(Dix heures trois minutes)
Mme
Hivon
:
Bonjour. Alors, vous avez tous vu comme moi, la semaine dernière, les déclarations
consternantes du ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur
concernant l'épreuve uniforme de français au collégial. Plutôt que de fermer
clairement la porte, donc, à une réduction des exigences en matière d'apprentissage,
donc, du français, le ministre Bolduc a laissé entendre, donc, qu'il pourrait
ne pas assujettir tous les étudiants, dans le futur, à cette épreuve, et ce,
pour reprendre ses mots, pour le bien de l'élève.
Alors, je dois vous dire que nous, au Parti
québécois, on estime que le bien de l'élève, il se situe aux antipodes d'une
telle approche. Il se situe justement dans la valorisation du français, dans la
valorisation de ces apprentissages qui sont propres au niveau collégial, où,
non seulement on continue à apprendre à bien écrire, mais on apprend à analyser
des textes, à avoir une pensée critique par rapport aux textes, à la
littérature, à développer, donc, une manière de structurer correctement un
texte de manière cohérente et à faire part d'un argumentaire. Donc, cette
épreuve-là, elle est essentielle pour, oui, le bien de l'élève — et
on devrait plus parler du bien de l'étudiant quand on est au niveau collégial — pour
former des citoyens, non seulement des travailleurs.
Mais il y a une autre inquiétude qui est
tout aussi importante, qui nous préoccupe tout autant et qui malheureusement,
jusqu'à maintenant, est plutôt passée sous le radar, et elle provient du fait
que le ministre Bolduc n'a pas mis de côté une autre hypothèse qui est présentée
dans le rapport. C'est celle voulant que l'on mette désormais de l'avant un
certificat d'études collégiales qui pourrait, donc, représenter une certaine
forme de diplomation à rabais plutôt que, donc, un diplôme d'études collégiales
en bonne et due forme pour des étudiants du secteur technique qui n'auraient
pas réussi à compléter toutes les exigences de la formation générale.
Donc, vous comprendrez que, pour nous,
cette hypothèse-là doit clairement être mise de côté, et on est très inquiets
que le ministre Bolduc ne l'ait pas fait à ce jour et qu'au contraire il
analyse clairement et sérieusement cette possibilité.
Vous vous rappellerez sans doute que l'été
dernier les jeunes libéraux, lors de leur congrès annuel, avaient mis de
l'avant l'idée carrément d'abolir les cégeps et de les transformer, pour le
secteur technique, en grosse école de métiers. Eh bien, on est en train de se
demander si, malgré les démentis à l'époque, ce n'est pas ce vers quoi se
dirige aujourd'hui le ministre de l'Enseignement supérieur en rendant
tranquillement facultative la formation générale obligatoire pour les étudiants
qui sont au programme technique.
Pour nous, la formation collégiale
générale, elle doit rester pour l'ensemble des étudiants, parce que, quand on
est au secteur collégial, on n'est pas là uniquement, donc, pour développer des
aptitudes et des compétences de travailleur, mais on est là pour se développer
comme citoyen, comme citoyen qui va devoir, donc, apprendre à réfléchir, à
s'exprimer correctement, à argumenter, à avoir une pensée critique, et ça,
c'est absolument fondamental et c'est au coeur de la mission des cégeps.
Donc, aujourd'hui, on demande au ministre
Bolduc de s'amender, de corriger le tir avant que ça prenne des proportions
aussi importantes que ce qu'on a vu lorsqu'il a fait ses déclarations
malheureuses sur l'importance des livres dans nos bibliothèques scolaires.
Donc, on lui demande de s'engager clairement à maintenir l'épreuve uniforme de
français au niveau collégial et à s'engager tout aussi clairement à maintenir
les exigences du programme général de formation pour l'ensemble des étudiants,
y compris les étudiants qui sont au secteur technique. Et, s'il ne le fait pas
par lui-même, bien, on demande une fois de plus au premier ministre de rappeler
son ministre à l'ordre, comme il a dû le faire pour la question, on s'en
souvient tous, des livres au primaire et au secondaire. Merci beaucoup.
M. Caron (Régys)
:
Est-ce qu'on est devant un ministre qui veut diplômer l'échec, Mme Hivon?
