(Dix heures dix-sept minutes)
M.
Caire
:
Alors, bonjour, tout le monde. Aujourd'hui, on voulait faire part de nos commentaires
concernant la fin des audiences publiques sur le projet de loi n° 10.
D'abord, je pense qu'il n'est pas inutile de préciser que le réseau actuel, la
structure du réseau actuel a échoué à donner des services, une accessibilité
décente aux Québécois. Et donc il est effectivement fondamental de revoir la
gouvernance et la façon dont le réseau est structuré. Par contre, il faut aussi
admettre que le ministre Barrette, peut-être parce qu'il a pris pour acquis
certaines choses, a été un très, très, très mauvais vendeur
pour son projet de loi.
Tout au long des audiences publiques, on
l'a entendu affirmer des choses qui semblaient, pour lui, aller de soi, alors que, pour l'ensemble de la communauté,
l'ensemble de la population, c'était vraiment des nouvelles, des révélations.
Et donc je pense qu'il a pris pour acquis que les gens avaient la même vision
que lui par rapport au projet de loi. Malheureusement, son projet de loi, dans
la façon dont il est fait, donnait d'autres signaux à
la population, et il va être important de clarifier beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses.
Dans ce
sens-là, la Coalition avenir Québec voit, dans le projet de loi, un potentiel
intéressant, notamment par l'abolition des agences, clairement, la réduction du
nombre de structures. Ça ouvre la porte à une réduction de la bureaucratie, de
la paperasse, qui est importante et qui est fondamentale, parce qu'elle
monopolise des ressources dont on a besoin pour donner des soins. Ça permet
aussi, cette proposition-là qui est faite par le gouvernement, une meilleure
intégration des services et une simplification,
pour le patient, de son parcours à l'intérieur
du réseau de la santé qui est bénéfique, qui va, j'espère,
augmenter l'efficacité et donc la prestation de services aux citoyens. Et ça, c'est un élément important… c'est un
élément, c'est-à-dire, intéressant du projet de loi.
Par contre, il y a des propositions qui
sont faites par le ministre, qui, à notre
avis, sont totalement inacceptables. D'abord, les pouvoirs du ministre sont exponentiels.Ce n'est pas nécessaire. Il y a un danger réel,
sincère de politiser le réseau de la santé comme jamais. Le ministre se donne
un pouvoir de nomination qui est largement excessif par rapport aux objectifs
du projet de loi. Et, dans ce sens-là, nous
allons demander des amendements, notamment sur le fait que le P.D.G. des CISSS
soit nommé par le conseil d'administration et non pas par le ministre. Que ce P.D.G. là ait le loisir de nommer son adjoint, on
pense que c'est le simple gros bon sens. Aussi, le ministre dit : Les
nominations seront faites à l'intérieur d'une liste, mais, si la liste ne fait pas mon affaire, j'ai la
prérogative de ne pas m'en occuper. Cette disposition-là
doit être abolie pour éviter absolument, de façon très transparente,
toute possibilité pour ce ministre ou les suivants
de se livrer à des nominations qui seraient purement politiques et qui
n'auraient pas pour objectif de rendre le réseau et les conseils
d'administration plus efficaces.
Les CISSS, tels que proposés, sont, dans
plusieurs cas, beaucoup trop grands. Ça amène une difficulté administrative et
une possibilité non négligeable de rebureaucratisation, ce qui n'est pas
souhaitable. Et on l'a entendu à plusieurs reprises pendant les auditions de la
commission parlementaire, où, suite à la réforme de Philippe Couillard, oui, le
nombre de cadres avait diminué, mais après ça
on avait vu ce nombre de cadres là revenir, réaugmenter de façon exponentielle.
Donc, il va être important de garder les CISSS à une taille qui… ce qui nous a
été proposé, aux alentours de 500 000. Donc, nous allons demander au
ministre de redessiner la carte, de scinder plusieurs CISSS de façon à
respecter ce nombre-là de 500 000 personnes, plus ou moins. Ça va être
extrêmement important, puis c'est une question
d'efficacité, là, c'est une question d'efficacité. Ça ne donne rien de créer des grandes structures en disant : On
veut réduire l'administration si, au final, ces grandes structures-là obligent
à réembaucher tellement de cadres que,
finalement, on n'a rien gagné.
