(Neuf heures quarante-cinq minutes)
M.
Therrien
:
Bonjour à tous. Je suis ici aujourd'hui avec vous pour vous lancer les lignes
et faire un peu état des discussions qui auront lieu dans l'interpellation qui
me permettra de questionner le ministre des Finances.
Je veux insister sur la pièce de théâtre
libérale. On assiste, depuis la campagne électorale, à une véritable pièce de
théâtre qui est en trois actes. Premier acte, l'acte, c'est la séduction.
Durant la campagne électorale, on a essayé de séduire la population à travers
ce qu'ils appelaient l'effet libéral. Ils nous ont présenté un cadre financier
qui ne fonctionnait pas, qui ne tenait pas la rampe. On l'avait dit durant la
campagne électorale, mais eux disaient et spécifiaient que c'était la pensée
magique, c'était l'effet libéral qui se manifesterait à travers leurs actions.
Alors, ils avaient prévu une croissance
économique de 2,1 %. Ils avaient... Même si le ministre des Finances
d'aujourd'hui, à l'époque, quand il était à la Banque Laurentienne, avait dit
que la croissance économique, en 2014, serait de 1,8 %, et, quand on
demandait de nous expliquer pourquoi il y avait une différence entre le
1,8 % qu'il avait déterminé lorsqu'il était conjoncturiste à la Banque
Laurentienne et le 2,1 % promis en campagne électorale, il nous disait :
Bien, c'est l'effet libéral. On avait décidé d'augmenter de 1,5 milliard
par année les dépenses en infrastructures. On avait dit à l'époque que c'était
impossible, qu'on serait décotés, parce que les dépenses en infrastructures
vont directement sur l'endettement public. Malgré tout, il tenait quand même à
ce cadre financier. On nous avait prévu 250 000 emplois sur cinq ans.
C'était l'ensemble de la pensée libérale.
L'acte II, c'est le constat. Le constat,
c'est quoi? C'est que l'effet libéral ne fonctionne pas. On en a plusieurs
signes évidents déjà après six mois de gouvernance libérale. Donc, on avait
prévu 2,1 % de croissance économique. Déjà, dans le budget de Carlos
Leitão, on parlait de 1,8 %. Alors, déjà, le budget nous disait : Ce
qu'on nous avait fait miroiter durant la campagne électorale, ce n'est pas vrai
parce qu'on établit la croissance à 1,8 %.
Finalement, récemment, la semaine passée,
le mouvement de la caisse Desjardins nous a dit qu'il ramenait leurs prévisions
économiques à 1,5 %. Donc, l'effet libéral est à l'envers, c'est un effet
négatif, finalement. Et la Banque Nationale… aujourd'hui, on apprenait par le
biais du Devoir que la Banque Nationale nous disait que la
croissance économique serait finalement de 1,6 %.
On nous avait promis 250 000 emplois
sur cinq ans. Si je suis capable de calculer rapidement, ça veut dire que ça
fait 50 000 emplois par année. Déjà, dans le budget du ministre des
Finances, on nous parlait de 31 000 emplois de nouveaux, et ce qu'on
constate après six mois, c'est 51 900 emplois à temps plein qui ont
disparu au Québec. Alors, voyez-vous, l'effet libéral, le constat, c'est que
l'effet libéral, cette pensée magique, ne fonctionne pas.
Finalement, acte III, le chat sort du sac.
Incapable de créer de la richesse, incapable d'augmenter les revenus, incapable
d'avoir une politique économique d'émancipation de la richesse, incapable
d'intervenir positivement dans l'économie, on décide de couper partout. Et
donc, là, c'est la place aux grands idéologues du Parti libéral. Ils profitent
de la situation, et là on les voit revenir avec leurs vieilles lubies.
Juste pour vous parler du président du
Conseil du trésor, déjà, il y a longtemps, en 2011, il nous disait qu'on
n'était pas capables de se payer les CPE et les congés parentaux. Si je me
rappelle bien, 2011, c'était le gouvernement libéral qui était au pouvoir.
