(Treize heures quarante minutes)
Mme Vallée
: Bonjour à
tous. Bon après-midi. Alors, merci d'être ici, merci de votre intérêt. Aujourd'hui,
nous avons déposé un projet de loi afin de présenter les moyens dont notre gouvernement
souhaite se doter pour accélérer la récupération des sommes dont il a été privé
en raison de fraudes ou de manoeuvres dolosives dans le cadre des contrats
publics.
Vous savez, le 28 février dernier, les parlementaires
ont adopté des changements majeurs dans la procédure civile, dont l'entrée en
vigueur du nouveau Code de procédure civile, et c'est une réforme qui devrait
être prévue pour le début de l'année 2016. L'article 1 de la réforme du Code de
procédure civile prévoit que les parties doivent considérer le recours au mode
privé de règlement de leur différend avant de s'adresser aux tribunaux.
À titre de ministre de la Justice, je me
dois de donner l'exemple. C'est pourquoi nous proposons, comme première mesure,
de mettre en place un programme de remboursement dont pourrait se prévaloir,
pendant une durée limitée, toute personne ou entreprise qui aurait pu avoir
commis une fraude ou une manoeuvre dolosive dans le cadre de contrats publics
au cours des 20 dernières années. Ce programme de remboursement serait à
l'image des conférences de règlement à l'amiable bien connues des tribunaux
judiciaires, à l'exception du fait qu'il ne serait pas nécessaire qu'une
poursuite soit entreprise avant de s'en prévaloir.
De plus, ce programme de remboursement
serait administré par une personne neutre et indépendante, tel un juge à la
retraite. Cette personne aurait comme mandat d'amener les parties à s'entendre.
De plus, elle devrait analyser les offres reçues et ensuite formuler des recommandations.
Pour ce faire, l'administrateur du programme serait assisté de juriscomptables.
Cette avenue, c'est évident, a l'avantage des deux parties, puisqu'elle
permettrait, d'une part, à l'entreprise de faire preuve de bonne foi et de se
réhabiliter, mais également elle permettrait des économies substantielles en
frais juridiques, tant pour le gouvernement que pour l'entreprise, en plus
d'éviter d'encombrer notre système de justice.
Les citoyens n'ont toutefois pas à défrayer
les coûts liés à la gestion de ce programme. C'est pourquoi, dans le cadre du
programme de remboursement prévu au projet de loi, les entreprises participantes
devraient verser des frais supplémentaires correspondant à 10 % de la
somme à rembourser. L'entreprise souhaitant se réhabiliter devrait tout d'abord
déposer une offre de règlement auprès de l'administrateur neutre et indépendant
nommé pour gérer le programme. Celui-ci ferait, par la suite, des
recommandations à la ministre de la Justice. De plus, dans un souci de
transparence, le projet de loi prévoit que, lorsque le gouvernement accepte
l'entente, les noms des parties, les sommes de même que la période visée par
l'entente soient rendus publics. Je tiens toutefois à préciser que le programme
de remboursement qu'entend mettre en place le gouvernement viserait uniquement
à régler les réclamations de nature civile. Il ne se substituerait en aucun
temps aux poursuites de nature pénale ou criminelle qui pourraient être
intentées.
Dans une étape subséquente, les modalités
complètes du programme de remboursement seront publiées pour commentaires,
encore une fois par souci de transparence. J'invite donc les personnes et les
entreprises soucieuses de démontrer leur bonne foi et de se réhabiliter à se
prévaloir du programme.
Pour celles qui choisiront de ne pas le
faire, nous proposons de nouvelles dispositions qui faciliteront nos recours et
ceux des organismes publics, notamment les municipalités. Le gouvernement
propose donc la mise en place des mesures exceptionnelles afin de faciliter les
recours civils contre les entreprises fautives qui n'opteront pas pour la voie
de l'entente. Comme il s'agit de mesures exceptionnelles, nous avons
circonscrit leur application dans le temps à une période de cinq ans. De plus,
nous proposons des modifications aux règles de la prescription qui
permettraient au gouvernement et aux organismes publics d'entreprendre des
recours pour un préjudice causé il y a 20 ans. De plus, nous proposons
d'établir une présomption de dommages à 15 % dans la mesure où le
gouvernement prouverait qu'une entreprise a commis une faute ou une manoeuvre dolosive.
C'est donc l'entreprise qui aurait le fardeau de démontrer que les sommes
réclamées par l'État, soit jusqu'à concurrence de 15 % de la valeur du
contrat, ne sont pas justifiées.