Mme
Hivon
: On
est certainement devant une grande possibilité de diplomation à rabais et de
nivellement par le bas, et ça, je pense que c'est quelque chose qu'on doit absolument
exclure, surtout quand on est le ministre de l'Éducation. Pour moi, le ministre
de l'Éducation, c'est le ministre le plus important dans un gouvernement. C'est
celui, donc, qui est là pour envoyer un signal clair de l'importance du savoir,
de la formation, de l'éducation, je vous dirais, comme citoyen et pas
uniquement comme travailleur ou pour avoir les prérequis à une formation universitaire.
Et là on est face à un ministre de l'Éducation qui, de par ses déclarations qui
s'accumulent, qui sont très inquiétantes, dévalorise carrément la formation et l'éducation,
alors qu'il devrait en être le premier défenseur au Québec.
M. Robitaille (Antoine)
:
Mais là on s'arrête beaucoup au ministre, mais, dans le rapport, il est quand
même écrit que faire couler un étudiant, c'est le condamner. Et on dirait que,
dans ce rapport-là, il y a l'idée du droit au diplôme. Ce n'est plus le droit à
l'éducation, au Québec, c'est le droit au diplôme. Est-ce que le... et ce
rapport-là, semble-t-il, a beaucoup d'appuis.
Est-ce que vous ne pensez pas que l'idée
se répand, au Québec, qu'il faudrait diplômer plus facilement et que ce n'est
pas uniquement le problème du ministre Bolduc?
Mme
Hivon
: Je
pense que ce n'est certainement pas la voie, et, quand on voit toutes les voix
qui s'élèvent, donc, malgré que l'actualité était ailleurs, la semaine
dernière, pour condamner, donc, l'approche du ministre par rapport à cette
question-là de l'épreuve du français, on est loin de constater ce type de
consensus là. Au contraire, je pense que ce qu'on souhaite, c'est valoriser la
formation générale, c'est valoriser l'apprentissage du français. C'est le
travail d'une vie, hein, maîtriser le français, c'est certain, mais ce qu'il
faut, ce n'est pas baisser les bras. Au contraire, c'est de se dire qu'au
niveau collégial on est là, oui, pour maîtriser notre français, mais on est là
pour aller plus loin, être capable d'écrire un texte, bon, comme je vous
expliquais, soutenir une argumentation, une pensée critique par rapport à des
auteurs. Donc, il faut outiller les étudiants. C'est exactement l'inverse qu'il
faut faire, puis je vous rappelle que non seulement on a droit à ses
déclarations malheureuses, mais le ministre Bolduc, en septembre, déclarait, à
une question de journaliste, qu'il n'avait aucun plan concret pour améliorer
l'apprentissage du français, de manière générale, pour les élèves, les
étudiants au Québec. Donc, ce n'est certainement pas la voie à suivre.
M. Dutrisac (Robert)
: Est-ce
que vous défendez une… Ne défendez-vous pas une vision élitiste de l'éducation?
Parce que monsieur…
Mme
Hivon
:
Depuis quand est-ce que la maîtrise du français, c'est être élitiste? C'est la
base pour avoir une vie citoyenne enrichissante au Québec.
M. Dutrisac (Robert)
:
…concrètement, une bonne partie de la population qui sont des illettrés
fonctionnels.
Mme
Hivon
:
Est-ce que, justement, on veut baisser les bras puis dire : Ah, wow, on a
un taux presque record d'analphabétisme, continuons dans cette voie, on va être
les champions de l'analphabétisme au Québec. C'est exactement l'inverse qu'il
faut faire. Il n'y a personne qui va me convaincre aujourd'hui que le français,
la maîtrise de sa langue, de l'expression de sa langue, de la langue commune au
Québec ne devrait pas être valorisée, revalorisée, qu'on devrait en faire une
obsession collective, de cette maîtrise-là. C'est une langue qui nous permet
d'être et d'exprimer tout ce qu'on est, individuellement et collectivement.