Alors, déjà, en 2011, le président du Conseil du trésor actuel nous disait :
On ne peut pas se payer tout ça. Alors donc, sous prétexte qu'on est dans une
situation difficile, on coupe dans ce qui nous distingue. On pense couper dans
les CPE, on va couper dans les CHSLD, on parle éventuellement... Là, on sort
des ballons. Qu'est-ce qui va arriver avec le ministère de la Culture?
Qu'est-ce qui va arriver avec le ministère des Relations internationales? Des
choses, des outils qu'on s'était dotés qui faisaient notre distinction du reste
du Canada. Qu'est-ce qu'on va faire avec les congés parentaux? Qu'est-ce qu'on
va faire avec l'égalité des chances, de faire en sorte que l'ensemble des
Québécois, quand ils naissent, ils ont droit aux mêmes chances pour
s'émanciper, pour se développer, pour avoir accès à l'éducation, à des soins de
santé de qualité? Alors, qu'est-ce qui va arriver avec ça? On est dans une
entreprise de destruction.
Et là, quand je vous dis qu'on parle de
couper, on ose nous dire qu'on veut se rétablir à la moyenne du panier de
services offert dans les autres provinces. Ça, ça veut dire quoi? Ça veut dire
qu'on va couper, si on se compare à l'ensemble des autres provinces, on va
couper 11 milliards par année de dépenses. Qu'est-ce qu'on va couper? À 11
milliards de coupures, pensez-y, c'est moins de services à la population en
santé, en éducation, en services sociaux et autres. Si on se compare à l'Ontario,
ça sera 17 milliards qu'on devra couper. Alors, où est-ce qu'on va couper tout
ça? Et là, toute cette réflexion-là, le président du Conseil du trésor la fait
derrière des portes closes avec son comité, dont on ne sait pas l'état de sa
réflexion.
Alors, voyez-vous, le Parti québécois,
quand il était au pouvoir, voulait atteindre le déficit zéro et était en bonne
voie de l'atteindre à travers l'augmentation des revenus et un contrôle des
dépenses, un contrôle du pourcentage d'augmentation des dépenses. On avait des politiques
structurelles qu'on était en train d'établir. En 18 mois, on en avait déjà
établi quelques-unes, et c'est de cette façon-là, nous, qu'on voulait rétablir
l'équilibre budgétaire.
Et, du côté des libéraux, bien, comme je
vous dis, c'est une occasion pour mettre la hache dans les services offerts à
la population par l'État québécois, un État qui est digne d'une société
distincte, qu'on s'est déterminé à partir de notre histoire, depuis le Maîtres
chez nous de Jean Lesage, en 1960.
Je suis prêt à recevoir vos questions, si questions
il y a.
M. Caron (Régys)
: M. Therrien,
vous parlez du constat dans votre acte II. L'un des constats du gouvernement, c'est
que, quand vous étiez aux affaires, vous n'avez pas contrôlé les dépenses. Les
dépenses consolidées étaient en croissance de 5,5 % et plus. Alors, ça
fait partie du constat aussi. Vous faites partie du problème, d'après le
gouvernement.
M.
Therrien
:
Alors là, ce que vous me dites, c'est que vous allez justement croire ce que
ces gens-là nous disent. Moi, je vais vous dire que l'année 2012‑2013, la
première année qu'on a été au pouvoir, on avait prévu une croissance des
dépenses de 1,9 %, ce qui était la cible la plus faible des 10 dernières
années; on a obtenu 1,2 % de croissance. L'année après, 2013‑2014, on
avait prévu un déficit de 2,5 milliards; on a eu un déficit de
3,1 milliards. Pourquoi? Parce qu'on a mis 580 millions de dépenses
imprévues : 500 millions qui sont allés à la Régie des rentes,
c'était imprévu, et 80 millions pour aider les gens au Lac-Mégantic suite
à la catastrophe qu'ils ont vécue. Et ça, c'est les cibles que nous, on a
atteintes. Les cibles budgétaires ont été atteintes durant notre mandat. Et, si
je vous réfère à 2003 à 2012, en aucun temps les libéraux n'ont atteint leurs
cibles de dépenses. Et là, quand on regarde ce qui se passe actuellement, ils
avaient ciblé des dépenses à 0,7 %; ils sont déjà au-dessus de 2 %.