Il va être important aussi que l'usager se
retrouve dans le réseau de la santé, et, dans
ce sens-là, avoir des comités d'usagers locaux. Ça
nous apparaît être une très bonne idée pour faire en sorte que le patient ne se
perde pas là-dedans, ne perde pas sa voix là-dedans et ne perde pas non plus sa
capacité à se faire entendre et se faire reconnaître. Donc, on souhaite que le
projet de loi prévoie qu'on puisse laisser aux usagers des comités locaux qui pourront les aider dans leur cheminement.
Ça nous a été dit à plusieurs reprises :
La réforme de Philippe Couillard n'a pas fonctionné.
Et on a demandé à plusieurs reprises au ministre : Qu'est-ce qui n'avait pas fonctionné? Et nous-mêmes, on a
interrogé le ministre là-dessus, et il est incapable
de le dire.
Donc, ça
va être extrêmement important qu'il y ait un comité de vigilance. Et nous, on
suggère que le Vérificateur général et/ou la Protectrice du citoyen puissent
périodiquement s'assurer que la réforme va dans le bon
sens, mais surtout, surtout que les patients, les usagers soient au
coeur de cette réforme-là, qu'ils ne soient pas laissés pour compte et qu'ils
ne deviennent pas les victimes de la réforme, mais qu'ils deviennent bel et
bien les bénéficiaires de cette réforme-là, parce que,
fondamentalement, c'est pour eux qu'on veut
réformer le système de santé.Donc, que le Vérificateur
général et la Protectrice du citoyen puissent se pencher périodiquement sur l'état d'avancement et la situation de la
réforme nous apparaît essentiel pour avoir un son de cloche qui est
professionnel, neutre et objectif.
Au niveau de l'administration, on pense
que, dans les conseils d'administration, il y a un problème. D'abord, le
ministre nomme tout le monde, et on l'a bien dit, hein, il peut aller à
l'extérieur des listes. Donc, ça, je le répète, on doit abolir cette
possibilité-là, pour le ministre, de ne pas se référer à une autorité… une
autre autorité pour avoir certains profils de compétence.
De plus, on pense qu'au sein du conseil
d'administration il manque un profil de compétences de gestionnaire. Alors, il
y a beaucoup de personnes qui ont des connaissances très particulières de
gestion, que ce soit en ressources humaines,
par exemple, mais un profil de gestionnaire, au sens plus large, à notre avis,
manque, surtout quand on parle d'un conseil d'administration pour des
organisations de cette importance-là. Ce serait un acquis, je pense, pour le
conseil d'administration.
Les médecins sont venus nous faire part de
leurs préoccupations. Les décisions médicoadministratives doivent pouvoir
rester locales, et, dans ce sens-là, on pense que les comités de médecins,
pharmaciens et dentistes devraient garder une dimension locale. Donc, on sait
qu'il va y en avoir un qui va être créé au niveau du CISSS, mais on pense que,
dans les divisions actuelles, dans les établissements actuels, il devrait y
avoir un CMDP local capable de s'assurer d'abord de la qualité de l'acte médical — parce
qu'il ne faut pas perdre de vue que c'est aussi une fonction des
CMDP — et qu'on puisse, au niveau
médicoadministratif, prendre des
décisions rapides, localisées et en fonction des réalités du terrain. Donc, ça,
pour nous, ce serait un plus important.
