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Point de presse de M. Éric Caire, porte-parole du deuxième groupe d'opposition en matière de santé

Version finale

Monday, November 17, 2014, 10 h 15

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Dix heures dix-sept minutes)

M. Caire : Alors, bonjour, tout le monde. Aujourd'hui, on voulait faire part de nos commentaires concernant la fin des audiences publiques sur le projet de loi n° 10. D'abord, je pense qu'il n'est pas inutile de préciser que le réseau actuel, la structure du réseau actuel a échoué à donner des services, une accessibilité décente aux Québécois. Et donc il est effectivement fondamental de revoir la gouvernance et la façon dont le réseau est structuré. Par contre, il faut aussi admettre que le ministre Barrette, peut-être parce qu'il a pris pour acquis certaines choses, a été un très, très, très mauvais vendeur pour son projet de loi.

Tout au long des audiences publiques, on l'a entendu affirmer des choses qui semblaient, pour lui, aller de soi, alors que, pour l'ensemble de la communauté, l'ensemble de la population, c'était vraiment des nouvelles, des révélations. Et donc je pense qu'il a pris pour acquis que les gens avaient la même vision que lui par rapport au projet de loi. Malheureusement, son projet de loi, dans la façon dont il est fait, donnait d'autres signaux à la population, et il va être important de clarifier beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses.

Dans ce sens-là, la Coalition avenir Québec voit, dans le projet de loi, un potentiel intéressant, notamment par l'abolition des agences, clairement, la réduction du nombre de structures. Ça ouvre la porte à une réduction de la bureaucratie, de la paperasse, qui est importante et qui est fondamentale, parce qu'elle monopolise des ressources dont on a besoin pour donner des soins. Ça permet aussi, cette proposition-là qui est faite par le gouvernement, une meilleure intégration des services et une simplification, pour le patient, de son parcours à l'intérieur du réseau de la santé qui est bénéfique, qui va, j'espère, augmenter l'efficacité et donc la prestation de services aux citoyens. Et ça, c'est un élément important… c'est un élément, c'est-à-dire, intéressant du projet de loi.

Par contre, il y a des propositions qui sont faites par le ministre, qui, à notre avis, sont totalement inacceptables. D'abord, les pouvoirs du ministre sont exponentiels.Ce n'est pas nécessaire. Il y a un danger réel, sincère de politiser le réseau de la santé comme jamais. Le ministre se donne un pouvoir de nomination qui est largement excessif par rapport aux objectifs du projet de loi. Et, dans ce sens-là, nous allons demander des amendements, notamment sur le fait que le P.D.G. des CISSS soit nommé par le conseil d'administration et non pas par le ministre. Que ce P.D.G. là ait le loisir de nommer son adjoint, on pense que c'est le simple gros bon sens. Aussi, le ministre dit : Les nominations seront faites à l'intérieur d'une liste, mais, si la liste ne fait pas mon affaire, j'ai la prérogative de ne pas m'en occuper. Cette disposition-là doit être abolie pour éviter absolument, de façon très transparente, toute possibilité pour ce ministre ou les suivants de se livrer à des nominations qui seraient purement politiques et qui n'auraient pas pour objectif de rendre le réseau et les conseils d'administration plus efficaces.

Les CISSS, tels que proposés, sont, dans plusieurs cas, beaucoup trop grands. Ça amène une difficulté administrative et une possibilité non négligeable de rebureaucratisation, ce qui n'est pas souhaitable. Et on l'a entendu à plusieurs reprises pendant les auditions de la commission parlementaire, où, suite à la réforme de Philippe Couillard, oui, le nombre de cadres avait diminué, mais après ça on avait vu ce nombre de cadres là revenir, réaugmenter de façon exponentielle. Donc, il va être important de garder les CISSS à une taille qui… ce qui nous a été proposé, aux alentours de 500 000. Donc, nous allons demander au ministre de redessiner la carte, de scinder plusieurs CISSS de façon à respecter ce nombre-là de 500 000 personnes, plus ou moins. Ça va être extrêmement important, puis c'est une question d'efficacité, là, c'est une question d'efficacité. Ça ne donne rien de créer des grandes structures en disant : On veut réduire l'administration si, au final, ces grandes structures-là obligent à réembaucher tellement de cadres que, finalement, on n'a rien gagné.

