(Huit heures quarante-sept minutes)
M. Paradis (Lévis) :
Mesdames, messieurs, merci d'être là, puis bonne longue journée. Je le dirai
comme ça, ça risque d'être long. Ça, je l'ai apporté parce que c'est mon outil
de travail depuis 70 heures en... 70 heures durant, mais réparties en
de nombreuses journées à la commission parlementaire sur le projet de loi
n° 10. Puis, manifestement, bien, aujourd'hui, on met un terme à tout ça.
J'ai comme l'impression qu'aujourd'hui on
ferme un livre, on parle d'un livre qui est déjà écrit, il est déjà à
l'imprimerie. Dans ma tête à moi, on est en train de museler et l'opposition et
les citoyens du Québec dans un projet de loi extrêmement important. Dans ma
tête à moi, le ministre de la Santé centralise entre ses mains tous les
pouvoirs. Puis je vous dirai qu'il ajoute l'injure à l'insulte parce qu'il
souhaiterait aussi avoir le pouvoir de faire taire l'opposition, et, en ce
sens-là, ça ne fonctionnera pas.
Nous serons, encore aujourd'hui, dans ce
processus que vous connaissez, à défendre la position des citoyens, à
questionner la centralisation, à demander que nos amendements les plus
importants, qu'on n'a pas encore abordés parce qu'on ne s'est jamais rendus
jusque-là… Chiffres : 15 amendements, actuellement article 15 adopté sur
165. On a 10 % du projet de loi. Si on lit un roman ensemble, là, à
10 % de lecture jusqu'à la page finale, on ne se donne même pas une idée
de l'histoire.
Bien, il va falloir qu'aujourd'hui on continue
quand même notre action puis essayer de parler des dossiers des amendements qui
sont importants. Le ministre les connaît, le ministre les connaissait. On a
joué de transparence pendant tout le processus. On a exprimé ce que l'on
voulait voir changer. Jamais il ne nous est revenu sur les amendements majeurs
que l'on souhaite, les amendements prioritaires. Je vous les ferai quand même
valoir aujourd'hui. Et, à ce moment-ci, au moment où l'on se parle, tout est
sur la table, y compris que la Coalition avenir Québec vote contre le projet de
loi du ministre.
M. Boivin (Simon)
: …vous
avez rencontré M. Barrette pour justement proposer… Il avait ouvert la porte à
des discussions…
M. Paradis (Lévis) : Le
ministre de la Santé a reçu nos amendements. Nous étions disponibles à des
discussions. Il n'est pas venu nous rencontrer, il n'a pas manifesté d'intérêt,
et plus que ça, pendant le processus, il le savait déjà. Et, à plusieurs
reprises… encore faut-il le rappeler, à plusieurs reprises, nous avons demandé
de changer la formule habituelle, c'est-à-dire de suivre les articles de façon
séquentielle pour se rendre à des articles qui étaient importants pour la
population, importants pour la suite des choses, et jamais on n'a pu changer la
règle des choses.
Alors, il n'y a pas eu de rencontre avec
le ministre. Il ne nous a pas ni rencontrés ni non plus ne s'est ouvert à nos
propositions.
M. Laforest (Alain)
:
Est-ce que ça vous surprend d'avoir un bâillon? Est-ce que ça vous surprend
d'avoir un bâillon aujourd'hui, alors que la session parlementaire débute
officiellement mardi?
M. Paradis (Lévis) : Ça me
déçoit d'avoir un bâillon aujourd'hui. Ça me déçoit que, cet exercice-là, on le
fasse là, maintenant. Ça me déçoit pour la démocratie, ça me déçoit pour la
population. Ceux qui ne peuvent plus parler à partir de maintenant, fin de
l'exercice ce soir… parce qu'on le sait, hein, le livre est déjà écrit. On sait
comment ça va se finir. Le dernier mot, le fin, il est écrit par le ministre, c'est
lui qui le signe. On sait comment ça va se passer. Le problème, c'est que la
population est aussi bâillonnée avec un exercice comme celui-là. Donc, c'est
une extrême déception.
M. Lacroix (Louis)
:
Vous avez dit vous-même à plusieurs reprises, M. Paradis, vous avez reconnu que
le Parti québécois faisait de l'obstruction. Vous avez utilisé le mot… faisait
obstacle à l'adoption du projet de loi.
