(Neuf heures seize minutes)
Mme Lamarre :
Alors, bonjour. Ce matin, on est ici en réaction à l'article de M. Lessard de La Presse qui
évoque un bâillon vendredi prochain. En fait, la nouvelle, ici, ce n'est pas qu'il va y
avoir un bâillon parce que, depuis décembre, le ministre demande ce bâillon-là.
La nouvelle, c'est tout simplement d'évoquer peut-être
une date précipitée, là, qui serait cette semaine, vendredi. Le ministre dit qu'il ne sait pas la date du bâillon, mais il y a quand
même un beau blitz médiatique, là, qui s'installe. Je vous dirais que nous, on
est très surpris de sa façon de procéder. En fait, surpris, oui et non, parce
que c'est un peu ce qui le caractérise de plus
en plus. Mais je vais vous donner des exemples un peu plus tard de pourquoi on
pense que c'est vraiment très prématuré.
Alors, c'est
une approche du ministre qui est, finalement, de bulldozer tous ceux qui expriment des idées
différentes de la sienne. Et, quand le ministre était président de la FMSQ, il
ne s'est pas gêné pour critiquer la gestion
libérale de la santé. Le projet de loi avec lequel on vit actuellement, 25, ça relève de M. Couillard, c'est en
décembre 2003. Là, on dirait qu'il essaie de
défaire ce qui avait été fait par le ministre Couillard. Et la réorganisation,
très sincèrement, qu'il nous propose, c'est une réorganisation qui est beaucoup
dans sa tête. On l'a demandé plusieurs fois, d'avoir des références, d'avoir un
plan complet, un scénario beaucoup plus clair, et il ne le veut pas. Alors, ce
qu'on fait, nous, depuis qu'on est à l'adoption article par article, on l'aide
à préciser sa pensée. C'est vraiment la mission qu'on a, et je vous dis que
c'est tout à fait pertinent.
À
titre d'exemple, je vais vous montrer, ça, ce sont les amendements qu'il a
déposés en décembre. C'est lui qui les dépose, ces amendements-là. Et ceux-là,
ici, ce sont ceux, 24 pages, qu'il nous a déposés jeudi dernier, jeudi
dernier. Alors, ce sont ses amendements. Et il nous a demandé, même, de ne pas
les... travailler dessus, de commencer à les adapter…
à les adopter parce qu'il n'était pas prêt, il avait encore besoin
d'attacher des choses avec certaines communautés qui étaient visées par ça.
C'est son projet de loi qu'il a déposé en septembre, et il n'était pas prêt, il
n'était pas prêt la semaine dernière. Alors, quand je vous dis qu'on l'aide à
préciser sa pensée, je vous dis qu'on travaille pour la
population, là, parce que c'est de l'improvisation pas à peu près.
Le
ministre utilise ce projet de loi là un peu
comme un jeu de cartes. Il bluffe, il pige dans un côté, il redistribue
ailleurs, il en enlève, passe son tour, et tout le monde, finalement, se
retrouve un peu vulnérable, à la merci de ses
humeurs et de quelque chose qu'il ne réussit pas à nous présenter de façon
structurée. Alors, moi, je vous dis, les consultations, elles sont très...
elles ont été très utiles, on avait beaucoup de gens qui s'y opposaient, le
travail qu'on fait est un travail rigoureux, un travail qui est indispensable
pour la protection de la population.
Et le
ministre plaide depuis le début pour une application de cette
mégatransformation pour le 1er avril. Nous, on dit :
On est le 3 février, il reste du temps, on est prêts à travailler, le
travail doit continuer. Et, écoutez, quand il nous
dépose 24 pages d'amendements trois jours, quatre jours ouvrables,
là, trois jours ouvrables avant qu'il menace le bâillon, bien, on se rend bien
compte que ce qu'il veut encore, c'est imposer... ne pas prendre le temps de
regarder les articles qui sont cruciaux pour la population, pour les patients,
pour l'organisation des soins. Alors, nous, on va être là. On joue ce rôle de
veille, on est vigilants, et on va continuer à
le faire, et on le fait
avec énormément de sérieux parce que c'est vraiment la vie des patients,
la vie des travailleurs du système de santé qui est concernée à chacun des
articles de ce règlement... de cette loi-là.