Enfin, si le tribunal accueille l'action
intentée, une somme supplémentaire correspondant à 20 % des sommes dues
devrait être versée par les entreprises fautives pour couvrir les frais engagés
par l'État québécois pour les poursuites puisqu'encore une fois les
contribuables n'ont pas à faire les frais des démarches à entreprendre pour
récupérer les sommes injustement perçues par les entreprises.
En terminant, j'espère pouvoir compter sur
l'appui de l'ensemble des parlementaires dans le cheminement de ce projet de
loi là. C'est tout le Québec qui sortirait gagnant de cet exercice. Ce que nous
proposons aujourd'hui permettra au gouvernement et aux organismes publics de
récupérer les sommes dues dans l'intérêt des contribuables. De plus, en leur
donnant les moyens de rembourser les sommes versées en trop, les entreprises
pourront, quant à elles, se concentrer sur la création de richesse et d'emplois
pour tous les Québécois.
Je cède maintenant la parole à mon
collègue ministre et responsable du Conseil du trésor.
M. Coiteux : Merci beaucoup,
Stéphanie. Bonjour, tout le monde. Alors, pourquoi on fait ça, essentiellement?
Écoutez, au cours des dernières années, un grand nombre de Québécoises et de
Québécois ont été ébranlés par les allégations de corruption, de collusion, de
mauvaise gestion des fonds publics. Des réputations ont été entachées. Il faut
bien le dire, la méfiance s'est installée. Il est donc extrêmement important
d'agir pour rebâtir la confiance.
Il y a plusieurs mesures et politiques qui
ont déjà été mises de l'avant. Parmi les gestes posés, j'aimerais rappeler la
Loi sur les contrats des organismes publics en 2008, l'instauration de
l'attestation de conformité fiscale de Revenu Québec en 2010, la création de
l'UPAC et la mise en place de la commission Charbonneau en 2011, la création du
Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics, le RENA, en juin
2012, et finalement la Loi sur l'intégrité en matière de contrats publics
qui a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en décembre 2012.
Par ailleurs, plus récemment, notre
gouvernement a posé un autre geste en abaissant le seuil du régime
d'autorisation de contracter de 10 à 5 millions de dollars et en donnant
suite à certaines demandes spécifiques de la ville de Montréal. J'ai d'ailleurs
annoncé cela en septembre dernier.
Alors, cette semaine, le gouvernement
s'inscrit dans cette continuité. Il pose un nouveau geste qui contribuera à
rétablir la confiance. En tant que président du Conseil du trésor, j'ai la
responsabilité des marchés publics et je suis très fier de copiloter, avec ma
collègue ministre de la Justice et responsable de la Condition féminine,
Stéphanie Vallée, cet important projet de loi qui met en place un mécanisme de
récupération des sommes. Avec ce projet de loi, nous agirons au-delà des
intentions du gouvernement précédent qui limitait ce programme uniquement à
l'industrie de la construction. Tous les contrats publics seront maintenant
sous la loupe.
Il nous faut envoyer un message clair. En
tant que gouvernement rigoureux et responsable, nous proposons de viser
l'ensemble des contrats publics et nous prenons les moyens nécessaires pour
obtenir réparation. Que ce soit au niveau des contrats dans l'industrie de la
construction ou dans le domaine des technologies de l'information, le gouvernement
se donne les moyens pour que les contribuables soient dédommagés, peu importe
le type de contrat. Également, et contrairement au PQ, au Parti québécois,
notre projet de loi déposé aujourd'hui est élargi au-delà des entreprises et s'ouvre
aussi aux dirigeants et sous-contractants.
Ce projet de loi vise à réparer les
erreurs du passé en invitant les acteurs impliqués à rembourser le gouvernement
sur une base volontaire. Ce projet de loi est important, il est d'une portée
plus large que celui proposé par le gouvernement précédent. Cependant, je tiens
à préciser que, même si les entreprises acceptent de rembourser sur une base
volontaire, nous ne ferons aucun compromis en matière d'éthique et d'intégrité.
Le fait qu'une entreprise accepte de rembourser pourra certes être considéré
comme un indice de réhabilitation, mais elle restera dans l'obligation de se
conformer au cadre normatif de la Loi sur les contrats des organismes publics
ainsi qu'au régime d'autorisation de contracter avec l'État, tel que prévu par
la loi sur l'intégrité instaurée en 2013.
