(Neuf heures trente-deux minutes)
M.
Caire
: Alors, bon matin, tout le monde. On
voulait, évidemment, réagir à la nouvelle de M. Pierre Karl Péladeau, qui
se serait placé dans une nouvelle situation de conflit d'intérêts lors des
études de crédits derniers, en questionnant le ministre sur les crédits d'impôt
pour les entreprises de production.
C'est stupéfiant de voir à quel point, d'une part, M. Péladeau a
cette capacité à se placer dans des situations difficiles. Il est probablement
en train d'établir un record, là, pour le plus grand nombre de dossiers chez le
Commissaire à l'éthique dans la plus courte période de temps. Quelqu'un qui
nous disait, justement, là, qu'il allait prendre toutes les dispositions pour
éviter cette situation-là, au contraire, à répétition, il semble les générer.
Mais, ce qui nous interpelle d'autant plus, c'est la réaction des éventuels
candidats au leadership du Parti québécois, qui restent muets dans une
situation qui est hautement problématique. Alors, où sont les Stéphane Bédard,
Bernard Drainville, Alexandre Cloutier, Jean-François Lisée pour dénoncer cette
situation-là, qui est inacceptable? Et je pense que
ce que cette situation-là illustre au-delà de
tout, c'est à quel point la motion que nous avons déposée, elle est nécessaire
et elle doit suivre son cours. Alors, là-dessus, je vais attendre vos questions.
M. Robillard (Alexandre)
: Bien, on voit que M. Péladeau
n'est pas tenu de mettre ses actifs en fiducie parce que c'est ses filiales qui font affaire avec l'État. Est-ce qu'au-delà de son
cas personnel ça montre vraiment que le code d'éthique doit être revu
sur cet élément-là?
M.
Caire
: Bien, assez clairement.D'ailleurs, on l'a vu, hein, le Commissaire
à l'éthique dit : En fonction du code
d'éthique, M. Péladeau a respecté tous les articles, mais ça nous amène, donc, à réfléchir
au fait qu'on est dans une situation unique.Et on voit que le code d'éthique, c'est quelque chose, c'est
un outil qu'on s'est doté… dont on s'est doté,
mais qui doit évoluer.Et cette
situation-là nous rappelle grandement à quel point il est urgent de le faire
évoluer parce qu'il y a des situations problématiques extrêmement troublantes.
Et, encore une fois, je me pose la question :
Comment se fait-il que les leaders du Parti québécois restent muets, eux qui
sont tellement prompts habituellement à dénoncer l'éthique? Où sont les
foulards blancs au Parti québécois, là, dans cette situation-là?
M. Robillard (Alexandre)
: Puis est-ce qu'il comprend bien
l'article 25, selon vous? Il est arrivé… l'article 25 du code
d'éthique, il l'a évoqué pour se retirer au moment du vote puis du débat sur
votre motion.
M.
Caire
: Oui, bien, effectivement, il est un
petit peu plus large que l'interprétation qu'il en fait, ce qui est quand même
particulier pour quelqu'un qui a une formation en droit, soit dit en passant, mais effectivement… puis là-dessus je vais
être quand même prudent parce que le Commissaire
à l'éthique a dit qu'il ouvrait une enquête. Sur les nouvelles allégations, il
a dit qu'il voulait se pencher là-dessus aussi, mais on verra quelle sera l'interprétation du Commissaire à
l'éthique dans cette situation-là.
M. Laforest (Alain)
: Il ne peut pas
plaider l'erreur de bonne foi comme a plaidé votre députée lorsqu'elle
est intervenue en commission parlementaire parce qu'elle est propriétaire d'une exploitation agricole?
M.
Caire
: Bien, écoutez, comme je dis, il a une
formation en droit, donc, normalement, il devrait avoir
une sensibilité particulière. Mais je vous ramène à l'essentiel du
message. Vous parlez du cas de ma collègue, et je
vous ramènerai donc la réaction de François Legault, mon chef, qui est
sorti immédiatement pour dire que c'était inacceptable et que ça ne se
reproduirait plus, et c'est très exactement ce
à quoi on est en droit de s'attendre à des
gens qui postulent pour être chef d'une formation politique. Où sont-ils quand
il vient le temps de dénoncer une situation qui est
inacceptable, qui amène le Commissaire à l'éthique à se pencher sur pas un, mais deux dossiers? Puis là c'est ce qu'on sait pour l'instant, parce que
M. Péladeau semble avoir une capacité infinie à ouvrir des dossiers au Commissaire à l'éthique. Donc, où sont-ils, là,
les leaders du PQ, là, les aspirants chefs, le
chef intérimaire? Où sont-ils, là, pour dénoncer cette situation-là, comme l'a
fait M. Legault, puis dire :
Écoutez, c'est inacceptable, ce qui se passe,
là?
