(Treize heures trente-quatre minutes)
Mme
Hivon
: Bon,
bien, bonjour, tout le monde. On devrait probablement ne plus s'étonner de rien
avec les coupes qui se succèdent depuis le début de l'automne avec ce gouvernement-là
qui affiche son manque de vision, toutes ces décisions, en fait, qui
déconstruisent des acquis importants de la société québécoise, mais je dois
vous dire qu'aujourd'hui je suis particulièrement choquée d'apprendre que l'on
coupe clairement, avec des petits montants qui pouvaient faire toute une
différence, dans le savoir, dans la culture scientifique, dans la vulgarisation
scientifique, dans le développement des connaissances.
Alors, on a appris ce matin deux coupes
très significatives pour le milieu de la science et de la recherche. Tout
d'abord, une coupe dans les magazines des éditions, donc, BLD, qui publie Les
Débrouillards, Les Explorateurs et Curium, qui sont des
magazines qui visent vraiment à donner le goût des sciences aux jeunes du
primaire et du secondaire, alors que c'est vraiment le moment par excellence
pour développer ce goût-là, pour développer cet intérêt-là pour des carrières scientifiques,
donc une coupe de 175 000 $ pour ces publications-là.
Évidemment, Les Débrouillards, on
connaît tous ça, on a grandi avec Les Débrouillards. Et, juste à
regarder les médias sociaux aujourd'hui, on voyait à quel point il y a beaucoup
de gens qui disent que ça a changé leur parcours, que c'est là qu'ils ont
appris l'intérêt pour les sciences qui a pu se concrétiser plus loin. Donc, c'est
vraiment un manque de vision assez grave auquel on assiste. Et ça, c'est jumelé
au fait qu'on apprend aussi que l'Agence Science-Presse va probablement
carrément devoir être abolie parce que la subvention qu'elle a du gouvernement,
de l'ordre de 120 000 $, qui représente 70 %, donc, de ses
subsides, est abolie également. L'Agence Science-Presse, bien,
évidemment, c'est la seule agence francophone de vulgarisation scientifique. C'est
celle qui nourrit les médias pour pouvoir transmettre de l'information sur la
science, sur la recherche.
Donc, c'est vraiment très grave, c'est un
jour très triste, c'est un jour très sombre pour la science, pour la curiosité
scientifique, pour les carrières scientifiques, pour, je vous dirais, l'appropriation
des connaissances scientifiques, du savoir scientifique et, je vous dirais, de
manière générale, pour le savoir tout court. On aurait pu penser qu'après
l'épisode des livres, des déclarations malheureuses de M. Bolduc qui avait dit
que personne au Québec… il n'y a aucun enfant qui ne mourait du fait de ne pas
avoir accès à autant de livres, on aurait pu penser que le gouvernement aurait
appris, aurait appris à quel point c'est important pour les jeunes de donner le
goût des connaissances. Or, aujourd'hui, le gouvernement récidive, cette fois
par le biais du ministre M. Daoust, du ministère de l'Économie, qui vient dire,
et je cite, que «la promotion de la science ne fait plus partie des priorités
du gouvernement». C'est donc ce qui a été déclaré à la direction de l'Agence
Science-Presse par le sous-ministre, rien de moins, que… du ministère de
l'Économie, que ce n'est plus une priorité.
Je vous rappelle qu'on parle de montants,
dans un cas, de 175 000 $ pour Les Débrouillards et les
magazines de vulgarisation pour les plus petits, et de 120 000 $ pour
l'Agence Science-Presse. Ce sont vraiment des économies de bouts de
chandelles pour le gouvernement, alors que, pour tout ce milieu-là de la
connaissance scientifique chez les jeunes, de la vulgarisation scientifique, ce
sont des montants qui peuvent faire toute la différence et qui risquent
maintenant de complètement déstructurer ces lieux-là de savoir. C'est
particulièrement odieux d'apprendre ça cette semaine, alors qu'on a aussi
appris que le ministre D'Amour avait investi plus de 275 000 $ dans
un nouveau bureau de circonscription, quand on sait aussi que le ministre
Bolduc n'a toujours pas renoncé à sa prime dans son entièreté, qui était de
215 000 $. Donc, vous vous imaginez que, juste en cumulant les deux,
on est capables de complètement rembourser… pas rembourser, mais complètement
combler cet écart qui, aujourd'hui… ces coupes qui, aujourd'hui, sont demandées
de manière totalement non justifiée au milieu de la vulgarisation scientifique.
