(Onze heures dix-neuf minutes)
Mme David (Gouin) : Écoutez,
je voulais vous rencontrer ce midi parce que j'ai posé des questions à la ministre
de la Famille sur un aspect qui a été très peu touché depuis qu'on parle de la
hausse des frais de garde, c'est la question de la privatisation. Et je tenais
à aborder ce point parce qu'il me paraît central dans ce que le gouvernement
est en train de faire en ce moment.
C'est sûr que les familles s'inquiètent
bien davantage de ce qu'elles auront à payer, particulièrement les familles de
la classe moyenne. On les comprend. Mais, pour les observateurs attentifs de ce
qui se passe dans le réseau des services de garde depuis maintenant près de
20 ans, il y a un phénomène qui se passe, qui se passait avec les libéraux
de 2003 à 2012 et qui est en train de reprendre de plus belle : on
privatise le réseau.
Évidemment, on a encore nos formidables
centres à la petite enfance, mais j'ai dit et je le répète, on a maintenant
plus de places dans le secteur privé, celui où, bon an, mal an, le ministère de
la Famille reçoit le plus de plaintes sur la qualité des services. On a donc
plus de places dans le privé, subventionnées et non subventionnées, que dans
des centres à la petite enfance qui, je le rappelle — on ne le dit
pas assez — sont dirigés essentiellement par les parents. On a affaire
à des corporations autonomes, entreprises d'économie sociale sans but lucratif,
qui donnent des services de grande qualité, et, lorsqu'il y a des problèmes,
les parents sont capables d'en discuter puisqu'il y a un conseil
d'administration formé de parents. Cela n'est pas le cas dans les garderies
privées. On ne le dira jamais assez.
On sait aussi — on le sait de
source sûre — que, depuis une semaine, la ministre de la Famille est
en négociation intensive avec les regroupements de garderies privées non subventionnées.
Qu'est-ce qui se passe? On ne le sait pas, la ministre n'en parle pas. Mais,
s'il y a négociation intensive, il y a certainement anguille sous roche. On
sait que la ministre est vraiment plus intéressée à combler des places dans ces
garderies privées non subventionnées qu'à les combler via les centres à la
petite enfance, à qui des fonctionnaires commencent déjà à dire, pour les centres
à la petite enfance qui avaient des projets d'agrandissement, de rénovation et
même de construction : N'allez pas trop vite, arrêtez tout. Si vous n'avez
pas déjà signé un contrat avec un entrepreneur, bien, n'oubliez pas que ça va
vous prendre 50 % des coûts d'immobilisation, vous allez devoir les
assumer. Vous savez très bien que les centres à la petite enfance sont
incapables d'assumer 50 % des coûts d'immobilisation, surtout qu'on est
venus, depuis les dernières années, rogner énormément dans leurs surplus.
Alors, il faut s'assumer, à un moment donné. Si on laisse peu de surplus aux
garderies puis qu'on leur demande d'assumer 50 % du coût d'une
immobilisation — par exemple, construction de CPE, ça peut monter à
200 000 $, 300 000 $ — bien, comment voulez-vous
qu'ils fassent?
Donc, beaucoup d'indices qui nous portent à
croire que, lorsque la ministre se décidera à développer vraiment de nouvelles
places en garderie... moi, je ne parle pas des 6 300 places qui étaient
déjà prévues sous l'ancien gouvernement, qu'elle est en train de terminer. Ça,
ce n'est pas vraiment... Oui, ce sont de nouvelles places, mais qui étaient
entièrement prévues. Ce n'est pas du tout un projet libéral. Lorsque, nous
l'espérons, elle ouvrira de nouvelles places, projet libéral — elle
nous dit : le réseau devrait être complété en 2020‑2021 — est-ce
que, oui ou non, ces places iront en priorité aux centres à la petite enfance?
Je prétends que, sur la base des informations que j'ai, la réponse est non. Et
j'aimerais que la ministre soit plus claire à ce sujet-là.
J'aimerais surtout que la ministre et son
gouvernement consentent à faire démocratiquement un débat social sur cette
question. Le modèle que le Québec privilégie, le modèle que la population
québécoise veut voir, disons, le plus important, là, dans la société
québécoise, en ce qui a trait à la garde des enfants, est-ce que c'est un
modèle sans but lucratif ou est-ce que c'est un modèle commercial? Moi, je
pense que, si on posait la question comme ça à la population québécoise... en
fait, je n'ai aucune inquiétude, la majorité des gens nous dirait : On
préfère et de loin un modèle de service de garde sans but lucratif, dirigé par
les parents, de qualité et qui finalement devient une sorte de service
essentiel parapublic. C'est le modèle qui a été choisi en 1997 et c'est ce
modèle-là que, comme bien d'autres d'ailleurs, on aura l'occasion d'y revenir,
le gouvernement libéral remet en question sans le moindre débat démocratique.
