(Onze heures trente-sept minutes)
M.
Therrien
:
Alors, bonjour. Je suis ici pour réagir, justement, à l'état des négociations par
rapport au projet de loi n° 3. Alors, nous siégeons en étude détaillée
depuis le 7 octobre. Nous avons passé 77 heures en commission, sans compter le
temps passé à attendre des groupes… à entendre des groupes touchés par le projet
de loi. Le gouvernement est majoritaire et il a l'appui de la CAQ. Québec
solidaire brille par son absence, rien de bien neuf. Le seul rapport de force
de l'opposition pour faire adopter des amendements repose sur le temps. Nous
avons utilisé ce temps pour tenter de convaincre le ministre sur certains
aspects, notamment les déficits passés, et laisser plus d'espace à la négociation
également demandée par les villes.
Depuis le début, notre objectif est
d'obtenir des gains réels pour les retraités et les travailleurs, participants
actifs, et ce, sans compromettre la pérennité des régimes de retraite et la
capacité de payer des contribuables. Nous avons déposé plus de 40 amendements.
Certains ont été adoptés, la plupart rejetés. Nous avons fait quelques gains,
des gains quand même importants : le retrait de la réserve du calcul des
déficits passés, la protection des salaires carrière indexés, le retrait…
excusez, la comptabilité distincte aussi, l'admissibilité de plus de régimes au
report de la restructuration. Depuis mercredi dernier, des discussions se sont
intensifiées avec le ministre. J'aimerais vous informer de l'entente en cours.
Elle porte sur trois aspects.
D'abord, le premier gain, le partage des
déficits passés des participants actifs. Dans le projet de loi, on prévoyait
50-50, on a réussi à obtenir 45-55.
Le deuxième gain, qui n'est pas encore
dans le projet de loi, devrait être adopté demain, ça résulte d'une entente
qu'on a obtenue avec le ministre à partir de la commission parlementaire d'hier — vous
pouvez lire ou regarder la commission pour vous en convaincre — c'est
l'indexation progressive et le rétablissement du pouvoir d'achat des retraités,
faire en sorte que, si vous perdez l'indexation pendant un laps de temps, vous
n'ayez pas une pénalité permanente de cette perte-là. C'est-à-dire qu'on va
récupérer… après ce deux ans, on récupère le revenu qui aurait été ce revenu-là
si on avait eu l'indexation.
Le troisième gain, possibilité de partage
45-55 des déficits imputables aux retraités.
Le Parti québécois s'est assuré de ces
deux derniers amendements en échange de la conclusion de l'étude détaillée de
demain soir et de procéder à l'adoption finale pour jeudi prochain. Il faut
comprendre que le gouvernement, avec ou sans notre appui, allait adopter le projet
de loi. Nous avons choisi d'être constructifs et de se faire porteurs des
demandes et des critiques entendues lors des consultations.
Nous allons tout de même voter contre le projet
de loi. Il y a un bris de contrat dans ce projet de loi qui fait jurisprudence.
On n'avait jamais vu ça auparavant. On ne peut pas accepter un projet de loi
qui consiste à briser les contrats du passé, bien entendu, entre les parties.
On ne peut pas considérer qu'on peut et qu'on doit partager les déficits passés
à partir de ce bris de contrat là. On ne peut pas acquiescer à ça, c'est
impossible. On ne peut pas acquiescer à un projet de loi qui a très peu de respect
pour les négociations entre les parties impliquées. On ne peut pas faire ça.
Nous croyons qu'il est de notre responsabilité
d'en arriver à améliorer, dans la mesure du pouvoir de l'opposition officielle…
d'améliorer le projet de loi, de le bonifier. Hier soir, lorsque le ministre et
le leader du gouvernement ont confirmé cette entente, nous étions à l'article
42 sur 57. Il n'y avait plus beaucoup de litiges sur ces articles. L'opposition
officielle respectera les éléments de l'entente, le gouvernement fera de même,
on l'espère. Il nous a donné la parole hier, sa parole, qu'il respecterait
l'entente convenue hier soir.
