(Quinze heures cinquante-trois minutes)
M. Fournier
: Quelques
réactions à chaud, c'est le cas de le dire, devant une surprise et volte-face
littéralement de la part du Parti québécois.
D'abord, sur les événements qui viennent
tout juste de se produire, à part de l'incompréhension, je n'ai jamais vu… ça
fait quelques années que je suis ici, je n'ai jamais vu quelqu'un qui, pendant
un débat, acquiesce à ce qu'il y ait un autre débat qui se tienne sur une
motion qui est présentée par la suite, et, lorsque vient le temps, change la
parole donnée, qui va, évidemment, contrairement à nos valeurs dans notre code
d'éthique. Mais, au-delà de ça, comment pouvoir fonctionner dans nos
institutions si les gens font croire des choses qu'ils disent sciemment, qui ne
se réaliseront pas par la suite?
L'état des lieux est le suivant : Le
Parti québécois a accepté que nous puissions débattre, un, de leur motion et
ensuite de la motion des trois autres partis et, lorsqu'est venu le temps de
débattre de la motion des trois autres partis, a retiré son consentement. Dans
un débat qui porte sur quoi? Dans un débat qui porte sur la question de la relation
entre un propriétaire qui contrôle majoritairement ou un propriétaire seul d'un
média ou d'un empire médiatique sur les institutions démocratiques, sur la vie
politique, notamment sur la situation du député de Saint-Jérôme qui est
l'acteur dans ce débat.
Ce n'est pas par partisanerie que nous
voulons faire ce débat. C'est le député de Rosemont, qui est membre du Parti
québécois, qui est candidat à la chefferie du Parti québécois, qui a soulevé
l'incapacité, pour un directeur et propriétaire de presse, d'être en même temps
chef de parti. Nous avons, pendant six semaines, discuté pour éviter que le Parti
québécois se sente coincé dans un débat qui, selon eux, allait être un débat
partial. Nous avons retiré la proposition de commission parlementaire pour aller
vers un centre d'étude. Même là, dès le moment où on doit considérer que tout
ça se fait dans un contexte que 8 millions de Québécois connaissent, il y
a, pour la première fois à l'Assemblée, un élu qui est propriétaire de Québecor. Imaginez,
ce n'est pas le petit journal de quartier, c'est un empire médiatique. Nous
devons pouvoir en discuter correctement, objectivement, et le chemin qu'on a
choisi, c'est celui d'un centre d'étude qui fait un document d'analyse.
Alors, quand on regarde l'ensemble du contexte,
déjà, de refuser qu'un centre d'étude examine, c'est déjà se mettre la tête
dans le sable, comme on dit, de l'autruche. Mais d'avoir fait volte-face, renié
sa parole à un consentement donné pour étudier et adopter ou débattre d'une
motion, là, c'est plus que de l'aveuglement volontaire. Là, c'est un refus, un
refus total qu'il y ait une discussion sereine sur un enjeu majeur. Ils ne
veulent pas voir cet enjeu, ils ne veulent pas que ce soit discuté. Ce n'est
pas le député de Saint-Jérôme ni le Parti québécois qui a la capacité de dicter
comment on peut faire des analyses sérieuses au Québec, surtout pas lorsqu'on
sait que, dans des débats antérieurs, le Parti québécois avait soutenu, dans le
cas de M. Whissell, qui avait 20 % d'une compagnie de béton et une fiducie
sans droit de regard, que ce n'était pas suffisant, il fallait vendre les
actions. Ça ne fait pas longtemps, ça fait cinq ans de ça.
Alors, dans ce contexte-là, moi, je vais
continuer de discuter avec la CAQ et Québec solidaire pour nous assurer qu'il y
ait bien un mécanisme d'étude objectif qui soit fait là-dessus. Pour le reste,
le comportement du Parti québécois, on retiendra. J'imagine que le député de
Saint-Jérôme est très heureux de ce genre de comportement. Peut-être que c'est
à cette enseigne que le Parti québécois veut maintenant s'inscrire.
M. Lecavalier (Charles)
:
La prochaine étape, c'est quoi? Est-ce que vous allez ramener cette motion-là
demain? Est-ce que vous allez en débattre demain?
M. Fournier
: Écoutez,
le processus des motions sans préavis nécessite le consentement des autres
partis. Nous avions donné notre consentement à la leur, ils ont consenti à la
nôtre. Vous êtes tous témoins. Le président était témoin. On a même consenti à
ce que ce soit un débat de cinq minutes. Ce n'est quand même pas rien, on a
même le délai. Et, tout à coup, ça a été retiré.
