(Dix heures vingt et une minutes)
Le
Vice-Président (M. Ouimet)
: Alors, Mmes et MM. les députés,
vous êtes priés de vous lever afin d'accueillir le président de la Ré<publique
française, M. François Hollande.
M. Provençal
(Jean-François)
: Mmes et MM. les députés, le président de la
République française, M. François Hollande.
Cérémonie
protocolaire à l'occasion de la visite officielle du président de la République
française, M. François Hollande
Allocution
du président de l'Assemblée nationale, M. Jacques Chagnon
Le Président
:
Mmes, MM. les députés, distingués invités, veuillez vous asseoir. M. le
président de la République française M. François Hollande, M. le premier
ministre Philippe Couillard, Mme l'ex-gouverneure générale Michaëlle Jean, M.
le premier ministre Jean Charest, M. le premier ministre Laurent Fabius, M. le
chef de l'opposition officielle Stéphane Bédard, M. le chef du deuxième groupe
d'opposition François Legault, collègues parlementaires, distingués invités,
mesdames messieurs.
M. le président
de la République française, c'est un très grand honneur de vous accueillir
aujourd'hui à l'Assemblée nationale du Québec. Je sais que ce n'est pas dans la
tradition française que le président de la République s'adresse à l'Assemblée
nationale; votre constitution le défendait jusqu'à tout récemment. Eh bien,
ici, au nom de tous mes collègues parlementaires, je vous souhaite la plus
cordiale bienvenue.
Vous connaissez
le Québec pour y être venu en juin 2008 à l'occasion d'une brève visite de
courtoisie. Vous aviez alors été invité par le premier ministre, M. Jean
Charest, et aviez rencontré diverses personnalités, dont des parlementaires.
Nous nous étions entretenus brièvement avec notre ancien secrétaire général, M.
François Côté.
Nous étions à
l'aube des célébrations du 400e anniversaire de la ville de Québec, fondée par
Samuel de Champlain, un Français qui a marqué notre histoire. En fait, il fut
le père de la Nouvelle-France. Nous avions attiré votre attention sur la
participation de l'Assemblée nationale du Québec à ces célébrations. Cette
année-là, d'ailleurs, nous avions accueilli la conférence des présidents
d'assemblées parlementaires de la francophonie, dont le président de l'Assemblée
nationale française. Cette conférence avait été suivie par l'Assemblée
parlementaire de la Francophonie puis par le Sommet de la Francophonie. En
2008, la ville de Québec avait été en quelque sorte la plaque tournante de la
francophonie mondiale. L'Assemblée nationale du Québec, fidèle à son habitude,
s'était pleinement engagée dans toutes ces activités.
Aujourd'hui, il
s'agit de votre première visite officielle au Québec à titre de président de la
République française. C'est pour nous un grand privilège, car les visites d'un
président de la République française sont des événements d'exception. En effet,
en 1987, 20 ans après la visite du général de Gaulle, M. François
Mitterrand s'était adressé à nous au salon rouge. Plus récemment, en octobre
2008, M. Nicolas Sarkozy prenait la parole en cette enceinte.
Au fil des
siècles, nous avons tissé des liens étroits dans différents domaines :
culture, économie, recherche, coopération, diplomatie parlementaire,
francophonie, et j'en passe. Pour évoquer un sujet que je connais bien, les
relations parlementaires, j'aimerais souligner que l'Assemblée nationale du
Québec est membre de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie depuis 1975.
En 1979, l'Assemblée nationale du Québec signait une entente de collaboration
interparlementaire bilatérale avec votre assemblée nationale et aussi avec le
Sénat français en 2003. Ces ententes ont donné lieu à des rencontres annuelles
de travail qui se déroulent, en alternance, en France et au Québec.
Cela dit,
l'Assemblée nationale du Québec collabore avec d'autres parlements pour
défendre les intérêts de la francophonie tout en renforçant la démocratie
parlementaire. Le Québec, c'est connu, particulièrement en France, a un
attachement viscéral pour la langue française et la francophonie. D'ailleurs,
la meilleure illustration de ce fait se trouve derrière moi avec l'immense
tableau de Charles Huot, Le débat sur les langues. Cette oeuvre
représente un débat qui a eu lieu le 21 janvier 1793 à la Chambre
d'assemblée du Bas-Canada, l'ancêtre de notre Assemblée. Au cours de ce débat,
l'usage du français a été reconnu officiellement dans les travaux de la Chambre
à un moment de notre histoire où l'anglais était la seule langue du pouvoir.
Depuis 1996,
plus de 120 activités de coopération interparlementaire ont été organisées par l'Assemblée
nationale du Québec. Nous avons partagé notre savoir-faire avec de nombreux
pays francophones, dont l'Algérie, le Maroc, le Bénin, le Congo, le Mali, la
Côte d'Ivoire et Haïti, et je sens que bientôt nous serons au Burkina Faso.
Au fond,
l'Assemblée nationale du Québec, une des plus anciennes institutions parlementaires
des Amériques, a su tirer profit de ses origines françaises et britanniques,
tout en s'insérant dans une réalité nord-américaine. Cette diversité, je crois,
lui permet de jouer un rôle crucial dans le développement parlementaire.
Aujourd'hui, le
Québec se distingue avec ses écrivains, ses poètes, ses scientifiques, ses
artistes, ses femmes et ses hommes d'affaires, ses élus, qui, très
régulièrement, à l'instar de Champlain, traversent — il faut le dire,
plus facilement que lui — l'océan Atlantique. Ce sont les meilleurs
ambassadeurs de notre culture, de notre façon de penser et de notre façon de
faire : les Xavier Dolan, les Marie Chouinard, les Pierre Lapointe, les
Dany Laferrière. Ce dernier, né à Haïti, a fait sa vie au Québec; aujourd'hui,
il est immortel. Il démontre bien ce que nous sommes : un peuple fier et
ouvert d'esprit qui, à partir de ses souches amérindiennes et françaises, s'est
ouvert et a accueilli des gens de partout, de couleurs, de langues, de
religions différentes, qui enrichissent notre propre culture. C'était là le
rêve de Champlain. Il a réussi.
M. le président
de la République française, bienvenue dans cet État français d'Amérique qui
s'épanouit de ce côté-ci de l'Atlantique.
• (10 h 30) •
J'inviterai
maintenant M. le chef du deuxième groupe d'opposition à prendre la parole.
Allocution
du chef du deuxième groupe d'opposition, M. François Legault
M. Legault
:
M. le Président de l'Assemblée nationale, M. le président de la République
française, M. le premier ministre, M. le premier ministre Charest, M. le chef
de l'opposition officielle, collègues parlementaires, distingués invités,
mesdames messieurs.
La relation
privilégiée du Québec avec la France ne relève pas seulement de la coopération,
elle relève de la famille. Nous sommes des cousins. L'histoire nous unit. C'est
donc comme partenaires de choix, mais également comme membres de la famille que
je tiens, au nom de ma formation politique, à souhaiter la plus chaleureuse des
bienvenues au président de la République française, M. François Hollande.
La France et le
Québec nourrissent un lien qui a franchi les siècles, qui a maturé et qui est aujourd'hui
celui d'une relation solide, franche et honnête. D'ailleurs, les liens
diplomatiques entre le Québec et la France en sont un bon exemple; ils n'ont
cessé de se renforcer depuis l'inauguration d'une délégation générale du Québec
à Paris il y a 50 ans. Ces liens sont d'autant plus chers aux Québécois qu'ils
ont été noués durant la Révolution tranquille, un moment fondateur de notre
histoire qui a marqué l'avènement du Québec moderne. La Révolution tranquille a
été caractérisée par un développement économique et une affirmation identitaire
sans précédent. Les Québécois ont trouvé, dans cette culture qui est la leur,
une richesse qui fait maintenant notre fierté partout dans le monde.
