(Dix heures quarante-huit minutes)
M. Laframboise : Bonjour. Aujourd'hui,
nous voudrions réagir aux déclarations du ministre des Affaires municipales et
ainsi que celles du premier ministre au cours des dernières semaines, par
rapport à pas de hausse de taxes, ni de coupes de services dans le milieu municipal.
Je vous dirais que ce n'est pas pour rien, les villes… vous n'avez pas vu grand
budgets de villes disponibles, parce que les villes, les 1 100
municipalités du Québec, sont à faire et refaire, pour plusieurs, leurs
budgets. Donc, pour les contribuables municipaux du Québec, c'est une journée
grise, c'est un temps gris par cet automne.
Pourquoi je vous dis ça? Parce que le
gouvernement nous a mentionné que l'effort qu'il demandait aux
municipalités — je les ai entendus, même, tantôt, le président du
Conseil du trésor — était raisonnable. Souvenons-nous, c'est un
effort de, disait-il, de 1,2 % sur les revenus des villes. Évidemment,
vous allez comprendre, ça comprend les revenus globaux. Je ne vais pas faire
une guerre de chiffres, là, mais 1,2 % sur les revenus globaux, quand on
parle du 300 millions, là, c'est… donc, sur les revenus globaux de
19 milliards, c'est 1,2 %. Mais sur les revenus de perception de
taxes et de tarifs, celles pour lesquels les villes contrôlent, c'est
10,9 milliards de revenus qui proviennent des taxes. Donc, l'effort est de
2,61 %. Donc, plusieurs villes qui ont communiqué avec nous nous ont dit
que c'était un… sur leurs budgets, c'est de 4 % à 5 % d'effort sur le
compte de taxes, ce qui pourrait dire une augmentation de taxes de 100 $
par résidence pour la prochaine année. Donc, c'est vers ça qu'on est
présentement.
Pourquoi on vous dit ça? Parce que
l'effort, il est phénoménal, et, encore une fois, les solutions… il n'y a pas
de miracle en politique municipale. Les 1 100 municipalités qui sont à
préparer leurs budgets n'ont pas de miracle. La première solution, c'est les
coupures de services. Ça, on coupe aux citoyens et on coupe maintenant aux
entrepreneurs, aux services aux entrepreneurs, parce que souvenez-vous qu'il y
a 55 % de la facture des CLD qui ont été envoyés dans les MRC qui, elles…
ce n'est pas des miracles. Ils font des quotes-parts qui sont payées par les
villes. Donc, présentement, pourquoi certaines villes retardent? C'est que les
MRC étaient à revoir tous leurs investissements dans les CLD, donc, d'où les
retards pour certains d'avoir leurs chiffres et de préparer… et d'où la… Quand
je vous dis qu'ils sont en train de refaire leurs budgets, c'est une des parties
de la réponse à cette question.
Deuxièmement, on coupe… on retarde les
investissements. Donc, l'autre solution, c'est de retarder les investissements.
Quand on veut récupérer des sous, bien, on retarde les investissements, et, si
vous me dites que c'est une bonne solution, peut-être que pour certains… sauf
que… souvenons-nous du déficit des infrastructures au Québec. Deloitte &
Touche, en 2011, estimait à 34 milliards le déficit des villes en
infrastructures au Québec. Donc, on peut toujours leur dire : Vous pouvez
retarder les investissements, mais, encore une fois, vous passez dans les mêmes
nids-de-poule que je passe. Souvent, c'est simple de dire : On les
remplit, les nids-de-poule, mais le problème, souvent, c'est la route
elle-même, là. Quand il y a une rue ou une route qui a plusieurs nids-de-poule,
c'est parce qu'en quelque part, la fondation, elle est à refaire, puis c'est un
investissement majeur. Donc, ça, présentement… Donc, certaines villes
reporteront des investissements.
Et la troisième solution, celle qu'on pense qui
va être utilisée le plus, c'est l'augmentation de taxes. Donc, on estime qu'il
y aura plus de la moitié des contribuables du Québec qui vont avoir un effort important,
là, dès que les budgets seront rendus disponibles, et ça… Et il y en avait une,
quatrième solution, mais le ministre des Affaires municipales, avec le rapport
Robillard, l'a rejetée du revers de la main, qui est le droit de lock-out aux
villes. Parce qu'en quelque part, si on veut redonner de l'oxygène, bien, évidemment,
la grosse partie des dépenses de l'administration publique, que ce soit au
municipal, que ce soit ici, à Québec, au provincial, c'est la masse salariale.