Il va être important aussi que l'usager se retrouve dans le réseau de la santé, et, dans ce sens-là, avoir des comités d'usagers locaux. Ça nous apparaît être une très bonne idée pour faire en sorte que le patient ne se perde pas là-dedans, ne perde pas sa voix là-dedans et ne perde pas non plus sa capacité à se faire entendre et se faire reconnaître. Donc, on souhaite que le projet de loi prévoie qu'on puisse laisser aux usagers des comités locaux qui pourront les aider dans leur cheminement.

Ça nous a été dit à plusieurs reprises : La réforme de Philippe Couillard n'a pas fonctionné. Et on a demandé à plusieurs reprises au ministre : Qu'est-ce qui n'avait pas fonctionné? Et nous-mêmes, on a interrogé le ministre là-dessus, et il est incapable de le dire.

Donc, ça va être extrêmement important qu'il y ait un comité de vigilance. Et nous, on suggère que le Vérificateur général et/ou la Protectrice du citoyen puissent périodiquement s'assurer que la réforme va dans le bon sens, mais surtout, surtout que les patients, les usagers soient au coeur de cette réforme-là, qu'ils ne soient pas laissés pour compte et qu'ils ne deviennent pas les victimes de la réforme, mais qu'ils deviennent bel et bien les bénéficiaires de cette réforme-là, parce que, fondamentalement, c'est pour eux qu'on veut réformer le système de santé.Donc, que le Vérificateur général et la Protectrice du citoyen puissent se pencher périodiquement sur l'état d'avancement et la situation de la réforme nous apparaît essentiel pour avoir un son de cloche qui est professionnel, neutre et objectif.

Au niveau de l'administration, on pense que, dans les conseils d'administration, il y a un problème. D'abord, le ministre nomme tout le monde, et on l'a bien dit, hein, il peut aller à l'extérieur des listes. Donc, ça, je le répète, on doit abolir cette possibilité-là, pour le ministre, de ne pas se référer à une autorité… une autre autorité pour avoir certains profils de compétence.

De plus, on pense qu'au sein du conseil d'administration il manque un profil de compétences de gestionnaire. Alors, il y a beaucoup de personnes qui ont des connaissances très particulières de gestion, que ce soit en ressources humaines, par exemple, mais un profil de gestionnaire, au sens plus large, à notre avis, manque, surtout quand on parle d'un conseil d'administration pour des organisations de cette importance-là. Ce serait un acquis, je pense, pour le conseil d'administration.

Les médecins sont venus nous faire part de leurs préoccupations. Les décisions médicoadministratives doivent pouvoir rester locales, et, dans ce sens-là, on pense que les comités de médecins, pharmaciens et dentistes devraient garder une dimension locale. Donc, on sait qu'il va y en avoir un qui va être créé au niveau du CISSS, mais on pense que, dans les divisions actuelles, dans les établissements actuels, il devrait y avoir un CMDP local capable de s'assurer d'abord de la qualité de l'acte médical — parce qu'il ne faut pas perdre de vue que c'est aussi une fonction des CMDP — et qu'on puisse, au niveau médicoadministratif, prendre des décisions rapides, localisées et en fonction des réalités du terrain. Donc, ça, pour nous, ce serait un plus important.

