d'Yves Bolduc, c'est des excuses qui ne tiennent pas la route, c'est des
insultes aux députés en disant que, nous autres, les fins de semaine, puis les
soirs, puis les lundis, on n'a rien à faire quand on ne siège pas puis qu'on
pourrait aller faire du ski. C'est insultant, c'est méprisant pour le travail
pour lequel il a été élu. Et, en plus, de nous dire qu'il ne pouvait pas
prévoir qu'un gouvernement minoritaire ne tiendrait pas plus que 18 à 24 mois,
c'est ridicule. Tous les analystes politiques savent très bien, vous, les
journalistes, nous, à l'Assemblée nationale, que c'est à peu près ça, la durée
de vie d'un gouvernement minoritaire. La plus élémentaire des prudences aurait
été de, oui, retourner avec une pratique médicale modérée, une journée, deux
journées par semaine ou demi-journées par semaine, c'est-à-dire. Mais prendre
1 500 patients en charge, aller chercher non seulement la facturation à
l'acte plus la prime, c'est totalement démesuré. Il s'est discrédité. Le
premier ministre doit agir.
M. Lafille (Julien)
:
Mais donc vous ne le croyez pas quand il dit qu'il est très travaillant. Est-ce
que vous remettez en question le travail qu'il a effectué en tant que médecin,
toutes les heures qu'il a passées?
M.
Caire
: Je ne
me permettrai pas de juger de la qualité de l'acte médical, je n'ai pas les
compétences pour le faire. C'est au Collège des médecins à faire les
vérifications, si, le cas échéant, il y a des vérifications à faire sur la
qualité des actes médicaux.
Sur le fait qu'il est travaillant, bien,
moi, je vais vous dire, on l'est tous, travaillants. Je ne pense pas qu'Yves
Bolduc, là, soit un surhomme, là. Ce n'est pas le Popeye de la politique, là,
que je sache. Alors, du travail les fins de semaine, j'en fais. Demandez à mes
enfants, demandez à mon épouse, là : quand je mets un veston puis une
cravate le samedi, là, généralement, ce n'est pas pour aller dans ma piscine, c'est
parce que j'ai du travail à faire auprès de mes citoyens. C'est mon devoir de
député de le faire. C'est vrai les soirs aussi. Puis quand je suis au bureau de
circonscription, bien, les gens, c'est le député qu'ils veulent rencontrer, ce
n'est pas des attachés politiques. Puis je ne dis pas que nos attachés politiques
ne font pas un travail extraordinaire, ils le font, mais les gens veulent
s'adresser à leur député. Quand ils viennent au bureau de comté, c'est au
député qu'ils veulent s'adresser, et ce que nous dit Yves Bolduc, c'est que, si
on voulait le voir, bien, il fallait prendre rendez-vous avec le médecin parce
que le député était trop occupé.
M. Boivin (Simon)
: M.
Couillard dit que c'est une grosse tempête dans un petit verre d'eau.
M.
Caire
: Moi,
je dis que c'est un gros test de leadership pour M. Couillard et il est en
train de l'échouer lamentablement, comme il a échoué avec le Dr Barrette. C'est
vrai que… Écoutez, là, il y a un précédent, là. On ne peut pas laisser passer
une prime de 1,2 million, Dr Barrette, puis lui dire que ce qu'Yves Bolduc
a fait est mal. J'imagine que le premier ministre est en train de s'enfoncer
lui-même dans un marasme duquel je ne vois pas comment il va se sortir. Mais un
jour, il va falloir qu'il se comporte comme un homme d'État qui veut un gouvernement
éthique, qui veut un gouvernement transparent, qu'il mette son pied à terre et
dire : La ligne, elle est ici. Puis on a hâte qu'il trace la ligne. Merci.
(Fin à 13 h 40)