Donc, une des recommandations de la commission Robillard, c'était de donner le
droit de lock-out aux villes, et là le ministre Moreau, ce matin, a rejeté ça
du revers de la main. Donc, il n'y aura pas d'oxygène qui va être donné aux
villes par rapport à ça.
Et je terminerai en vous disant, par
rapport aux surplus, parce qu'il a été véhiculé que les villes avaient des
surplus, il faut comprendre, 1,2 milliard de surplus non affecté… puis je
vais reprendre ce que disait la présidente de l'Union des municipalités du
Québec, évidemment, c'est le fonds de roulement, là, c'est 7 %, parce que
les villes n'ont pas le droit de faire de déficit. Ça représente à peu près
7 % des revenus des villes, alors qu'en Ontario, pour le même objectif de
fonds de roulement, ils ont 14 %. Et là-dessus il faut que je vous dise
qu'il y a 1,3 milliard d'investissements qui sont prévus au budget. Donc,
on a du fonds de roulement, mais on a aussi des investissements prévus à même
le budget, qui est à peu près l'équivalent de ces sommes-là.
Donc, c'est pour vous dire qu'on pense
sérieusement, à la Coalition avenir Québec, que le gouvernement, encore une
fois, se sert des villes pour sous-traiter les taxes. Il le fait avec les
commissions scolaires. Et l'effort sera supérieur au taux d'inflation. Donc,
encore une fois, on va enlever, dans la poche des contribuables, du revenu
disponible pour faire rouler l'économie. Donc, ce n'est rien d'intéressant par
rapport à cette situation-là. Donc, je suis maintenant prêt à répondre à vos
questions.
Mme Biron (Martine)
:
Que pensez-vous de la croissance des dépenses des municipalités à 5,8 %?
M. Laframboise : Bien,
d'abord, premièrement, la croissance des dépenses des municipalités… d'abord,
il y a eu un pacte fiscal qui a été signé en 2006, qui a redonné de l'oxygène
aux villes. On vient de leur en enlever, mais on leur en avait redonné pour
qu'ils fassent des investissements.
Et il y a 1 100 municipalités au
Québec, là. Donc, moi, je représente… je suis un député de banlieue, je suis à
Blainville, c'est une ville qui est en croissance. Je peux comprendre quand le
maire décide de rajouter un peu de personnel pour être capable de subvenir aux
demandes des citoyens qui augmentent dans sa municipalité. Donc, ce n'est pas…
à 1 100 municipalités, la situation n'est pas égale à travers le Québec.
C'est pour ça que je vous dis que c'est peut-être facile dans certaines grandes
villes qui, eux, ont une masse salariale très importante, de dire : On va
revoir le personnel. Mais, dans beaucoup de villes et des villes de région, le
personnel a déjà été revu.
Mme Biron (Martine)
:
Mais vous ne trouvez pas ça beaucoup? Quand même, c'est près de 6 %; le
gouvernement est à 1,3 %.
M. Laframboise : Bien,
écoutez, par rapport à cette augmentation-là, il faut comprendre que, si… et là
tout le détail des budgets qui sont donnés, s'il y a une augmentation par
rapport à régler une partie du déficit en infrastructures, je pense qu'elle est
justifiée. Quand tu as 34 milliards de déficits en infrastructures, il
faut, à un moment donné, que tu remettes un peu plus d'argent pour être capable
de régler ton problème de déficit en…
Mme Biron (Martine)
: …3,8 %
par année…
M. Laframboise : Bien,
écoutez, une des façons de régler ça, c'est le droit de lock-out puis régler
les conditions de travail. Et ça, encore une fois, moi, je peux vous donner
l'exemple du projet de loi n° 3, où la Coalition avenir Québec proposait
qu'à la fin ce soit la ville qui tranche, et on a choisi, encore une fois, de
l'arbitrage. Les relations de travail sont une partie importante de cet
écart-là, et, encore une fois, il va falloir… quant à nous, il aurait fallu que
le gouvernement ne rejette pas tout de suite, du revers de la main, le droit au
lock-out.
