(Neuf heures vingt-huit minutes)
M. Gaudreault
: Alors,
bonjour à tous et à toutes. Je voulais vous rencontrer ce matin pour vous
parler de nouveau des certificats d'autorisation qui ont été accordés par le ministère
de l'Environnement, Développement durable, Lutte aux changements climatiques à
la compagnie TransCanada pour les forages géotechniques à Cacouna.
Vous avez vu, hier, à la période de
questions, j'ai demandé au ministre de faire une enquête publique indépendante
sur tout le processus qui a conduit à l'émission de ces certificats
d'autorisation, parce que le jugement de la Cour supérieure de la juge Claudine
Roy de la semaine passée est profondément inquiétant sur la crédibilité du
processus, mais aussi sur, évidemment, la crédibilité du ministre.
Donc, je vous informe que tout à l'heure,
à l'Assemblée nationale, après la période de questions, je déposerai une motion
qui se lira comme suit : «Que l'Assemblée nationale demande au
gouvernement libéral de mandater une enquête externe indépendante sur le processus
d'octroi du certificat d'autorisation à TransCanada pour la tenue de forages
géotechniques à Cacouna».
Évidemment, nous souhaitons que cette
motion soit adoptée et que ça découle... que cette motion... c'est-à-dire que
cette enquête publique se termine avec un rapport, qui sera public aussi
évidemment, sur tout le processus.
Je vous rappelle que le Syndicat des
professionnels du gouvernement du Québec est d'accord, a demandé déjà, la
semaine passée, une telle enquête publique, parce que vous avez vu que le
ministre Heurtel s'est déchargé complètement de sa responsabilité
ministérielle, ce qui est en soi inacceptable et scandaleux, pour mettre ça sur
le dos des fonctionnaires de la direction régionale de son ministère dans la
région du Bas-Saint-Laurent.
En plus du Syndicat des professionnels du
gouvernement, il y a également les organismes environnementaux Nature Québec et
Greenpeace qui sont d'accord avec cette enquête publique.
Moi, je termine en vous disant que, dans la
situation où est le ministre, avec l'absence de crédibilité, le manque de
crédibilité criant sur ce dossier-là de la part du ministre, c'est la seule
manière pour lui, en acceptant cette enquête publique, de retrouver un minimum
de crédibilité, parce que ça vient entacher tout le processus d'émission des
certificats d'autorisation en matière environnementale.
Je termine en vous disant : Le ministre
devrait accepter, je le souhaite, cette motion d'enquête indépendante, et c'est
là qu'il aura à démontrer s'il est, au fond, le ministre de TransCanada ou s'il
est le ministre de l'Environnement de tous les Québécois et de toutes les
Québécoises. Merci.
M. Lecavalier (Charles)
:
Le ministre Heurtel, quand on lui pose les questions s'il veut une enquête
indépendante, il répond qu'il faut attendre la fin du processus judiciaire,
qu'un processus judiciaire, il faut le respecter.
Qu'est-ce que vous pensez de…
M. Gaudreault
: Bien, c'est
pour ça qu'on demande une enquête indépendante, parce qu'hier vous savez que
mon collègue de la Coalition avenir Québec, député de Nicolet-Bécancour, a
proposé à la commission parlementaire de recevoir le ministre en commission
parlementaire sur ce processus-là, et la commission parlementaire a refusé. Un
des arguments invoqués par les libéraux, c'était justement la fin du processus
judiciaire pour ne pas mêler les cartes entre le législatif et le judiciaire.
Alors, moi, j'arrive avec cette enquête
indépendante qui ne serait pas faite par les parlementaires, qui serait faite
par, il faudrait voir, un juge à la retraite ou quelqu'un d'indépendant
complètement des législateurs de l'Assemblée nationale. Donc, je trouve, moi, c'est
une belle piste d'atterrissage, une belle porte de sortie pour permettre au
ministre de se retrouver un minimum de crédibilité.
M. Lecavalier (Charles)
:
Qu'est-ce qui va arriver le 15?
M. Gaudreault
: Bien,
écoutez, le 15… C'est ça qui est urgent, là, c'est que le 15 octobre, écoutez,
c'est dans deux semaines, là, l'injonction interlocutoire se terminera, donc la
suspension des travaux. Ça veut dire que techniquement la compagnie pourrait
reprendre les forages géotechniques.
Alors, nous, on demande — vous
le savez, je l'ai demandé encore hier à l'Assemblée nationale, à la période de
questions — que le ministre révoque immédiatement les certificats
d'autorisation parce que le processus est tellement entaché d'irrégularités. Le
ministre, encore aujourd'hui… justement, sous votre plume, on apprend, dans le Journal
de Québec, que ces fameux avis n'existaient pas. Bien, on le savait en
lisant le jugement, là, mais là ça sort un peu plus publiquement que les fameux
avis scientifiques sur lesquels devaient se baser le ministre, en provenance de
Pêches et Océans Canada, ils n'existent pas.