On l'a entendu beaucoup, les systèmes
informatiques, l'intégration des systèmes informatiques va être la pierre
d'achoppement de cette réforme-là, et on le croit aussi fondamentalement. Il y
a plusieurs établissements qui ont toutes sortes de systèmes informatiques qui
ne se parlent pas nécessairement, qui ne sont pas nécessairement intégrables
dans un ensemble plus large. Donc, il faut profiter de cette réforme-là pour
intégrer les systèmes informatiques parce que, dans un système de santé
moderne, on doit avoir l'information complète, on doit l'avoir en temps réel et
on doit avoir une information qui est fiable, ce qui n'est pas le cas
présentement, surtout considérant les transformations qui seront faites dans le
futur. Donc, le ministre doit absolument avoir un plan pour intégrer l'ensemble
de ces systèmes informatiques là, sinon ça va
être le chaos et non seulement on ne gagnera pas en efficacité, mais il va y
avoir une perte d'efficacité, il va y avoir une perte de contrôle, et là on va se ramasser avec une réforme qui va
aller dans toutes les directions. Et, s'il y a
un élément sur lequel le ministre doit être extrêmement vigilant, c'est
l'intégration de ces systèmes d'information.
Le ministre a répété à plusieurs reprises :
Écoutez, c'est un projet de loi transitoire, c'est un projet de loi
transitoire, c'est un projet de loi transitoire. Sauf que nulle part ce n'est
écrit dans le projet de loi. Donc nous, on voudrait
que les articles transitoires soient clairement identifiés et qu'on y
ajoute des clauses crépusculaires. Je vous donne un
exemple très précis : Sur lesdites…
les nominations faites par le ministre, bien, si c'est transitoire, il faut le
dire et il faut dire à quel moment ça va arrêter d'être transitoire parce que
ça va prendre des éléments d'articles qui sont permanents. On veut savoir où
est-ce qu'on s'en va dans le réseau, pas seulement pour la prochaine année ou
les deux prochaines années, on veut savoir de quoi va
avoir… le réseau dans 15, 20, 30, 50 ans.
Et on ne pourra pas faire une réforme de cette
taille-là à tous les 10 ans, là, donc il faut absolument que le
ministre dissipe le flou existentiel au niveau de ce qui est transitoire, qu'il
identifie… Et nous, on a, évidemment, là, des propositions à faire là-dessus,
on aura des propositions à faire là-dessus, mais il faut qu'il y ait des
clauses crépusculaires pour dire que ça s'arrête à telle date. Ça, pour nous, c'est
fondamental si le ministre est sincère quand il dit que c'est transitoire.
Un autre élément qui a manqué beaucoup
dans le projet de loi, c'est d'avoir des objectifs, objectifs de performance,
des cibles à atteindre. On l'a dit en termes de réduction de la paperasse. On
nous dit : On veut réduire la paperasse. Oui, mais dans quelle proportion,
dans quel pourcentage? Quelle paperasse ne sera plus nécessaire? On le sait, à
titre d'exemple, les CSSS actuels ont à peu près 240 rapports à produire. Là-dessus, il y en a 150 qui vont à l'agence, il y
en a 90 au ministère puis il y en a beaucoup, de ces rapports-là, qui
s'entrecoupent. Donc, il va falloir qu'il y ait un exercice qui se fasse de
façon très claire pour réduire cette paperasse-là. Et on nous a dit aussi
beaucoup dans le réseau : Il y a surreddition de comptes, là, tout le
monde veut sa petite reddition de comptes personnelle. Donc, ça va être
important, là, qu'il y ait de la reddition de comptes, mais qu'elle se fasse de
façon tellement efficace qu'on n'aura pas besoin de
faire 50 rapports là où il y en a besoin d'un
seul.
Ça va être important aussi d'établir des
indicateurs de performance parce que, si on veut être capables de mesurer
l'efficacité du réseau, le ministre, lui, doit être capable de donner des
orientations, mais, à l'autre bout, il doit être capable d'évaluer si ça a été
fait de façon efficace. Et actuellement, dans le réseau, à part le travail du Commissaire de la santé puis ce que l'AQESSS
a fait, il n'y en a pas, d'indicateur de performance, on n'est pas capables de
mesurer correctement la performance du réseau. Et ça, il est grand temps, grand
temps qu'on soit capables de le faire, et il va être fondamental que le ministère
se dote d'indicateurs de performance, comme ça
se fait, d'ailleurs,
un peu partout dans le monde, là, on n'a pas
besoin de réinventer la roue pour ça.
