(Onze heures vingt-cinq minutes)
M. Gaudreault
: Alors,
bonjour à tous et à toutes. Ça me fait extrêmement plaisir d'être ici. Je dois
vous dire que je suis particulièrement fier d'être ici pour vous parler d'un
geste législatif très fort que le Parti québécois fait aujourd'hui et qui
s'inscrit dans une suite historique de gains pour le Québec. Vous savez, on a
eu le nationalisme économique dans les années 60 avec Hydro-Québec, on a eu la
souveraineté culturelle, l'indépendance énergétique, la souveraineté alimentaire.
Aujourd'hui, on fait un pas de plus. Le Québec doit reprendre l'initiative, et
c'est ce que nous proposons en déposant un projet de loi qui affirme la
souveraineté environnementale du Québec.
Il s'agit du projet de loi n° 390, la
Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement afin d'affirmer la
primauté de la compétence du Québec en cette matière. Ce projet de loi
s'inscrit dans une suite logique de la motion unanime qui a été adoptée par
l'Assemblée nationale le 6 novembre sur la question du projet de TransCanada.
Ce que nous faisons aujourd'hui avec ce projet de loi, c'est un geste très fort
qui affirme la priorité d'application aux règles du Québec en matière
d'environnement.
Deuxièmement, il amène une règle
d'interprétation qui favorise l'exercice de la compétence du Québec en matière
d'environnement. Il amène techniquement un pouvoir réglementaire d'identifier
tout projet qui a un impact significatif — ce sont ces mots, là, qui
sont importants, les mots clés, «un impact significatif» — qui
justifie la primauté du droit du Québec en matière d'environnement. Autrement
dit, aucune disposition, aucune disposition, aucun projet qui découle
d'une loi fédérale ne pourrait déroger à un droit de veto du Québec en matière d'environnement.
C'est ça qui est l'élément important à comprendre. C'est un droit de veto, une
clause Québec — appelez-la comme vous voulez — pour le
Québec en matière d'environnement.
Vous savez, jamais le Québec ne renoncera à
sa souveraineté environnementale, jamais. Et le Parti québécois, aujourd'hui,
en déposant ce projet de loi, dit à 87 % de la population, qui a dit dans
un sondage que, sur le dossier de TransCanada et d'Énergie Est, que c'était le
Québec qui devait prendre cette décision-là ultime… 87 % — ce
n'est pas rien — de la population a dit que c'est le Québec qui
devait prendre cette décision. Aujourd'hui, le Parti québécois
répond présent en déposant ce projet de loi.
Maintenant, pour la suite des choses, ce
que je souhaite, évidemment… Et, si je prends au mot le ministre de
l'Environnement, David Heurtel, et même le premier ministre, Philippe
Couillard, qui dit qu'il veut affirmer la… qu'il veut assumer la compétence du
Québec en environnement, alors j'invite le gouvernement et j'invite évidemment
la Coalition avenir Québec et le parti Québec solidaire à accepter d'appeler ce
projet de loi n° 390 pour qu'on l'étudie en commission parlementaire,
qu'on puisse le bonifier, le cas échéant, et surtout qu'il puisse être adopté
pour affirmer cette souveraineté, ce nationalisme environnemental du Québec.
Merci.
Mme Lajoie (Geneviève)
:
Pourquoi ne pas avoir fait ça quand vous étiez au pouvoir, il n'y a pas si
longtemps?
M. Gaudreault
: Bien,
écoutez, je pense que l'actualité des dernières semaines, des derniers mois,
nous a conduits à réfléchir à cette question et à travailler étroitement sur ce
projet-là. Le dossier de TransCanada Énergie, le dossier du pipeline Énergie
Est est beaucoup plus présent dans l'actualité, vous en conviendrez.