En terminant, tout le milieu de la science
et de la recherche est aujourd'hui inquiet, encore plus inquiet qu'il ne
l'était au cours des derniers mois, parce que, depuis l'arrivée du nouveau
gouvernement, ils attendent un signal, un signal d'espoir par rapport à la
place qu'aura la science, la recherche pour ce gouvernement-là. Vous vous rappellerez
qu'on avait déposé la Politique nationale de recherche et d'innovation, qui a
été une politique qui a été saluée par tous les acteurs, unanimement, dans le
milieu de la recherche, de la science et de l'innovation. Or, tout le milieu
est sans nouvelle des intentions du gouvernement par rapport à cette politique-là.
On a vu que, cette année, il y a eu des
coupes de 30 % dans le milieu de la recherche et il n'y a aucune
indication quant à la place que la recherche et l'innovation auront pour le
futur. C'est complètement déstructuré, vous en avez un exemple aujourd'hui.
Est-ce que c'est normal que de telles décisions se prennent au sein du
ministère de l'Économie, alors que ça touche l'enseignement, l'éducation,
l'initiation aux sciences?
Avant, toute cette politique-là, toute la
notion de recherche, tout le dossier de la recherche et de l'innovation
relevaient du ministre de l'Enseignement supérieur. Aujourd'hui, c'est scindé
en deux, la politique relève à la fois de l'Enseignement supérieur et à la fois
du ministre Daoust, donc de l'économie. C'est quelque chose, bien sûr, qu'on a
décrié. À ce jour, ça n'a pas été changé, mais aujourd'hui on assiste à des
résultats qui nous montrent très bien qu'il n'y a aucune espèce de
préoccupation, au sein du ministère de l'Économie, pour la science, la
recherche. Et ce qu'on demande très simplement, c'est que le gouvernement,
donc, annule ces coupes-là qui vraiment vont déstructurer le milieu de la
vulgarisation scientifique et qu'il envoie un signal clair au milieu de la
recherche qui est très mobilisé. Il y a plus de 5 000 chercheurs. Vous
savez que les chercheurs, ce ne sont pas les premiers qui sortent dans la rue,
mais il y a 5 000 chercheurs qui, à ce jour, ont signé une pétition
initiée par l'ACFAS pour demander des orientations pour s'assurer que la Politique
nationale de la recherche et de l'innovation va être maintenue.
Donc, ce qu'on demande au gouvernement,
c'est un signal clair de rassurer le milieu, d'éliminer ces coupes-là et de
rassurer quant à l'avenir, quant à l'importance de la science et de la
recherche. Merci.
Mme Dufresne (Julie)
:
En même temps, Mme Hivon, si on se fait un peu l'avocat du diable, pour un
gouvernement qui cherche des économies à tout prix et qui dit vouloir choisir
les priorités, entre la santé et Les Débrouillards, il va certainement
répondre que la santé est une priorité.
Mme
Hivon
: Bien,
moi, je vous dirais que c'est la prévention qui devrait être importante et
c'est aussi de donner des connaissances aux jeunes. Je veux dire, à un moment
donné, là, si tout passe sous le joug des coupes, d'économies de bouts de
chandelles, là… On ne parle pas de dizaines de millions de dollars. Quand on a
vu, cette semaine, des dépenses absolument odieuses du gouvernement, quand on
voit ce deux poids, deux mesures, je pense que les gens en ont assez.
Un moment donné, il faut avoir une vision.
Elle est où, la vision de ce gouvernement-là? Elle est où la vision du
gouvernement pour dire qu'on va former des citoyens qui vont être allumés, qui
vont avoir des connaissances, qui vont avoir le goût d'apprendre? On est en
train de déstructurer tout ça. C'est complètement contre-productif, d'un point
de vue de la connaissance, du savoir, mais d'un point de vue économique aussi. On
se bat pour avoir des jeunes qui ont le goût d'aller dans des carrières
scientifiques, qui ont le goût d'aller en recherche, puis là on enlève les
outils par excellence pour développer ce goût-là à la science et à la
recherche, aussi à la connaissance des enjeux, je vous dirais, de l'environnement.
C'est autant d'éléments comme ceux-là qu'on peut apprendre avec ces outils-là
de vulgarisation.
Donc, bien sincèrement, c'est une absence
totale de vision, c'est une absence totale, je vous dirais, de savoir miser sur
les bons leviers pour qu'à long terme le Québec se développe comme on le
souhaite.
M. Lecavalier (Charles)
:
Est-ce que ça ne met pas… Ces coupures-là, est-ce que ça ne met pas en danger…
est-ce que ça ne met pas en doute la capacité des Québécois de lire des
nouvelles scientifiques en français?