M. Dutrisac (Robert)
:
Le président du Conseil du trésor a quasiment passé une commande aux
municipalités en disant : 5,8 %, c'est insoutenable, il faut réduire
cette croissance des dépenses là. Et pensez-vous que les villes peuvent y
arriver?
M. Laframboise : Bien,
écoutez, si… parce que, quand vous regardez la croissance, quand vous regardez
l'augmentation de la masse salariale par rapport aux dernières décisions
arbitrales, les villes ont contesté, c'est les arbitres qui ont tranché. C'est
un modus operandi qui est à la grandeur du Québec. Quand il y en a une qui
passe devant l'arbitre, les autres, on se sert de cette décision-là pour avoir
une influence sur les autres. Donc, les relations de travail sont une bonne
partie du problème dans les villes. Et ça, il faut être capable de leur donner…
Ils n'ont pas le choix que le gouvernement du Québec a avec ses propres
employés. Le gouvernement du Québec, à la fin, peut trancher, alors que les
villes ne peuvent pas le faire.
M. Caron (Régys)
:
Globalement, M. Laframboise, quand on regarde l'évolution de certains dossiers
au gouvernement, exemple, les dépassements de coûts faramineux pour
l'informatisation en santé; 1,6 milliard, c'est trois fois plus que le
gouvernement avait prévu; les dépassements de coûts pour le CUSM, pour le CHUM,
la lune qu'on a donnée aux médecins.
Est-ce que le gouvernement, lui-même, ne
doit pas donner l'exemple avant d'aller piger dans les poches des citoyens?
M. Laframboise : Vous avez
tout à fait raison, et d'ailleurs, sur le dossier de l'informatisation en
santé, vous avez mon collègue Éric Caire qui a dit… depuis trois semaines, là,
depuis le projet de loi n° 10 qu'on dit : Si on ne règle pas le
problème du système informatique en santé, toute la réforme est menacée, comme
celle de 2003 que M. Couillard a voulu réaliser. Et ce n'est qu'en fin de
semaine que le ministre Barrette a dit que c'était une catastrophe le dossier
de l'informatique au Québec.
Vous avez raison, il faut être capable de
faire le ménage, et c'était ce à quoi s'était engagé la Coalition avenir
Québec, comment on fait le ménage dans notre propre cour, et on n'augmente pas
les tarifs plus que l'inflation. C'était le message qu'on a livré dans la
campagne électorale puis qu'on aurait livré si on avait été au gouvernement.
M. Harrold (Max) : Vous avez
parlé d'une hausse de taxe de 100 $ dans certaines villes. Quelles sont
ces villes? C'est-u des petites villes, des moyennes villes? C'est qui…
M. Laframboise : Ça peut… Nous,
on estime que plus de 300 municipalités, qui peuvent représenter plus de la
moitié de la population du Québec, vont avoir un impact important, qui va être
plus élevé que l'inflation. Et ça, encore une fois, je vous le dis, les
chiffres sont têtus, les miracles, ça ne se fait pas. Quand on manque de
revenus, je reviens aux trois solutions, c'est qu'il faut soit couper dans le
service aux citoyens ou aux entrepreneurs, soit reporter des investissements ou
soit augmenter les taxes, et beaucoup de villes choisiront probablement
d'augmenter les taxes. Et, encore une fois, je les… Moi, là, je ne les blâmerai
pas comme le gouvernement, là, mais, bien au contraire. Il faut qu'ils gèrent
leurs municipalités, ils sont 1 100, ils connaissent leur ville, beaucoup
plus que le gouvernement du Québec qui a de la misère à gérer ses propres
effectifs puis ses propres dépenses.
Donc, encore une fois, moi, je fais
confiance aux villes, mais, s'il y a des augmentations de taxes, à quelque
part… et surtout à ce moment-ci de l'année, où ils sont en pleine préparation
de budget, je vous dis, c'est… Tu aurais voulu avoir un pire scénario, tu
n'aurais jamais fait ça, là.
M. Croteau (Martin)
:
Trouvez-vous que les municipalités ont un quelconque rôle à jouer dans
l'atteinte de l'équilibre budgétaire?