On l'a entendu beaucoup, les systèmes informatiques, l'intégration des systèmes informatiques va être la pierre d'achoppement de cette réforme-là, et on le croit aussi fondamentalement. Il y a plusieurs établissements qui ont toutes sortes de systèmes informatiques qui ne se parlent pas nécessairement, qui ne sont pas nécessairement intégrables dans un ensemble plus large. Donc, il faut profiter de cette réforme-là pour intégrer les systèmes informatiques parce que, dans un système de santé moderne, on doit avoir l'information complète, on doit l'avoir en temps réel et on doit avoir une information qui est fiable, ce qui n'est pas le cas présentement, surtout considérant les transformations qui seront faites dans le futur. Donc, le ministre doit absolument avoir un plan pour intégrer l'ensemble de ces systèmes informatiques là, sinon ça va être le chaos et non seulement on ne gagnera pas en efficacité, mais il va y avoir une perte d'efficacité, il va y avoir une perte de contrôle, et là on va se ramasser avec une réforme qui va aller dans toutes les directions. Et, s'il y a un élément sur lequel le ministre doit être extrêmement vigilant, c'est l'intégration de ces systèmes d'information.

Le ministre a répété à plusieurs reprises : Écoutez, c'est un projet de loi transitoire, c'est un projet de loi transitoire, c'est un projet de loi transitoire. Sauf que nulle part ce n'est écrit dans le projet de loi. Donc nous, on voudrait que les articles transitoires soient clairement identifiés et qu'on y ajoute des clauses crépusculaires. Je vous donne un exemple très précis : Sur lesdites… les nominations faites par le ministre, bien, si c'est transitoire, il faut le dire et il faut dire à quel moment ça va arrêter d'être transitoire parce que ça va prendre des éléments d'articles qui sont permanents. On veut savoir où est-ce qu'on s'en va dans le réseau, pas seulement pour la prochaine année ou les deux prochaines années, on veut savoir de quoi va avoir… le réseau dans 15, 20, 30, 50 ans. Et on ne pourra pas faire une réforme de cette taille-là à tous les 10 ans, là, donc il faut absolument que le ministre dissipe le flou existentiel au niveau de ce qui est transitoire, qu'il identifie… Et nous, on a, évidemment, là, des propositions à faire là-dessus, on aura des propositions à faire là-dessus, mais il faut qu'il y ait des clauses crépusculaires pour dire que ça s'arrête à telle date. Ça, pour nous, c'est fondamental si le ministre est sincère quand il dit que c'est transitoire.

Un autre élément qui a manqué beaucoup dans le projet de loi, c'est d'avoir des objectifs, objectifs de performance, des cibles à atteindre. On l'a dit en termes de réduction de la paperasse. On nous dit : On veut réduire la paperasse. Oui, mais dans quelle proportion, dans quel pourcentage? Quelle paperasse ne sera plus nécessaire? On le sait, à titre d'exemple, les CSSS actuels ont à peu près 240 rapports à produire. Là-dessus, il y en a 150 qui vont à l'agence, il y en a 90 au ministère puis il y en a beaucoup, de ces rapports-là, qui s'entrecoupent. Donc, il va falloir qu'il y ait un exercice qui se fasse de façon très claire pour réduire cette paperasse-là. Et on nous a dit aussi beaucoup dans le réseau : Il y a surreddition de comptes, là, tout le monde veut sa petite reddition de comptes personnelle. Donc, ça va être important, là, qu'il y ait de la reddition de comptes, mais qu'elle se fasse de façon tellement efficace qu'on n'aura pas besoin de faire 50 rapports là où il y en a besoin d'un seul.

Ça va être important aussi d'établir des indicateurs de performance parce que, si on veut être capables de mesurer l'efficacité du réseau, le ministre, lui, doit être capable de donner des orientations, mais, à l'autre bout, il doit être capable d'évaluer si ça a été fait de façon efficace. Et actuellement, dans le réseau, à part le travail du Commissaire de la santé puis ce que l'AQESSS a fait, il n'y en a pas, d'indicateur de performance, on n'est pas capables de mesurer correctement la performance du réseau. Et ça, il est grand temps, grand temps qu'on soit capables de le faire, et il va être fondamental que le ministère se dote d'indicateurs de performance, comme ça se fait, d'ailleurs, un peu partout dans le monde, là, on n'a pas besoin de réinventer la roue pour ça.