Ces trois amendements ont été arrachés de
longue lutte. Ils représentent des gains réels pour les travailleurs et retraités.
Devant la menace de bâillon, nous devions sécuriser ces gains que nous avons
faits pour les travailleurs et les retraités. On sait que les efforts qu'on a
faits vont trouver leur récompense à l'intérieur du respect des travailleurs et
des retraités, à l'intérieur de leur protection de revenus, soient des revenus
de rente ou des revenus via des retraites futures. Un bâillon entraînerait le
danger de perdre tous ces gains, alors on a voulu être efficaces, on a voulu
faire la part des choses le plus possible et d'améliorer le projet de loi en
faveur des travailleurs et des retraités.
Mme Prince (Véronique)
:
Juste une précision, parce que Pierre Moreau nous parlait de deux amendements,
vous parlez de trois amendements. La différence entre le premier puis le troisième…
M.
Therrien
:
Bien, c'est que le premier est déjà inclus dans le projet de loi, mais il avait
fait état des discussions au préalable. Dans la discussion par rapport à
l'entente qu'on a eue hier, là, qu'on a finalisée hier, il y avait un premier
gain qu'on avait fait : c'était 45-55 pour les participants actifs, qu'on
a introduit dans l'article 8 — on l'a introduit, je pense, à la fin
de la semaine prochaine — et ça faisait partie de l'entente globale
qui nous permettait, justement, de laisser le projet de loi avancer.
C'était une entente… ça faisait partie de
l'entente initiale. Mais lui, il est inclus dans le projet de loi, déjà. On l'a
déjà voté, il est amendé, il est inclus. Les deux autres sont à venir, ils vont
venir demain, en après-midi ou en début de soirée.
M. Ouellet (Martin)
:
Mais c'est toujours à condition d'une entente, ça, 45-50, parce que c'est
50-50, en principe. C'est à condition d'une entente négociée.
M.
Therrien
:
Bien, oui, exactement. C'est qu'on laisse part à la négociation.
Dans le projet initial, ils laissaient une
ouverture à 40-60, mais il fallait que les gens fassent preuve qu'ils laissent
tomber une partie de leur salaire pour descendre à 40 %. C'était l'article
11, je pense, mais je vous dis ça de mémoire. Mais, entre la première mouture
et la seconde, ils l'ont enlevé. J'ai demandé pourquoi, puis il n'a pas
vraiment répondu à cette question-là clairement. Mais ils l'ont enlevé, et
nous, on a dit : Bien, il faut rétablir au moins 55-45, sans condition. Ça
veut dire que, s'il y a entente, les parties, elles ne sont pas obligées de
faire la preuve qu'on doit laisser quelque chose sur la table. Alors, on laisse
libre cours à la négociation.
Au début, ce qu'on voulait, c'était dire :
Vous avez une entente 50-50 sur les déficits passés, à moins que les parties en
conviennent autrement. On voulait laisser… faire en sorte que les gens puissent
avoir confiance à la négociation pour obtenir des ententes. Quand le ministre
nous a dit : Bien, écoute, on ne peut pas laisser en plan les déficits
passés, on veut que les gens s'entendent puis on n'a pas confiance à la
négociation, moi, j'avais dit : Bien, écoutez, si vous voulez vraiment
vous entendre sur 50-50, laissez la chance aux gens de s'entendre, et, s'ils ne
s'entendent pas, allez au 50-50. Laissez la chance au coureur. Ils ont voté
contre ça, et la CAQ également a voté pour ça. Dans leurs propos, ils ont dit :
Nous voulons protéger les villes contre elles-mêmes.