Permettez-moi, M.
le président, d'insister sur le volet culturel de l'amitié France-Québec parce
qu'il est fondamental. La Délégation générale du Québec à Paris a d'abord été une
maison du Québec, conçue en 1961 par les ministres québécois et français de la
Culture, Georges-Émile Lapalme et André Malraux. Très tôt, le rapprochement
entre le Québec et la France a été vécu comme un rapprochement entre les
cultures, deux cultures de même origine mais différentes et autonomes, deux
cultures qui se complémentent par la profondeur des valeurs qu'elles véhiculent
et la force créatrice des individus qui les forgent. Malgré l'océan qui sépare
l'Amérique du Nord et l'Europe, malgré les différences entre les deux cultures,
la langue française demeure un lien extrêmement fort entre le Québec et la
France, un lien affectif, puissant que rien ne saurait briser.
Vous n'êtes pas
sans savoir qu'au Québec la situation du français est précaire et que sa
préservation nous condamne à une vigilance de tous les instants. Un îlot
francophone de 8 millions d'habitants, entouré de centaines de millions
d'anglophones du Canada et des États-Unis, ne connaîtra jamais le sentiment de
sécurité culturelle de la France, un grand pays de 66 millions d'habitants
qui s'appuie sur une histoire et une culture prestigieuses, rayonnant dans le
monde entier. Cette différence, loin d'être un handicap, doit être une source
de motivation. Elle doit augmenter notre compréhension mutuelle, elle doit
enrichir notre amitié. La France peut s'inspirer du Québec; le Québec peut
s'inspirer de la France.
La Révolution
tranquille a prouvé qu'une nation, peu importe sa taille, pouvait, et même
devait avoir une vision d'ensemble de son développement. Ce que nous en
retenons aujourd'hui, c'est que la prospérité économique va de pair avec
l'affirmation de notre identité, de notre culture, de notre langue. C'est en
mobilisant chacune de ses forces plutôt que de les cacher qu'une nation peut
atteindre sa pleine mesure, qu'elle peut transformer sa fragilité en force et
s'affirmer fièrement à la face du monde.
C'est en
français que les Québécois se sont ouverts sur le monde dans les années 60.
C'est en français qu'ils ont commencé à ériger les fondements de notre économie,
à construire une société moderne et à traiter d'égal à égal avec les États
voisins. Le français, qui était la langue des ouvriers, a, peu à peu, remplacé
l'anglais au sein de la direction des entreprises de l'époque. C'était, pour beaucoup
de nos ancêtres, une langue humiliée. C'est devenu une langue de fierté, de
confiance et c'est en français, plus que jamais, que les Québécois sont
déterminés à poursuivre leur aventure en Amérique du Nord. Tout au long de ce
parcours exceptionnel, la France a été et reste un partenaire d'une valeur
inestimable, un soutien dans l'épreuve et un complice dans le succès, une
fenêtre sur le reste de la francophonie et sur le reste du monde.
Sur le plan économique,
l'évolution des échanges entre le Québec et la France reflète le chemin
parcouru. En 1988, le Québec exportait en France 446 millions et importait
pour 961 millions. 25 ans plus tard, en 2013, le Québec exportait 1,3 milliard
et importait pour 2,3 milliards. C'est une augmentation considérable de
300 % et de 250 %.
Un nouveau
chapitre de l'amitié France-Québec s'est ouvert dernièrement avec la signature
du traité de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne. L'affinité
naturelle qui nous définit est sans aucun doute un atout sur lequel nous
devrions nous appuyer davantage afin d'optimiser les retombées économiques pour
nos entreprises et nos travailleurs. Bien évidemment, certaines industries
demeurent préoccupées par l'impact de l'entrée en vigueur de cet accord. Leurs
inquiétudes doivent être entendues. Néanmoins, de nouvelles occasions de
partenariat s'annoncent pour nos industries, de nouveaux marchés restent à
explorer, d'autres à approfondir. Nous devons travailler ensemble et mettre en
place une stratégie afin que notre lien de confiance devienne la fenêtre
d'opportunité par laquelle transigeront les investissements et l'innovation.
La France est
la cinquième économie mondiale. C'est une puissance économique. Mais, derrière
cette statistique, je vois aussi une réalité humaine à l'oeuvre :
l'expertise de ses chercheurs et étudiants dans nos universités, le dynamisme
de sa jeunesse, le savoir-faire remarquable de ses industries de pointe,
l'importante communauté française qui, depuis plusieurs années, s'agrandit et participe
pleinement à la société québécoise, notamment à Montréal. Partout, je vois des
Québécois et des Français qui prennent plaisir à collaborer, à échanger, à
entreprendre. La coopération entre le Québec et la France ne cesse de se
renouveler et de se réinventer. Les jeunes générations prennent le relais et
refont le monde à leur image en s'appuyant sur les institutions qu'elles ont
reçues en héritage.
Avant d'être en
politique, j'ai moi-même été associé avec deux Français. Ensemble, nous avons
démarré une entreprise, une compagnie aérienne faisant d'abord des vols
transatlantiques entre le Québec et la France. Nous avions d'ailleurs trouvé un
nom très original, Air Transat. J'ai pu constater que beaucoup de Québécois
souhaitent visiter la France, en particulier la magnifique ville de Paris, une
des plus belles villes au monde. Mais j'ai pu aussi constater que beaucoup de
Français étaient attirés par l'Amérique. Au début, certains nous demandaient de
visiter en trois jours les autochtones, les chutes Niagara et New York. Après
leur avoir expliqué que nos territoires sont vastes, ils ont découvert Québec,
la ville romantique, les festivals de Montréal et tous les autres centres
d'intérêt du Québec.
En terminant,
permettez-moi, M. le président, de souhaiter que cette amitié si précieuse que
nous avons le plaisir de célébrer en votre présence aujourd'hui ne cesse de se
raffermir au fil du temps. Je vous remercie.
Le Président
:
Je vous remercie, M. le chef du deuxième groupe d'opposition. J'inviterais maintenant
M. le chef de l'opposition officielle à prendre la parole.
Allocution
du chef de l'opposition officielle, M. Stéphane Bédard
M.
Bédard
:
Merci, M. le Président. Alors, M. le président de la République française, M.
le Président de l'Assemblée nationale, M. le premier ministre, M. le premier
ministre Jean Charest, M. le chef de la deuxième opposition, Mmes et MM. les
ministres, secrétaires d'État, députés, distingués invités, chers amis.
C'est
évidemment un immense honneur pour nous, parlementaires, et pour tous les
Québécoises et Québécois de vous recevoir ici, dans l'enceinte de notre
Assemblée nationale, l'une des plus anciennes démocraties parlementaires au
monde. Votre présence au Québec, M. le président, témoigne de la relation directe
privilégiée et fraternelle qu'entretiennent nos deux nations. Les liens si
particuliers qui nous unissent à la France s'expliquent bien sûr par cette
langue magnifique et riche que nous partageons, mais cette proximité
franco-québécoise, elle se comprend également par une trajectoire historique
qui nous fut commune pendant un certain temps, pendant plus de 200 ans. Nous
portons depuis une part l'un de l'autre, ces liens si particuliers que nous
avons pu en mesurer la solidité et contribuer à les entretenir avec vous ces
deux dernières années.
• (10 h 40) •
À cet égard,
permettez-moi de vous remercier pour le magnifique accueil que vous avez
réservé à la première ministre du Québec Pauline Marois, lors de ses visites en
sol français en octobre 2012 ainsi qu'en décembre 2013. M. le président, vous
avez réaffirmé la position traditionnelle de la France à l'égard du Québec.