Alors, nous allons réfléchir, et
j'entends, demain, pouvoir trouver une autre façon de faire ce débat
sérieusement. Il doit y avoir une réflexion. Lorsqu'on demande un document
d'analyse, là, on demande un document objectif analysant le contexte. Personne
au Québec, personne au Québec ne devrait avoir peur d'une analyse faite par un
centre universitaire indépendant.
Mme Tremblay (Marie-Hélène)
:
Mais quelles sont les alternatives que vous avez si ce n'est pas, justement,
via une motion?
M. Fournier
: Je compte
en discuter… D'ailleurs, on a… les discussions vont se poursuivre, on en a eu
pendant six semaines, là. Je vais discuter avec, évidemment, la coalition et
Québec solidaire, et demain on sera en mesure de faire des annonces. Il y aura
un suivi. On ne laissera pas ça comme ça parce que, tout à coup, le Parti
québécois décide de faire la loi à l'Assemblée nationale. Les Québécois ont le
droit de savoir.
M. Lecavalier (Charles)
:
Et pourquoi une commission parlementaire, ce n'est pas le lieu pour tenir cette
analyse-là?
M. Fournier
: Écoutez,
moi, au début, je favorisais une commission parlementaire. Pendant six
semaines, puis ça ajoute à l'indignation que j'ai, pendant six semaines, on a
tout fait... De toute façon, je me fie à l'analyse que vous ferez des textes.
Nous avons déposé un texte avec une commission parlementaire. Le Parti
québécois refusait ce forum-là. Pendant six semaines, vous m'avez interrogé :
C'est rendu où? Qu'est-ce qui va se passer? On a eu plusieurs formules. On a
envisagé une commission parlementaire présidée par quelqu'un qui n'était pas un
député, quelqu'un de neutre. On a envisagé plusieurs pistes.
À la fin du jour, à chaque fois, on
essayait de tendre la main au Parti québécois parce qu'on se disait : Il
faut qu'il y ait… tous les acteurs puissent donner de la place à cette
réflexion-là. On a voulu le faire ensemble, on a voulu collaborer. Vous comprenez
combien je suis indigné aujourd'hui, pendant six semaines, d'avoir tendu la
main, de voir aujourd'hui quelqu'un qui renie sa parole, dans l'intervalle de
trois ou quatre minutes, à la parole donnée. Je n'en reviens tout simplement
pas.
Ceci étant, la vie continue. Au-delà de ce
qui se passe dans cette bulle de l'Assemblée nationale, nous devons procéder à
une analyse objective de la situation. Nous allons voir les moyens qui sont à
notre disposition, et j'entends, demain, vous en faire part.
M. Boivin (Simon)
: M.
Péladeau a voté sur la première motion, celle du Parti québécois. Est-ce que
c'était questionnable, ça… Vous en pensez quoi?
M. Fournier
: Je vais
le laisser répondre au commissaire à l'éthique. Le commissaire à l'éthique aura
à se prononcer là-dessus puisqu'il y a eu…
M. Boivin (Simon)
: Sur
le vote d'aujourd'hui ou sur…
M. Fournier
: Sur tous
les votes, il a à se prononcer. Dans le cas de M. Péladeau, il a à se prononcer
sur beaucoup de votes. Mais, dans le cas présent, il aura à se prononcer
là-dessus, comme il aura à se prononcer sur le comportement du Parti québécois
et de la leader de l'opposition officielle qui n'a pas respecté les valeurs...
de façon très claire, avec le président à témoin, sans compter tous les autres
membres de l'Assemblée nationale, qui n'a pas respecté la parole donnée
quelques minutes plus tôt, là. Alors, ça s'est passé dans la même séance, là.
Bien, tout le monde est témoin.
Mme Tremblay (Marie-Hélène)
:
Mais est-ce que ce n'est pas questionnable, justement, le fait qu'il ait voté,
alors qu'à la… la dernière fois, si je me rappelle bien, il s'était retiré, il
avait quitté l'Assemblée nationale.
M. Fournier
: Encore
une fois, je vais tenter… Bien sûr, je suis très déçu de la façon dont le Parti
québécois a géré sa chose. Ceci étant, je vais laisser au commissaire à
l'éthique le soin de répondre à votre question.
Moi, je suis ici pour dire aux Québécois
que nous avons tous le droit d'avoir une analyse objective de la situation.
C'est ce que nous voulons, la plupart d'entre nous, sauf le Parti québécois.
Mais, quand Québec solidaire, quand la coalition et nous, on est d'accord, et
que le Parti québécois est le seul — et je n'inclus pas Jean-François
Lisée, je pense que je vais le compter avec nous — quand tout ce
monde-là est d'un côté puis que, de l'autre côté, il y a simplement les
intérêts d'une seule personne qui a l'air à être considéré, je crois que les
intérêts du Québec doivent être au-dessus de ça, doivent être considérés dans
leur ensemble.