Mme
Hivon
: Ça
met carrément en danger la capacité des Québécois de lire, d'avoir accès à des
nouvelles scientifiques en français. On sait très bien que ce ne sont pas tous
les médias qui sont capables d'avoir des journalistes, des correspondants
spécifiquement attitrés, donc, aux nouvelles scientifiques. Or, avec l'Agence
Science-Presse, on avait ce moteur-là, et, bien franchement, quand on
regarde à un coût de 120 000 $, je pense que ça vaut
l'investissement. À un moment donné, couper tous azimuts, là, ça serait
peut-être bien qu'on s'arrête. Le fameux cran d'arrêt du gouvernement,
peut-être que, des fois, il devrait se l'appliquer dans les coupes aussi puis
d'essayer de voir la déstructuration que ça risque d'amener.
Ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'on ne
sera plus capables d'avoir de l'information de qualité, de l'information
scientifique de qualité qui, elle aussi, a un effet boule de neige, qui, elle
aussi, développe de l'intérêt, peut stimuler des carrières, d'autres
recherches. Donc, je pense que c'est vraiment contre-productif, ce à quoi on
assiste aujourd'hui, puis, bien sincèrement, le ministre Bolduc, qui nous ne a
pas beaucoup impressionnés avec sa déclaration sur les livres, ce serait
peut-être le temps aujourd'hui qu'il se resaisisse et qu'il dise que, lui, il
va faire un cheval de bataille de l'accès à cette culture, à cette
connaissance, à ce savoir scientifique, particulièrement pour les jeunes, et
qu'il va se battre auprès du ministre Daoust, avec qui maintenant il est
coresponsable de toute la question de la recherche et l'innovation, puis qu'il
va en faire un cheval de bataille, qu'on va reculer sur ces coupes-là.
Mme Dufresne (Julie)
:
Qui sont les premières victimes, si vous me permettez l'expression, de ces
coupes-là? Les jeunes?
Mme
Hivon
: Bien,
ça va être… Écoutez, très concrètement, ça va être les jeunes, les jeunes,
d'une part, avec les magazines de vulgarisation scientifique pour les jeunes.
Il y en a trois, donc, pour le primaire et le secondaire, qui sont mis en
péril, qui vont donc fragiliser toute l'organisation, là, de la maison
d'édition par rapport à ces publications-là. Ce sont les jeunes, mais c'est
toute la société, parce que des jeunes qui ne s'intéressent pas aux sciences,
qui vont avoir leur premier contact avec les sciences beaucoup plus
tardivement, qui ne, par exemple, pourront peut-être plus avoir accès à ce
matériel-là, à développer une conscience scientifique, une curiosité
intellectuelle par rapport aux sciences, une conscience par rapport aux enjeux environnementaux,
bien, c'est toute la société qui va en pâtir. Puis je le répète, mais les
carrières scientifiques, c'est important. On se bat à plein d'égards, à plein
de points de vue dans les commissions scolaires, au cégep, à l'université pour
favoriser l'émergence de ces carrières-là, et puis là, au moment où on est
capables de venir semer une petite graine, un intérêt, d'éveiller la curiosité
de nos jeunes par rapport à ça, on va dire : Ah! bof, ça, ce n'est pas
important, on va couper là-dedans.
Puis, même chose du point de vue de l'agence,
l'Agence Science-Presse, c'est une agence qui, franchement, pour tout ce
qu'elle accomplit, je pense, représente un bon investissement de deniers
publics avec 120 000 $, qui fait beaucoup de chemin avec ce
120 000 $ là, qui permet à la population en général d'avoir accès à
des nouvelles scientifiques qui intéressent beaucoup les gens. On a juste à
regarder combien il y a d'auditeurs, combien ça fait d'années que Découverte
vit. D'ailleurs, c'est ce qui alimente le site Découverte, le site Web
de Découverte, entre autres choses, à quel point les gens sont
intéressés par ces sujets-là. Donc, on est en mesure de se poser des questions.
Puis, je vous le dis plus largement, on n'a
eu aucun signal de ce gouvernement-là par rapport à ses intentions sur la
Politique nationale de la recherche et de l'innovation, sinon que pour nous
annoncer qu'on scindait ça entre deux ministères puis qu'on déstructurait toute
l'affaire. Donc, aujourd'hui, on s'attend à ce que cet épisode-là puisse
peut-être leur permettre de se ressaisir et d'envoyer un signal clair au milieu
de la recherche, des sciences et de l'innovation.