Mme Lajoie (Geneviève)
: Justement, qu'est-ce qui les pousse,
selon vous, à ne rien dire?
M.
Caire
: Bien, ce qui les pousse à ne rien
dire, écoutez, c'est potentiellement parce
qu'ils voient en Pierre Karl Péladeau un chef éventuel, là, je pense que c'est ce qui semble se dessiner, et donc personne ne
veut se mettre le chef à dos. J'imagine que c'est
avec tout ce courage-là qu'ils restent tous bien muets et bien terrés dans leur
coin à accepter des comportements qu'ils ont d'habitude le réflexe de dénoncer
vertement, surtout chez les adversaires. L'autocritique péquiste, la célèbre
autocritique péquiste semble, dans ce cas-ci, ne pas être très efficace.
Mme Lajoie (Geneviève)
: Est-ce que, justement, le fait qu'il
soit critique en matière d'économie ça ne pose pas un problème? Puisque ses
filiales font affaire avec l'État dans plusieurs secteurs, est-ce que c'est un
problème qu'il soit critique en matière d'économie?
M.
Caire
: Bien, écoutez, est-ce que c'est un
problème qu'il soit critique en matière d'économie? Est-ce que c'est un
problème qu'il soit critique en matière de finances?
Est-ce que c'est un problème qu'il soit critique en matière de gouvernement en
ligne? Quand on regarde les tentacules de Québecor, ça va être difficile, pour
Pierre Karl Péladeau, là... peut-être à part la condition féminine, là, je ne
sais pas en quoi il peut être critique, là.
Puis c'est un
peu inquiétant de dire : Écoutez,
là, un éventuel chef de l'opposition ou peut-être même premier ministre du
Québec qui doit se retirer de toute discussion
où il est en conflit d'intérêts, moi, je serais... Je me pose
la question, là. S'il va discuter de culture et de communication à
Ottawa, est-ce qu'il va devoir se retirer des dossiers? Alors, ça pose des
problèmes importants, mais, encore une fois, il semble que, chez les candidats au leadership du Parti
québécois, on ne veuille pas voir ces problèmes-là. On
a envie de regarder ailleurs.
Ils me font penser aux arbitres à la
lutte, là, tu sais, pendant que le méchant fait ses mauvais coups, ils
regardent ailleurs. Mais ça ne peut pas fonctionner comme ça. Si ce parti-là
veut se donner une contenance, une certaine crédibilité en matière éthique,
bien, écoutez, ça doit s'appliquer à leur propre famille.
M. Croteau (Martin)
: Vous avez votre idée sur ce que les
adversaires de M. Péladeau à la course à la direction
doivent faire, mais M. Péladeau, lui,
qu'est-ce qui doit faire, à la lumière…
M.
Caire
: Bien, écoutez, là-dessus, on a été
très clairs : il doit se départir de ses
actions de Québecor, là. Je veux dire, on est très clairs là-dessus. Je ne suis
pas… il n'y a rien de nouveau, là, sur ce qu'on pense que M. Péladeau
devrait faire. Ceci étant dit, il ne semble pas disposé à le faire.
M. Robillard (Alexandre)
: Est-ce que ça prend une nouvelle
enquête du Commissaire à l'éthique sur ces nouvelles allégations là?
M.
Caire
: Écoutez, le Commissaire à l'éthique a
dit d'emblée qu'il allait se pencher sur cette question-là.
M. Robillard (Alexandre)
: …
M.
Caire
: Bien, c'est…
Du moment où le Commissaire à l'éthique nous dit qu'il va le faire, je
ne vois pas la pertinence de réclamer quelque chose que le Commissaire à
l'éthique est en train de faire.
M. Laforest (Alain)
: …il va y avoir une rencontre des
leaders en fin de journée, aujourd'hui. Ça va être quoi, votre position, là? Parce que le Conseil de presse a dit non, la
Tribune de la presse parlementaire a dit non. Vous revenez avec quelle
proposition? Vous souhaitez quoi?
M.
Caire
: Je vais laisser… si vous permettez,
je vais laisser les leaders avoir les discussions qu'ils doivent avoir avant de
faire des commentaires publiquement.
M. Laforest (Alain)
: Mais la position du parti, c'est
quoi, actuellement?
M.
