(Onze heures)
M.
Turcotte
:
Nous avons appris que les carrefours jeunesse-emploi du Québec ont reçu par
lettre, à travers le Québec, un ultimatum pour s'engager, d'ici le 3 décembre,
s'engager à signer une entente de service. On peut vraiment dire que le ministre
et le gouvernement met le fusil sur la tempe des carrefours jeunesse-emploi.
Vous comprendrez que, dans des
organisations comme… où c'est des bénévoles, de leur dire hier : Vous avez
jusqu'au 3 décembre pour vous engager dans une entente de service, sans savoir
qu'est-ce qu'il y aura dans l'entente de service et vers où on s'en va, vous
comprendrez que ça pose beaucoup de questions et que les bénévoles sur le
terrain, bon, se questionnent. D'ailleurs, lors du dernier débat de fin de
séance que j'ai eu avec le ministre, le ministre nous avait dit : Si votre
organisation ne nous transmet pas son intention de poursuivre son partenariat
avec le ministère, nous serons dans l'obligation de faire appel à d'autres
ressources externes. Ça, c'est dans la lettre, mais le ministre avait utilisé
pratiquement les mêmes mots avant. Donc, on peut voir que le ministre avait
déjà commencé à faire du chantage, et la lettre, au fond, est le résultat de
cette affirmation.
On sait aussi que le gouvernement est
habitué dans ce genre de technique là. Lors du débat sur le pacte fiscal, les
municipalités ont été confrontées à la réalité après que la négo a été faite.
Dans la lettre, on mentionne le taux de chômage. C'est important de rappeler
qu'en 1997, lorsque la… lors de la création des carrefours jeunesse-emploi, le
taux de chômage était de 14,3 %. Il est actuellement à 14,1 %. Il y a
82 000 emplois à temps plein qui ont été perdus depuis l'arrivée au
pouvoir des libéraux.
Donc, tous les outils sont nécessaires
pour aider les gens à se trouver un emploi, notamment les jeunes. On voit qu'il
y a un recul, cependant, du gouvernement dans la lettre, où les jeunes qui
n'ont pas de chèque… donc, initialement, ce n'était que les jeunes à l'aide
sociale et à l'assurance-emploi qui auraient pu avoir des services de leur carrefour
jeunesse-emploi. On voit qu'il y a un recul de la part du gouvernement, où il
permet une certaine ouverture, mais, encore là, on n'a pas de garantie. On ne
sait pas si ça sera vraiment tous les jeunes qui seront inclus. On ne sait
toujours pas si les 16, 17 ans seront inclus dans l'aide que les carrefours
jeunesse-emploi offrent déjà.
On sait aussi, en même temps, que les centres
locaux d'emploi ferment. Il y a beaucoup de fermetures, de centres locaux
d'emploi au Québec qui ferment. Donc, on ne sait toujours si les jeunes vont
pouvoir passer directement par leurs carrefours jeunesse-emploi ou devront
augmenter la bureaucratie et passer par leurs centres locaux d'emploi pour
recevoir un indice d'employabilité, recevoir un CP12. Donc, au fond, les jeunes
seraient considérés ayant un chiffre et un code, et, à un moment donné, là,
quand la liste d'attente sera épuisée, pourront aller à leurs carrefours
jeunesse-emploi. Donc, c'est de l'augmentation de bureaucratie. On ne sait
toujours pas comment ça va fonctionner et si le ministre va permettre aux
jeunes de passer directement à leurs carrefours jeunesse-emploi.
Ça aurait été tellement plus simple de dire
aux carrefours jeunesse-emploi : Vous faites un bon travail, on veut que
vous continuiez ce travail-là que vous faites, mais avoir une attention plus
particulière pour les jeunes à l'aide sociale et à l'assurance-emploi. On
aurait évité tout ce débat, toute cette perte de temps, d'énergie. Il y a des
gens qui se sont mobilisés partout au Québec, mais il y a surtout aussi des
gens qui ont eu peur, des gens qui sont inquiets en ce moment, des jeunes qui
ont des services par leur carrefour jeunesse-emploi puis qui sont inquiets, des
gens qui travaillent, dans des carrefours jeunesse-emploi, qui sont inquiets.