M. Caron (Régys)
: Quel
est le problème avec les places en garderies privées, Mme David? En quoi c'est moins
bon?
Mme David (Gouin) : Plusieurs
garderies privées sont bonnes; moi, je ne le nierai certainement pas. Je dirais
qu'il y a un problème… tiens, on va prendre un mot que le gouvernement aime
beaucoup, il y a un problème de gouvernance. Dans les garderies privées, les
propriétaires de la garderie, ils ont tous les droits et ils ont aussi le droit
de payer leurs éducatrices moins cher que dans les centres à la petite enfance,
où les éducatrices sont très largement syndiquées, toutes des femmes, et ont
obtenu, dans les 20 dernières années, enfin, des conditions de travail et des
salaires acceptables, ce qui souvent n'est pas le cas dans les garderies
privées.
Les parents n'ont pas… il n'y a pas de conseil
d'administration, donc les parents ne peuvent pas siéger sur un conseil
d'administration qui est inexistant. Moi, ça me paraît problématique. Quand on
veut assurer une véritable qualité pour des services où on met nos enfants,
hein, nos enfants, là, entre, généralement, un an et cinq ans, tous les parents
me comprendront, on veut être certains que ça fonctionne bien, que les enfants
sont bien traités, mangent bien, ont suffisamment d'espace pour aller jouer,
que tous les jours ils vont jouer dehors, etc. Et ça, c'est très difficile pour
les parents de s'en assurer. D'abord, on ne les laisse pas facilement entrer dans
les garderies privées à certaines heures, et, deuxièmement, il n'y a pas de conseil
d'administration.
Ça n'empêche pas, je le répète, qu'il y a
des garderies privées de qualité, je ne le nierai jamais, mais je vous rappelle
en même temps que, bon an, mal an, les plaintes au ministère de la Famille
relatives aux services de garde proviennent, d'abord et avant tout, du secteur
privé. Ce n'est pas moi qui l'affirme, c'est dans les statistiques du ministère
de la Famille.
M. Dutrisac (Robert)
:
Le gouvernement semble… a été amené à créer des places, mais des places moins
chères. Or, les places dans les CPE sont plus chères, d'une part. D'autre part,
il existe, ils l'ont mentionné, 20 000 places inoccupées, semble-t-il,
dans ce fameux réseau des garderies non subventionnées.
Pour faire en sorte que les familles
québécoises aient des places le plus rapidement possible, compte tenu des
finances publiques, est-ce que ce n'est pas la solution de faire appel, la
solution peut-être…
M. Caron (Régys)
: Des
compromis.
M. Dutrisac (Robert)
:
Pas de compromis, mais, en tout cas…
Mme David (Gouin) : De remplir
ces 20 000 places en garderies privées non subventionnées.
M. Dutrisac (Robert)
:
De remplir ces 20 000 places, on aurait facilement… facilement des places
à moindre coût. Donc, il y aurait plus de familles qui auraient des places en
garderie.
Mme David (Gouin) : Mais, vous
comprenez, on a déjà discuté de tout ça, mon Dieu, il y a un an et demi ou deux
ans, lorsque le gouvernement péquiste, à l'époque, nous a annoncé que, pour ce
qui était des nouvelles places en garderie, il en créerait 85 % dans les
centres à la petite enfance, ce que nous avons applaudi.
Pourquoi? Je le répète, parce que c'est là
qu'il y a la plus grande garantie de qualité pour nos enfants et, deuxièmement,
parce que c'est là que les travailleuses sont payées, on va dire, décemment,
beaucoup plus décemment, en tout cas, qu'il y a 20 ans. Ça, ça devrait aussi
nous interpeller puis ça devrait nous faire plaisir. Ce sont toutes des femmes
qui s'occupent de nos enfants. On veut, je pense, que ces femmes-là aient de
bonnes conditions de travail et soient bien traitées.
Donc, pour nous, c'est irrecevable, l'idée
de d'abord combler les 20 000 places en garderies privées non subventionnées,
puis je vais vous dire pourquoi. Pourquoi ces places sont-elles libres? Parce
qu'au fond, si je suis parent et que je cherche une place, c'est vrai qu'en
désespoir de cause... Tous les parents veulent aller en CPE, ça, je peux vous
le dire, puis, en désespoir de cause, un certain nombre vont dans le privé, ça,
c'est certain. Mais peut-être qu'il faut se poser des questions. Peut-être
qu'il faut se demander pourquoi ces 20 000 places sont libres. Peut-être
que les parents n'ont pas envie d'y envoyer leurs enfants. Peut-être aussi que
ces places sont, pour un certain nombre, ce serait à regarder, dans des endroits
qui sont non pertinents. Peut-être qu'elles ne sont pas situées là où on en a
véritablement besoin.