D'ailleurs, le projet a été déposé… le premier projet a été déposé le
4 mars, puis l'élection a été déclenchée le 5 mars. Alors, ce projet
a cristallisé… le projet d'Énergie Est a cristallisé cette volonté et cette
nécessité, cet intérêt pour les Québécois d'assurer leur souveraineté, leur
nationalisme environnemental. Alors, c'est pour ça qu'aujourd'hui on a fait un
pas de plus.
Je pense que, si nous avions été au
gouvernement… si nous étions au gouvernement à l'heure actuelle, nous ferions
exactement la même chose. On ne peut pas refaire l'histoire, mais vous
conviendrez avec moi que ce dossier d'actualité a pris beaucoup de place et
nous a incités à faire ce pas.
M. Croteau (Martin)
:
Mais la loi actuelle prévoit déjà que la construction d'un nouveau pipeline de
plus de deux kilomètres peut provoquer une évaluation environnementale du
Québec. Alors, pourquoi est-il nécessaire d'aller plus loin avec ce projet de
loi?
M. Gaudreault
: Oui.
C'est nécessaire d'aller plus loin parce que présentement c'est le gouvernement
fédéral qui a le pouvoir, le dernier mot, le pouvoir ultime à l'égard des
projets environnementaux qui sont, par exemple, comme le cas du pipeline… qui traversent
plusieurs provinces.
La question de l'environnement est une
compétence partagée. Les Pères de la Confédération, en 1867, n'avaient pas
pensé aux changements climatiques, aux gaz à effets de serre. Alors, aujourd'hui,
on vient clarifier ça avec le projet de loi n° 390. Puis je veux juste
vous rappeler, sur le dossier d'Énergie Est, que la compagnie TransCanada a toujours
dit qu'elle ne reconnaissait que la compétence du fédéral sur ce dossier-là. Le
ministre lui-même l'a dit, le ministre Rickford, des Ressources naturelles au
fédéral, il l'a affirmé également. Alors là, aujourd'hui, on prend
l'initiative, on dit que le gouvernement du Québec doit appeler notre projet de
loi pour affirmer cette initiative, cette compétence ultime du Québec, et non
pas le fédéral.
M. Croteau (Martin)
:
Mais ne trouvez-vous pas que la loi actuelle ne donne pas déjà une emprise au
Québec sur la possibilité de rejeter certains aspects du pipeline et ainsi
torpiller le projet, là?
M. Gaudreault
: Pas
suffisamment. On ne vient pas bétonner ce pouvoir ultime du Québec. Avec ce
projet de loi n° 390, c'est très important de comprendre qu'on lui donne un
statut quasi constitutionnel. On lui donne un statut quasi constitutionnel à la
Loi sur la qualité de l'environnement, un peu comme la charte des droits et
libertés du Québec, un peu comme la Charte de la langue française. Alors, ça
devient un statut quasi… une loi quasi constitutionnelle et affirmant ainsi la
primauté du Québec.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais le gouvernement du Québec a-t-il, à ce moment-ci, les moyens légaux,
juridiques pour faire barrage au projet Énergie Est?
M. Gaudreault
: Bien,
nous, on dit qu'il lui en manque. Il lui manque ce pouvoir ultime qu'on doit
affirmer par une loi, et c'est ce qu'on lui donne comme outil aujourd'hui.
Maintenant, il faut que le gouvernement
l'appelle. Bien sûr, le gouvernement a déjà des compétences. Bien sûr, le
gouvernement peut avoir les certificats d'autorisation, même le droit civil,
même en matière agricole, avec la Commission de protection du territoire
agricole, mais, quand on décline toutes ces mesures ou toutes ces compétences,
on s'aperçoit qu'ultimement, malgré cela, l'Office national de l'énergie, avec
le gouvernement fédéral, pourrait autoriser le projet. Alors, pour nous, il faut
mettre un barrage à ça. Il faut donner une possibilité au gouvernement du Québec
d'adopter des règlements pour dire : Tel projet, là, a un impact
significatif — c'est ce qu'on dit dans le projet de loi — a
un impact significatif sur l'environnement et ce n'est qu'au Québec de décider.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Cette loi, si elle est adoptée, passera-t-elle le test des tribunaux, selon
vous?