On aurait pu tout économiser ça si le
gouvernement, si le ministre avait pris la peine de s'asseoir, de rencontrer
son propre carrefour jeunesse-emploi que, je rappelle, qui est dans le même
immeuble que son bureau de circonscription et de voir comment ça se passe sur
le terrain, puis peut-être qu'à ce moment-là il aurait vraiment pu saisir toute
la force, l'originalité, la couleur, la saveur des carrefours jeunesse-emploi;
ce qui a même fait dire à l'ancien premier ministre Jean Charest qu'il était
fan numéro un des carrefours jeunesse-emploi. Donc, il aurait peut-être pu
utiliser cette force des carrefours jeunesse-emploi là pour atteindre son
objectif dans l'harmonie et dans l'enthousiasme plutôt que de le faire un peu
avec le fusil sur la tempe, comme on voit actuellement.
On n'a toujours pas d'assurance sur le
plan du financement dans les régions. On sait que la plupart de l'enveloppe des
carrefours jeunesse-emploi vient du fédéral, mais on ne sait toujours pas
comment il sera régionalisé, ce financement-là. Donc, est-ce qu'il y a des
carrefours jeunesse-emploi, dans certaines régions du Québec, qui seront
obligés de fermer? On ne le sait toujours pas. C'est vraiment un débat de structures
que le gouvernement a fait depuis le début, sans vraiment avoir en tête les
services qui sont offerts aux jeunes, et la qualité de ce service-là qui doit
être offert aux jeunes, et la particularité de ce service-là que les carrefours
jeunesse-emploi offrent.
Donc, nous, ce qu'on dit, c'est qu'il ne
faut mettre aucun jeune de côté, peu importe son âge, peu importe la grosseur
de son portefeuille, peu importe quelle région il habite. Donc, le meilleur
outil pour s'assurer que nos jeunes retournent sur les bancs d'école pour avoir
une formation qualifiante ou pour avoir un emploi de qualité, c'est les
carrefours jeunesse-emploi. Et, pour toutes ces raisons, bien, on va continuer
à se battre pour qu'aucun jeune ne soit mis de côté au Québec.
M. Hicks (Ryan) : Est-ce qu'il
y a une marge de manoeuvre pour les CJE, en ce moment, par rapport à cette
entente et ce que le gouvernement veut qu'ils fassent?
M.
Turcotte
:
Bien, à l'heure actuelle, il y a déjà des carrefours jeunesse-emploi qui ont
des ententes de service spécifiques sur certaines clientèles avec Emploi-Québec.
Là, ce qu'on leur dit, c'est : Maintenant, ça va être juste comme ça.
Mais, comme les carrefours jeunesse-emploi n'auront plus de financement de
base, de financement à la mission, ils ne pourront plus faire des projets
structurants comme ils le faisaient, qui attiraient des jeunes aux carrefours
jeunesse-emploi pour ce programme-là, par exemple, pour la culture ou pour,
mettons, les travaux, là, pour enlever les graffitis sur les murs, des choses
comme ça. Ça mobilisait des jeunes, ça attirait des jeunes, et, un coup rentrés
dans l'organisme, on leur disait : Bon, peut-être que tu pourrais avoir
une meilleure formation. As-tu pensé à tel métier? Et ça permettait de leur
trouver un emploi, puis le taux de réussite était excellent.