Vous êtes pour la continuité, aviez-vous dit alors. Nous saluons votre
sensibilité à l'égard du Québec; elle est bien réelle.
Nos nations
grandissent et font face à des défis toujours plus grands, mais nous sommes
bien outillés. À cet égard, je ne peux passer sous silence la magnifique
performance de la France, qui a été honorée cette année en recevant non pas un,
mais deux prix Nobel : d'abord, le prix Nobel de littérature décerné au
romancier Patrick Modiano, il est le quinzième auteur français à recevoir cette
distinction; et puis, dans un autre univers non moins important, c'est Jean
Tirole, professeur de l'École d'économie de Toulouse, qui s'est vu décerner le
prix Nobel d'économie.
Puisque nous
sommes dans les honneurs, j'en profite aussi pour rappeler la décision de
l'Académie française qui, il n'y a pas encore un an, a fait de Dany Laferrière
le premier Québécois à joindre cette prestigieuse institution. M. le président,
nous vous savons le protecteur de l'académie, nous sommes heureux et fiers
qu'accède ainsi au statut d'immortel un Québécois venu d'Haïti, un Québécois
métissé serré, pour utiliser une expression désormais consacrée par un
humoriste, Boucar Diouf.
Le Québec et la
France savent faire alliance, mener des combats côte à côte et triompher. Notre
travail a permis de grandes réalisations. Parlons ici de la Convention de
l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions
culturelles. L'année prochaine, nous célébrerons le 10e anniversaire de
cette convention. Nous savons que la bataille pour l'exception culturelle n'est
pas terminée puisque perdre des langues, c'est défaire la biodiversité humaine,
nous dit notre grand poète Gilles Vigneault.
Il faut relever
le défi du numérique pour que la richesse que nous apporte la pluralité
culturelle soit préservée. Vous le savez, le français n'occupe que 3 % de
l'espace sur le Web, mais demeure quand même une des 10 premières langues
utilisées. Nous devons agir ensemble pour valoriser la création et la diffusion
de contenu numérique francophone. Il faut trouver les voies pour renforcer la
convention et s'assurer que les accords commerciaux en tiennent compte, comme
celui d'ailleurs tout récent de l'Accord économique et commercial global entre
le Canada et l'Union européenne. Ensemble, de concert avec les États membres de
la francophonie, nous pouvons et nous devons aussi mener la bataille de la
promotion du français dans le monde.
À la suite de
l'adoption de la Politique intégrée de promotion de la langue française au
Sommet de Kinshasa, c'est une responsabilité partagée que nous avons de faire
rayonner la langue française sur la scène internationale. La langue de Molière,
de Balzac, aussi celle de Miron, de Laferrière et tant d'autres doit se faire
entendre fièrement dans tous les forums internationaux. La puissance du
français sur l'échiquier linguistique mondial rappelle l'intérêt de faire des
affaires en français et de contribuer activement au développement économique du
monde.
Selon
l'excellent rapport que nous a remis M. Jacques Attali sur la francophonie en
tant que moteur de la croissance durable, deux pays partageant des liens
linguistiques tendent à échanger environ 65 % plus que s'ils n'en avaient
pas. C'est non négligeable. Le potentiel économique de la francophonie est
énorme et doit être davantage exploité. Or, selon les projections démographiques,
l'avenir de la francophonie se dessinera sur le continent africain. C'est au
sud que la croissance des locuteurs français se fera. Il va donc de soi que les
pays francophones du sud puissent continuer d'occuper des positions toujours
plus influentes au sein de l'Organisation internationale de la Francophonie.
L'Afrique, qui
a particulièrement besoin de notre solidarité, est aussi l'espace économique
francophone offrant le plus grand potentiel de prospérité. Sur le plan
économique, la France et le Québec sont déjà des partenaires d'exception.
L'importance des investissements étrangers entre nos deux territoires en
témoigne. Et, lorsqu'elle songe au Canada, c'est au Québec que s'installe la
très grande majorité des sièges sociaux de filiales françaises. L'année
dernière, les échanges commerciaux de biens entre le Québec et la France se
chiffraient, comme le rappelait le chef de la deuxième opposition, à 3,7 milliards,
une hausse de près de 4 % par rapport à l'année 2012. Cela fait de la
France le troisième partenaire économique du Québec. Il nous faut donc
continuer sur cette lancée en créant des conditions encore plus propices à la
fructification de ces échanges, à la mobilité des capitaux, des entrepreneurs
et des étudiants.
L'accord de
libre-échange canado-européen doit aussi être l'occasion d'une croissance
marquée dans nos relations économiques. Au Québec, la place occupée par les
PME, les petites et moyennes entreprises, est considérable. Notre filet
industriel est très diversifié. Ces PME fournissent 87 % des emplois à
notre économie et se projettent maintenant sur la scène mondiale avec beaucoup
de succès. Cela doit continuer. Ces entrepreneurs ont besoin de se sentir
accompagnés à certains moments cruciaux de leur développement.
En France,
d'ailleurs, vous appuyez ces entreprises de diverses façons. Il faut souligner
le modèle de votre Banque publique d'investissement, lancée en 2013, à votre
initiative, qui a comme mission notamment d'accompagner des entreprises tout au
long de leur cycle de vie sur le marché national et international. Je souhaite
donc que le succès français et ce type d'initiative qui favorise l'amorçage, le
développement et l'internationalisation des entreprises puissent se poursuivre
et nous inspirer dans les décisions que nous aurons à prendre ici, au Québec.
Sur le chemin
de l'avenir, on trouve aussi beaucoup de jeunes chercheurs français et
québécois qui ne demandent qu'à utiliser leur savoir au profit de l'innovation
et du développement. Il faut rappeler la particularité de la relation
France-Québec, qui se définit et se tisse depuis longtemps dans les
laboratoires, dans nos universités respectives. C'est la France et le Québec
qui diplôment le plus grand nombre de doctorats en cotutelle au monde. Ces
doctorants, toujours plus mobiles, encadrés par des maîtres du Québec et de
France, sont les maillons de cette société du savoir que nous désirons toujours
plus forte, plus prometteuse.
Cette
coopération doit aussi soutenir l'esprit d'innovation qui permettra l'éclosion
de jeunes entreprises dynamiques créatrices d'emplois et projettera nos
économies vers des secteurs de pointe respectueux de notre planète, parce qu'il
faut le dire, M. le président, sous votre quinquennat, les questions
environnementales occupent une place de choix. Si vous et moi sommes plus que
favorables au réchauffement de nos relations France-Québec, il en va autrement,
évidemment, du réchauffement climatique.
À la fin de
l'année prochaine, Paris sera l'hôte de la 21e conférence des Nations unies sur
le climat. C'est un événement important pour la France, pour l'humanité, et
vous avez d'ailleurs parlé, à juste titre, d'une responsabilité historique de
la France. Votre envoyé spécial pour la protection de la planète, Nicolas
Hulot, est d'ailleurs venu au Canada et au Québec récemment pour ouvrir des
chemins de discussion. Nous reconnaissons en lui le porteur d'un des dossiers
les plus importants de ce siècle. Il faut prendre, aux niveaux national et
international, des décisions nécessaires pour lutter par tous les moyens
possibles contre le dérèglement climatique.
Le Québec a
marqué son désaccord avec le Canada, qui, malheureusement, fut le premier État
à se retirer du Protocole de Kyoto. L'Assemblée nationale, cette Assemblée, a
voté à l'unanimité afin de réaffirmer son engagement aux efforts entrepris à
Kyoto. Les Québécois sont profondément attachés à la protection de leur
environnement. Vous l'avez sûrement remarqué, pas plus tard que ce matin, notre
grand fleuve, celui-là même qu'emprunta Samuel de Champlain en 1608, est source
de fierté et de richesse. Ce fleuve Saint-Laurent, qui traverse le temps, notre
histoire, notre territoire, est notre ouverture sur le monde. Il nous rappelle
chaque jour l'importance de veiller à la protection de la planète. Nous
souhaitons donc une conférence de Paris inspirante.