M. Laframboise : Si on leur
donne les moyens de contrôler leur masse salariale, oui, les villes, une fois
qu'on leur aura donné les moyens de réduire… parce que c'est vrai, puis, je
vous dirais qu'il y a un constat, il y a des transferts qui se font du gouvernement
du Québec vers les villes. Mais, tu sais, quand on voit la recommandation du rapport
Robillard qui dit : Bon, bien, on va piger dans les en-lieu de taxes qui
sont versés ou sur les immeubles du gouvernement; ce sont des immeubles pour
lesquels les villes fournissent l'aqueduc, fournissent les égouts, ramassent
les vidanges, je veux dire, donnent le même service à ces immeubles-là qu'ils
donnent aux usines, aux industries puis aux résidences.
Donc, on peut toujours dire : Demain
matin, ils ne paieront plus leurs taxes, mais, en quelque part, le service à
ces bâtiments-là, il faut qu'il soit continué à être offert par les villes.
Donc, c'est sûr que, si on veut faire ça, bien, il va falloir qu'on compense
les villes ailleurs. Donc, si on veut, dans les relations de travail, être capable
de faire des économies très importantes, ça prend des mesures en relations de
travail très importantes, dont le droit au lock-out.
M. Croteau (Martin)
:
Mais, à vous entendre, on dirait qu'il n'y a pas de gras du tout à couper dans
les villes, hein?
M. Laframboise : Bien, écoutez,
je vous dirais, là, il faut faire attention, là. Il y a des villes d'envergure
qui, elles, ont fait des demandes, mais il y a 1 100 municipalités au Québec,
là. Il y a des municipalités qui sous-traitent à l'entreprise privée les
ordures ménagères, leurs routes, l'ouverture des routes. Je veux dire, on peut
dire, demain matin, tu as trois… Moi, j'ai visité une MRC, là, de la Rive-Nord
de Montréal, il y a trois employés au bureau de la MRC. Moi, je peux bien,
demain matin, je peux bien décider, mais ils s'occupent quand même du schéma
d'aménagement du territoire.
Tu sais, c'est qu'il y a eu des efforts de
faits dans les villes, ce n'est pas la première fois. Il y a eu des coupures
dans les années 90, il y en a eu, des coupures, au début des années 2000, puis
là on leur impose. Oui, mais il faut leur donner les moyens… dans le plus important
de leurs dépenses, qui sont les relations de travail, bien, il faut être
capable d'aller… d'oser, puis d'aller plus loin, puis de leur dire qu'on va les
aider là-dedans.
M. Croteau (Martin)
:
Donc, en accordant le droit de lock-out aux municipalités, on va
automatiquement tout régler ou…
M. Laframboise : Je ne vous
dis pas qu'on va…
M. Croteau (Martin)
:
…ou couper le gras qu'il y a dans les municipalités? Il n'y a absolument…
M. Laframboise : Je ne vous
dis pas qu'on va tout régler. Ce qu'on va faire, c'est qu'on va leur donner une
façon, à elles, aux villes, d'améliorer leur sort. Puis après ça, une fois que
tu as fait ça, là, tu peux dire aux villes : Maintenant, tu vas contribuer
à l'atteinte du déficit du gouvernement.
Donc, c'est pour ça que… Les villes, vous
savez, quand je regardais… J'ai été président de l'Union des municipalités du
Québec. Je regardais la présidente de l'UMQ puis le président de la FQM signer
le rapport en disant : C'est la dernière fois. Bon, bien, moi, j'en ai
signé un, pacte, dans la fin des années 90, donc, bon, c'est… Tout le monde
s'attend à ce qu'il y ait une amélioration du sort puis qu'il y ait un nouveau
pacte en 2016, mais, si vous avez entendu le président du Conseil du trésor, il
n'a pas dit qu'en 2016 le nouveau pacte… Oui, il va y en avoir un, mais ça ne
veut pas dire que les villes vont récupérer l'argent qu'elles ont donné, là. Donc,
c'est loin d'être assuré.
Donc, c'est… À quelque part, les villes,
ce qu'elles veulent, c'est, compte tenu qu'elles ont une masse salariale qui
est importante puis qui est réglée par des arbitres, bien, évidemment, à un
moment donné, elles ont besoin de revenus supplémentaires, sinon — le
miracle n'existe pas — l'augmentation des tarifs, l'augmentation des
taxes ou coupures de services et/ou reporter des investissements. Ça fait
plaisir. Merci beaucoup.
(Fin à 11 h 1)