Là, en n'ayant plus ce financement à la
mission, bien, il y a beaucoup moins de marge de manoeuvre pour les carrefours
jeunesse-emploi. Et, en ce moment, on sait déjà que les ententes de service qui
sont signées entre les carrefours jeunesse-emploi et Emploi-Québec, Emploi-Québec
a de la difficulté à fournir le nombre de jeunes qui est dans l'entente. Donc,
si les carrefours jeunesse-emploi ne peuvent pas, par eux-mêmes, recruter des
jeunes, à l'heure actuelle, ne pourraient pas respecter leurs propres ententes.
Donc, la crainte que nous avons, c'est ça.
C'est : si les jeunes ne peuvent pas passer directement par leur carrefour
jeunesse-emploi, bien, est-ce qu'ils vont pouvoir être aidés par la suite?
M. Hicks (Ryan) : Qu'est-ce
que les CJE vont faire? Parce que vous avez dit qu'ils ont un ultimatum jusqu'au
3 décembre. Qu'est-ce qu'ils vont faire, dès maintenant, jusque-là?
M.
Turcotte
:
Bien là, ça, c'est à eux qu'il faudrait poser la question. Moi, ce que j'ai
comme information, c'est qu'il y a beaucoup de carrefours jeunesse-emploi...
Premièrement, les gens ont eu la lettre hier, le 24 novembre, et là on leur dit :
Il faut que vous mobilisiez votre conseil d'administration pour nous envoyer,
par écrit, un engagement de principe de votre conseil d'administration. Un
engagement de principe, on ne sait pas c'est quoi dans... On s'entend qu'il y a
beaucoup de questions qui se posent.
Donc, moi, je reste en contact avec des
carrefours jeunesse-emploi partout au Québec, mais, à l'heure actuelle, je sens
beaucoup de l'inquiétude puis des carrefours qui se disent : Bon, bien,
qu'est-ce qu'on fait? Puis là c'est sûr qu'ils vont se réunir entre eux puis
trouver une stratégie, là.
M. Hicks (Ryan) : Pourquoi
pensez-vous qu'il y a cette déconnexion, quand le ministre et le ministère
pensent quelque chose, et puis, les carrefours jeunesse-emploi, ils ont une
perspective complètement différente? Pourquoi est-ce qu'il y a cette
déconnexion?
M.
Turcotte
:
Bien, moi, j'ai mon explication. Moi, je pense que le gouvernement actuel, c'est
un gouvernement qui est très idéologiquement campé, et ce n'est que de
l'idéologie. Je regrette, mais on le voit, là, tout ce qui vient des régions,
tout ce qui fonctionne en région, le gouvernement libéral veut le saccager. On
parle des carrefours jeunesse-emploi, on parle des centres de la petite
enfance, on parle des centres locaux de développement, on parle de santé et
services sociaux. Tout ce qui vient des régions, c'est comme si ce n'est pas
bon pour le gouvernement. Il faut tout centraliser à Québec, là, puis que ça soit
les ministres qui décident de tout.
Puis dans la lettre, là, c'est clairement
indiqué, là, que les carrefours jeunesse-emploi doivent être considérés comme
toute autre organisation, là, dans l'employabilité. Mais c'est ce qui fait sa
force des carrefours jeunesse-emploi, même le premier ministre Jean Charest l'a
reconnu, c'est ce qui est… La force des carrefours jeunesse-emploi, c'est leur
originalité, leur couleur, leur saveur, leurs particularités, leurs possibilités
d'avoir une certaine autonomie puis de pouvoir faire des projets.
Parce que ce n'est pas vrai que les jeunes
peuvent se sentir mobilisés quand on leur dit : Bon, bien là, là, vous cadrez
dans tel programme, puis là il faut que vous rentriez comme ça, puis c'est ça,
les critères. Les jeunes sont tous différents puis ils sont à un âge où ils ont
besoin de se sentir différents. C'est ce qu'était le succès des carrefours
jeunesse-emploi et, selon nous, c'est ce qui doit continuer à être fait, puis
on va continuer à poser des questions, puis on ne lâchera pas le combat parce
que tous les jeunes doivent être aidés. Merci beaucoup.
(Fin à 11 h 10)