Ce projet de loi inclut d'autres
modifications en lien avec l'autorisation de contracter de l'Autorité des
marchés financiers. Actuellement, une entreprise qui est condamnée à l'une des
infractions prévues à la loi est automatiquement inscrite au Registre des
entreprises non admissibles et se voit donc refuser l'autorisation de
contracter pour les cinq années suivantes. Un tel automatisme ne tient pas
compte des correctifs que l'entreprise aurait pu apporter depuis sa
condamnation. En effet, le gouvernement veut reconnaître qu'une entreprise
condamnée pour des gestes passés peut s'être réhabilitée, notamment en ayant
revu sa gouvernance et sa gestion, en ayant chassé les administrateurs fautifs
ou en mettant en place les contrôles nécessaires pour éviter la répétition de
gestes inacceptables.
Le projet de loi propose de permettre à
l'Autorité des marchés financiers de retirer une entreprise du Registre des
entreprises non admissibles lorsque l'AMF évalue qu'une entreprise a posé les
actions nécessaires afin de répondre à de hauts standards d'intégrité. Ainsi,
une entreprise qui a apporté des changements significatifs depuis le jour de
l'infraction pour laquelle elle a été condamnée pourrait obtenir une
autorisation si, bien entendu, elle satisfait aux exigences élevées d'intégrité
au moment de sa demande, malgré sa condamnation pour des gestes posés
antérieurement. Cette mesure vise particulièrement à protéger l'économie du
Québec, car les entreprises dont il est question ont un rôle clé dans notre économie
et sont d'importants créateurs d'emplois.
L'adoption de ce projet de loi constitue
donc un geste clair en matière de renforcement des hauts standards d'intégrité
imposés à ceux qui veulent faire affaire avec le gouvernement. C'est aussi un
moyen que notre gouvernement se donne pour que les contribuables québécois
soient dédommagés. En plus d'affecter l'état des finances publiques, les sommes
récupérées lors de cet exercice contribueront aussi à rétablir la confiance de
la population à l'égard de nos institutions, de nos industries et de notre
crédibilité, autant sur la scène nationale qu'internationale.
En terminant, les Québécois sortiront
gagnants puisque le gouvernement et les organismes publics auront non seulement
récupéré les sommes dues, mais aussi renforcé les processus liés aux contrats
publics, sans oublier que les entreprises pourront se réhabiliter sur la place
publique. Merci.
La Modératrice
: On va
commencer avec les questions, par Martin Ouellet, LaPresse
canadienne.
M. Ouellet (Martin)
:
Bonjour, Mme la ministre, monsieur, mesdames. Juste une question technique, là.
Au départ, vous avez sans doute évalué combien… quel était le montant que vous
espériez récupérer avec ce programme volontaire. Est-ce que vous pourriez nous
le dire, s'il vous plaît?
Mme Vallée
: En fait,
le programme de remboursement volontaire, on espère récupérer plusieurs
dizaines de millions de dollars. Vous savez, à chaque année, c'est plus de 20
milliards de contrats publics qui sont accordés, par le gouvernement du Québec,
notamment. Et donc les sommes sont évaluées à plusieurs… comme on vous disait,
plusieurs dizaines de millions. Il n'y a pas un montant fixe, mais c'est quand
même substantiel.
M. Ouellet (Martin)
:
Pouvez-vous nous dire quel serait l'intérêt pour une entreprise de se compromettre
comme ça? Disons une entreprise qui n'a pas été poursuivie, là, quel serait son
intérêt d'aller chercher un règlement volontaire?
Mme Vallée
: C'est une
réhabilitation commerciale pour plusieurs entreprises. Ce programme s'inspire
de programmes qui, notamment, ont fait leurs preuves aux Pays-Bas et qui ont eu
un taux de succès fort impressionnant. Ça permet d'éviter les délais qui sont
générés par des recours civils, ça permet d'éviter aussi les coûts qui sont
engendrés par des recours civils, de part et d'autre, tant pour le gouvernement
que pour les entreprises. Et ça permet de… ça permettra aux entreprises de se
mettre à table et d'établir, si tel est le cas, les sommes qui auraient fait
l'objet d'une surfacturation au cours de la période visée par le projet de loi.
Alors, l'objectif est évidemment, comme
dans toute forme de règlement, de mode alternatif de règlement des différends,
c'est d'en arriver à une entente dans le meilleur intérêt de tous et, surtout,
dans le meilleur intérêt des contribuables du Québec.
La Modératrice
:
Martine Biron, Radio-Canada.