Et, dernière chose, les communautés anglophones sont venues nous dire que, pour elles, il y avait une perte au niveau de la mainmise sur leurs institutions. Donc, je pense que ça va être important qu'on s'assure que, pour la communauté anglophone, on soit capables de livrer une prestation de services dans leur langue, comme c'est notre obligation légale, de toute façon, de le faire. Là-dessus, si vous avez des questions, j'attends.

M. Pelchat (Pierre) : J'en aurais une, M. Caire. On est en période d'austérité, vous proposez différentes mesures, avez-vous un plan sur combien d'années on pourrait appliquer ces mesures-là?

M. Caire : Écoutez, moi, je pense qu'une réforme comme celle-là, il faut calculer au moins un sept à 10 ans. Si je regarde ce qui s'est passé… d'abord, la dernière réforme Couillard, c'est à peu près ça, 10 ans, là, dont on parle. Si on regarde ailleurs ce qui s'est fait, on parle à peu près de ça, là, sept ans, là, quand on parle de grandes intégrations, quand on parle d'intégration des systèmes informatiques, quand on parle de changer les modes de rémunération, c'est à peu près sept à 10 ans.

M. Pelchat (Pierre) : Est-ce que la population s'attend à des changements pour plusieurs? M. Barrette en a parlé, mais le principal changement que les gens veulent, c'est d'avoir accès à un médecin de famille.

M. Caire : Tout à fait.

M. Pelchat (Pierre) : Est-ce que vous voyez ça là-dedans? Est-ce qu'il y a un espoir qu'on peut avoir un médecin de famille plus facilement avec des mesures… comme ça?

M. Caire : Non. Le projet de loi n° 10, très clairement, ne s'attaque pas aux problèmes de première ligne.Ça, c'est encore un exercice qui est à faire par le gouvernement. Ceci étant dit, je pense que les problèmes sont de nature à ce qu'il faille s'attaquer à différentes difficultés du système. Et une des grandes difficultés du système, c'est que, oui, on a un médecin de famille, oui, on a une prescription pour un traitement, mais après ça le réseau nous abandonne encore, là. Je vous donne un exemple : Si vous avez un besoin d'une IRM, bon, bien, votre médecin de famille vous en prescrit une, bien, vous allez appeler à trois, quatre, cinq hôpitaux pour vous inscrire sur trois, quatre, cinq listes d'attente différentes, puis là, bien, vous attendez. Alors, il y a un problème. Puis ça, c'est quand vous l'avez, le fameux rendez-vous, quand vous êtes capable de vous faire inscrire sur la liste d'attente. Écoutez, les services de pédopsychiatrie au Québec, c'est deux ans d'attente. Ça, c'est quand vous avez la chance d'être inscrit sur la liste d'attente, là. Ce n'est pas normal.

Donc, non, le projet de loi ne va pas faire en sorte qu'il va y avoir des médecins de famille pour tout le monde. Là-dessus, d'ailleurs, je pense que le ministre a manqué une belle occasion dans sa dernière négociation avec les médecins omnipraticiens. Je pense qu'il y aurait eu grand avantage à avoir plus d'incitatifs pour une meilleure prise en charge. Mais par contre, pour répondre plus, avant, à votre question, je pense que, dans l'intégration des services, dans la continuité des soins, ce projet de loi là a le potentiel d'améliorer les choses.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Vous dites que le ministre doit redessiner la carte des CISSS. Selon votre proposition à vous, il y aurait combien de centres intégrés de plus au Québec?