À cet égard,
nous partageons le souhait exprimé par votre gouvernement, à savoir que cette
conférence en sera une d'engagement et non pas de laïus. La synthèse du
rapport, d'ailleurs, du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du
climat, publié dimanche, nous rappelle l'urgence d'une mobilisation immédiate
de tous les décideurs, sans quoi, malheureusement, ces impacts seront
irréversibles.
M. le président,
dans ce monde en pleine évolution où les défis se complexifient, où les repères
changent sans crier gare, dans un monde qui ne cesse de se redéfinir, la
pérennité de la relation directe et privilégiée entre la France et le Québec
prend toute sa valeur. M. le président, on le sait, une amitié a toujours
besoin d'être entretenue. Rien ne doit jamais être tenu pour acquis de part et
d'autre. Bien que le passé soit souvent garant de l'avenir, il importe de
prendre soin de cette relation si particulière. Votre présence ici aujourd'hui
est historique. Elle s'inscrit dans la lignée de ces grands dirigeants français
qui, au présent, ont compris l'avenir. Les défis du monde exigent que nous
puissions enrichir cette alliance qui a su et saura encore longtemps, j'en suis
convaincu, traverser un océan et le temps.
M. le président,
et je le dis sincèrement, longue vie à cette belle amitié.
• (10 h 50) •
Le Président
:
Je vous remercie, M. le chef de l'opposition officielle. Je vais inviter
maintenant M. le premier ministre à s'adresser à cette Chambre.
Allocution
du premier ministre du Québec, M. Philippe Couillard
M.
Couillard : M. le président de la République française, Mmes, MM. les
ministres et membres de la délégation française, M. le
lieutenant-gouverneur, M. le Président de l'Assemblée nationale, M. le premier
ministre Charest, M. le chef de l'opposition officielle, M. le chef du
deuxième groupe d'opposition, chers collègues de l'Assemblée nationale, membres
du corps diplomatique et consulaire, chers amis.
Le peuple
québécois, réuni en son Assemblée nationale, a l'honneur d'accueillir aujourd'hui
le président de la République française, M. François Hollande, accompagné d'une
importante délégation ministérielle. Il s'agit d'un moment exceptionnel dans la
riche histoire d'une relation directe et privilégiée, une relation précieuse,
fondée sur une profonde communauté de valeurs et d'intérêts, une relation ou,
au rapport étatique, se superpose un faisceau de liens, les aspirations
mutuelles de larges pans de nos populations et, en particulier, de nos
jeunesses. Mais cette relation ne saurait être tenue pour acquise. Elle doit
s'incarner dans l'action, exprimer nos objectifs de développement et nos
priorités communes. Pour cela, elle doit se construire de façon permanente et
elle ne pourra se construire qu'autour de défis concrets parmi tous ceux que
nous partageons.
Le Québec est
confronté aux enjeux auxquels font face la plupart des sociétés de l'Occident.
Il doit notamment montrer plus de rigueur dans la gestion de ses finances
publiques. Dans le même élan, il doit stimuler la croissance et relancer l'emploi.
Je sais que la France cherche aussi cette combinaison équilibrée entre ces deux
facteurs indissociables de l'équation que nous devons résoudre. Redressement et
relance sont les deux moteurs de notre ambition, celle de faire en sorte que la
prochaine génération soit aussi libre d'agir que la nôtre l'a été. Il
appartient à l'État de libérer les énergies, de créer un terreau qui favorise l'investissement,
d'entretenir un écosystème où les entrepreneurs, créateurs, scientifiques, gens
de métiers puissent exprimer tous leurs talents. Voilà, en effet, le plus grand
atout de nos sociétés, encore plus que nos ressources naturelles et les
avantages de notre géographie : le talent des gens de chez nous, sur
lequel nous devons prendre appui pour relever nos défis communs, tracer
ensemble les pistes qui mènent vers un meilleur avenir. Le lien qui nous unit,
direct et privilégié, a démontré ce qu'il faut de souplesse, ce qu'il faut de
polyvalence, ce qu'il faut de force d'innovation pour s'adapter et répondre aux
défis de l'heure. Ces institutions sont rodées, mettons-les encore à
contribution.
Le premier de
nos défis communs, c'est celui de la prospérité, une prospérité durable à
développer maintenant pour toutes et tous et pour les générations qui nous
suivront. Et nous savons que, sur un tel horizon, notre développement et notre
prospérité passent par l'éducation. Ils passent par la recherche et par
l'innovation. Ils passent aussi par une culture et des attitudes qui valorisent
l'entreprenariat et l'initiative. La création du savoir et des idées neuves, de
celles qui font les percées, de celles qui recomposent nos perceptions est
fondée sur l'échange. La circulation des connaissances, le croisement des
expertises et la mobilité aident et stimulent la création. Il nous faut, en
somme, un partenariat renouvelé en sciences, en recherche et en enseignement
supérieur. Nous contribuerons ainsi de surcroît au statut du français comme
langue de recherche, de science et d'enseignement.
Je sais par
ailleurs la France résolue tout comme nous à accroître et à diversifier nos
échanges commerciaux. Nous devons, dans ce but, susciter des maillages et des
investissements croisés dans les industries de l'avenir : aérospatiale,
industrie numérique, énergie, mobilité électrique, développement durable et
technologies vertes. Cet espace que nous cultivons depuis plus de 50 ans a
produit un environnement et des réseaux propices aux affaires. Déjà, nos
échanges représentent plus de 40 % du commerce de biens entre la France et
le Canada et se distinguent par un niveau technique élevé, par l'innovation, la
compétitivité et l'excellence, mais il nous faut aller plus loin. La
considérable délégation d'affaires qui vous accompagne, M. le président,
illustre le potentiel de croissance que recèlent nos relations économiques. Les
jeunes entrepreneurs particulièrement seront appelés à jouer un rôle majeur à
cet égard et à prendre la relève des leaders d'aujourd'hui qui ont forgé cette
relation exemplaire.
L'accord
économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne est de
nature à offrir à nos entreprises françaises et québécoises des perspectives,
des occasions, des rendez-vous, des créneaux tout en conservant une vigilance
de tous les instants sur la question de la diversité des expressions
culturelles. Nous y voyons aussi l'occasion de tirer parti de notre histoire et
de notre géographie centrées sur le fleuve Saint-Laurent et la nordicité.
Je souhaite que
la France et le Québec établissent une coopération dans certains des domaines
que couvrira notre nouvelle stratégie maritime. Celle-ci vise à développer de
façon durable l'immense territoire maritime du Québec. Elle consiste notamment
à accroître l'importance du Québec dans son rôle de plaque tournante logistique
de la manutention des marchandises en Amérique du Nord. Nous pourrions ainsi
mieux exploiter les débouchés qu'offrira l'accord de libre-échange et profiter
de la forte croissance prévue du transport maritime. C'est dans ce contexte que
nous vous proposons, M. le président, la mise sur pied d'un projet commun, soit
une coopération franco-québécoise pour la recherche maritime dans toutes les
disciplines qui y sont liées, de l'océanographie à la biologie marine. Il
s'agit d'un domaine dans lequel la France a acquis un niveau d'excellence
reconnu partout et auquel nos institutions de haut savoir ont aussi contribué
de façon notable. Nos ancêtres communs sont venus par le Saint-Laurent,
établissant sur ses berges une société francophone qui vous accueille
aujourd'hui. Après y avoir établi l'agriculture, le commerce, aujourd'hui,
l'économie du XXIe siècle, voilà une belle occasion de mieux connaître, de
mieux comprendre ensemble «le chemin qui marche», comme le disaient les
Premières Nations.