Mme Biron (Martine)
:
Bonjour. De cette dizaine de millions, là, d'entreprises… de millions de
dollars que vous voulez récupérer, vous vous attendez à avoir combien, là,
d'entreprises ou d'individus, dans les 12 mois suivant l'adoption, qui vont
venir cogner à votre porte?
Mme Vallée
: Bien,
évidemment, on n'a pas de nombre précis. C'est pourquoi, vous savez, on a des
mesures exceptionnelles qui sont mises en place pour le recouvrement des
sommes. Ces mesures-là touchent… viennent modifier la prescription civile,
viennent modifier la présomption de dommages, et elles sont sévères, et elles
permettront, nous l'espérons, d'encourager ou d'inciter les entreprises qui
auraient…. qui se seraient livrées à de la surfacturation, au cours de la
période couverte, de se mettre à table et de venir discuter.
Alors, comme je vous le mentionnais
précédemment, c'est un programme qui a fait ses preuves ailleurs, aux Pays-Bas
notamment, et qui a eu un taux de succès important, et il n'y a pas de nombre
précis d'entreprises visées, mais nous savons qu'il semble… Ce type de
programme là suscite un intérêt.
Mme Biron (Martine)
:
Mais ce que je comprends, là, c'est que… parce qu'on en a entendu de toutes les
couleurs à la commission Charbonneau, là, ce que je comprends c'est que Tony
Accurso pourrait cogner à votre porte et dire : Moi, j'ai eu tant de
millions ou de milliards de dollars de contrats dans les 10 dernières années,
j'ai surfacturé à 20 %, puis vous allez ajuster. SNC-Lavalin, Roche, il y
en a comme ça, là. C'est ça que vous voulez dire?
Mme Vallée
: On ne veut
pas personnaliser à une entreprise ou une autre, mais effectivement une
entreprise, un individu, un entrepreneur individuel qui aurait… qui accepterait
ou qui reconnaît s'être livré à une surfacturation pourrait… L'entreprise,
l'entrepreneur, l'individu, pourrait cogner à la porte du programme de
remboursement volontaire, se mettre à table et évidemment entreprendre ou
engager des pourparlers pour tenter d'en arriver à un règlement.
Mme Biron (Martine)
: …dire,
là, c'est que si cette entreprise-là, si elle s'assoit avec vous, par exemple,
SNC-Lavalin ou Roche, dit : Bon, moi, j'ai eu tant de contrats… Est-ce que
vous allez passer au peigne fin tous les contrats ou vous…
Mme Vallée
: Il y aura évidemment…
Mme Biron (Martine)
:
Est-ce que cette entreprise-là pourrait être poursuivie au-delà des 12 mois parce
que, vous, par exemple, vous trouvez qu'ils ont surfacturé dans x, y, z
contrats que vous n'avez pas passés au peigne fin dans le premier délai de 12
mois?
Mme Vallée
: Dans un premier
temps, l'entreprise ou la personne va s'asseoir avec la personne... le
gestionnaire du programme, hein? On s'entend, c'est une personne neutre, c'est
une personne indépendante qui sera chargée de l'administration du programme,
qui sera accompagnée d'une équipe d'experts, de juriscomptables et qui verra à
faire le tour des contrats avec son équipe pour déterminer aussi est-ce que ce
qu'on apporte à la table est exact, est-ce qu'il y a d'autres éléments à
considérer.
Par contre, les quittances données seront
pour les déclarations, les contrats qui auront fait l'objet d'une déclaration
pour les périodes données et spécifiées. Il n'est pas question de fermer les
yeux et de donner une quittance absolue pour l'ensemble des contrats. On
précise, et le projet de loi le prévoit, ce sera une quittance pour ce qui a
été déclaré. Si, dans le cadre des pourparlers et des discussions qui sont
faites dans le cadre du programme de remboursement volontaire, on nommait et on
ne fait pas mention d'autres contrats, ces contrats-là ne seront pas touchés
par une quittance et pourront toujours, advenant que... pourront toujours faire
l'objet de poursuites.
C'est vraiment... Il faut quand même... On
est sérieux dans cette démarche-là, et les contrats touchés et déclarés feront
l'objet d'une discussion. Évidemment, la personne neutre et indépendante fera
ses recommandations. Ce n'est pas parce que quelqu'un cogne à la porte du
programme de remboursement volontaire qu'il n'y a pas une analyse rigoureuse de
l'ensemble du dossier qui est faite.
La Modératrice
: Julie
Dufresne, Radio-Canada.