Et donc on va analyser les autres moyens
de pouvoir le faire, mais je ne veux pas ici pousser plus loin toutes les
opinions que je pourrais avoir sur l'ensemble de l'oeuvre. Le message est
simple et clair : les Québécois ont le droit à une analyse objective de la
situation. C'est ce que je souhaite.
M. Boivin (Simon)
: Est-ce
que dans cette lignée-là et compte tenu que vous avez, semble-t-il, une
appréciation différente de l'avis du mystérieux sage qui vous a déposé une
appréciation de la situation, est-ce qu'on ne pourrait pas… vous ne devriez pas
le rendre public, cet avis-là, qu'on puisse y jeter un oeil?
M. Fournier
: Sans
doute que demain on le rendra public, ça me fera plaisir. Vous verrez, à
l'intérieur de cet avis, la teneur des propos tenus aujourd'hui, et vous
pourrez en analyser la validité.
M. Boivin (Simon)
: …au
niveau technique, là, mais on parlait, là, dans votre motion, du dépôt du
rapport du centre d'études de l'Université Laval le 29 mai 2015. Donc, vous
aviez concédé que ce débat-là ne vienne pas intervenir dans la course à la
chefferie du PQ…
M. Fournier
: Tout à
fait, tout à fait.
M. Boivin (Simon)
: Ça,
c'était une de leurs demandes, ça?
M. Fournier
: Non, non,
non. Bien, on s'en est… personne ne s'en est caché. La première motion à une commission
parlementaire allait jusqu'au 29 novembre, donc avant le lancement formel de la
campagne au leadership. Je crois qu'il est… ce n'est pas le bon endroit pour
l'ensemble des partis politiques d'intervenir directement à l'égard de la
campagne à la chefferie. Ça pouvait se faire avant, mais on a tenté de
s'entendre avec le Parti québécois. On est arrivé à un moment où on constate
que ce n'est pas possible.
Alors, le document d'analyse sera fait par
un indépendant, j'espère, le centre d'études. Évidemment, on procède par
motion. Il faudra bien voir s'il l'accepte, ce mandat-là. Ça, c'est l'autre
partie, là. Nous, on s'entend pour demander au centre d'études. On essaie
d'avoir une motion à l'Assemblée. Lorsqu'elle est adoptée, on peut aller voir
le centre d'études. Donc, il y aura cet élément-là, mais on croit que ça doit
être fait, donc, par un centre sérieux et objectif, un centre d'études de
l'Université Laval, puisqu'ils pourront le faire... bon, ça prend un certain
temps, à portes fermées. Ils feront leurs analyses, ils les rendront publiques
une fois que la course à la chefferie sera terminée. Pendant ce temps-là, le Parti
québécois pourra continuer de faire une campagne à la chefferie d'autruche,
pourra continuer de dire : Nous n'avons aucun problème, nous pouvons nous
permettre toutes les possibilités du monde, même si ça contredit toutes les
positions qu'on a prises dans le passé.
Ils peuvent... Nous sommes dans une société
de liberté. Par contre, il nous appartient à nous de porter un jugement sur la
façon dont ils se comportent. Et on aura un document objectif qui nous
permettra par la suite d'avoir un débat, j'espère, plus serein.
M. Boivin (Simon)
:
Est-ce qu'il faut effectivement que tout ça débouche sur un projet de loi? Mme
Maltais avait l'air de vouloir de vous imputer...
M. Fournier
: Tout ça a
commencé par M. Lisée qui a dit que ce n'était pas possible d'être
propriétaire de Québecor et, en même temps, chef de parti. Dans la foulée, la
CAQ a déposé un projet de loi nous demandant de faire un projet... une motion
nous demandant de faire un projet de loi pour forcer le choix entre l'un ou l'autre.
Comme responsable de la réforme des institutions démocratiques, il me revient,
à moi, donc, de donner suite à cette motion.
J'ai dit dès le départ qu'avant de
procéder il me semblait normal qu'il y ait une analyse et un débat objectif sur
le sujet. Honnêtement, nous faisons des commissions parlementaires à tous les
jours, on en tient cinq au même moment par jour; le matin, l'après-midi, le
soir. C'était tout à fait normal de prendre une commission parlementaire. Le
Parti québécois a dit : Non, je ne veux pas. On est arrivés avec un autre
forum, on s'est entendus sur le forum, ils ne veulent pas qu'on s'aperçoive que
le député de Saint-Jérôme est propriétaire de Québecor. Ils ne veulent pas
qu'on s'en aperçoive, mais, qu'est-ce que vous voulez, on le sait. Bon.