Caire
: Bien, vous connaissez notre position,
là. Nous, on veut que ce débat-là se fasse à l'Assemblée nationale, on est
ouverts à d'autres propositions. Ce qu'on veut, c'est que le débat se fasse. Ce
qu'on veut, c'est que cette question-là, qui est une question… et dont on le
voit, là, dans l'application au quotidien, là, par le comportement même de M. Péladeau — qui n'est pas,
d'ailleurs, absolument particulier à M. Péladeau — en
tout cas, dans un futur proche, on veut que
cette question-là soit adressée, qu'elle soit débattue et qu'on trouve une
façon correcte de faire les choses. Ça, c'est notre volonté, et on va
s'inscrire dans toutes les discussions qui vont aller dans ce sens-là. Mais ce
qu'on veut surtout éviter, c'est de faire ce que les candidats au leadership du
Parti québécois sont en train de faire, c'est-à-dire de regarder ailleurs
pendant que le train passe. Ça, c'est inacceptable, puis c'est un manque de
courage, puis c'est ce n'est certainement pas comme ça qu'on va régler le
problème.
M. Bélair-Cirino (Marco) : …que vous avez l'appui de la population, une majorité de la
population estime que c'est un débat légitime à avoir à ce moment-ci… que vous
ne vous en prenez pas à un individu qui souhaite diriger
une formation politique?
M.
Caire
: Bien, écoutez, je pense que oui. Je
pense que les Québécois sont certainement conscients qu'il peut y avoir un
problème important dans le fait de diriger et le Québec et le plus grand empire
médiatique du Québec. Puis je pense qu'à sa face même ça n'a pas beaucoup de
bon sens. Je vois énormément de réactions dans l'espace public qui vont dans ce
sens-là, qui affirment ça, autant de la part des médias, chroniqueurs et M. et Mme Tout-le-monde. Donc, pour moi, c'est clair
que oui, et c'est clair que ce débat-là doit se faire, mais, pour qu'il se
fasse, il faut que tout le monde y participe de bonne foi, et ça, ça inclut les
gens du Parti québécois. Et je m'inquiète, je m'inquiète
sérieusement de leur mutisme parce qu'on dirait que leur niveau
d'éthique varie en fonction de leurs intérêts politiques.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Vous auriez
demandé ce débat-là même si M. Péladeau ne ferait pas partie de la
course à la direction du Parti québécois?
M.
Caire
: Ah! Écoutez, ça aurait été Paul
Desmarais, on aurait eu le même débat, on aurait la même demande.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Pour un simple député, vous auriez agi
de la même façon?
M.
Caire
: Bien, écoutez, oui, un simple député… Premièrement, vous me permettrez, peut-être,
d'être légèrement insulté parce que je ne crois pas le «simple
député». Je veux dire, là…
M. Bélair-Cirino (Marco) : Non, mais c'est vous qui avez parlé… de
dire qu'il… diriger le Québec et diriger une entreprise
au même moment.
M.
Caire
: Non, je comprends, mais je veux juste vous donner l'exemple de M. Péladeau, qui, lors d'études de crédits, a quand même, à
deux reprises, trouvé le moyen de se mettre en conflit d'intérêts à deux
reprises, comme simple député. Alors, imaginez comme chef de l'opposition ou
éventuellement comme premier ministre.
M. Robillard (Alexandre)
: M. Caire, qu'est-ce que vous
pensez du fait qu'encore jeudi dernier M. Péladeau,
sur sa page Facebook, intervenait au sujet des crédits d'impôt, de la
même façon qu'il est intervenu auprès de M. Girard
l'été dernier, et que ça, ça survient une dizaine de jours après l'ouverture
d'une enquête du Commissaire à l'éthique justement sur ce type d'intervention
là? Est-ce qu'il y a comme quelque chose qui ne passe pas?
M.
Caire
: Bien, c'est clair. Écoutez, il a, de toute évidence,
une interprétation extrêmement large du code
d'éthique. Dans le cas de M. Péladeau, j'ai l'impression que, pour
toutes sortes de raisons que je ne me permettrai pas d'analyser, là, mais son
interprétation de l'éthique d'un député, visiblement, ne rejoint pas la nôtre,
et j'ai hâte de voir ce que le Commissaire à l'éthique va tirer comme conclusion de ses comportements.
Mais ce
qui est paradoxal là-dedans, c'est que, lors du premier événement, M. Péladeau a plaidé l'erreur de bonne foi en
disant : Écoutez, j'arrive en politique,
je suis jeune député, j'apprends à maîtriser toutes les ficelles de ce
métier-là, et, nonobstant ça, il y a une récidive, là, un peu plus tard.
Donc, écoutez, moi, je… encore une fois,
je pense qu'il y a aussi un problème au niveau du leadership du Parti québécois
parce que, si, dès le premier moment, les
leaders ou les éventuels leaders du Parti québécois étaient sortis pour dire : Écoutez, c'est une
situation inacceptable, nous ferons en sorte qu'elle ne se reproduise
pas, et elle ne se reproduira pas, bien, potentiellement que cette situation-là
ne se serait pas reproduite. Mais là il y a un
mutisme complaisant chez les candidats au leadership du Parti québécois, chez M. Bédard, qui est difficilement explicable avec
l'éthique dont ils ont voulu se draper dans d'autres circonstances.