Et,
dernière chose, les communautés anglophones sont venues nous dire que, pour
elles, il y avait une perte au niveau de la mainmise sur leurs institutions.
Donc, je pense que ça va être important qu'on s'assure que, pour la communauté
anglophone, on soit capables de livrer une prestation de services dans leur
langue, comme c'est notre obligation légale, de toute façon, de le faire.
Là-dessus, si vous avez des questions, j'attends.
M. Pelchat (Pierre)
: J'en aurais une, M. Caire. On est en période
d'austérité, vous proposez différentes mesures, avez-vous un plan sur combien
d'années on pourrait appliquer ces mesures-là?
M.
Caire
: Écoutez,
moi, je pense qu'une réforme comme celle-là, il faut
calculer au moins un sept à 10 ans. Si je regarde ce qui s'est
passé… d'abord, la dernière réforme Couillard, c'est à peu près ça, 10 ans, là, dont on parle. Si on regarde
ailleurs ce qui s'est fait, on parle à peu près de ça, là,
sept ans, là, quand on parle de grandes
intégrations, quand on parle d'intégration des
systèmes informatiques, quand on parle de changer les modes de rémunération,
c'est à peu près sept à 10 ans.
M. Pelchat (Pierre)
: Est-ce
que la population s'attend à des changements pour plusieurs? M. Barrette en a parlé, mais le principal
changement que les gens veulent, c'est d'avoir accès
à un médecin de famille.
M.
Caire
: Tout
à fait.
M. Pelchat (Pierre)
: Est-ce
que vous voyez ça là-dedans? Est-ce qu'il y a un espoir qu'on peut avoir un
médecin de famille plus facilement avec des mesures…
comme ça?
M.
Caire
: Non.
Le projet de loi n° 10, très clairement, ne
s'attaque pas aux problèmes de première ligne.Ça, c'est encore un exercice qui est à faire
par le gouvernement. Ceci étant dit, je pense que les problèmes sont de nature
à ce qu'il faille s'attaquer à différentes difficultés du système. Et une des grandes
difficultés du système, c'est que, oui, on a un médecin de famille, oui, on a
une prescription pour un traitement, mais après ça
le réseau nous abandonne encore, là. Je vous donne un
exemple : Si vous avez un besoin d'une IRM, bon, bien, votre médecin
de famille vous en prescrit une, bien, vous allez appeler à trois, quatre, cinq
hôpitaux pour vous inscrire sur trois, quatre, cinq listes d'attente
différentes, puis là, bien, vous attendez. Alors, il y a un problème. Puis ça, c'est quand vous l'avez, le fameux rendez-vous,
quand vous êtes capable de vous faire inscrire sur la liste d'attente. Écoutez,
les services de pédopsychiatrie au Québec, c'est deux ans d'attente. Ça, c'est
quand vous avez la chance d'être inscrit sur la liste
d'attente, là. Ce n'est pas normal.
Donc, non, le projet de loi ne va pas
faire en sorte qu'il va y avoir des médecins de famille pour tout le monde. Là-dessus,
d'ailleurs, je pense que le ministre a manqué une belle occasion dans sa
dernière négociation avec les médecins omnipraticiens.
Je pense qu'il y aurait eu grand avantage à avoir plus d'incitatifs pour
une meilleure prise en charge. Mais par contre, pour répondre plus, avant, à votre question, je pense que, dans l'intégration des services,
dans la continuité des soins, ce projet de loi là a le potentiel d'améliorer
les choses.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Vous dites que le ministre doit redessiner la
carte des CISSS. Selon votre proposition à vous, il y aurait combien de centres
intégrés de plus au Québec?
M.