Le Plan Nord
est une autre facette de notre dialogue, un projet pensé comme un tout, une
référence de développement nordique socialement responsable et durable, auquel
la France a manifesté un grand intérêt à s'associer, et ce, dans toutes ses
dimensions, un projet qui inclura les peuples autochtones, leur désir de
participer, tout en préservant leur culture unique.
J'ai la
conviction que le Québec et la France pourraient renouveler l'initiative
commune décidée par les gouvernements en octobre 2011 pour établir un nouveau
programme de travail sur ce grand projet d'avenir. Déjà, il existe une
coopération scientifique sur l'Arctique entre le Centre national de la
recherche scientifique et l'Université Laval. Je viens d'ailleurs d'assister,
ce matin, en votre compagnie, M. le président, à une présentation de l'Unité
mixte internationale Takuvik. Il est évident que la recherche forme une
dimension essentielle à l'acquisition des connaissances sur ce vaste territoire,
et c'est sur ce modèle que nous pourrions bâtir notre collaboration scientifique
dans le domaine maritime également.
La main-d'oeuvre,
le savoir-faire, la compétence et le talent sont aujourd'hui la principale
richesse des nations. C'est tout l'intérêt de l'entente Québec-France en
matière de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, qui
vise un bassin commun de ressources humaines. Par ailleurs, nos diplomaties ont
exercé une action décisive dans la conception et la mise en oeuvre d'un
instrument qui a pour vocation de rééquilibrer les obligations liées aux accords
de commerce. Il consacre en outre le droit des États de se doter de politiques
culturelles qui leur sont propres. En effet, l'adoption de la convention de
2005 sur la promotion et la protection de la diversité des expressions
culturelles témoigne avec éloquence de ce que nous pouvons accomplir lorsque
nous conjuguons nos efforts et nos réseaux d'influence au service d'une cause
commune, une cause qui nous est d'autant plus chère qu'elle touche à l'identité
de nos peuples.
L'effervescence
créatrice de la sphère culturelle franco-québécoise embrasse toutes les
disciplines, du multimédia à la littérature, des arts visuels à la chanson, au
cinéma ou encore aux arts de la scène. Le développement d'un contenu
francophone dans l'univers numérique est aussi un nouvel enjeu majeur. Au
moment où la place toujours grandissante qu'occupe le numérique dans la sphère
culturelle transforme la création, la production, la diffusion des oeuvres,
toutes disciplines confondues, le Québec et la France doivent chercher ensemble
de nouvelles voies de développement en ces matières.
S'il est un
levier à la puissance insoupçonnée et dont on est loin d'avoir fait le plein
des possibilités, c'est cette grande institution qu'est la francophonie. La francophonie
peut mettre à contribution un immense potentiel de mobilisation, de
concertation et d'influence pour intervenir de façon déterminante sur une scène
mondiale qui profitera de l'action concertée de cet acteur d'envergure. De
cette francophonie, nous attendons qu'elle engage son dynamisme, la jeunesse de
ses populations et ses multiples réseaux de solidarité pour faire face aux
crises importantes d'aujourd'hui et de demain.
• (11 heures) •
Nous préparons
la 15e conférence des chefs d'État et de gouvernement des pays ayant le
français en partage, à Dakar, sur le thème Femmes et Jeunes en Francophonie:
vecteurs de paix, acteurs de développement. Il s'agit d'une convergence
unique alors que doivent être décidées la succession du secrétaire général de
la Francophonie, M. Abdou Diouf, les orientations du cadre stratégique et l'adoption
d'une stratégie économique.
Par ailleurs, à
la très attendue Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies
sur les changements climatiques, à Paris, en 2015, l'objectif cardinal sera l'adoption
d'un nouveau régime climatique. Ce régime sera applicable à toutes les parties
et devra succéder au Protocole de Kyoto entré en vigueur en 2020. Lors de cette
conférence, le Québec souhaite faire valoir l'importance de fixer un prix pour
le carbone. À la lumière de son entente avec la Californie portant sur les
systèmes de plafonnement et d'échange des émissions de dioxyde de carbone, il
importe d'illustrer ainsi la forte contribution de nos États à un effort
planétaire indispensable, un effort qui prend un caractère encore plus urgent à
la lumière du récent rapport du groupe d'experts sur le climat.
Le secrétaire
général des Nations unies Ban Ki-moon l'a bien dit, il ne peut y avoir de plan B,
car il n'y a pas de planète B. Nous avons vu, ce matin, les conséquences
visibles du changement climatique sur l'écosystème arctique. Il faut clairement
agir de façon concertée. Il importe pour nous de favoriser l'échange
d'expertises et de bonnes pratiques en matière de développement des marchés du
carbone en vue de leur éventuelle liaison. Nous avons inscrit les enjeux
climatiques à l'ordre du jour des forums intergouvernementaux canadiens, et
j'ai invité mes homologues à un sommet sur le sujet au mois d'avril 2015.
Au sommet des
Nations unies sur le climat, en septembre dernier, le Québec a appuyé la
création d'une initiative qui vise à consigner les différentes cibles de
réduction des gaz à effet de serre des gouvernements infraétatiques et à en
présenter le suivi. Le Québec entend promouvoir cette initiative auprès de ses
différents partenaires et favoriser une contribution plus soutenue des États
fédérés, des régions et des autorités locales dans la mise en oeuvre du futur
accord de Paris de 2015.
Au-delà de
certains seuils, estime-t-on, le climat peut se dégrader très rapidement.
J'appliquerais la même métaphore à l'émergence d'une volonté politique claire.
Nous assistons à une intense diplomatie climatique. Le processus politique est
complexe, mais je suis persuadé qu'une fois franchi un seuil sur le plan des
consensus et de la conscience collective tout peut et tout devra aller très
vite, plus vite. Les régions, les États fédérés, les grandes villes peuvent
être des catalyseurs, des accélérateurs et tracer la voie à suivre. Il faut le
redire, la lutte contre les changements climatiques et le développement
économique peuvent et doivent coexister, un développement pour ce siècle, une
économie nouvelle, différente, mais tout aussi créatrice de croissance et d'emplois.
M. le président
de la République, le Québec a indéniablement, et sur de nombreux fronts, une
forte connivence avec la France qui facilite la mise en oeuvre d'initiatives
communes. L'ambition de nos projets, leur diversité, les retombées concrètes
qui en sont attendues mettent en relief le caractère très actuel de cette
relation, une relation fraternelle, une relation d'exception et plus que jamais
directe et privilégiée. Je vous remercie.
Le Président
:
Merci, M. le premier ministre. J'inviterais maintenant M. le président de la
République française à venir s'adresser à l'Assemblée nationale du Québec. M.
le président.
Allocution
du président de la République française, M. François Hollande
M. Hollande
(François) : M. le Président de l'Assemblée nationale, M. le premier
ministre, M. le premier ministre Charest, Mmes et MM. les ministres, M. le chef
de l'opposition officielle, M. le chef du deuxième groupe d'opposition, Mmes,
MM. les députés, mesdames messieurs.
C'est un
honneur mais aussi un bonheur que de pouvoir m'adresser ici, devant vous, à
l'Assemblée nationale du Québec, et, au-delà de vous, de m'exprimer avec les
mots qui sont les miens pour que les Québécois eux-mêmes puissent entendre la
voix de la France. Je le fais avec un sentiment d'émotion et de gravité parce
que je mesure ce qu'ont été les événements tragiques qui ont frappé le Canada
et le Québec, à Saint-Jean-sur-Richelieu, le 20 octobre, puis à Ottawa, le 22.