Alors, ça, ça fait état un peu des
négociations qu'on a eues. On a travaillé très fort. C'est aussi facile de
changer un amendement ou d'arriver avec un amendement, là, que de manger une
pomme à travers une raquette de tennis, là. Je veux dire, on a travaillé très
fort et, malheureusement, on aurait voulu le changer davantage. Et c'est pour
ça qu'on va voter contre ce projet de loi là, parce que, malgré les avancements
qu'on a obtenus, il reste qu'on a un problème important. Comme je vous ai dit,
on revient sur les déficits passés avec un bris de contrat. On ne pourra jamais
accepter ça.
M. Caron (Régys)
:
Pensez-vous que c'est de nature à calmer la grogne des syndicats, M. Therrien?
M.
Therrien
:
Écoutez, ils sont maîtres de leurs destinées. Nous, ce qu'on fait, dans ce
projet de loi là, le travail qu'on a fait, c'est d'amener le plus
d'améliorations possible. Compte tenu des circonstances, compte tenu du fait,
comme je vous dis, qu'il y a un bris de contrat d'inclus dans ce projet de loi
là, bien, moi, je peux comprendre à quel point ils peuvent avoir une grogne,
ces gens-là.
Écoutez, moi, j'en appelle au bon sens des
gens qui nous écoutent. Si, demain matin, vous avez des contrats, des ententes
entre des participants, et qu'on renie ces ententes-là, comment vous allez vous
sentir? C'est grave, ça.
M. Caron (Régys)
: Le
PQ a déjà fait ça dans le passé.
M.
Therrien
:
Non, jamais. On n'est jamais revenus, non. On n'est jamais revenus sur…
M. Caron (Régys)
: En
1983...
M.
Therrien
: On
n'est jamais revenus sur des ententes passées. Allez relire ça.
M. Ouellet (Martin)
:
Les contrats de travail…
M.
Therrien
: On
n'est jamais revenus sur des ententes passées, jamais.
M. Ouellet (Martin)
:
Bien, comment qu'on faisait, d'abord, pour couper les salaires?
M.
Therrien
: On
n'est jamais revenus sur des ententes passées. Allez vérifier.
M. Ouellet (Martin)
:
Ah oui?
M.
Therrien
:
Bien, je vous le dis.
M. Boivin (Simon)
: M.
Moreau dit que ça va toucher environ 3 000 personnes. Est-ce que, somme
toute, ce n'est pas des gains mineurs que vous avez obtenus?
M.
Therrien
: Bien,
moi, je vous dirais, s'il minimise les gains, pourquoi a-t-il été si difficile
à convaincre de ces gains-là? Moi, je vous pose la question. Quand on a réussi
à avoir ces gains-là, il considérait que c'étaient des gains énormes, et ça a
tout pris pour qu'on puisse s'entendre avec lui. C'est parce que c'est des
gains significatifs. C'est à peu près… En tout cas, ceux qui ont… de mémoire,
ce qui ont une indexation complète, c'est à peu près 15 % à 20 % des
salariés, et des indexations partielles, ça peut monter à 35 %, 40 %.
Je vous dis ça de mémoire, là. C'est quand même important, là. Et donc, moi, je
vous dirais, il faut faire attention à ce qu'on dit. Ce n'est pas parce que lui
dit ça que c'est la vérité, parce que, moi, je vous dis, ça a été très dur à
obtenir.
M. Caron (Régys)
:
Combien de personnes vont en bénéficier? M. le ministre n'a pas pu chiffrer. De
votre côté, avez-vous une idée?
M.
Therrien
:
Bien, écoutez, ça dépend, parce que, là, il faut que tu sois indexé, d'abord.
C'est compliqué. Vous savez, c'est un projet de loi qui est très compliqué. Je
vais essayer de simplifier au maximum, si vous me permettez.
D'abord, il faut que tu sois indexé. Il
faut que ton régime ne soit pas pleinement capitalisé au départ pour te faire
couper ton indexation. Bon, ça fait que là, là, étant donné…. mais, autre chose, étant
donné qu'on n'a pas les chiffres du 31 décembre 2013, comment vous voulez que
je réponde à votre question? On a demandé les chiffres depuis octobre. Est-ce
qu'on peut avoir les chiffres? On ne les a jamais obtenus. On ne les a pas
encore.