M.
Lavallée (Hugo)
: Il n'empêche,
Mme Lamarre, n'êtes-vous pas prête, quand même, à admettre une part
de responsabilité dans la lenteur des travaux? On dit que c'est 200 quelques articles,
70 heures plus tard on est encore à l'article4. Ça semble, quand même, très, très lourd
comme processus. Est-ce qu'il n'y aurait pas eu moyen pour vous d'être plus
efficaces?
Mme Lamarre :
L'article4, c'est celui qui comporte
l'annexe avec les… et ça, c'est cet article4
là sur lequel le ministre nous a lui-même déposé les amendements la semaine
passée. C'est sur l'article4, là, pas
sur l'article 160… sur 165, là, il y en a
165. Le ministre nous dépose 24 pages d'amendements
sur l'article4 de son propre projet de
loi. Alors, il faut regarder qui fait quoi.
Je vous dirais aussi, si vous écoutez un
peu la commission, sur les 68 heures, le ministre parle beaucoup, et ses
heures, il les utilise à critiquer les questions plutôt qu'à nous donner vraiment
du contenu, plutôt qu'à nous dire clairement comment ça va se passer. Et ça,
j'ai pris un peu de temps dans d'autres commissions parlementaires avant pour
me… et j'en ai faites quand j'étais présidente de
l'ordre, et c'est sûr que les gens… normalement,
un ministre donne de l'information, s'empresse de répondre clairement, de
donner, dans un esprit de collaboration, dire :
Écoutez, ma façon de voir les choses, ce que je veux dire par ça, c'est ça. Et ce n'est pas ça qu'il fait, là, il passe des
demi-heures à vilipender notre façon de poser les questions ou la nature de la
question. On veut des réponses. On veut des réponses au nom de la population.
Et c'est sa stratégie, c'est sa stratégie de… Alors, il en fait passer beaucoup, de temps à ne pas nous répondre, et nous, on va
jouer notre rôle : on veut des réponses.
Je peux vous donner une illustration
précise de comment ça peut avoir des impacts sur la population. L'Institut
Nazareth Louis-Braille, un institut pour les non-voyants ou malvoyants, ils ont
20 % de leurs employés qui sont des non-voyants.Ils les engagent, ces gens-là. Bien, le
ministre les avait attachés administrativement — ils sont situés au métro Longueuil — à Châteauguay.
Châteauguay, il n'y a pas de transport en commun, il n'y a pas de façon pour ces gens-là, ces employés-là de travailler, de
participer, soit comme usagers ou soit au conseil d'administration. Écoutez, ça
nous a pris, je pense, quatre heures à faire comprendre au ministre que c'était
un non-sens que l'Institut Nazareth Louis-Braille soit attaché à Châteauguay,
il fallait que ça reste attaché à Longueuil puis au centre Montérégie.
C'est vraiment… je vous le dis, là : Quand on dit qu'on parle pour les patients,
qu'on parle pour les citoyens, puis qu'il improvise, puis qu'il ne prend pas le
temps de prendre conscience des impacts de ce que ces décisions impliquent,
c'est vraiment énorme, et c'est constant, et c'est dans chacun des règlements… dans chacun, pardon, des articles. Il est toujours dans cette dimension-là de
généraliser, il faut toujours lui prouver qu'il a tort, donc il n'a aucune
écoute positive sur ce qu'on lui apporte. Sa façon de faire, c'est :
Démontrez-moi que j'ai tort. Donc, on part du principe qu'il a eu la vérité complète,
qu'il n'a rien oublié, qu'il a pensé à tout, et après
ça il faut démontrer qu'il a tort. Et
il ne veut jamais reconnaître qu'il a tort, bien sûr,
alors ça prend des heures.Mais on y
arrive et on a eu des gains substantiels. On a eu le gain, par exemple, que les
conseils d'administration, eh bien, que le P.D.G.
soit nommé non par le ministre seul, mais par le gouvernement sur recommandation
du ministre. C'est significatif, là. En termes
de pouvoirs, c'est
important. On a eu l'Institut Nazareth Louis-Braille.