M. Robillard (Alexandre)
: …il y a eu
une interprétation du code d'éthique à géométrie variable en fonction de
ses intérêts, c'est ça?
M.
Caire
: Je ne sais pas si c'est
spécifiquement en fonction de ses intérêts ou je ne sais pas si c'est la notion de conflit d'intérêts elle-même qui
n'a pas encore trouvé de définition chez M. Péladeau,
mais, clairement… Écoutez, là, je veux dire, le Commissaire à l'éthique va
devoir engager quelqu'un à temps plein pour faire des
enquêtes sur M. Péladeau, là. Ça
fait qu'à un moment donné il y a clairement un problème.
Et, encore une fois, comment se fait-il qu'il
n'y a personne au Parti québécois qui dise :
Écoutez, c'est inacceptable, nous allons prendre les moyens pour rappeler notre
député à l'ordre et s'assurer que ça ne se reproduise
pas? Il n'y a personne qui fait ça. Est-ce qu'ils sont terrorisés à
l'idée d'indisposer le futur chef? Je ne sais pas, mais, visiblement, les
foulards blancs sont loin, là.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Est-ce que cette affaire démontre aussi
la nécessité pour le Commissaire à l'éthique et à la déontologie de préciser la
portée de l'article25?
M.
Caire
: Écoutez, je pense que ça, c'est le
travail que nous, nous avons à faire. Le Commissaire à l'éthique,
c'est comme un juge, il travaille avec les
lois qui sont en place et il l'interprète au meilleur de ses capacités,
au meilleur de ses connaissances. Et le
Commissaire à l'éthique est en train de bâtir une jurisprudence en matière d'éthique en fonction du code d'éthique.
Ceci étant dit, lorsque le législateur se
rend compte que ses lois ne fonctionnent pas, il est de son devoir, il est de
son devoir de la corriger et de donner, justement, aux juges les outils
nécessaires pour rendre les jugements qui vont dans l'intérêt commun. C'est
exactement ce que l'Assemblée nationale doit faire
avec son code d'éthique. Nous devons le faire évoluer. Il y a une
situation qui se présente à nous, qui est une situation qui est nouvelle, mais
qui est potentiellement appelée à se reproduire. Donc, les 125 députés de l'Assemblée
nationale, plus tous les experts qui seront pertinents au dossier et qui
pourront nous aider dans notre réflexion doivent se pencher sur cette
question-là. Ce n'est pas une question partisane.
Et, s'il y a un autre enseignement qu'on
peut tirer de cette situation-là, c'est qu'il est possible de se mettre dans
une situation de conflit d'intérêts quand on est dans la situation de Pierre
Karl Péladeau. Il l'a fait, il l'a refait. Le refera-t-il? Je ne sais pas, mais
il faut que ça s'arrête quelque part. Et travaillons ensemble à faire en sorte
que ça ne se reproduise plus, surtout qu'on voit, là, que, dans une situation
comme celle-là, regardez, là, ce que les leaders du PQ font. Rien. Alors, le
code d'éthique ne prévoit pas cette situation-là, les leaders du PQ ne font
rien, donc M. Péladeau est libre d'agir comme bon lui semble. Ça ne
fonctionne pas.
M. Harrold (Max) : Mr. Caire, so, are you saying that Mr. Péladeau and the PQ have a very loose
interpretation? What's your definition of how they seem to view the ethics
guidelines, the code?
M.
Caire
: Well, I think
the code doesn't say anything about the particular situation of Mr. Péladeau. That's why we have to work on it, that's why
we have to make the code evolve and be clear to avoid those kinds of situations. So far, we didn't do so.
M. Harrold (Max) : What's the problem right now? What do you see
these recent… As a simple MNA, on the surface, we're told that he is following
the law.
M.
Caire
: Well, for a
simple MNA, two times he put himself in a critical situation, ethically speaking. So, you know, if he can do this as a simple
MNA, as you said, what does he do if one day he becomes Premier?
Mme Montgomery
(Angelica)
: What do you think of PQ leadership on this matter?
M.
Caire
: Well, I'm so
surprised to… didn't hear anything from them. So, I
ask why. Why they don't say anything? Why they don't ask
Mr. Péladeau to stop to put himself in
that kind of situation?
Mme Montgomery (Angelica)
: Why, do you think?
M.
Caire
: Because I
think they are afraid he becomes the next leader of the PQ, so you don't want
your leader to have something against you.
Thank you. Merci.
(Fin à 9 h 47)