Caire
: Bien,
écoutez, rapidement… puis, comme je vous dis, là, je ne veux pas faire le
travail des fonctionnaires, mais on s'est fait dire que 500 000 personnes,
c'était pas mal une barrière, là, si on voulait garder une efficacité
administrative dans la structure. Donc, je pense à la
Montérégie, 1,5 millions, bien, automatiquement, on pense à trois
CISSS. Québec, c'est 705 000 personnes, bien,
est-ce qu'on ne pourrait pas scinder ça en deux? Donc, il y a des exercices à
faire comme ça. Le Centre-du-Québec est rattaché à Trois-Rivières, mais il y a
quand même un fleuve qui les sépare. Puis ça a l'air niaiseux, mais, dans
l'organisation des services, il n'y a pas nécessairement une affinité entre les
deux régions. Donc, est-ce que la Mauricie, est-ce que Centre-du-Québec ne
pourraient pas être des CISSS différents?
C'est…
M. Gentile (Davide) : Donc,
vous en voyez combien de plus, à peu près?
M.
Caire
: C'est
à… Bien, attend, juste pour… Donc, écoutez, comme je vous dis, là, je ne veux
pas faire l'exercice avant les fonctionnaires, là, mais,
vite de même, là, je vous dirais peut-être cinq, six, sept de plus, là.
M. Bélair-Cirino (Marco) :…vous dites que vous craignez que les décisions
médicoadministratives soient déconnectées des milieux
qui ont des impératifs, des réalités
différentes si l'organisation reste celle qui est prévue dans le projet
de loi n° 10? Pouvez-vous préciser un peu votre pensée là-dessus, là? Qu'est-ce
que vous dites, là? Les décisions
médicoadministratives, il y auraitun
impact…
M.
Caire
: Bien, sur les possibilités de traitement, par
exemple, la disponibilité des appareils, la disponibilité des tests, bon, bien,
tu sais, à un moment donné, il peut y avoir une tentation de centraliser,
d'être très centralisateur dans les grands centres puis peut-être en mettre un
peu moins dans les centres en périphérie. Donc, je pense que ça va être
important, là, qu'au niveau de ce type de décision
là… puis c'est un exemple au hasard, mais
de ce type de décision là on puisse garder une
certaine mainmise au niveau local.
M. Lacroix (Louis)
:
Cette réforme-là arrive à peine… elle a été présentée
il y a, quoi, un mois et demi à peu près, là. Ça ne faisait même pas six
mois que le gouvernement Couillard était aux affaires. Est-ce que vous pensez
qu'on a eu suffisamment de temps pour la développer adéquatement, cette
réforme-là, ou c'est une
réforme qui est bâclée, peut-être…
M.
Caire
: Je
vous dirais que c'est certainement la vision d'un homme qui est dans le réseau
depuis très longtemps, ça, c'est clair, mais il y a des lacunes qui sont
majeures, je vous en ai fait part de plusieurs, et qui, à mon avis, ont le
potentiel de faire déraper solidement la réforme.
Puis je tiens à dire que nous, on a pris
la décision de faire cheminer ce projet de loi là jusqu'à l'étude article par
article. Ceci étant dit, notre appui au projet de loi, pour le moment, s'arrête
là parce que, selon votre question, il y a des… Il
y a du potentiel. C'est un projet de loi qui a du potentiel, c'est indéniable, il
y a des éléments qui sont intéressants, c'est indéniable, mais il y a aussi… C'est le projet
de loi de tous les dangers. C'est le projet de loi de la surcentralisation, c'est
le projet de loi qui confère à un seul individu des pouvoirs qui sont
exceptionnels. Ce n'est pas un projet de loi qui va dans le sens de
décentraliser la capacité du réseau à donner des soins, à décider de ses soins.
Donc, il y a des modifications majeures à y apporter pour le rendre à son
terme, mais je pense que c'est surtout, le projet de loi, la vision d'un homme.
M. Robillard (Alexandre)
:
La CSN constatait que la dernière réforme, M. Couillard, avait généré une augmentation de 30 % des
normes de cadres. Je pense, c'est la CSQ qui exprimait des craintes sur la
possible…
M.