Alors, on a eu un troisième CISSS à Longueuil, alors que le ministre, dans son
projet initial, avait un seul CISSS pour 1,5 million d'habitants. Le Protecteur
du citoyen avait dit : C'est aberrant, il n'y a aucun modèle de gestion qui prévoit ça. Mais combien d'heures il
a fallu passer pour l'amener à ce troisième CISSS là?
C'est inconcevable. Donc, il a une résistance absolue à tous nos commentaires.
Ça prend énormément de temps.
Alors, nous, on dit : On parle des patients, on parle des travailleurs de la
santé, on veut une organisation qui soit viable. Écoutez, c'est important, c'est
majeur. Alors, nous, on dit : On est
capables, et on joue très bien notre rôle,
puis je pense que les gens vont nous remercier sincèrement de faire ce rôle-là.
Et ça va être très inquiétant si jamais il faut que le ministre nous coupe ça
après, à l'article9, en bâillon, sur
165, là, je vous rappelle.
M. Gagné (Louis) : Justement, vous venez de parler des gains, là, que
vous avez réussi à obtenir, là, des compromis. Au lieu d'avoir une adoption par
bâillon qui signifierait, là, fin totale des gains pour vous, est-ce que vous
pourriez peut-être, là, faire une dernière tentative et dire : Bien, écoutez, on est
prêts à accélérer puis à conserver certains
points pour avoir d'autres concessions?
Mme Lamarre : Mais nous, on l'a dit hier, on a dit qu'on était prêts à passer… au lieu d'aller article
par article, on était prêts à aller à des articles qui étaient plus pertinents
ou, en tout cas, plus significatifs sur lesquels on avait plus de commentaires.
Donc, on a dit oui à ça, on a dit oui. Mais ce à quoi on a dit non, par exemple, qui était demandé… qui était de
complicité avec la CAQ et Québec solidaire, c'est
de faire ça à huis clos. On a dit non. On est en train d'étudier un document
qui est une loi, une loi publique, et ça, ça doit se faire au vu et au su de
tout le monde.
M. Pépin (Michel)
: Attendez, là, pardonnez-moi, mais qui
a formulé une demande de huis clos sur une étude?
Mme Lamarre :
Mon terme «huis clos» n'est peut-être pas
juste. En fait, on a demandé de travailler ça en groupe de travail, pas devant
les caméras. Ce n'est peut-être pas un huis
clos, là, mais je ne sais pas comment vous l'appelez, mais en groupe de
travail, non devant… non public.
M. Pépin (Michel)
: Qui a
formulé cette demande, le ministre ou…
Mme Lamarre : Ça a été, au départ, conjointement Québec solidaire
et le ministre.
M. Pépin (Michel)
: Quelle était la motivation de ce
genre d'exercice?
Mme Lamarre :
Il faudrait leur demander.
M. Pépin (Michel)
: Ça n'a pas été formulé à ce moment-là, non?
Mme Lamarre :
Bien, en fait, nous, on a dit qu'on était d'accord, comme je vous dis, sur le
fait de travailler sur des articles qui ne seraient pas nécessairement dans la
séquence. D'ailleurs, plusieurs fois, on a demandé... on a évoqué le fait qu'on
voudrait travailler sur certains autres articles.Là, on a dit clairement qu'on était prêts à ça hier.
M. Pépin (Michel)
: Oui, mais vous devriez revenir aux
différents articles, là, hein? Je pense qu'il faut que vous passiez tous les articles, de toute façon.
Mme Lamarre :
Oui, mais c'est notre objectif.
M. Pépin (Michel)
: Bien sûr, normalement, là, s'il n'y a
pas de bâillon, là, et tout ça.Donc, même si
vous sautez plus loin, ça ne change rien.
Mme Lamarre :
Il faut revenir.