Mme Dufresne (Julie)
:
Bonjour à tous. Au-delà de tout ça, Mme Vallée, est-ce que, par exemple, en
ayant écouté, comme nous tous, la commission Charbonneau, est-ce que le gouvernement
a déjà fait des approches auprès de certaines entreprises? Est-ce que vous en
avez déjà ciblé ou est-ce que ce sera vraiment sur une base strictement
volontaire, peu importe ce qu'on a entendu, peu importe ce qu'on pourrait
soupçonner?
Mme Vallée
: Bien, pour
ce qui est du programme volontaire, évidemment, ce sont les entreprises qui
viendront se prévaloir. Alors, le programme de remboursement volontaire, ce n'est
pas une approche qui est faite par le gouvernement vers les entreprises, c'est vraiment
les entreprises qui souhaitent se réhabiliter au niveau commercial qui feront
la démarche, qui feront le premier pas pour se prévaloir du programme.
Si des entreprises ne souhaitent pas se
prévaloir du programme, bien, elles devront considérer le fait que des mesures
particulières relatives à la preuve, à la prescription, à la présomption de
dommages seront établies et permettront au gouvernement et aux organismes
publics d'entreprendre des procédures judiciaires. Et le programme de
remboursement volontaire, évidemment, comporte des avantages, en ce sens que...
autant pour le gouvernement que pour les entreprises et les individus, comporte
une assurance de discussions qui se font dans un contexte posé, et on contrôle.
C'est-à-dire que l'entreprise qui va se prévaloir du programme de remboursement
volontaire, elle le sait, elle contrôle, elle s'assoit à la table au même titre
que le gouvernement, et il y a des échanges qui se font dans un contexte
ordonné et des échanges de documentation, ce qui parfois est peut-être plus
prévisible qu'une poursuite qui peut s'échelonner sur plusieurs années et dont
le résultat n'est jamais assuré, ni pour le poursuivant ni pour le poursuivi.
Mme Dufresne (Julie)
:
Et pourquoi limiter... parce qu'on comprend que l'information qui va être
rendue publique à l'issue d'une entente, par exemple, va être limitée au nom de
l'entreprise, au secteur, au montant de remboursement. Pourquoi ne pas
expliquer le contexte? Parce que peut-être que les contribuables vont vouloir
savoir exactement de quoi il en retourne.
Mme Vallée
: Bien, il y
a actuellement... Il faut comprendre que, pour certaines entreprises, il y a de
l'information qu'on souhaite conserver. Et, pour préserver... pour inciter
aussi les entreprises à se prévaloir du programme de remboursement volontaire,
certaines informations ne sont pas divulguées parce qu'il peut s'agir de
renseignements de nature corporative, de renseignements d'affaires, mais les
montants seront rendus publics, la période visée sera rendue publique, alors c'est
quand même relativement important.
Il y a certaines informations de nature
plus confidentielle qu'une entreprise peut avoir et ne pas souhaiter
nécessairement mettre sur la place publique. Et ce processus-là garantit aussi,
et c'est un processus qu'on retrouve dans les conférences de règlements à
l'amiable, dans les dossiers. Énormément d'informations, lors des conférences
de règlement à l'amiable, sont conservées de façon... de nature confidentielle
pour inciter les gens à s'asseoir à la table.
La Modératrice
: Marco
Bélair-Cirino.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Oui, bonjour. Tout d'abord, pourquoi est-il nécessaire de diffuser ces informations-là,
le nom des entreprises qui vont se prévaloir du programme de remboursement
volontaire? Puis craignez-vous que cette mesure-là dissuade certaines entreprises
de participer au programme, puisque ça pourrait peut-être mettre la puce à
l'oreille de l'Agence du revenu du Canada ou d'autres organismes?
Mme Vallée
: Au
contraire, on pense que la divulgation de cette information-là va permettre aux
entreprises qui vont se prévaloir du programme de remboursement volontaire de
se réhabiliter commercialement. Il y a plusieurs entreprises, mon collègue vous
le mentionnait… il est important d'assurer que l'entreprise, que la croissance économique
puisse se poursuivre. Et, pour certaines entreprises qui ont déjà fait un
certain ménage, changé leurs pratiques, pour ces entreprises-là, de pouvoir
publiquement être reconnues comme ayant montré patte blanche ou s'étant prévalu
de ce programme-là, ce sera un atout parce que, sur la place publique, elles
seront identifiées comme ayant…
M. Bélair-Cirino (Marco) : …culpabilité.
Mme Vallée
: Il ne s'agit
pas… Là, il faut faire une distinction. On n'est pas dans le domaine pénal, on
est dans le domaine civil. Donc, on parle de surfacturation dans le domaine
civil. Tout ce qui est de nature pénale n'est pas touché, là. On est vraiment
dans la nature des contrats civils, et ça, il faut vraiment faire la
distinction, il ne faut pas mélanger. Pas de quittance au niveau pénal, pas de
quittance au niveau criminel.