Alors, moi, je vous dis, quand on parle de
contrôle des dépenses, nous, on a fait la preuve par la démonstration qu'on
était vigilants et responsables. Puis je vous rajouterais qu'en plus de ça on
avait fait épargner aux Québécois 250 millions parce qu'on a fait une
lutte contre la collusion dans les contrats qu'on a offerts dans les infrastructures.
M. Caron (Régys)
:
Donc, les libéraux et la CAQ mentent quand ils disent que vous avez augmenté
les dépenses de plus de 5 % en 2013‑2014?
M.
Therrien
:
Écoutez, je ne vous dis pas qu'ils mentent. Ce n'est pas ça que je vous dis...
M. Lacroix (Louis)
:
...qu'il ne fallait pas les croire.
M.
Therrien
:
Non, mais regardez, quand je vous dis qu'il y a eu 580 millions de
dépenses qui ont été supplémentaires à cause d'une augmentation des versements
à la Régie des rentes dans un cas fortuit où est-ce qu'on a... ce n'était pas
prévu dans le budget initialement, puis que tu as 80 millions de plus de
dépenses pour le Lac-Mégantic, bien, moi, je vous dis, écoutez, avec ça, c'est
sûr qu'on a augmenté notre niveau de dépenses. Mais il ne faut pas oublier que
notre cible de 1,9 % que, finalement, on a obtenu 1,2 % en 2013 a
fait en sorte que la croissance nous a mis un niveau de dépenses qui était plus
faible que ce qu'on avait prévu.
M. Lacroix (Louis)
:
Donc, ce que vous dites, là, c'est que, sans couper, vous auriez été capables
d'atteindre l'équilibre budgétaire en 2015‑2016.
M.
Therrien
:
Bien oui. On avait établi une politique industrielle, entre autres avec
l'électrification des transports, avec le support aux gazelles, avec les
politiques à l'innovation. Oui, on aurait été… avec les politiques
d'exportation, avec une intervention de l'État qui préparait le terrain aux
entreprises privées, ne remplaçaient pas l'entreprise privée, mais
permettait à l'entreprise privée, entre autres avec la Banque de
développement économique du Québec, à avoir accès à du financement et se
développer plus facilement. Bien oui, nous, on croit à ça. On croit à la
croissance, justement, de l'économie et des revenus, par ricochet.
M. Caron (Régys)
: Les
prévisions de croissance des dépenses dans le budget Marceau, pour les années
2015‑2016, 2016‑2017, étaient comparables à celles des libéraux. Vous alliez
couper aussi pour ces années-là, non?
M.
Therrien
:
Bien, écoutez, nous, on avait un contrôle des dépenses, comme on a fait en 2012‑2013.
Est-ce qu'on a remis en question le modèle québécois à travers ces coupures-là?
Moi, je vous pose la question. La réponse, c'est non. Alors, on aurait
poursuivi dans une gestion efficace des dépenses publiques. Mais on n'est pas
obligés de renoncer à des CPE et de renoncer à tout le panier de services qui
est offert à la population.
M. Gentile (Davide) : …renonçait
aux CPE, là. Ils n'ont pas dit ça, les libéraux, quand même, là.
M.
Therrien
:
Ils ont renoncé à 28 000 places qu'on était censé créer et qui avaient été
budgétées. On parle de 6 000 places par année. Moi, dans mon comté, là,
les CPE, là, qui se sont fait reculer leurs plans de construction de CPE alors
qu'ils sont prêts… Ils avaient tout en main puis ils vont avoir une
construction en 2019‑2020. Je ne sais pas comment vous appelez ça, là, mais
moi, j'appelle ça un recul au niveau des services liés aux CPE.
M. Chouinard (Tommy)
:
Mais, M. Therrien, le gouvernement Marois avait tout de même en préparation un
plan pour couper dans les dépenses, donc des remises en question de certains
services couverts par l'assurance maladie. Donc, il était clair qu'au-delà de
la relance, donc des politiques de relance dont vous parlez, il y avait aussi
une réflexion pour couper dans les services. Donc, aujourd'hui, est-ce que le
Parti québécois, dans l'opposition, est capable d'identifier des services qu'on
serait en mesure de remettre en question?