Mes pensées vont aux familles, bien sûr aussi aux forces de l'ordre canadiennes
et québécoises.
Je sais ce que
c'est que le terrorisme. La France a connu de telles épreuves, à la fois à
l'extérieur de ses frontières lorsque des ressortissants sont enlevés,
assassinés après avoir été pris en otages, ou ce qu'est le terrorisme à
l'intérieur même du pays, lorsqu'il y a des actes odieux qui sont commis, y
compris par des ressortissants français contre d'autres ressortissants français.
Face au terrorisme, nous devons affirmer une constante fermeté et en même temps
un invincible attachement à la démocratie, à la liberté, à la dignité humaine.
Mesdames et
messieurs, la relation entre la France et le Québec, nous cherchons les mots
pour la qualifier. Je choisirai le plus simple des mots : cette relation,
elle est unique. Nous l'avons forgée tout au long de l'histoire. Un peu plus de
400 ans nous séparent de la fondation de votre capitale sur ce site extraordinaire
du cap Diamant par Samuel de Champlain. Il y a plus de 250 ans était signé le
traité de Paris, et l'original fut exposé ici même, au Musée de la
civilisation, le mois dernier. Et je sais que beaucoup de Québécois sont venus
pour, si je puis dire, le rencontrer avant qu'il ne reparte.
L'histoire,
c'est aussi le courage des Québécois qui ont traversé l'océan à deux reprises,
au siècle dernier, pour libérer l'Europe du joug nazi. Je veux saluer les
soldats du régiment du Royal 22e lors du premier conflit mondial, ceux du
Régiment de la Chaudière lors du débarquement en Normandie. La France sait ce
qu'elle leur doit. Elle ne l'oubliera jamais. Et c'est pourquoi, au-delà de
tout et, justement, par l'histoire, vous êtes et vous serez toujours nos
frères.
Le passé
éclaire l'avenir, mais à une condition : que l'on soit capables de l'expliquer,
de le transmettre aux nouvelles générations, de dire ce qu'est la mémoire que
nous partageons, de rappeler ce que sont des lieux comme des visages, ce que
sont les origines communes des familles. Notre amitié, elle n'est pas fondée
sur une nostalgie, avec des regrets sur ce qui aurait pu se passer il y a 400
ans. Non, notre amitié, elle se nourrit d'une langue, d'une langue commune qui
porte des valeurs, d'une culture qui fait notre fierté et d'une même volonté de
progrès. Ce que nous partageons aussi, c'est un esprit de conquête. La France
et la Nouvelle-France sont intimement mêlées.
Il y a 50 ans
étaient définis les instruments de la coopération entre la France et le Québec,
c'était l'entente sur un programme d'échange dans le domaine de l'éducation et
puis aussi l'entente sur la coopération culturelle. Aujourd'hui, il y a 124
accords entre la France et le Québec. C'est dire si nous sommes allés loin,
pouvant maintenant toucher et appréhender l'ensemble des domaines d'intérêt
commun : l'économie, la science, l'éducation, le droit. Mais, si nous
voulons garder une constante entre tous ces domaines, c'est celle de la mobilité,
c'est celle de l'échange, c'est celle des mélanges d'expériences de jeunes, de
professionnels qui enrichissent le Québec et la France.
• (11 h 10) •
Au plan
politique, depuis 1977, se succèdent ce qu'on appelle les rencontres alternées
au niveau des premiers ministres. Elles ne se sont jamais interrompues, et
pourtant, à ma connaissance, il y a eu des alternances et au Québec et en
France. Et finalement, quels que fussent les partis qui ont pu à un moment
diriger et quelle qu'ait été leur position, jamais ils n'ont remis en cause
cette procédure et ces institutions. Et c'est dans ce cadre-là que nous
accueillerons à Paris, l'an prochain, le premier ministre Philippe Couillard.
Et nous avons aussi eu à envoyer Jean-Marc Ayrault , c'était l'année dernière,
Québec et Montréal, pour qu'il puisse s'inscrire dans cette tradition.
Mais, si je
suis là aujourd'hui, au-delà de l'amitié, au-delà de l'histoire, au-delà des
échanges, c'est pour donner une nouvelle impulsion à notre relation et, donc,
de moderniser l'édifice de la coopération franco-québécoise parce que le monde
a changé, parce que nos sociétés font face à des défis. Nous les
connaissons : la croissance durable, le développement des technologies, la
diversité culturelle, la transition énergétique, la préservation de la planète.
Nous ne pouvons plus, donc, faire comme si les liens que nous avions tissés,
les institutions que nous avions fondées puissent continuer à être alors même
que le monde change à cette vitesse. Donc, la France et le Québec doivent
relever les enjeux qui sont aujourd'hui en face de nous.
L'accord
économique et commercial global conclut entre le Canada et l'Union européenne
offrira un nouveau cadre à nos échanges économiques. La France a rappelé
qu'elle était favorable non seulement à la signature, mais à la ratification
rapide de cet accord de manière à ce qu'il puisse entrer en vigueur également
dans un délai court. Vous m'avez dit, M. le premier ministre, que vous êtes
ouvert aux échanges, que vous croyez à la force du commerce extérieur. J'y suis
d'autant plus sensible que le commerce extérieur entre la France et le Québec
est équilibré, je n'ose pas dire excédentaire, donc… — pour la France — donc,
nous avons tout intérêt à ce qu'il puisse se développer encore.
150 entreprises
québécoises sont implantées en France. Je souhaite qu'il y en ait d'autres. Les
entreprises québécoises implantées en France ont eu de merveilleuses réussites
et continuent à nourrir des projets. Elles sont donc les meilleurs témoins de
ce que l'on peut faire en France, et pas simplement parce qu'on parle la même
langue.
À l'inverse, la
présence française au Québec s'est renforcée, ces dernières années, et la
France est le premier investisseur étranger au Québec. Vous allez me
dire : Les Français ne sont pas des étrangers au Québec. Nous ne devrions
même pas figurer dans ce classement, même à la première place. Mais j'encourage
aussi les entreprises françaises — et elles m'ont
accompagné — à venir investir ici parce qu'il y a, là encore, de
nouvelles frontières technologiques, économiques, industrielles que nous devons
repousser.
Vous avez deux
grands objectifs. Tout pays, toute nation, toute entité, toute région doit
toujours avoir une vision de ce qu'est son destin. Vous, c'est le Plan Nord et
la stratégie maritime du Québec. La France, si vous l'acceptez, sera partie
prenante de vos aventures pour le Plan Nord, de l'exploitation, dans le souci
du respect de la planète, de ces immenses richesses, avec aussi conscience
qu'habitent là des hommes et des femmes qui veulent également être acteurs de
leur propre développement.
Vous m'avez
également alerté sur la stratégie maritime que vous voulez engager pour le
Québec. La France dispose du deuxième espace maritime au monde. C'est aussi un
legs de l'histoire, présence sur l'ensemble des continents. C'est une chance
considérable et une responsabilité. La responsabilité, c'est de faire en sorte
que cette mer puisse être également préservée des dégradations. Et, en même
temps, cette chance, c'est de pouvoir utiliser la mer comme une ressource, une
ressource essentielle pour les richesses qu'elle contient, les minerais,
également l'énergie qu'elle peut développer par ses propres marées et sans
qu'il en coûte quoi que ce soit. Donc, nous devons nous associer, nous lier
l'un à l'autre pour que la stratégie maritime du Québec corresponde également à
la volonté d'un développement maritime de la France. Et, rien que pour cette
raison-là, nous devons mettre en commun autant qu'il sera possible nos
instituts de recherche et nos entreprises les plus performantes en matière de
stratégie maritime.