Caire
: …du
même ordre.
M. Robillard (Alexandre)
:
…la possibilité d'une mise en place d'une bureaucratie parallèle.
Comment vous évaluez, vous, le risque que
cette réforme-là résulte, ultimement, tout
simplement, à transférer, finalement, du personnel d'encadrement
des régions à Québec?
M.
Caire
: Bien,
je vous dirais que le risque, il est élevé. C'est la raison pour laquelle on demande
qu'il y ait un comité de vigie qui se mette en place, parce qu'il ne faut pas
permettre au réseau de se rebureaucratiser, ce n'est pas ça, l'objectif. Et, si on permet ça dans des
structures encore plus, plus large, bien, écoutez, on
aura échangé quatre trente-sous pour une piastre, peut-être même pire.
Donc, nous, ce qu'on souhaite, c'est qu'il
y ait une vigie qui se fasse et qu'on s'assure que les coupures de poste sont
au rendez-vous. Et c'est pour ça aussi qu'on demande qu'il y ait des objectifs dans le projet de loi. Parce que, vous savez, quand vous donnez un objectif par règlement, par exemple les temps d'attente sur civière… on a un objectif
ministériel, 12 heures, mais on ne le respecte pas parce qu'on se
le fixe par règlement puis on décide, après ça, de ne pas le respecter ou non.
Donc, c'est pour ça qu'on verrait, dans le
projet de loi, une importance qu'il y ait des objectifs légaux. Et on comprend
qu'il faut que le ministère ait une certaine souplesse
qu'on ne peut pas mettre… on ne peut
pas faire de la microgestion dans un projet de loi, on comprend ça
parfaitement. Mais de se donner des objectifs généraux, des obligations
générales dans le projet de loi, ces deux éléments-là, le comité de vigie et
des objectifs inclus dans le projet de loi, moi, je pense que ça pourrait nous
permettre d'éviter les écueils dont vous parlez.
M. Lacroix (Louis)
:
Mais M. Barrette s'est gardé beaucoup de
pouvoirs, vous l'avez mentionné. Vous dites
que c'est la vision de quelqu'un, cette modification-là, qui est dans le réseau
depuis longtemps. Pourquoi au juste vous pensez qu'il s'est gardé autant de
contrôle? Est-ce que c'est parce qu'il veut vraiment exercer lui-même une
mainmise sur le système?
M.
Caire
: Bien,
je pense que le ministre se dit : Écoutez, si je décide de tout et pour
tout le monde, je vais, de cette façon-là m'assurer que la réforme va dans le
sens de ce que je souhaite. Mais le problème dans ça, c'est qu'il y a beaucoup
trop de «je».
Je veux dire, on ne peut pas modifier un réseau comme le réseau de la santé sur
la simple volonté d'un individu qui pense, à tort ou à raison, qu'il connaît la
recette.
Vous savez, le réseau de la santé, c'est
énorme, c'est vaste. Il y a beaucoup de gens à beaucoup de niveaux qui ont des
choses à faire, qui ont des choses à dire et qui ont la capacité ou de faire
avancer la réforme ou de la faire capoter. Donc, moi, je pense que le ministre
a tout intérêt, au contraire, à déléguer, a tout intérêt, au contraire, à être
très clair sur où est-ce qu'il s'en va. Parce
qu'il y a beaucoup de gens qui sont venus nous le dire : Écoutez, on ne
voit pas, à travers le projet de loi
n° 10, quelle est la finalité de la
réforme, puis c'est la… Alors, on est d'un côté de la rive, le ministre nous
dessine un pont, mais on ne voit pas l'autre rive, là. Ça fait que c'est un petit peu inquiétant, là, puis je les
comprends, ces gens-là.