M. Caire : Bien, écoutez, rapidement… puis, comme je vous dis, là, je ne veux pas faire le travail des fonctionnaires, mais on s'est fait dire que 500 000 personnes, c'était pas mal une barrière, là, si on voulait garder une efficacité administrative dans la structure. Donc, je pense à la Montérégie, 1,5 millions, bien, automatiquement, on pense à trois CISSS. Québec, c'est 705 000 personnes, bien, est-ce qu'on ne pourrait pas scinder ça en deux? Donc, il y a des exercices à faire comme ça. Le Centre-du-Québec est rattaché à Trois-Rivières, mais il y a quand même un fleuve qui les sépare. Puis ça a l'air niaiseux, mais, dans l'organisation des services, il n'y a pas nécessairement une affinité entre les deux régions. Donc, est-ce que la Mauricie, est-ce que Centre-du-Québec ne pourraient pas être des CISSS différents? C'est…

M. Gentile (Davide) : Donc, vous en voyez combien de plus, à peu près?

M. Caire : C'est à… Bien, attend, juste pour… Donc, écoutez, comme je vous dis, là, je ne veux pas faire l'exercice avant les fonctionnaires, là, mais, vite de même, là, je vous dirais peut-être cinq, six, sept de plus, là.

M. Bélair-Cirino (Marco) :…vous dites que vous craignez que les décisions médicoadministratives soient déconnectées des milieux qui ont des impératifs, des réalités différentes si l'organisation reste celle qui est prévue dans le projet de loi n° 10? Pouvez-vous préciser un peu votre pensée là-dessus, là? Qu'est-ce que vous dites, là? Les décisions médicoadministratives, il y auraitun impact…

M. Caire : Bien, sur les possibilités de traitement, par exemple, la disponibilité des appareils, la disponibilité des tests, bon, bien, tu sais, à un moment donné, il peut y avoir une tentation de centraliser, d'être très centralisateur dans les grands centres puis peut-être en mettre un peu moins dans les centres en périphérie. Donc, je pense que ça va être important, là, qu'au niveau de ce type de décision là… puis c'est un exemple au hasard, mais de ce type de décision là on puisse garder une certaine mainmise au niveau local.

M. Lacroix (Louis) : Cette réforme-là arrive à peine… elle a été présentée il y a, quoi, un mois et demi à peu près, là. Ça ne faisait même pas six mois que le gouvernement Couillard était aux affaires. Est-ce que vous pensez qu'on a eu suffisamment de temps pour la développer adéquatement, cette réforme-là, ou c'est une réforme qui est bâclée, peut-être…

M. Caire : Je vous dirais que c'est certainement la vision d'un homme qui est dans le réseau depuis très longtemps, ça, c'est clair, mais il y a des lacunes qui sont majeures, je vous en ai fait part de plusieurs, et qui, à mon avis, ont le potentiel de faire déraper solidement la réforme.

Puis je tiens à dire que nous, on a pris la décision de faire cheminer ce projet de loi là jusqu'à l'étude article par article. Ceci étant dit, notre appui au projet de loi, pour le moment, s'arrête là parce que, selon votre question, il y a des… Il y a du potentiel. C'est un projet de loi qui a du potentiel, c'est indéniable, il y a des éléments qui sont intéressants, c'est indéniable, mais il y a aussi… C'est le projet de loi de tous les dangers. C'est le projet de loi de la surcentralisation, c'est le projet de loi qui confère à un seul individu des pouvoirs qui sont exceptionnels. Ce n'est pas un projet de loi qui va dans le sens de décentraliser la capacité du réseau à donner des soins, à décider de ses soins. Donc, il y a des modifications majeures à y apporter pour le rendre à son terme, mais je pense que c'est surtout, le projet de loi, la vision d'un homme.