Alors là, je ne peux pas croire que le
ministre va continuer de maintenir les certificats d'autorisation après le 15
octobre. Alors, nous, on lui demande de révoquer immédiatement ces certificats
d'autorisation, comme il peut le faire en vertu de la loi, et sinon, ça voudra
dire qu'il est le ministre de TransCanada.
Mme Biron (Martine)
:
Est-ce que vous pensez que le processus judiciaire pourra suivre son cours, en
fait, c'est-à-dire que ça va pouvoir procéder avant, justement, le 15 octobre?
M. Gaudreault
: Bien,
évidemment, je ne connais pas l'horaire de la cour, je ne connais pas l'horaire
du juge. Moi, je ne veux pas mettre la main là-dedans, c'est au juge de faire
son travail. Mais moi, de mon côté, ce que je constate, c'est que les délais
sont extrêmement serrés. Le 15 octobre s'en vient. Il y a des risques très
forts associés à la survie d'une espèce menacée qui s'appelle le béluga. Vous
avez vu, par ailleurs, d'autres études hier qui démontrent que les espèces
menacées à travers le monde, sur la planète, ont réduit considérablement. Donc,
raison de plus en ce qui concerne les bélugas.
Alors, moi, ce que je demande, pour se
préserver le plus de chances possible dans ce dossier-là, pour préserver le
plus possible la diversité des mammifères marins et des espèces menacées, c'est
immédiatement de révoquer les certificats d'autorisation parce que visiblement
le processus a été vicié à la base. C'est ce que nous dit la juge. Alors, le
ministre, s'il veut revoir un minimum de crédibilité, il doit révoquer les
certificats d'autorisation et accepter notre motion pour avoir une enquête
indépendante sur ce qui s'est passé.
Mme Biron (Martine)
:
Compte tenu du fait que la période de gestation des bélugas prend fin,
justement, autour du 15 octobre, est-ce que ça ne réduit pas, justement, la
pression puis que c'est moins inquiétant...
M. Gaudreault
: Bien,
écoutez, on ne le sait pas exactement parce qu'on n'a pas eu d'avis
scientifique à cet égard. Il y a également une loi, hein, qui est en amont du
ministère, qui est en amont même de toutes les décisions qu'on doit prendre, au
Québec, en matière de développement durable, c'est la loi, justement, sur le
développement durable, dans laquelle il y a un principe fondamental qui est
appliqué partout à travers la planète, sauf dans les pays délinquants, mais je
ne pense pas que le Québec veut être un pays délinquant à cet égard, c'est ce
qu'on appelle le principe de précaution.
Alors, si on ne le sait pas, surtout en
matière d'espèce menacée comme le béluga, bien, on applique le principe de
précaution. Ça, ça veut dire : Je ne suis pas sûr, donc je suis mieux de
ne pas prendre de chance. Autrement dit, vous voulez faire des rénovations sur
votre maison, construire un deuxième étage, vous n'êtes pas sûr que le
rez-de-chaussée peut supporter un deuxième étage, vous allez dire : Je ne
prendrai pas de chance. C'est un principe de précaution. Bien là, c'est la même
chose dans ce domaine-là. Le principe de précaution, c'est un principe de base
en matière d'environnement.
M. Croteau (Martin)
:
Quel comportement attendez-vous de la compagnie TransCanada dans tout ça?
M. Gaudreault
: Bien,
moi, j'aimerais qu'elle ait un comportement de bon citoyen corporatif. Vous
savez, présentement, j'ai l'impression que la compagnie parle des deux côtés de
la bouche. Elle a ouvert sur la possibilité d'avoir le BAPE en disant : Il
n'y a pas de problème, mais, en même temps, elle dit, de l'autre côté :
Nous, de toute façon, on pense que c'est juste le gouvernement fédéral qui a le
pouvoir ultime de décider de notre projet. Alors, moi, j'aimerais que la
compagnie se dise clairement en faveur du respect de la compétence du Québec et
du droit de refus du Québec sur un tel projet.
M. Croteau (Martin)
:
Êtes-vous d'avis que la compagnie devrait, à la lumière de l'imbroglio qu'on
connaît, des derniers jours, est-ce que vous croyez que la compagnie devrait
volontairement renoncer à ses forages au-delà du 15 octobre?
M. Gaudreault
: Bien,
ce n'est pas à moi de répondre pour la compagnie, mais, si j'étais un
actionnaire de la compagnie ou un membre du conseil d'administration, je me
questionnerais très sérieusement sur l'acceptabilité sociale du projet de la
compagnie sur laquelle je siège, certainement dans cette région-là, mais plus
globalement, au Québec, parce que moi... en tout cas, j'ai énormément de
représentations. J'ai participé, comme d'autres, aux marches, il y a deux
semaines, là, en même temps que le sommet de New York, et le projet de
TransCanada pose beaucoup, beaucoup, beaucoup de questions, bien sûr sur la
survie des espèces menacées, mais sur ce qu'on veut faire plus globalement au
Québec en termes d'énergie, puis je pense que la compagnie devrait être
prudente.