Donc, ce
projet de loi là, il a besoin d'être clarifié, et le ministre a tout intérêt
non pas à se donner tous les pouvoirs, mais à s'assurer qu'il y a des gens
compétents qui sont aux bons postes, aux bons endroits, puis qui prennent les
bonnes décisions, et ça, il faut faire confiance. Et, si on n'est pas capables
de faire ça, si le ministre se dit : Non, je ne peux pas faire ça parce
que j'ai trop de crainte de m'enfarger dans des gens qui ne sont pas à leur
place, qui n'ont pas les compétences pour faire ce qu'ils devraient faire,
bien, de toute façon, c'est voué à l'échec. Donc, moi, je pense qu'il faut, au contraire,
favoriser l'accession à des postes de décision aux gens qui ont les bonnes
compétences.
M. Robillard (Alexandre)
:
Vous êtes prêt à voter pour le principe, là, sur le… Est-ce que vous avez vu… est-ce que M. Barrette vous a
montré les amendements?
M.
Caire
: Non, non, le ministre ne nous a pas montré les
amendements. Par contre, bon, on l'a…
M. Robillard (Alexandre)
:
Il vous envoie quand même une bonne idée qu'il y a des changements qui s'en
viennent, là?
M.
Caire
: Bien,
écoutez, il a été bien clair là-dessus pendant les audiences publiques. Il a
dit : C'est un projet de loi de transition. Notamment sur la gouvernance,
il a dit qu'il était ouvert, notamment sur les comités d'usagers, il a dit
qu'il était ouvert, sur scinder certains CISSS, il a dit qu'il était ouvert.
Donc, je vous dirais que, comme tout le monde qui a entendu le ministre se
prononcer publiquement, on comprend qu'il va y avoir des amendements…
M. Lacroix (Louis)
: Finalement, il y aurait des amendements sur tout ce
que vous demandez.Il est ouvert à des
amendements sur tout ce que vous demandez.
M.
Caire
:Bien, tant mieux, tant mieux.Tant mieux si c'est le cas parce que ça veut dire
que, comme nous, il a vu les mêmes faiblesses au sein de son projet de loi.
M. Lacroix (Louis)
:
Alors, ça implique que vous allez voter pour.
M.
Caire
: Bien
là, attendez. Il y a une chose… C'est une chose de le
dire, c'est une chose de le faire. Puis, vous savez, moi, ce que les
libéraux m'ont appris dans les derniers mois, c'est qu'ils étaient capables de
lire notre programme, mais le mettre en application, ça, c'était moins, moins
évident un peu, là.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Est-ce
que le projet de loi pourrait être adopté avant les fêtes, quitte à ce qu'il le
soit sous le bâillon?
M.
Caire
: Bien,
d'abord, sur la question du bâillon, moi, je pense que le ministre ne peut pas
faire ça. Il ne peut pas adopter un projet de loi comme celui-là sous le
bâillon.
M. Bélair-Cirino (Marco) :Pourquoi?
M.
Caire
: Parce
que, si… D'abord, s'il l'adopte sous le
bâillon, c'est parce qu'il est incapable d'établir un consensus. Puis, je vous
l'ai dit, une réforme comme celle-là, il faut que ça se fasse avec un certain
niveau de consensus, puis on comprend qu'il ne ralliera pas tout le monde.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Mais le Parti libéral, la CAQ, c'est un certain
niveau de consensus, ça?
M.
Caire
: Oui,
mais, dans la société civile, dans le réseau
de la santé, il faut aussi, là, que les principaux acteurs soient minimalement
disposés à le faire cheminer, le projet de loi.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Donc, vous préférez que les médecins, la FIIQ, la
CSN, les syndicats soient d'accord avec le…
M.
Caire
: Bien, d'accord… au moins à l'aise pour le faire… Je
ne pense pas qu'on va aller chercher 100 % d'adhésion, là, mais ça, c'est
impossible, là. On ne vit pas… Comme disait mon collègue…
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Qu'est-ce qu'il manque?
M.
Caire
: Bien,
je vous ai fait une liste…
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Non, non, qu'est-ce qu'il manque dans le soutien populaire ou des différents
groupes d'intérêt, là?
M.