M. Ouellet (Martin)
:
M. Therrien, est-ce qu'on peut dire que c'est quelques milliers de personnes
maximum?
M.
Therrien
: Je
ne peux pas dire ça parce que…
M. Ouellet (Martin)
: …
M.
Therrien
:
Bien non, mais écoutez… Écoutez, vous semblez pouvoir répondre à la question
que vous posez. Moi, si je veux être honnête, là, je ne peux pas répondre à
cette question-là, parce que, comme je vous explique, il faut que tu aies une
pleine indexation, il faut que tu sois non pleinement capitalisé en 2013 ou en
2015…
M. Caron (Régys)
: Un
instant. M. le ministre a parlé de pleine indexation et d'indexation partielle.
M.
Therrien
:
Bien, c'est ça que je vous dis, là, je continue…
M. Caron (Régys)
: Ça
inclut les deux, là.
M.
Therrien
:
Non, non, bien oui, exactement, pleine indexation ou indexation partielle, qui
est coupée à cause qu'on a des déficits, et après il faut avoir des surplus. Ça
fait que là, il faut que ces trois conditions-là… Bien oui, mais, écoutez, ces
trois conditions-là doivent être respectées.
Quand les gens sont venus en commission
parlementaire, les retraités, ils étaient unanimes à dire que c'était
inacceptable de désindexer et de faire en sorte, par la suite, de retrouver une
indexation sans compensation du terrain perdu précédemment. Et ça, c'est tous
les groupes de retraités qui nous ont dit qu'ils n'étaient pas capables
d'accepter ça.
Alors, moi, je fais juste vous dire qu'on
répond à la volonté des retraités à travers ces amendements-là qu'on amène. On
veut tout simplement faire en sorte que leurs demandes soient respectées.
M. Ouellet (Martin)
:
Mais comment pouvez-vous dissiper l'impression que vous avez échangé… vous
avez, au fond, levé les obstacles pour un plat de lentilles?
M.
Therrien
:
Bien, vous irez demander aux retraités si c'est des plats de lentilles qu'on
leur offre. Vous irez demander aux retraités.
Mme Plante (Caroline)
:
Juste pour qu'on y voie clair. Allez-vous étirer le débat en Chambre ou vous
allez pleinement coopérer pour l'adoption du projet de loi?
M.
Therrien
:
Moi, écoutez, depuis le début… Les gens qui nous ont suivis en commission
parlementaire se sont aperçus d'une chose : c'est que j'avais une parole
et j'ai un honneur, et, quand je dis quelque chose, je le respecte, et, depuis
le début, c'est clair.
J'ai dit que demain… Écoutez, j'ai laissé
la chance au coureur. J'ai dit au ministre : Je vous fais confiance, je
fais confiance en votre parole. Vous me dites que demain vous allez les
introduire, je vous fais confiance. S'ils introduisent demain les deux amendements
que j'ai proposés, moi, je vous dis qu'on devrait aller, la semaine prochaine,
vers une entente.
Journaliste
: Vers un
vote.
M.
Therrien
:
Vers un vote. Bien, nous, on va voter contre. Ça, c'est sûr.
Mme Plante (Caroline)
:
Mais vous n'allez pas essayer de bloquer ou… pas bloquer, mais…
M.
Therrien
: Si
on obtient satisfaction. Vous savez, ça a été des luttes extrêmement
difficiles. On a travaillé très fort, et nous, on est… Malgré qu'il y en a qui
pensent que c'est des gains quand même mineurs, moi, je vous dis qu'il y avait
une fermeture complète, ou à peu près, de la part du gouvernement. Et je vous
dirais que ce gouvernement-là n'a pas travaillé seulement pour lui-même, il a
travaillé pour Montréal puis Québec. Ça a été très difficile. Merci.
(Fin à 11 h 49)