Alors, pour les entreprises, au niveau
civil, dans le cadre de leurs activités commerciales, il peut s'avérer fort
utile de se réhabiliter commercialement et de pouvoir repartir à zéro. Et la
pratique, l'expérience d'autres juridictions a démontré que des programmes de remboursement
volontaire étaient un bel incitatif pour les entreprises d'y participer et de s'en
prévaloir.
M. Bélair-Cirino (Marco) : M.
Coiteux, pouvez-vous préciser les critères de retrait d'une entreprise du
registre, là, des entreprises non admissibles avant la fin de la période
d'exclusion automatique de cinq ans? Vous avez mentionné tantôt protéger l'économie
du Québec. Est-ce qu'on doit comprendre qu'une entreprise qui a un rôle
important dans l'économie du Québec va être avantagée sur une entreprise qui a
un rôle, disons, marginal dans l'économie du Québec?
M. Coiteux : Ce n'est pas là
qu'est la question. La question, c'est que, si une entreprise était condamnée,
disons, aujourd'hui en vertu des lois, des différentes lois qui encadrent les
contrats publics, il y aurait un automatisme à l'heure actuelle, là. L'Autorité
des marchés financiers ne pourrait pas lui donner son autorisation de
contracter. Or, une entreprise peut être condamnée aujourd'hui pour une offense
qui a été faite dans le passé et peut, entre les deux dates, s'être totalement
réorganisée justement pour satisfaire aux plus hauts standards d'intégrité qui
satisfont normalement à la fois le gouvernement et, bien entendu, son agent qui
est l'Autorité des marchés financiers ici.
Alors, on ne veut pas pénaliser une entreprise
qui a fait le ménage, qui a fait tout ce qu'elle devait faire pour pouvoir
continuer de travailler avec le gouvernement, rendre des services au gouvernement
et permettre aussi à ses employés de travailler, d'exercer leurs fonctions.
Alors, on veut que l'AMF soit capable d'utiliser son jugement, pas simplement
une liste automatique.
Alors, c'est cette disposition-là qui est
modifiée pour permettre qu'on puisse exercer ce jugement. Ce n'est pas une question
de donner un traitement de faveur, c'est une question…
M. Bélair-Cirino (Marco) :
...de protéger l'économie du Québec, qu'est-ce que vous vouliez dire?
M. Coiteux : Bien, ça, c'est
un enjeu plus global. C'est l'enjeu de rétablir la confiance dans nos institutions.
C'est l'enjeu aussi de permettre aux entreprises qui ont fait leur travail de
se montrer dignes des plus hauts standards d'intégrité, qui sont les nôtres en
vertu de notre cadre législatif, tel qu'il a été modifié en particulier au
cours des dernières années, de pouvoir faire ce pour quoi elles existent, c'est-à-dire
travailler à construire des choses, à bâtir des choses, et ça, c'est très important
pour l'économie du Québec.
La Modératrice
: Denis
Lessard.
M. Lessard (Denis)
:
Oui. Je ne suis pas sûr de comprendre, mais, à l'étape du recours, je pense qu'il
y a un 15 % automatique qui est présumé comme trop versé. C'est ça?
Mme Vallée
: C'est la
présomption de dommage qui est établie jusqu'à concurrence de 15 %. Ça
peut être moins…
M. Lessard (Denis)
:
Comment on l'a fixé, ce 15 % là? Ça peut être 20 %, ça peut être
10 %.
Mme Vallée
: Selon
différentes études, le pourcentage variait, et le 15 % équivalait à la
moyenne des contrats évalués, et donc ce montant-là… évidemment, c'est une
présomption. Si l'organisme public ou le gouvernement a la preuve que le
dommage est moindre, qu'il est de 6 %, de 7 %, on s'entend, la
demande sera pour le montant pour lequel on a la preuve. Si la présomption de
dommage ou si le dommage allégué est supérieur au 15 %, l'organisme public
ou le gouvernement devra faire sa preuve. Il devra faire la preuve pour le montant
additionnel qui est allégué. Mais, évidemment, c'est jusqu'à concurrence de
15 %, ça ne veut pas dire que tous les contrats ont nécessairement… tous
les dossiers ont nécessairement un dommage de 15 %, mais c'est une
présomption qui a été établie en fonction d'une moyenne qui a été étudiée.