Alors, à partir de là, nous, ce qu'on
fait, c'est d'aller vers un centre qui va nous donner de l'information. On
va... les parlementaires pourront s'approprier ce rapport-là, il sera déposé.
Il y aura sans doute des débats puis des discussions qui viendront là-dessus,
qui vont alimenter la réflexion du ministre en vue d'une législation à rédiger.
Mais on verra les différentes facettes qui sont là. C'est un sujet complètement
nouveau. Je ne peux pas arriver avec un projet de loi qui sort sans aucune
réflexion.
M. Boivin (Simon)
:
Donc, la question n'est pas de savoir s'il y aura ou non un projet de loi pour
forcer le choix, mais bien de comment est-ce qu'on va alimenter la réflexion
qui va mener à ce projet de loi?
M. Fournier
: En ce
moment-ci, à partir même où il y a une demande de projet de loi, je dis :
Réfléchissons sur c'est quoi, ce projet de loi là, qu'est-ce qu'on met dedans,
juste quel niveau de choix il y a à faire. L'institut de la gouvernance, qui
était un des organismes qu'on avait proposés pour la commission parlementaire,
ne demandait pas qu'il vende l'ensemble de ses actions, simplement celles qui
étaient du côté des médias d'information. Il y en a d'autres qui ont plaidé que
ça allait à l'encontre de la charte des droits. On voulait entendre tous ces
points de vue là, puis c'est important, avant de préparer une loi, d'avoir tous
ces points de vue là. On nous a refusé cela, de la part du Parti québécois.
Et lorsqu'on dit : On va aller vers
un centre d'études, même là, on nous dit : Non, non, il ne faut surtout
pas rien changer, il ne faut surtout pas toucher à rien. Alors, on va aller vers
un centre d'étude, ça va nous informer. On verra pour la suite des choses, quel
genre de législation, quelle législation. Y aura-t-il une législation? Mais
tout ça, c'est à partir du moment où on a de l'information. Jusqu'ici je crois
que, notre démarche, elle a été totalement logique et raisonnable. Eux ont
voulu qualifier cela de partisan. Ils n'ont qu'à regarder dans leurs propres
rangs. La partisanerie partait de chez eux. Nous l'avons élevé en allant vers
un centre d'étude. On ne peut pas appeler ça partisan franchement.
M. Lecavalier (Charles)
:
Mais M. Péladeau est aussi propriétaire, en plus des médias, d'une partie de ce
qu'on appelle l'industrie culturelle au Québec. Ça aussi, ça peut amener des
conflits d'intérêts. Est-ce que ça va être discuté dans cette analyse-là?
M. Fournier
: Écoutez,
on va vers un centre qui regarde les médias d'information. Je ne pense pas qu'ils
vont regarder cet ensemble-là. La question qu'on pose… parce qu'on ne veut pas
non plus que ça devienne, justement, pour répondre au Parti québécois dans ces
six semaines-là de discussion. On essaie d'avoir quelque chose qui est le plus
ciblé, le plus compréhensible, le plus logique. Alors, on va regarder ceci. C'est
la relation avec les institutions démocratiques, la vie politique. Il y a des
gens qui ont soulevé qu'il n'y a pas eu le même traitement à LCN pour le
lancement de campagne de Bernard Drainville et le lancement de campagne du
député de Saint-Jérôme. Il y en a qui ont soulevé ça. Honnêtement, je ne l'ai
pas analysé. Je ne l'ai même pas… Je ne l'ai même pas vu, mais il y en a qui
soulèvent ça.
Journaliste : Qui à soulevé
ça?
M. Fournier
: C'est
soulevé, ça, dans les gens qui nous côtoient. Il y en a qui regardent LCN. Il y
en a qui regardent puis ils disent : Comment ça se fait que ce n'est pas
le même temps? Alors, je ne dis pas qu'il y a une faute, mais je dis : Il
y a des questions qui se soulèvent, même à l'intérieur, non pas de la réaction
envers les autres partis, mais à l'intérieur même de leur parti. On parle
souvent d'apparence de conflit d'intérêts. Mme Maltais, à l'égard de M.
Whissell, parlait d'apparence de conflit d'intérêts. Toutes ces questions-là
vont être soulevées.
Alors, on peut bien les soulever ici, à
l'Assemblée nationale. Le Parti québécois ne voulait pas. On demande à un
centre d'étude de nous faire, justement, une analyse de ce contexte-là, et,
après ça, on pourra revenir à, j'espère, à tête plus froide puis avoir une
réflexion qui sera raisonnable et logique. Merci.
(Fin à 16 h 8)