Alors, pourquoi vous êtes contre le
bâillon si vous reconnaissez vous-même que le Parti québécois faisait obstacle
à l'adoption du projet de loi.
M. Paradis (Lévis) : Parce
qu'il y a une question d'attitude. Puis moi, j'ai l'impression qu'à certains
moments on est capable de passer outre cette façon de faire pour aller à
l'essentiel si on parle vraiment et on pense vraiment aux patients, puis à
l'usager, puis aux clients, puis aux Québécois dans une réforme aussi
importante que celle-là.
Moi, j'ai toujours espoir et j'ai toujours
eu espoir qu'à un moment donné on se dise : Non, non, là, il faut que ça
avance, de tous les côtés, toutes les oppositions et le gouvernement, de faire
en sorte qu'on puisse passer aux amendements les plus importants, au bénéfice
de ceux pour qui on travaille. Mais manifestement j'aurai été déçu dans cet
excès d'optimisme.
M. Lacroix (Louis)
:
Donc, est-ce que vous considérez que le bâillon est inapproprié ou qu'il est
prématuré?
M. Paradis (Lévis) : Il est
prématuré et, par ce fait-là, il est inapproprié dans la mesure où on aurait pu
avancer davantage. La suite des choses aurait permis potentiellement une façon
de faire différente.
M. Pépin (Michel)
: Vos
déclarations ont servi de caution au gouvernement, vos déclarations concernant
l'opposition officielle, hein? On entend M. Barrette répéter : Même la CAQ
reconnaît quand il y a eu obstruction parlementaire. Qu'est-ce que vous pensez
de l'utilisation de vos déclarations par le gouvernement?
M. Paradis (Lévis) : Bien,
chacun utilisera ces déclarations-là et s'en servira pour valider une position
que l'on dénonce. Je continue à dénoncer l'utilisation du bâillon par le
ministre de la Santé. Je veux dire... Et force est de constater que le
ministre... Et je reviens à ce que l'on avait proposé, nos amendements qui
étaient connus. En tout temps, le ministre aurait pu ouvrir la porte. En tout
temps, le ministre aurait pu déjà donner son aval à des revendications
importantes pour la Coalition avenir Québec et ne l'a pas fait. À l'attitude
des uns qui écoulent leurs minutes, l'intransigeance de l'autre qui ne s'ouvre
pas à ce qui nous semble prioritaire, bien, manifestement, des deux côtés, ça
provoque la situation que l'on voit aujourd'hui.
M. Pépin (Michel)
:
Combien d'amendements vous aviez déposés et demandés, en fait, au gouvernement?
Est-ce que vous avez déterminé le nombre d'amendements?
M. Paradis (Lévis) : Oui, on
avait, en fait, quatre amendements prioritaires, hein? Puis ce n'est pas à la
mer à boire, là. On ne voulait pas remettre en question des amendements sur
amendements, là. Comprenons bien que, lorsque le projet de loi a été déposé, à
sa première journée, le gouvernement est arrivé avec une brique de 150
amendements; on en avait quatre prioritaires et ils n'ont pas été satisfaits.
M. Boivin (Simon)
: Vous
avez parlé de la possibilité de voter contre, tout à l'heure, le projet de loi.
Est-ce que c'est parce qu'il existe aussi une possibilité que vous votiez pour?
M. Paradis (Lévis) : On verra
la suite des choses. Je sais que le processus... Écoutez, il y aura aujourd'hui
la période... l'étude détaillée du projet, mais, permettez-moi, à vitesse ultra
rapide. S'il arrivait que nos amendements trouvent une oreille attentive, on
évaluera. Mais je vous dis que, jusqu'à maintenant, il n'y a aucune porte
d'ouverte, puis il n'y a aucun contact, puis il n'y a aucune discussion.
M. Pépin (Michel)
:
Mais ce n'est pas exclu que vous votiez pour, donc?
M. Paradis (Lévis) : Tout est
sur la table. Au moment où je vous parle, il n'est pas exclu que nous votions
contre. La décision se fera au terme de l'exercice.
M. Harrold (Max) : Quels sont
les changements que vous voulez apporter au projet de loi, les quatre, là, les
gros changements?