M. Robillard (Alexandre) : La CSN constatait que la dernière réforme, M. Couillard, avait généré une augmentation de 30 % des normes de cadres. Je pense, c'est la CSQ qui exprimait des craintes sur la possible…

M. Caire : …du même ordre.

M. Robillard (Alexandre) : …la possibilité d'une mise en place d'une bureaucratie parallèle.

Comment vous évaluez, vous, le risque que cette réforme-là résulte, ultimement, tout simplement, à transférer, finalement, du personnel d'encadrement des régions à Québec?

M. Caire : Bien, je vous dirais que le risque, il est élevé. C'est la raison pour laquelle on demande qu'il y ait un comité de vigie qui se mette en place, parce qu'il ne faut pas permettre au réseau de se rebureaucratiser, ce n'est pas ça, l'objectif. Et, si on permet ça dans des structures encore plus, plus large, bien, écoutez, on aura échangé quatre trente-sous pour une piastre, peut-être même pire.

Donc, nous, ce qu'on souhaite, c'est qu'il y ait une vigie qui se fasse et qu'on s'assure que les coupures de poste sont au rendez-vous. Et c'est pour ça aussi qu'on demande qu'il y ait des objectifs dans le projet de loi. Parce que, vous savez, quand vous donnez un objectif par règlement, par exemple les temps d'attente sur civière… on a un objectif ministériel, 12 heures, mais on ne le respecte pas parce qu'on se le fixe par règlement puis on décide, après ça, de ne pas le respecter ou non.

Donc, c'est pour ça qu'on verrait, dans le projet de loi, une importance qu'il y ait des objectifs légaux. Et on comprend qu'il faut que le ministère ait une certaine souplesse qu'on ne peut pas mettre… on ne peut pas faire de la microgestion dans un projet de loi, on comprend ça parfaitement. Mais de se donner des objectifs généraux, des obligations générales dans le projet de loi, ces deux éléments-là, le comité de vigie et des objectifs inclus dans le projet de loi, moi, je pense que ça pourrait nous permettre d'éviter les écueils dont vous parlez.

M. Lacroix (Louis) : Mais M. Barrette s'est gardé beaucoup de pouvoirs, vous l'avez mentionné. Vous dites que c'est la vision de quelqu'un, cette modification-là, qui est dans le réseau depuis longtemps. Pourquoi au juste vous pensez qu'il s'est gardé autant de contrôle? Est-ce que c'est parce qu'il veut vraiment exercer lui-même une mainmise sur le système?

M. Caire : Bien, je pense que le ministre se dit : Écoutez, si je décide de tout et pour tout le monde, je vais, de cette façon-là m'assurer que la réforme va dans le sens de ce que je souhaite. Mais le problème dans ça, c'est qu'il y a beaucoup trop de «je». Je veux dire, on ne peut pas modifier un réseau comme le réseau de la santé sur la simple volonté d'un individu qui pense, à tort ou à raison, qu'il connaît la recette.

Vous savez, le réseau de la santé, c'est énorme, c'est vaste. Il y a beaucoup de gens à beaucoup de niveaux qui ont des choses à faire, qui ont des choses à dire et qui ont la capacité ou de faire avancer la réforme ou de la faire capoter. Donc, moi, je pense que le ministre a tout intérêt, au contraire, à déléguer, a tout intérêt, au contraire, à être très clair sur où est-ce qu'il s'en va. Parce qu'il y a beaucoup de gens qui sont venus nous le dire : Écoutez, on ne voit pas, à travers le projet de loi n° 10, quelle est la finalité de la réforme, puis c'est la… Alors, on est d'un côté de la rive, le ministre nous dessine un pont, mais on ne voit pas l'autre rive, là. Ça fait que c'est un petit peu inquiétant, là, puis je les comprends, ces gens-là.