M. Gaudreault
: Bien,
je n'ai pas à décider à la place des tribunaux. Notre prétention, c'est que
oui, parce qu'on s'en va chercher des critères qui, selon la jurisprudence dans
les dernières années en matière de constitution, vient harmoniser, si on veut,
le droit, vient harmoniser les relations entre le fédéral et les provinces. Et
nous croyons que nous donnons des outils à la Cour suprême pour dire :
Oui, voilà, on éclaircit quelque chose qui n'est pas clair présentement, soit
la compétence en matière d'environnement, et c'est à la faveur du Québec, parce
que le Québec, comme vous le savez, les provinces, dans la Constitution
canadienne, a déjà des compétences en matière de transport, mais surtout de
ressources naturelles. Alors, en s'accrochant à la compétence sur les
ressources naturelles, on pense que ça doit relever du Québec, ultimement.
M. Croteau (Martin)
:
Sur un autre sujet, quelle valeur donnez-vous à l'évaluation environnementale
qui sera tenue par Québec, considérant qu'elle n'étudiera pas l'impact des…
M. Gaudreault
: Des gaz
à effet de serre, global.
M. Croteau (Martin)
:
…des gaz à effet de serre en Alberta?
M. Gaudreault
: Bien,
ça, c'est un recul important du gouvernement du Québec. Je veux juste vous
rappeler, justement, la motion unanime du 6 novembre qui disait qu'on doit
tenir compte de l'impact global des GES. J'ai de la misère à comprendre le premier
ministre là-dessus. Puis ce qui m'inquiète le plus, c'est qu'il nous a dit ça
en compagnie de M. Prentice, tout de suite en sortant de sa rencontre, alors ça
laisse entendre que M. Prentice l'a influencé dans ce sens-là. Alors, c'est
pour ça que, raison de plus, que le gouvernement appeler notre projet de loi
pour justement clarifier toute cette question et de cesser de se laisser
influencer, je dirais, par les autres provinces.
M. Croteau (Martin)
:
Êtes-vous d'avis que la construction du pipeline d'Énergie Est va provoquer une
augmentation significative des émissions de GES en Alberta?
M. Gaudreault
: Bien, à
partir du moment où on doit produire plus de sables bitumineux ou extraire plus
de sables bitumineux pour l'exporter, forcément ça va augmenter les GES, et
vous savez que ce pétrole non conventionnel produit beaucoup plus de GES que le
pétrole dit conventionnel. Donc, à partir du moment où on l'exporte, que ce
soit vers le Sud, vers l'Ouest, ou par ici, vers l'Est, bien, ça augmente les
GES, puis les GES n'ont pas de frontières, hein?
Donc, moi, je pense que le Québec, s'il
veut être cohérent dans son discours de l'importance de lutte aux changements
climatiques, doit tenir compte de l'impact en amont de l'extraction des sables
bitumineux, donc sur l'impact sur les gaz à effet de serre, et même l'impact en
aval à partir du moment où ils vont partir éventuellement d'un port comme le
port de Cacouna, là — bon, je dis ça comme hypothèse — ou
le port de Saint John, Nouveau-Brunswick.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Le
premier ministre, hier, a dit que le pétrole va bouger même si le projet de
TransCanada, Énergie Est, ne voyait pas le jour. Vous ne partagez pas…
M. Gaudreault
: Bien,
il va bouger, vous voulez dire, à partir des sables…
M. Bélair-Cirino (Marco) : Il
va être extrait des sables. Il va y avoir des émissions de gaz à effet de
serre.
M. Gaudreault
: Il va bouger,
mais par où, là, tu sais. Parce qu'il va…
M. Bélair-Cirino (Marco) : Par
train, par bateau.
M. Gaudreault
: Oui.