M. Robillard (Alexandre)
:
Est-ce qu'il y a des membres du C.A., selon vous, qui, plus particulièrement,
devraient être interpellés par ça ou…
M. Gaudreault
:
Écoutez, je ne connais pas les membres du C.A. de la compagnie.
M. Robillard (Alexandre)
:
Juste vérifier, je ne sais pas si ça a été abordé, là, je suis arrivé un petit
peu en retard…
M. Gaudreault
: Bien
oui, on vous le reproche.
M. Robillard (Alexandre)
:
Bon, bien, excusez-moi. Mais est-ce que… Vous savez, le ministre a dit que
c'était impossible de faire une enquête indépendante tant que le processus
judiciaire n'est pas complété…
M. Gaudreault
: Oui, ça
a effectivement été abordé pendant votre absence. Moi, je vous dis que c'est
pour ça qu'on veut une enquête indépendante. C'est qu'hier la commission
parlementaire a refusé de tenir une commission parlementaire sur le sujet,
parce qu'une commission parlementaire c'est les parlementaires. Donc, il y a…
les libéraux nous disaient : Il peut y avoir confusion entre le rôle du
législatif — les parlementaires — et le processus
judiciaire.
Moi, je vous dis : Avec une enquête
indépendante, qui pourrait être présidée, par exemple, un juge à la retraite ou
par je ne sais pas qui, bien là, à ce moment-là, on se dégage de la commission
parlementaire comme telle. Alors, moi, je trouve que c'est une belle piste d'aterrissage
qui donne… Je ne vois pas pourquoi le ministre refuserait cela, parce que ça
lui permet de se redonner un minimum de crédibilité puis de comprendre ce qui
s'est passé dans son ministère, parce qu'il met ça sur le dos des
fonctionnaires, ce que je trouve en soi cheap.
M. Croteau (Martin)
:
…préciser, mais en quoi est-ce qu'une enquête indépendante permettrait de faire
la lumière d'une manière que le processus judiciaire ne permettrait pas de
faire? C'est-à-dire, en quoi est-ce qu'une enquête indépendante…
M. Gaudreault
: Bien, le
processus judiciaire n'a pas le mandat de voir ce qui s'est passé à l'intérieur
du ministère puis de la chaine de commandements, alors que l'enquête
indépendante permettrait, justement, d'entendre le ministre, d'entendre les
sous-ministres, d'entendre les fonctionnaires en question pour voir où que ça a
accroché. Parce que le ministre lui-même dit : Écoutez, là, des
certificats d'autorisation, on en émet 5 000 par année. Mais là, ce n'est
pas pour faire un ponceau sur un chemin forestier pour respecter la traverse de
couleuvres; c'est des travaux exploratoires géotechniques à la hauteur de
Cacouna, dans la pouponnière des bélugas. Puis je n'ai rien, là, contre les
ponceaux, là, mais quand même, là, ça reste que c'est hyper d'actualité. On en
parle… moi, je me suis levé pour la première fois le 22 mai là-dessus, c'est
dans l'actualité. Comment ça se fait que le ministre n'a pas suivi ça?
Moi, quand j'étais ministre des Affaires
municipales puis des Transports, là, les dossiers les plus importants… les
permis du ministère des Transports pour faire une calvette, là, c'est vrai que
c'étaient les sous-ministres qui s'en occupaient, mais les permis pour Turcot,
mettons, ou pour Henri-IV, ou pour les échangeurs de Dorval, bien, c'est moi
qui les regardais parce que c'est des dossiers tellement importants. Alors, je
ne comprends pas que le Turcot du ministre Heurtel, ce n'était pas Cacouna.
M. Lecavalier (Charles)
:
Mais le président du syndicat des professionnels va quand même un peu plus loin
que vous. Lui demande une enquête parce qu'il croit qu'il y a eu influence,
parce que la jeune biologiste n'a pas de sécurité d'emploi, parce qu'elle était
un peu à la merci de son patron. Est-ce que, vous, vous croyez qu'il y a eu
influence? Qu'est-ce que vous pensez trouver avec une enquête?
M. Gaudreault
: Bien,
moi, je veux le savoir. Moi, je veux le savoir. Je ne peux pas vous affirmer aujourd'hui :
Il y a eu influence. Mais souvenez-vous, la semaine passée, quand il y a eu le
jugement de la Cour supérieure, j'ai dit : Ce que la juge dit laisse
entendre qu'il peut y avoir eu de l'influence politique, parce qu'elle dit dans
son jugement — je pourrais vous le retrouver, je ne sais plus c'est
quel paragraphe, là — c'est le paragraphe 102° : «L'impatience
de TransCanada ne saurait justifier de mettre fin au processus d'analyse.» Aïe!
c'est sérieux, là, l'impatience de TransCanada. Est-ce qu'elle est en train de
nous dire, la juge, que TransCanada a cogné du marteau au ministère puis a fait
valoir son impatience... donc influence de TransCanada sur le ministre? Ça
laisse entendre ça. Moi, c'est ça que je veux savoir. Merci.
(Fin à 9 h 40)