M.
Therrien
:
Écoutez, toute cette façon de réduire la croissance des services… parce qu'on
ne parle pas de coupures, on n'a pas coupé, on a juste réduit l'augmentation du
pourcentage des dépenses. Tout ça aurait été fait à l'intérieur du budget qu'on
avait prévu, 2014‑2015, et par la suite. On aurait, comme on a fait en 2013‑2014,
tout simplement rétabli, voir quelles sont nos priorités puis ajusté, en
fonction des priorités, les dépenses et l'augmentation des dépenses à travers
les programmes.
M. Chouinard (Tommy)
:
Maintenant, pour les prochaines années, un des enjeux très importants, ça va
être les négociations dans les secteurs public et parapublic. Vous connaissez
les demandes du front commun. Croyez-vous que le gouvernement doit accéder à
ces demandes-là?
M.
Therrien
:
Écoutez, vous savez comment ça fonctionne, une négociation, ils arrivent avec
leurs demandes, et, à ce moment-là, le gouvernement pourra et négociera en
fonction des demandes initiales. C'est ce qu'on aurait fait, nous, et donc on
aurait négocié à partir des demandes initiales déposées. Mais, je veux dire, ce
n'est pas… moi, je ne vous dis pas qu'on devrait accepter ça. Il y aura des
négociations, puis ça sera justement aux négociations de fonctionner pour
arriver à une entente entre les deux parties.
M. Chouinard (Tommy)
:
Mais ça, ça veut dire que, donc, non à ces demandes-là. Mais, vous, la
perspective d'un gel salarial pour 2015‑2016, par exemple, là, est-ce que c'est
nécessaire d'en arriver là?
M.
Therrien
:
Moi, écoutez, si on parle de gel salarial, nous, notre position, c'est de dire :
Est-ce que ce gel salarial potentiel, s'il y a, est-ce que ça va nuire à
l'attraction qu'on peut avoir de l'emploi vers la fonction publique, pour
attirer les gens vers la fonction publique? Il ne faut pas remettre ça en
cause. Alors, si on arrive avec un gel salarial, si, nous, on avait été en face
de cette situation-là, si on avait hérité de cette situation-là, on aurait fait
bien attention de faire en sorte de ne pas annuler l'attraction qu'on peut
avoir sur le marché du travail pour avoir…
M. Chouinard (Tommy)
:
Vous ne rejetez pas cette option-là d'emblée?
M.
Therrien
: On
ne le rejetait pas nécessairement, mais ça fait partie du cadre de négociation,
là, qui s'étale sur cinq ou sept ans. Alors, ça dépend de la suite des choses.
Si on arrive avec une position, puis que les gens acceptent, à travers la négociation,
et en fournissant des efforts qui seront récompensés par la suite, ça peut être
une possibilité.
M. Caron (Régys)
:
D'après vous, M. Therrien, est-ce qu'on est proche…
M.
Therrien
: Il
faut y aller. On s'en va en interpellation.
M. Caron (Régys)
: Une
dernière question, s'il vous plaît.
M.
Therrien
:
Oui, oui.
M. Caron (Régys)
: Est-ce
qu'on est proche du point de rupture? Compte tenu des gels salariaux qui ont
été répétitifs ou des faibles augmentations de salaire qui ont été octroyées
pendant plusieurs négociations aux employés de la fonction publique, le
20 % qui avait été coupé par le gouvernement Lévesque est encore là depuis
1982. Est-ce qu'on est près du point où les emplois dans la fonction publique
ne sont plus attrayants pour les gens?
M.
Therrien
:
Bien, c'est ce qu'on regarde. C'est ce qu'il faudrait évaluer à travers cette négociation-là,
et, écoutez, il y a des autorités compétentes pour le faire, puis nous, on
aurait écouté ces autorités compétentes là à travers, justement, les actions de
la négociation.
M. Chouinard (Tommy)
: …M.
Drainville, dimanche, pour sa campagne. Est-ce que…
M.
Therrien
:
Pas de question, merci beaucoup. Merci.
(Fin à 9 h 59)