Mais, c'est ça, c'est comme s'il baisse les bras tout de suite. Moi, je pense
que le Québec doit assumer un leadership. Le premier ministre nous le dit
souvent, hein, qu'il a convoqué un grand sommet l'année prochaine au Québec. Il
veut se faire le chantre de la bourse du marché du carbone. Bien là, il faut
qu'il soit cohérent parce que les gaz à effet de serre, là, ils n'ont pas de
frontières, et, quand les sables bitumineux vont transiter par un pipeline, ou
par train, ou autrement, par le Québec, bien, il faut tenir compte de l'impact
sur les GES. Puis moi, je vous… Vous connaissez notre position, on ne veut pas
que le Québec soit strictement une autoroute pour l'exportation du pétrole sans
aucune retombée pour le Québec, où on assumerait tous les risques, que ce soit
par train, par bateau, par pipeline, par pigeon voyageur, s'il le faut.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais, juste pour être clair sur la question du port pétrolier en eau profonde,
donc Cacouna semble être écartée, du moins par le gouvernement du Québec, là.
M. Gaudreault
: Oui. Ça
semble assez clair.
M. Bélair-Cirino (Marco) : Ils
ne semblent pas être disposés à publier ou à émettre des certificats
d'autorisation, par le biais du ministère de l'Environnement, pour ce
projet-là. Est-ce qu'il y a un autre site, selon vous, qui pourrait être
considéré par l'entreprise au Québec? Puis vous dites que le Québec ne doit pas
être une autoroute du pétrole, le premier ministre disait hier que, si on veut
avoir des retombées à long terme, on doit avoir un port pétrolier au Québec,
pas seulement le pipeline. Donc, pour vous…
M. Gaudreault
: Oui,
puis encore, il faut voir où on fixe la barre des retombées économiques.
Construire un port, c'est une chose, ça dure quelques mois, quelques années
tout au plus, mais, ensuite, il y a quelques personnes seulement qui y
travaillent. Est-ce que ce sont des retombées suffisantes?
Deuxièmement, je sais que la compagnie
TransCanada a étudié de nombreux scénarios tout le long du fleuve, là, allant
du port de Québec jusqu'en Gaspésie. Ce n'est pas à moi de vous dire où la
compagnie doit aller, là. Je ne commencerai pas à faire le travail de la
compagnie.
Puis troisièmement je dois vous dire que…
vous avez vu le ministre Heurtel a fixé sept conditions, alors, peu importe le
site éventuel de la compagnie, la compagnie devra respecter ces sept conditions,
notamment les garanties de sécurité publique pour la population et les
garanties les plus hautes en matières techniques pour la protection de
l'environnement. Alors là, c'est à la compagnie de trouver un autre site, mais
le problème, c'est qu'on se retrouve dans un cercle où, là, ça reporte encore
le BAPE. Moi, je dis au gouvernement qu'il doit mandater immédiatement le BAPE
sur ce projet.
M. Croteau (Martin)
: Autrement
dit, est-ce que le choix d'un site moins sensible que Cacouna pour un port pétrolier
serait de nature à rendre l'ensemble du projet plus acceptable aux yeux du PQ?
C'est un peu ça…
M. Gaudreault
: Oui,
mais là, c'est des questions hypothétiques. Il faut qu'on voit où ils vont
cibler leur port, leur prochain port. On va l'évaluer dans l'ensemble, mais,
encore une fois, si le gouvernement a fixé sept conditions, il faut s'assurer
que la compagnie va respecter les sept conditions. Puis je ne veux pas
m'embarquer dans un scénario où je vais avoir de cibler un port plus qu'un autre.
Puis la question est beaucoup plus large
aussi. Il faut voir : Est-ce que le Québec veut devenir strictement une
terre d'exportation de pétrole, d'énergies sales? Et nous, on répond non à
ça. Et, pour être sûrs, de répondre non, il faut appeler et adopter le
projet de loi n° 390.
(Fin à 11 h 38)