M. Pépin (Michel)
: Est-ce que vous pourriez avoir une
approche, justement, quand même, pour poursuivre un peu dans la pensée de Louis, plus globale
par rapport à ça, dire : On essaie
d'aller de l'avant avec des modifications? Vous devez encore vouloir des
modifications, je suppose, à ce projet de loi,
nombreuses?
Mme Lamarre : Oui, on a quelques
modifications sur certains articles. Dans le fond, nos travaux, à
beaucoup d'endroits, le ministre a dit :
Ça, on n'en parle pas là, on n'en parle pas là — il ne voulait même
pas nous décrire comment ça fonctionnerait — on en reparlera quand on
sera rendus là. Alors que, s'il nous avait
donné le portrait global, complet de ce qu'il voyait, en disant : Écoutez, regardez, là, on a pris tel
article, on l'a mis là, et ça, ça va nous
permettre de mieux comprendre, ça vient répondre à ça... Ce n'était pas son
approche. C'était : Non, non, vous voulez
qu'on fasse ça article par article, on fait ça article par article.
Alors, nous, hier, clairement, on l'a dit,
on est ouverts à aller chercher d'autres articles, mais ce qu'on aurait et ce
qu'on veut encore, c'est que le ministre nous
dise comment ça va se dérouler, son organisation.
En plus, il n'y a pas de plan de
transition. Alors, ça, c'est un autre enjeu
qui est majeur, qui a été demandé aussi par des organismes. Écoutez, les
organismes qui ont beaucoup de crédibilité, là, il y en a au Québec. Et, quand le Protecteur du
citoyen, quand Me Jean-Claude Ménard le demande, quand des gens de
notoriété, des scientifiques disent : Ça
prend un plan de transition pour un projet de cette envergure-là, bien, moi, je
pense qu'il faut poser les questions à la bonne personne, qui ne fait pas quoi
et qui résiste à quoi.
Mme Plante (Caroline)
: So, first of all,
how would you qualify the Minister's attitude?
Mme Lamarre : I would say that, for now, we are willing to work, we can continue our
work. We are sure that what we did was for the welfare of the patients and we
are sure that we need this time because the Minister
is very reluctant to any change.
Mme Montgomery
(Angelica)
: What would be the
consequences if he passes this by invoking closure?
Mme Lamarre : I think that he will really make his
mind, his only mind being applied and imposed to the Québec population.
Mme Montgomery
(Angelica)
: What would be the
consequences for the population? What would be the impact on the population if he does this?
Mme Lamarre : You know, he
just squeezes our health system in very few centres of decision. And we have
some articles, for example, with consultative committees where we may make
other people contributing to the decisions for our health system. For now, we
are not there and we don't have any opening for now. We hope we will have
something, but this is one of the articles we would like to work on.
Mme Montgomery
(Angelica)
: What would you like to see? Would you like to see the bill thrown out?
Journaliste
: Non, non,
non, j'ai une dernière question.
Journaliste
: Un instant!
Une dernière question, s'il vous plaît.
Mme Plante (Caroline)
: You talked about improvisation.
For the first time ever last week, we heard about the construction
of a Vaudreuil hospital that could become a CISSS for that area. What can you tell us about that? Was it a surprise for you
to hear about that?
Mme Lamarre : The construction of Vaudreuil hospital?
No, it was in the mind of the Health Minister even in June with the credit… «étude des crédits»,
he already told us about that. I think that if he agreed for three CISSS in
Montérégie, it was because he knew that he would like
to have this hospital.
For now, we don't know exactly what will
be his plan because he doesn't say anything to us, you know. And we ask
him to really be more transparent, to really more collaborative. He has all his
scenarios in his own head and we need to have more of
that, and each time we help him to make his mind more clear, more close
to people. Because, in his professional
experience, he didn't have that much
experience with patients, you know, with being close to community groups, being
close to social workers, being close to people with mental health problems.
This is not his experience. He has experience in hospitals and with people in
some kind of interventions, but not in a day-to-day people
and health professionalswho work with
patients. And we are there for that, and we will still be there. Thank you.
(Fin à 9 h 33)