M. Paradis (Lévis) : Écoutez,
on parle d'une centralisation excessive et de pouvoirs importants de la part du
ministre. Je vous dirai qu'une de nos revendications, elle est simple :
que l'on s'engage à mettre de l'avant et à créer un comité de vigilance du
Vérificateur général pour faire en sorte qu'on puisse tenir compte des avancées
de cette réforme. On ne peut pas attendre à la fin de l'exercice pour voir si
on a dérapé ou pas. Qu'on s'établisse… et il n'y en a pas. Qu'on
établisse des objectifs, des cibles, des indicateurs de performance. On ne les
a pas non plus. Qu'on ait un plan de transition pour faire en sorte... Vous
savez, le ministre a souvent dit : Il va falloir que tout s'arrime, il va
falloir que tous ces systèmes informationnels finissent par se parler.
Informationnel… moi, à plusieurs reprises, j'ai dit : M. le ministre, système
informatique informationnel, qu'on arrime tout ça. On n'a pas de plan
d'intégration, on ne sait pas combien ça va coûter.
Et je vous donne une statistique. Sur
51 mémoires — et on regardait pour le plaisir, hein,
l'inquiétude de la centralisation à l'extrême — dans 51 mémoires,
le mot «centralisation» revient à 188 reprises. Les organisations d'usagers,
les fédérations, les spécialistes, les cadres, le personnel soignant sont tous
revenus avec cette crainte que l'on expose également.
Le Modérateur
: Sur un
autre sujet, madame, ici.
Mme Lajoie (Geneviève)
:
Oui. Il y a eu 77 chutes mortelles en six mois dans les centres de santé
du Québec. Qu'est-ce que vous pensez de ça?
M. Paradis (Lévis) : Je
trouve que c'est un phénomène récurrent. Je veux dire, il n'y a pas une journée
où on n'a pas un drame. La problématique avec les aînés... D'abord, les aînés
devront devenir une priorité. Force est de constater qu'on a eu des problèmes,
là. On a eu des problèmes au niveau de l'hygiène, on a eu des problèmes au
niveau de l'hébergement, on a eu des problèmes au niveau de la nourriture, de
l'encadrement. Là, il va falloir qu'on en fasse une priorité.
Si, à tous les jours, on s'inquiète de nos
aînés parce qu'il nous est révélé un drame humain, on n'en finira plus. Et ça,
c'est sans compter ceux que l'on ne connaît pas, parce que les aînés ont
tendance à se taire. Je pense que maintenant, s'il faut faire en sorte qu'on
réglemente davantage, qu'on assure un encadrement supérieur, qu'on édicte des règles
pour faire en sorte qu'à ce chapitre-là nos aînés puissent vivre dignement,
avec une qualité de vie sans craindre pour cette même vie là, ma priorité, c'est
qu'on pousse dans ce sens-là.
Mme Lajoie (Geneviève)
:
Est-ce que les compressions ne risquent pas d'aggraver cette situation-là?
M. Paradis (Lévis) : Ah! ça
ne va pas bien. Je veux dire... assurément. Je veux dire, on est... Actuellement,
les gens du réseau, les gens qui s'occupent des aînés disent craindre la
situation et s'inquiéter de l'encadrement pour ces mêmes aînés. C'est des questions
qu'il faudra adresser, c'est des situations qu'on devra analyser, mais on ne
peut pas prendre ça au jour le jour maintenant puis, à tous les matins, se
réveiller avec un drame potentiel. Il faut le prendre de front, travailler,
faire des aînés une priorité du gouvernement.
Mme Lajoie (Geneviève)
:
Est-ce que les compressions, justement, ne devraient absolument pas toucher
tout ce qui a trait aux aînés? Est-ce que ça...
M. Paradis (Lévis) : Les
compressions ne doivent pas mettre dans le trouble les personnes les plus
vulnérables. Les compressions ne doivent pas être dirigées vers ceux qui
rarement se défendent. On doit choisir ses cibles, on doit protéger les plus
vulnérables, et, en ce sens-là, chaque dollar enlevé risque de créer des situations
qui deviendront éventuellement dramatiques.
Le Modérateur
: Merci beaucoup.
(Fin à 8 h 57)