Donc, il me semble qu'au collégial, c'est
le moment, clairement, de se l'approprier encore plus et de s'assurer… au
contraire, plutôt que de niveler par le bas puis de commencer à dire :
Oui, mais, vous savez, si quelqu'un est pour devenir boucher — en
passant, ce n'est pas une formation au collégial d'être boucher — mais
je ne le sais pas, technicien en informatique ou en sciences infirmières, ce n'est
pas important. Pauvres petites personnes. Il était presque à nous invoquer des
arguments humanitaires de droit de la personne, la semaine dernière.
M. Dutrisac (Robert)
:
Le facteur humain…
Mme
Hivon
:
Bien, moi, le facteur humain, je pense que c'est de donner toutes les chances
de réussite à nos étudiants au secteur collégial pour en faire des citoyens à
part entière, et surtout ne pas dévaloriser leur formation générale et le
français, et de les accompagner là-dedans. Et, je le rappelle, c'est très
inquiétant, l'autre volet, au-delà du français, qui est de dévaloriser
complètement et de diminuer les obligations, pour le secteur technique, des
exigences en matière de formation générale.
Est-ce qu'on est en train de
dire — ce qui faisait la richesse même du secteur collégial, ce tronc
commun, que l'on se dirige vers le secteur universitaire ou vers une
technique — on est en train de dire : bien, finalement, ce n'est
pas important puis, bof, tant qu'à faire, quand même qu'il ne réussit pas un
cours de philo ou qu'il ne réussit pas un cours de français, bon, ce n'est pas
plus grave, on va lui permettre d'aller travailler? Tant qu'à faire, pourquoi
les maths de secondaire III sont importantes à quelqu'un qui va devenir prof de
français? Je pense qu'il y a des acquis qui doivent être là, il y a une
formation qui doit être là, puis le message du ministre est à l'encontre de ce
que le ministre de l'Éducation devrait envoyer comme message.
M. Caron (Régys)
: Est-ce
qu'on n'est pas rendus dans le modèle : on se soucie d'abord de faire
réussir les élèves puis on accorde moins d'importance au fait qu'ils
apprennent?
Mme
Hivon
:
Bien, oui. Je pense qu'il faut se décoller peut-être des chiffres désincarnés
puis il faut retourner vers ce que l'on souhaite offrir comme bagage, comme
chance de réussite citoyenne et, oui, professionnelle à nos étudiants. Et je
trouve que cette vision-là, elle est très, très inquiétante de la part d'un ministre
de l'Éducation qui devrait tous nous élever vers le haut, qui devrait être un
exemple pour les jeunes, pour les moins jeunes, pour les citoyens, pour ceux
aussi qui n'ont pas eu cette chance-là d'apprendre ce que les jeunes, en ce
moment, peuvent apprendre au cégep.
M. Caron (Régys)
:
Est-il normal… Au primaire, par exemple… c'est-à-dire à la fin du secondaire,
on diplôme des élèves qui n'ont pas réussi leur primaire. On leur donne une
série de certificats, là, puis on les inclut dans le taux de réussite au
secondaire. Bon, on dit souvent : Ce sont des étudiants, des élèves qui
sont soit dyslexiques, qui ont parfois des handicaps. Est-il normal, un, qu'on
diplôme ces élèves-là; deux, qu'on les inclut dans le taux de réussite au
secondaire?
Mme
Hivon
:
Bien, c'est deux choses qui sont différentes. Donc, ce n'est pas le même
diplôme complet, et je ne veux pas empiéter sur les prérogatives de ma collègue
qui s'occupe de l'éducation primaire et secondaire, mais ce n'est pas la même
diplomation, donc, du diplôme d'études secondaires que l'on connaît, global. Ce
que l'on voit, c'est que, oui, le… il y a beaucoup de gens qui reviennent aux
études pour obtenir ce diplôme-là, mais ils doivent quand même répondre aux
exigences.