Donc, ce projet de loi là, il a besoin d'être clarifié, et le ministre a tout intérêt non pas à se donner tous les pouvoirs, mais à s'assurer qu'il y a des gens compétents qui sont aux bons postes, aux bons endroits, puis qui prennent les bonnes décisions, et ça, il faut faire confiance. Et, si on n'est pas capables de faire ça, si le ministre se dit : Non, je ne peux pas faire ça parce que j'ai trop de crainte de m'enfarger dans des gens qui ne sont pas à leur place, qui n'ont pas les compétences pour faire ce qu'ils devraient faire, bien, de toute façon, c'est voué à l'échec. Donc, moi, je pense qu'il faut, au contraire, favoriser l'accession à des postes de décision aux gens qui ont les bonnes compétences.

M. Robillard (Alexandre) : Vous êtes prêt à voter pour le principe, là, sur le… Est-ce que vous avez vu… est-ce que M. Barrette vous a montré les amendements?

M. Caire : Non, non, le ministre ne nous a pas montré les amendements. Par contre, bon, on l'a…

M. Robillard (Alexandre) : Il vous envoie quand même une bonne idée qu'il y a des changements qui s'en viennent, là?

M. Caire : Bien, écoutez, il a été bien clair là-dessus pendant les audiences publiques. Il a dit : C'est un projet de loi de transition. Notamment sur la gouvernance, il a dit qu'il était ouvert, notamment sur les comités d'usagers, il a dit qu'il était ouvert, sur scinder certains CISSS, il a dit qu'il était ouvert. Donc, je vous dirais que, comme tout le monde qui a entendu le ministre se prononcer publiquement, on comprend qu'il va y avoir des amendements…

M. Lacroix (Louis) : Finalement, il y aurait des amendements sur tout ce que vous demandez.Il est ouvert à des amendements sur tout ce que vous demandez.

M. Caire :Bien, tant mieux, tant mieux.Tant mieux si c'est le cas parce que ça veut dire que, comme nous, il a vu les mêmes faiblesses au sein de son projet de loi.

M. Lacroix (Louis) : Alors, ça implique que vous allez voter pour.

M. Caire : Bien là, attendez. Il y a une chose… C'est une chose de le dire, c'est une chose de le faire. Puis, vous savez, moi, ce que les libéraux m'ont appris dans les derniers mois, c'est qu'ils étaient capables de lire notre programme, mais le mettre en application, ça, c'était moins, moins évident un peu, là.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Est-ce que le projet de loi pourrait être adopté avant les fêtes, quitte à ce qu'il le soit sous le bâillon?

M. Caire : Bien, d'abord, sur la question du bâillon, moi, je pense que le ministre ne peut pas faire ça. Il ne peut pas adopter un projet de loi comme celui-là sous le bâillon.

M. Bélair-Cirino (Marco) :Pourquoi?

M. Caire : Parce que, si… D'abord, s'il l'adopte sous le bâillon, c'est parce qu'il est incapable d'établir un consensus. Puis, je vous l'ai dit, une réforme comme celle-là, il faut que ça se fasse avec un certain niveau de consensus, puis on comprend qu'il ne ralliera pas tout le monde.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Mais le Parti libéral, la CAQ, c'est un certain niveau de consensus, ça?

M. Caire : Oui, mais, dans la société civile, dans le réseau de la santé, il faut aussi, là, que les principaux acteurs soient minimalement disposés à le faire cheminer, le projet de loi.

M. Bélair-Cirino (Marco) : Donc, vous préférez que les médecins, la FIIQ, la CSN, les syndicats soient d'accord avec le…

M. Caire : Bien, d'accord… au moins à l'aise pour le faire… Je ne pense pas qu'on va aller chercher 100 % d'adhésion, là, mais ça, c'est impossible, là. On ne vit pas… Comme disait mon collègue…

M. Bélair-Cirino (Marco) : Qu'est-ce qu'il manque?

M. Caire : Bien, je vous ai fait une liste…

M. Bélair-Cirino (Marco) : Non, non, qu'est-ce qu'il manque dans le soutien populaire ou des différents groupes d'intérêt, là?