Mme Dufresne (Julie):
Puisque vous parlez de Découverte, vous avez aussi, dans un communiqué
de presse, laissé connaître votre inquiétude quant aux coupes à Radio-Canada.
Pourquoi est-ce que ça vous inquiète?
MmeHivon: C'est
très inquiétant l'impact supplémentaire qu'on a pu noter, apprendre hier des
coupes, des compressions record qui sont faites à la Société Radio-Canada.
Pourquoi c'est si inquiétant? Bien,
qu'est-ce qu'on anticipait est en train de se concrétiser. C'est maintenant
l'information régionale qui est une victime des coupes à Radio-Canada, et on
voit donc que, dans plusieurs… dans la majorité, en fait, des régions qui ont
des bulletins régionaux, la part de l'information régionale va être réduite de
moitié. Pourquoi c'est si inquiétant? Bien, c'est inquiétant parce que l'accès
à l'information, à une information de qualité, diversifiée avec différents
médias, c'est, bien sûr, un pilier de la démocratie, c'est une manière, encore
une fois, de faire en sorte que les citoyens sont des gens qui sont au courant
de ce qu'il se passe dans leur environnement et c'est particulièrement
important en région.
Quand on voit les mauvaises nouvelles qui se
succèdent en ce qui a trait à l'information régionale… On a vu, au cours des
derniers mois, le nombre excessivement élevé d'hebdos régionaux, locaux qui
mettaient la clé sous la porte. On a vu aussi que Gesca avait l'intention, donc,
de cesser complètement la publication de ses quotidiens en région au cours des
prochaines années. Donc, c'est autant d'éléments qui font en sorte que les Québécois
des régions risquent d'avoir énormément de difficulté à rester connecter bien
concrètement sur les enjeux qui les affectent au quotidien dans leur vie locale
et régionale.
Et aujourd'hui j'en appelle à la ministre
de la Culture et des Communications du Québec qui doit vraiment prendre son
bâton de pèlerin, frapper à la porte de sa vis-à-vis fédérale et lui dire que
ces coupes-là n'ont aucun sens et qu'au Québec on les rejette, qu'au Québec on
croit dans l'importance d'une information de qualité accessible partout au Québec,
y compris en région. Et on lui demande finalement de sortir de son mutisme parce
que, malheureusement, ça a pris une motion, une motion qui heureusement a été
unanime à l'Assemblée nationale il y a deux semaines, pour que, pour la
première fois, la ministre David se prononce sur le dossier de Radio-Canada.
Mais, depuis et avant, on n'a eu aucune
idée de quelles sortes de démarches, si même il y a eu des démarches auprès des
homologues fédéraux, pour faire revoir ces décisions de compression record dans
le réseau de Radio-Canada. Donc, on lui demande aujourd'hui d'agir, de défendre
les Québécois, de défendre les intérêts des Québécois pour l'information
régionale.
Mme Dufresne (Julie)
:
Mais elle a un peu les mains liées parce que, vous le dites vous-même, le budget
de Radio-Canada est de juridiction fédérale. Ultimement, c'est le fédéral qui
accorde les fonds. Mme David ne peut pas faire grand-chose, sinon que de
prendre son bâton de pèlerin.
Mme
Hivon
:
Bien, ce serait déjà une bonne nouvelle de sentir qu'elle est avec les Québécois,
les dizaines de milliers de Québécois qui ont marché dans la rue il y a quelques
semaines. Je pense qu'ils seraient très heureux de sentir que leur gouvernement
au Québec prend fait et cause pour eux puis qu'il va se battre à leurs côtés.
Mme David, elle a été excellente pour demander au milieu de la culture de se
battre, mais maintenant c'est à son tour de se battre, c'est ce qu'on aimerait
voir.
On l'a vu, le gouvernement du Québec,
toutes allégeances confondues, à différents moments, a agi très fermement par
rapport au fédéral. On peut penser à la Loi sur les jeunes contrevenants, on
peut penser au registre des armes à feu, on peut penser à toutes sortes
d'enjeux sur lesquels on est capables de se mobiliser. Comment se fait-il qu'on
n'a rien entendu à ce jour, sauf au moment du dépôt de la motion, parce qu'elle
y était contrainte? Comment ça se fait qu'on n'a pas entendu, à ce jour, un mot
de la ministre David pour nous dire ce qu'elle demandait au fédéral, quelles
représentations elle avait faites, ce qu'elle souhaitait obtenir comme résultat?
C'est ça qu'on attend, puis je pense que c'est ce que les Québécois sont en
droit d'attendre de leur gouvernement québécois. Merci beaucoup.
(Fin à 13 h 51)