Montréal, où je
serai tout à l'heure, est la ville la plus française des Amériques.
100 000 de mes compatriotes y résident, et ils sont chaque année plus
nombreux, et j'en suis heureux. Je dis souvent : Il y a des esprits
chagrins en France — vous n'êtes pas exposés à ce type de
vicissitude, vous, ici, au Québec — qui pensent que c'est un malheur
quand un Français va s'installer au Québec, à Montréal pour étudier, pour
chercher, pour investir, pour entreprendre. Je considère que c'est une chance.
C'est une chance parce que nous savons bien que les créations d'emplois qui se
feront ici, au Québec, seront accompagnées de créations d'emplois en France.
C'est une chance parce que ces personnes reviendront et pourront également
contribuer à la croissance de mon propre pays. Alors, ces compatriotes que je rencontrerai
également tout à l'heure apportent à notre relation une expérience, une
familiarité, une confiance qui doivent être mises au service de la réalisation
de projets toujours plus innovants.
L'enjeu, je
l'ai rappelé, c'est la mobilité, mobilité entre la France et le Québec. Nous
devons donc la faciliter, cette mobilité. Déjà, nous y avons travaillé en
matière de sécurité sociale par les ententes que nous avons conclues, par les
reconnaissances mutuelles de qualification, et ce n'était jamais facile.
Aujourd'hui, ça concerne 42 métiers, 25 professions réglementées, ce
qui veut dire que le travail que nous avons mené, le partenariat que nous avons
noué donnent à la France et au Québec un temps d'avance sur le dispositif qui
sera mis en place dans quelques années entre le Canada et les états membres de
l'Union européenne. C'est un bel exemple.
Nous devons
toujours être en avant-garde. Ce qui doit faire la relation entre la France et
le Québec, c'est d'être en avance. Ce n'est pas de regarder l'histoire, elle
nous oblige, c'est de faire que nous soyons en avance par rapport à l'avenir.
Et comment l'être sinon en étant attentifs à l'égard de la jeunesse? La
jeunesse, elle est au coeur de la relation entre la France et le Québec. C'est
pour la jeunesse qu'il y a des années les plus anciens se sont engagés au nom
de leurs responsabilités. Je veux saluer à cet égard le travail qui a été mené
par l'Office franco-québécois pour la jeunesse. Depuis sa création, il a fourni
un accompagnement souvent professionnel à plus de 170 000 jeunes
Français et Québécois.
Un jeune
cinéaste québécois, Xavier Dolan, qui a connu un succès fulgurant, qui nous
interroge sur la précocité en matière artistique, capable, à 25 ans, de
recevoir le grand Prix du jury du Festival de Cannes en mai dernier… Et encore,
certains ont considéré que c'était une injustice, il aurait dû avoir la Palme
d'or. Mais, à 25 ans, on peut attendre. Mais lui-même nous a adressé, si
je puis dire, un avertissement et un encouragement : Tout est possible à qui
rêve, ose, travaille et n'abandonne jamais. Je pense que cet encouragement vaut
pour de multiples causes et est assez universel.
Je souhaite
donc encourager toutes les initiatives qui permettront de rapprocher nos deux
sociétés, qu'il s'agisse d'engagement social, civique, de création artistique,
d'innovation et d'entrepreneuriat. Il est possible, vous l'avez rappelé, de
faire des sociétés aux capitaux desquels il y a des Français et des Québécois,
et même pour de grands voyages. Je veux donc que nous puissions développer
encore notre coopération universitaire et scientifique.
• (11 h 20) •
Je rappelle
qu'il y a 4 500 thèses qui ont été présentées dans le cadre de la
cotutelle franco-québécoise. Il y a trois unités mixtes qui ont été créées, à
la pointe de la recherche internationale. Et nous venons, M. le premier
ministre, d'en visiter une formidable, sur le programme pour l'Arctique, avec à
la fois un cri, une alerte : Attention à ce qui se produit avec le
réchauffement climatique! et qui exige que nous puissions, après le constat du
GIEC, être à la hauteur de nos responsabilités, et, en même temps, qui est
aussi un formidable moyen d'y faire face grâce aux talents de nos chercheurs.
Je souhaite
aussi que les accords qui ont été passés entre les universités en France et au
Québec puissent demeurer et puissent même être multipliés. C'est un sujet dont
j'ai longuement parlé au premier ministre. Je sais combien les difficultés
budgétaires, ici comme ailleurs, obligent à faire des choix. Faut-il qu'ils soient
bons, c'est toute la difficulté de l'entreprise dans laquelle nous sommes engagés.
Nous sommes amenés à réduire un certain nombre de nos dépenses, à en préserver
d'autres et, en même temps, nous devons veiller à ce que ce soit toujours
l'avenir qui soit préservé. Mais vous n'entendrez pas de ma part la moindre
critique sur l'enjeu du sérieux budgétaire; nous y faisons face, et pas parce
qu'une autorité nous le demanderait, tout simplement parce que c'est notre responsabilité.
Donc, nous
avons pu avancer sur des principes qui nous permettront de garder cette
spécificité qui permet à des étudiants français de venir ici, au Québec, comme,
d'ailleurs, à des étudiants québécois de pouvoir venir en France, dans les universités
et dans les grandes écoles. La spécificité n'est pas un privilège. La
spécificité, c'est la reconnaissance de notre amitié.
Nous avons, Québec
et France, une haute idée de la culture, et c'est vrai qu'elle est d'autant
plus belle, la culture, quand elle s'exprime en français. Vos talents, donc,
sont nos fiertés. Soit dans le cinéma, la chanson, le théâtre, l'art
contemporain, la peinture, vous avez de grands artistes, et, chaque fois qu'ils
connaissent le succès, nous en prenons notre part. Nous considérons que tout ce
qui se parle, s'écrit, se chante en français est aussi une reconnaissance pour
la France, même si la langue française n'appartient pas à la France. La langue
française, c'est un don que nous avons fait à l'humanité. C'est un acte de
diversité, de pluralité, de liberté que nous avons posé il y a maintenant des
siècles. Et c'est vrai que c'est, pour moi, un bonheur, comme protecteur de
l'Académie française, d'accueillir Dany Laferrière dans ce lieu si chargé de
symboles.
Je souhaite
saluer aussi les efforts que le Québec fait pour accueillir des artistes français.
Le programme Frimas, lancé par le Consulat général de France à Québec, a
contribué à faire venir 400 créateurs français au Québec. Et je vous remercie
de leur faire, là aussi, non seulement le meilleur accueil, mais le plus grand
succès. Vous-mêmes, avec la Société des arts technologiques, vous avez créé un
centre de renommée internationale consacré aux arts numériques. Le numérique va
devenir un grand enjeu, et nous devons veiller à ce que la diversité culturelle
soit enrichie par le numérique et en aucune façon entravée par le numérique ou
niée par le numérique.
Cette diversité
culturelle, à laquelle vous êtes attachés autant que nous, nous devons en faire
un élément majeur de la francophonie. En novembre prochain, là, ce mois-ci,
nous allons nous retrouver au Sommet de la Francophonie, à Dakar. Là aussi, il
nous faudra faire des choix. La francophonie doit s'ouvrir à de nouvelles
dimensions.
D'abord, l'économie.