M. Caire : Je pense qu'il manque une vision claire d'où est-ce qu'on s'en va avec le projet de loi. Je pense qu'il manque des objectifs qui sont clairs, je pense qu'il manque… Le réseau de la santé, après cette réforme-là, va ressembler à quoi?

M. Bélair-Cirino (Marco) : Oui, mais ce n'est pas ma question. Je vais la reposer différemment. Quel appui est indispensable, selon vous, pour que le projet de loi soit adopté, là?

M. Caire : Écoutez, je vais être honnête avec vous, je ne pense pas qu'il y ait l'appui d'un groupe en particulier qui soit indispensable. Je pense qu'il faut que, dans l'ensemble du réseau, il y ait une volonté de faire avancer cette réforme-là dans le bon sens, minimalement de ne pas être un obstacle incontournable, et, dans ce sens-là, le ministre a un gros, gros, gros travail de vente à faire et ça, ça va commencer par, d'abord, démontrer qu'il est capable d'écouter en modifiant le projet de loi, démontrer qu'il est capable d'être rassembleur en ne faisant pas passer un projet de loi comme celui-là sous le bâillon, qu'il est capable de convaincre un nombre significatif d'intervenants que son projet de loi, il est porteur et il va être capable d'améliorer le réseau.

Moi, j'ai entendu à peu près tous les groupes venir nous dire : Nous sommes d'accord avec les objectifs de la réforme, c'est avec les moyens qu'on n'est pas d'accord. Alors, si tout le monde s'entend sur l'objectif, à partir de là, les discussions sur les moyens, on peut les faire, là. On peut les faire, puis prenons le temps de la faire, prenons le temps de les faire avant de lancer le réseau.

M. Pelchat (Pierre) : …M. Caire, vous pensez à quoi? Qu'est-ce qui serait acceptable, en nombre d'années, là, en termes de transition au niveau des pouvoirs du ministre, là, qu'il se donne?

M. Caire : Bien, écoutez, moi, je vous dirais, dans certains cas, notamment nommer les P.D.G., moi, je ne vois pas que ce soit acceptable que ce soit transitoire. Moi, je pense que le ministre nomme les premiers conseils d'administration, mais, comme on vous l'a dit, dans les paramètres qu'on s'est fixés avec la liste, ça, c'est quelque chose qu'on peut accepter. Mais après ça le conseil d'administration doit travailler avec le P.D.G., donc que le P.D.G. soit nommé par le conseil d'administration, moi, je pense que c'est logique. Que le conseil d'administration élise son propre président, je pense que c'est logique. Que le P.D.G. nomme son adjoint, je pense que c'est logique. Ces gens-là doivent travailler ensemble. Alors, si, en partant, on leur impose des nominations et qu'il y a une méfiance mutuelle, comment peut-on penser qu'ils vont collaborer à bien travailler ensemble?

M. Pelchat (Pierre) : Mais les membres du conseil d'administration, ils seraient nommés une seule fois par le ministre, d'après vous, ou pourraient être…

M. Caire : Non, non, moi, le mode de nomination, mais à l'intérieur d'une liste précise, je pense que c'est quelque chose qu'on peut accepter. Parce que, vous savez, il y a autre chose, hein? La Protectrice du citoyen est venue nous le dire, là, que, compte tenu du taux de participation inexistant aux élections des conseils d'administration, compte tenu qu'il y a des postes laissés vacants parce qu'il n'y avait pas de candidat ou qu'il y en avait un nombre significatif qui était élu par acclamation parce qu'il n'y avait pas d'opposition, les conseils d'administration, tels qu'on les a connus, n'étaient pas efficaces. Donc là, on veut un conseil d'administration qui est efficace, c'est juste qu'il faut se donner certains paramètres pour s'assurer que cette nomination-là n'est pas une nomination politique partisane. C'est pour ça qu'on dit que le ministre ne devrait pas pouvoir sortir de la liste des candidats qui lui sont proposés. Merci.

(Fin à 10 h 44)

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