Caire
: Je
pense qu'il manque une vision claire d'où est-ce qu'on s'en va avec le projet
de loi. Je pense qu'il manque des objectifs qui sont clairs, je pense qu'il
manque… Le réseau de la santé, après cette réforme-là, va ressembler à quoi?
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Oui, mais ce n'est pas ma question. Je vais la reposer
différemment. Quel appui est indispensable,
selon vous, pour que le projet de loi soit adopté, là?
M.
Caire
:
Écoutez, je vais être honnête avec vous, je ne pense pas qu'il y ait l'appui d'un
groupe en particulier qui soit indispensable. Je pense qu'il faut que, dans
l'ensemble du réseau, il y ait une volonté de faire avancer cette réforme-là
dans le bon sens, minimalement de ne pas être un obstacle incontournable, et, dans ce sens-là, le ministre a un gros, gros,
gros travail de vente à faire et ça, ça va commencer par, d'abord, démontrer
qu'il est capable d'écouter en modifiant le projet de loi, démontrer qu'il est
capable d'être rassembleur en ne faisant pas passer un projet de loi comme
celui-là sous le bâillon, qu'il est capable de
convaincre un nombre significatif d'intervenants que son projet de loi,
il est porteur et il va être capable d'améliorer le réseau.
Moi, j'ai entendu à peu près tous les
groupes venir nous dire : Nous sommes d'accord avec
les objectifs de la réforme, c'est avec les moyens qu'on n'est pas
d'accord. Alors, si tout le monde s'entend sur l'objectif, à partir de là, les
discussions sur les moyens, on peut les faire, là. On peut les faire, puis
prenons le temps de la faire, prenons le temps de les faire avant de lancer le
réseau.
M. Pelchat (Pierre)
: …M. Caire, vous pensez à quoi? Qu'est-ce qui serait
acceptable, en nombre d'années, là, en termes de transition au niveau des
pouvoirs du ministre, là, qu'il se donne?
M.
Caire
: Bien,
écoutez, moi, je vous dirais, dans certains cas, notamment nommer les P.D.G.,
moi, je ne vois pas que ce soit acceptable que ce soit transitoire. Moi, je
pense que le ministre nomme les premiers conseils d'administration, mais, comme
on vous l'a dit, dans les paramètres qu'on s'est
fixés avec la liste, ça, c'est quelque chose
qu'on peut accepter. Mais après ça le conseil d'administration doit travailler avec le P.D.G., donc que le P.D.G.
soit nommé par le conseil d'administration, moi, je pense que c'est logique.
Que le conseil d'administration élise son propre président, je pense que c'est
logique. Que le P.D.G. nomme son adjoint, je pense que c'est logique. Ces
gens-là doivent travailler ensemble. Alors, si, en partant, on leur impose des nominations et qu'il y a une
méfiance mutuelle, comment peut-on penser qu'ils vont collaborer à bien
travailler ensemble?
M. Pelchat (Pierre)
: Mais les membres du conseil d'administration, ils seraient nommés une seule fois par le ministre,
d'après vous, ou pourraient être…
M.
Caire
: Non,
non, moi, le mode de nomination, mais à l'intérieur d'une liste précise, je
pense que c'est quelque chose qu'on peut accepter. Parce que, vous savez, il y
a autre chose, hein? La Protectrice du citoyen est venue nous le dire, là, que,
compte tenu du taux de participation inexistant aux élections des conseils
d'administration, compte tenu qu'il y a des postes laissés vacants parce qu'il
n'y avait pas de candidat ou qu'il y en avait un nombre significatif qui était élu par acclamation parce qu'il n'y
avait pas d'opposition, les conseils d'administration, tels qu'on les a connus,
n'étaient pas efficaces. Donc là, on veut un conseil d'administration qui est
efficace, c'est juste qu'il faut se donner certains paramètres pour s'assurer
que cette nomination-là n'est pas une nomination politique partisane. C'est pour ça qu'on dit que le ministre ne
devrait pas pouvoir sortir de la liste des candidats
qui lui sont proposés. Merci.
(Fin à 10 h 44)