Mais là, quand vous me soulevez ça, ce que
vous me soulevez, si je vous fais le pont avec le secteur collégial, c'est donc
la possibilité maintenant d'avoir un peu deux voies ou de dire : Les
pauvres étudiants qui ne réussissent pas à obtenir leur D.E.C., bien, on va
leur créer un diplôme sur mesure, qui n'est pas un vrai diplôme, qui va être un
certificat d'études collégiales, pour ceux du secteur technique qui n'auraient
pas toutes leurs exigences. Mais le fait est que vous vous imaginez, à moyen et
à long terme, ce que ça va faire si on introduit une telle possibilité, c'est
de dire : Bien, dans le fond, pourquoi moi, comme employeur, j'exigerais
tout ça, s'il a échoué quelque chose, s'il a ses compétences techniques? Et on
en vient carrément à rendre cette formation-là facultative et à la dévaloriser,
et je pense que c'est exactement l'inverse… Dans le monde complexe dans lequel
on vit aujourd'hui, c'est exactement l'inverse, comme chemin et comme tendance,
qu'on doit prendre.
M. Dutrisac (Robert)
:
Donc, vous vous opposez à l'essentiel de ce rapport…
Mme
Hivon
:
L'essentiel de ce rapport-là, il n'est pas là. Selon moi, il y a beaucoup de
bon dans ce rapport-là et notamment pour s'assurer que les cégeps en région
peuvent continuer, donc, à exister, parce que c'est un enjeu majeur en ce
moment avec la baisse de clientèle, notamment en région, au niveau des cégeps.
Et, à cet égard-là, il y a des solutions qui sont très intéressantes aussi pour
ce qui est du financement, pour ce qui est de la possibilité que certains
cégeps puissent avoir des formations, qu'ils offrent... qui sont, en quelque
sorte, typiques, collées sur les besoins de leur région, certaines formations
plus poussées, plus techniques. Ce sont des voies qui sont très intéressantes.
Il y a énormément de bon dans ce rapport-là.
Moi, ce qui m'inquiète, c'est la réponse
du ministre face à des choses qui sont uniquement des hypothèses dans le
rapport, mais que, lui, ne met pas de côté, au contraire, qu'il semble même
accréditer de par ses propos. Alors, c'est ce que je lui demande aujourd'hui,
de s'engager à mettre de côté clairement ces hypothèses.
Mme Plante (Caroline)
:
Mrs. Hivon, how important should French be in English CEGEPs?
Mme
Hivon
: I think French has to be important also. It is not an issue on
which we have settled clearly what has to be given in order to have your diploma,
but I think that, in Québec of
today, it should be something... even though there is not a compulsory
background that is required, that is something that we should all aspire to,
even if we're Anglophones, Francophones, Allophones.
Mme Plante (Caroline)
: Should there be a compulsory test... French test?
Mme
Hivon
: Well, I think it's something that needs to be certainly looked at.
Mme Plante (Caroline)
: What do you think of Mr. Bolduc handling or mishandling of the
file?
Mme
Hivon
: Well, I think it's very unfortunate. I think that his say on this
file is very unfortunate. It's really worrying, because as the Minister of Education and of «Enseignement supérieur»... of
Education...
Mme Plante (Caroline)
:
Higher Learning?
Mme
Hivon
:
…Higher Learning — of Education and Higher Learning, he should be the
one giving the example, setting the standards, saying how important French and
general education is at the CEGEP level. What we see is the opposite. He's not
closing the door to have... — how do you say that? — to see
the requirements being reduced, which is not something that we want to see from
a Minister of Education and Higher Learning.
Mme Plante (Caroline)
:
Is he a good Education Minister? I believe there are some lawsuits, schools
that are not obeying, that are not cutting, let's say, in book buying budgets
or...
Mme
Hivon
:
He's certainly facing many challenges, and I think that he needs to adjust to
the fact that he's now this very important minister that all the youth looks to, that every citizen in Québec, who values education and learning,
looks up to, and he now has to really understand the whole measure of his responsibilities
and his full role.
Mme Plante (Caroline)
: I know it's not your file, but you certainly have an opinion on it :
school boards elections. There is only 1% of voters that have voted «par anticipation».
What do you think?
Mme
Hivon
: I think democracy is very important and I think that, if we neglect democracy, it's like we neglect
ourselves, we neglect the fact that we live in a society in which we want, as
citizens, to have a say. So I hope that people will go to vote a lot more this
coming weekend.
Mme Plante (Caroline)
: …the threat hanging over their head, what the Minister said, that
the school boards might be abolished if nobody votes.
Mme
Hivon
: This is another declaration that is quite astonishing from a
Minister of Education. That's all I'm going to say. Thank you.
(Fin à 10 h 19)