Parce que, je vous le rappelle, de 2003 à
2012, tout ça, là, les garderies privées non subventionnées, ça a été un
développement, mais absolument anarchique, sans parler de l'affaire Tomassi, où
on s'est rendu compte qu'il y avait des permis de garderie qui s'octroyaient
contre faveurs aux libéraux. Alors, il ne faut pas partir de quelque chose qui
a été mal fait pour se dire : Bien, on va continuer de mal faire.
Et moi, je m'insurge contre cette idée des
places à moindres coûts. Non pas que je veux dépenser indûment l'argent de
l'État; vous me connaissez, je suis plutôt frugale. Mais attention, là, on
parle de services essentiels. On parle de nos enfants, qui ne peuvent pas
vraiment se défendre, qui n'ont pas de syndicat, hein, qui sont des petits
êtres un peu sans défense, et on voudrait tout simplement les faire garder là
où ça coûte moins cher, sans se poser plus de questions. La réponse de Québec
solidaire, c'est non.
Nos enfants ont droit à des services de
qualité. Ils y ont droit à la garderie, ils y ont droit à l'école, au cégep, à
l'université. Il y a des coûts qu'il faut assumer pour avoir de la qualité, et
ces coûts-là, c'est, entre autres, les salaires et les conditions de travail
des éducatrices. Je le dis encore parce que c'est très important.
M. Pépin (Michel)
:
Bon, le gouvernement libéral a réduit de 50 % le financement des
immobilisations en CPE. Je ne sais pas ce que ça vous prend plus pour douter du
fait que le gouvernement veut freiner l'expansion des CPE. Ça paraît assez
clair. Qu'est-ce que ça va vous prendre de plus? Que la ministre le dise :
Oui, c'est ce que nous voulons faire? Non, mais c'est assez clair, là. Les
immobilisations sont réduites de 50 %.
Mme David (Gouin) : Mais, M.
Pépin, je pense que je suis très, très au clair là-dessus. Alors, si vous voulez
que je vous le dise, je vais vous le dire, il est très clair que la ministre de
la Famille veut freiner l'expansion des CPE. Elle ne s'en cache pas. Elle l'a
dit au regroupement des garderies privées non subventionnées. Nous avons un
courriel où c'est écrit en toutes lettres.
M. Pépin (Michel)
:
Parfait. Ça, c'est… Ça a ça de bon.
Mme David (Gouin) : Est-ce que
c'est clair?
M. Pépin (Michel)
: C'est
clair. Maintenant, est-ce que vous avez eu le temps de consulter le projet de
loi n° 27 déposé hier?
Mme David (Gouin) :
Malheureusement, non.
M. Pépin (Michel)
:
D'accord. Malheureusement.
Mme David (Gouin) : Les
journées n'ont que 24 heures.
Mme Plante (Caroline)
: The Liberals have raised
day-care fees. Now they're talking about optimizing the system.
Mme David (Gouin) : Excuse me.
Mme Plante (Caroline)
: That's OK. So the
Liberals have already raised the day-care fees. Now they're talking about
optimizing the network. And you're bringing about and penalizing parents in day-cares
for ghost places. And now you're raising a third issue, which is privatization.
Can you elaborate on that? What is the third problem or issue?
Mme David (Gouin) : Yes. I will try. The problem of privatization is it is not the
choice of the population. When did you see a debate around that? Nowhere. The
Liberals decided that. The next places will be in the private system, and that
is a problem. Why? Because complaints of the parents are… we have more
complaints from the parents in the private system of day-care than in the
«centres à la petite enfance». We know that. And the minister knows that, but
she wants to implement new places in day-care where it costs low.
I don't agree with that choice.
We have to pay the fair price to have good day-care, great quality for our
children, good salaries for the women who take care of our children. It's so
important, you know, because we talk about children. So I don't want to
«gaspiller»… waste, I don't want to waste the State's money. It's not the
question. But the question is : If we need more money to have a good
system with quality, we'll pay, and it is a social choice. The Liberal
Government make another choice. It is his choice and he didn't begin any public
debate around that.
Mme Plante (Caroline)
: How would you qualify the Liberal Government's management of this
day-care file? In general, how would you qualify the Liberal's management in
day-care?
Mme David (Gouin) : I look for a word in English… It's terrible, no sensibility. It's
not fair, you know. They are not fair with the public day-care
system. They don't negotiate too much with them, they negotiate with the
private system. It's not fair and it's terrible for me. Merci beaucoup.
(Fin à 11 h 33)