M. Lessard (Denis)
:
Une deuxième question. Ça a été abordé tantôt au briefing, mais les gens qui
ont ont comparu à la commission Charbonneau, qui, je pense, s'estimaient
couverts par une forme d'immunité parce qu'ils collaboraient, participaient, on
me dit bien qu'ils sont passibles de poursuite au civil? Leurs entreprises ou…
des gestes posés.
Mme Vallée
: En fait,
le projet de loi couvre toutes les entreprises ou les individus qui ont, par
des manoeuvres dolosives ou par fraudes, causé une surfacturation dans les
contrats publics, mais au niveau civil, on s'entend.
M. Lessard (Denis)
:
…parler à Charbonneau, est-ce qu'il ne s'estimait pas à l'abri des…
Mme Vallée
: Si un
individu, de par les gestes qu'il a posés, a contribué à augmenter ou à
surfacturer dans un contrat public, cette personne-là pourrait être tenue, en
vertu des dispositions, de rembourser les sommes qui ont été surfacturées.
La Modératrice
: Michel
Corbeil.
M. Corbeil (Michel)
:
Bonjour. Est-ce que vous pouvez préciser le… donner un ordre de grandeur un peu
plus précis sur le nombre d'entreprises qui ont manifesté de l'intérêt à
participer à ce programme-là?
Mme Vallée
: Il y a des
entreprises qui ont manifesté, mais vous dire le nombre précis, je pense que c'est
surtout… il y avait des attentes. Est-ce qu'une entreprise particulière… Moi,
je ne pourrais pas vous donner un nom d'entreprise particulière cet après-midi,
mais il y a un certain nombre d'entreprises qui sont certainement intéressées à
refaire… à se réhabiliter au niveau commercial, et nous nous attendons à ce
qu'il y ait un intérêt pour ce projet de loi là.
Mme Prince (Véronique)
:
Je vais me permettre aussi une question.
Mme Vallée
: Bonjour.
Mme Prince (Véronique)
:
Bonjour. Vous pouvez répondre quand même à la caméra. Une entreprise qui, par
exemple, décide de ne pas se prévaloir du programme de remboursement parce
qu'elle a l'intention de déclarer faillite, si je comprends bien, vous avez des
mesures pour aller… pour demander aux individus, quand même, de rembourser?
Mme Vallée
: En fait,
les dirigeants d'une entreprise qui, de façon… sciemment auraient contribué à
la surfacturation sont également visés par le projet de loi. Alors, on n'a pas
que l'entreprise, que la corporation, l'entité corporative, mais les dirigeants
d'une entreprise qui étaient au fait de cette surfacturation pourraient
éventuellement être tenus responsables en vertu des dispositions du projet de
loi.
Mme Prince (Véronique)
:
Et, s'il n'y a pas eu de poursuite criminelle, mais qu'il y en a une après
remboursement, est-ce que ça peut quand même jouer dans la balance? La défense
pourrait être que cette personne-là a voulu se conformer, elle a montré des
remords en faisant un remboursement.
Mme Vallée
: L'objectif
n'est pas du tout… L'objectif du projet de loi, c'est vraiment de récupérer les
sommes au niveau civil, alors il n'y a pas de quittance ou de déclaration qui visera,
d'une façon ou d'une autre, les procédures qui pourraient être entreprises, les
procédures de nature criminelle au pénal. Ça, c'est vraiment à part. Au même
titre que dans un dossier de poursuite pour un dommage causé dans le cadre
d'une voie de fait, par exemple, la poursuite civile pour dommages est une
poursuite, et les procédures qui pourraient être intentées, de nature
criminelle, sont des procédures qui sont intentées de façon indépendante.
Mme Prince (Véronique)
:
Est-ce qu'il y avait d'autres questions en français? Caroline
Plante.
Mme Plante (Caroline)
:
Mrs. Vallée, could it be more advantageous for a company to waive it out and
take its chances in court?
Mme Vallée
:
There is not much advantage if you consider the length, the delays and the cost
of going to court. The past experience in other jurisdictions has proven that
the private dispute settlement mechanism that we are putting in place and the
reimbursement program is often an option that is well received by business communities
who are seeking to come to a commercial rehabilitation, if I may say so.
Mme Plante (Caroline)
:
Why not say : We won't give you another contract until you pay us back?