Vous l'avez évoqué, l'économie doit être pleinement constitutive de la
francophonie. Le français est un atout pour la culture, mais aussi pour
l'échange, pour le développement, pour la croissance. Vous avez également
évoqué l'Afrique. L'Afrique est l'avenir de la francophonie, à condition aussi
que nous lui apportions, à cette Afrique, non pas simplement notre solidarité,
elle en a besoin avec ce qui se produit notamment à cause de l'épidémie Ebola,
elle en a besoin lorsqu'elle est victime de terrorisme, mais que nous puissions
apporter à l'Afrique aussi, à travers le français, le soutien de nos
universités, le soutien de nos chercheurs et également la présence de nos entreprises.
La seconde
dimension de la francophonie, c'est la jeunesse. Ce que nous avons été
capables, nous, France-Québec, d'inventer à travers cet office, nous devons en
faire finalement un modèle pour la francophonie, une référence, d'autant que la
francophonie correspond à la vitalité de pays qui connaissent une croissance
démographique.
Enfin, la
dernière dimension, c'est la lutte pour préserver notre planète. La
francophonie doit être, là aussi, d'avant-garde pour la lutte contre le
réchauffement climatique. Et la personne qui sera désignée comme secrétaire
général de l'Organisation internationale de la Francophonie, celle que nous
désignerons à la fin de ce mois doit porter avec force ces valeurs et ces
combats.
Le Québec et la
France, je le disais, doivent faire face aussi à l'enjeu numérique, et nous
nous y sommes préparés, puisqu'ici vous avez inventé un système de cours en
ligne ouvert et massif qui peut servir de référence. Et la ministre de
l'Éducation, en France, a également, à travers France Université Numérique,
contribué à enrichir ce programme et à fédérer les initiatives. Un étudiant sur
huit inscrit à cette plateforme est de l'Afrique francophone. C'est dire si
nous pouvons, à travers ces instruments, promouvoir en Afrique les
enseignements fondamentaux de nos universités.
Notre planète
est également menacée, vous l'avez parfaitement dit, M. le premier ministre,
par le réchauffement climatique. J'ai entendu vos engagements, et l'appui du
Québec sera important tout au long des prochains mois, y compris dans le débat
au sein de la fédération du Canada, mais également dans l'ensemble de ce que
les régions et les agglomérations, les collectivités locales peuvent faire en
matière de climat. Ici, vous avez été, là encore, en avant-garde. Le Québec a
noué, avec l'État de Californie, une bourse carbone et vous avez rappelé
combien le prix du carbone était un facteur, un paramètre tout à fait
déterminant pour pouvoir avancer sur la question du climat. Je sais aussi que
vous voulez nouer avec d'autres provinces, d'autres territoires des alliances
pour faire valoir les positions que vous avez pu déjà prendre et sur les
innovations que vous voulez engager. Ce sera un renfort puissant pour le succès
de cette conférence de Paris.
Nous n'avons pas
le droit d'échouer à Paris — parce que c'est à Paris, d'abord — parce
que nous nous y sommes engagés. Mais ça ne suffirait pas. Nous ne voulons pas
un succès d'estime, nous ne voulons pas simplement que ce soit la diplomatie
française qui puisse être là consacrée, même si nous avons de fort bons
diplomates en France. Mais ce que nous voulons, c'est que le monde lui-même
puisse prendre conscience qu'il est menacé et que les responsables d'aujourd'hui
auront des comptes à rendre s'ils n'ont pas pris les bonnes décisions au bon
moment.
Vous savez, il
y a des débats toujours sur la science. Il y en a toujours qui mettent en cause
un certain nombre d'évidences, de recherches, de travaux. Il y a deux réalités
incontournables que l'on sait inévitables. La première réalité, elle est
démographique. On sait aujourd'hui ce que sera la population de demain, en
fonction des taux de natalité. Et puis la deuxième réalité, c'est celle du
climat. Ce que disent les experts du GIEC, c'est que, si rien n'est fait, c'est
une élévation de la température de 3 °C en un siècle, ce que jamais notre
planète n'a pu connaître, et avec des conséquences que l'on peut déjà évaluer,
qui ne sont pas simplement des désastres, des catastrophes, qui seraient
l'impossibilité même pour des territoires de demeurer ce qu'ils sont.
• (11 h 30) •
Les cris les
plus angoissants que j'ai entendus lors de la réunion de l'Assemblée générale
des Nations unies que Ban Ki-Moon avait provoquée sur le climat, ce sont un
certain nombre de dirigeants de ce qu'on appelle les petites îles, qui nous
disent que, dans deux siècles, trois siècles, ce qu'ils sont ne sera plus. Pas
simplement des écosystèmes qui disparaîtraient; des territoires, des
populations, provoquant ainsi des migrations et la fin de la biodiversité. Voilà
l'enjeu et voilà combien il est à ce point important que nous nous mobilisions,
et je veux ici saluer les efforts du Québec.
M. le premier
ministre, M. le Président, Mmes, MM. les parlementaires, je veux conclure par
des mots simples, des mots qui viennent du coeur. Je vais vous dire tout
simplement ce que je pense de vous. Je vous suis d'abord reconnaissant pour ce
que vous avez été capables de bâtir ici, en Amérique du Nord, parce que vous
êtes un peuple fier, courageux, ardent. Vous avez fait du Québec un territoire
qui a confiance dans son avenir et qui est fier de son passé. Vous êtes ce
qu'on appelle des résistants. Mais les résistants ne veulent pas garder,
préserver. Les résistants, les vrais, ils veulent conquérir, et c'est ce que
vous avez fait pendant tous ces siècles, génération après génération. Et c'est pourquoi
vous êtes en pointe sur le plan technologies, c'est pourquoi vous avez inventé
des solutions nouvelles, vous avez regardé de nouvelles politiques pour
améliorer le bien-être de la population québécoise et puis vous avez regardé
vers le nord pour votre développement.
Vous êtes
également conscients qu'il n'y a pas de civilisation s'il n'y a pas de culture,
que la langue n'est pas simplement un patrimoine qu'il faudrait conserver, mais
un capital qu'il convient à chaque fois d'enrichir, un capital qu'il convient
de partager, un capital qui crée de la richesse, la plus belle des
richesses : la communication et la culture.
Le Québec,
c'est une chance pour la France parce que vous faites vibrer les mots de notre
langue, parce que vous faites rayonner la francophonie, parce que vous êtes
dans une démarche d'harmonie et d'apaisement. Dans cette grande Amérique, vous
mettez de l'équilibre, vous mettez de la justice, vous mettez de l'humanité.
La
Nouvelle-France est une belle France, et je veux donc vous exprimer ma
gratitude. Ma gratitude, c'est parce que vous donnez à la France ce qu'il y a
de plus beau à recevoir pour un pays, ce qu'il y a de plus glorieux pour une
nation, être aimé. Vous nous aimez. Merci d'aimer la France, elle vous aime en
retour.
(Applaudissements)
Signature du livre d'or de l'Assemblée nationale
Le Président
:
Merci beaucoup, M. le président de la République. J'ai l'honneur maintenant
d'inviter M. le président de la République française à s'avancer pour la
signature du livre d'or et la remise de la Médaille du Président de l'Assemblée
nationale. J'inviterais en même temps M. le premier ministre, M. le chef
de l'opposition officielle, M. le chef du deuxième groupe d'opposition à venir
me rejoindre ici.
Remise de la Médaille du Président de
l'Assemblée nationale
Alors, M.
François Hollande, président de la République française, en présence de tous
les parlementaires et en mon nom personnel, j'ai le plaisir de vous remettre la
Médaille du Président, plus haute distinction remise par l'Assemblée nationale
du Québec.
Le
Vice-Président (M. Ouimet)
: Alors, Mmes et MM. les députés,
veuillez vous lever et demeurer à vos places pendant la sortie du cortège. Alors,
je vous remercie. Et voilà qui met un terme à cette cérémonie protocolaire de
la visite du président de la République française. Merci, et à plus tard.
(Fin à 11 h 38)