Mme Vallée
:
Well, the program is being put in place for the expenses that have been
overbilled in the past, and we wish to maintain economical activities and
commercial activities on the premises. And we are seeking with this bill to get
the reimbursement of what has been overbilled instead of just putting in place coercive
measures that will impeach or stop businesses from getting contracts.
Mme Plante (Caroline)
:
Mr. Coiteux, why not include this in your economic update? In yesterday's
economic update, why wasn't it included? Is it because you are not really
confident that you will get any money back?
M. Coiteux :
I think I was expecting this question, right? It's a legitimate question. We
expect to be able to get back some important sums through this program, but we
prefer to take that as a bonus that we will have, beyond what we have already
put on the table for the next fiscal year. OK? So it's not in our projected
requirements for reaching budget balance by 2015‑2016, but we are very
confident that we will be able to get reimbursements that are important.
Mme Plante (Caroline)
:
But it's dozens of millions of dollars. It could make a great difference.
M. Coiteux :
Yes, but, you see, there are things that we know exactly how we control them.
We can decide on a number of parameters on our programs, we can decide many
things, but, in this particular case, we know that we will have important sums
that we will be able to get back. But this is not an actual program that has
parameters by which we can know for sure that we're going to have this specific
amount of money. So it's prudent for us not to include that in our financial
statements now, but it doesn't mean that we're not confident that we're going
to get a reward from that.
M. Hicks (Ryan) :
Ryan Hicks, from CBC News. What kind of message are you trying to send to these
companies that may have stolen from the taxpayers?
Mme Vallée
:
Well, that taxpayers are seeking reimbursement for what has been overpaid over
the years, and they have a right to get this reimbursement back. But, at the
same time, the message that we're sending with this bill is to… we are seeking,
for companies or individuals that did overbill, that they will come to the
table, they will address the issue frankly and that they will put on the table
the information that will give the Government and public bodies the possibility
of getting the money back and putting this unfortunate situation behind us.
M. Hicks (Ryan) :
When do you expect the bill to pass?
Mme Vallée
:
Well, we can't take anything for granted because there will be consultations
with the parliamentary commission, and then the parliamentary commission will
do its work, so we'll be working with our colleagues from the PQ, and from the
Coalition avenir Québec, and Québec solidaire. We're hoping that this bill will
be to… that they will consider it as important as we consider it. And I think
that, if we think about the questions, some of the questions that we've had
since September on this issue, they were waiting for us to table this bill, and
I hope that we will be able to count on their cooperation to work on this bill
and do what needs to be done, so that we can put it in
force as soon as possible.
M. Vendeville
(Geoffrey) : Geoff Vendeville, The Gazette.
Could you tell me again what the incentives are for a company that has
committed frauds to come forward and use this arbitration process?
Mme Vallée
: Well, the incentive is that the process will be quicker than going
through court. The process will also be less expensive for the companies. Instead
of having to disburse for their professional fees, there will be an incentive
as cost going and it's also a sign. If you come forward and you admit that
there has been overbilling, you… in a sense, you send a message that you want…
that you are seeking for your commercial rehabilitation, and that, in itself,
is something that a lot of companies may be looking for and it could be an
added value, «plus-value», as we say in French, for them.
Mme Plante (Caroline)
: Can you just explain the biggest difference between your bill and
the PQ's bill from last year?
Mme Vallée
: Well, the bill that was introduced by Mr. Saint-Arnaud last year
was only aiming at the construction file. It was only contracts that were given
in the construction file.
We are aiming at every
public contract, so we are opening, we are widening the
Une voix
: The scope.
Mme Vallée
: The scope, thank you, and there's… in our reimbursement program,
there's more transparency that was provided in the previous bill. In the
previous bill, there was no particular disposition with regards to giving
information, with regards to be a program… the voluntary program.
In this bill, we are
mentioning that we will have to render… to give the name of the parties, the
amount of the agreement and the period that was covered by the agreement. So
these informations were not provided in Bill 61. The bill also… the scope, with
regards to the people that are aimed, that are touched by the bill, is wider in
this bill as well than it was with Bill 61.
So there are a lot of
different issues that are provided in this bill, that have been widened or have
been modified considering, I would say, considering the consultations that took
place last year, about at this time of the year, and we did take into
consideration some of the comments that were made and that helped us work on a
new version of a bill.
La Modératrice
:
Ca va? Merci beaucoup.
Mme Vallée
: Merci.
(Fin à 14 h 22)