(Minuit dix-huit minutes)
Mme Lamarre : Alors, écoutez,
c'est un moment vraiment très décevant. On a travaillé très fort. Aujourd'hui encore, 95 amendements nouveaux qui ont été
déposés, et,
sur ces 95 là, 55 étaient des changements sur des amendements déposés le 1er décembre. Alors, on a dit
qu'il y avait beaucoup d'improvisation dans ce projet de loi là, on a dit qu'il y avait beaucoup de
centralisation, et, encore une fois, aujourd'hui,
le ministre nous a démontré, dans beaucoup
d'articles, qu'il récupérait du pouvoir. C'est
très préoccupant. Ce n'est surtout pas ce dont la population a besoin à ce
moment-ci, et on s'attend à ce que ça prenne des années avant que tout ça se
restabilise, que la poussière retombe.
Alors, il y a beaucoup de gens, ce soir,
qui sont très insécures par rapport à leur emploi, par rapport à l'organisation
de leur vie professionnelle, par rapport à leur travail, et, encore une fois,
on se dit : Est-ce que... Le ministre a posé le diagnostic. En fait, ce
n'est pas lui qui le pose, le diagnostic, il y a plein de recherches, il y a
plein d'études qui le confirment, des
sondages, donc ce n'est pas compliqué de faire le diagnostic, mais c'est de
trouver le bon traitement, et le traitement que le ministre a trouvé, ce n'est
pas le bon. C'est un traitement qui a été
aussi, dans sa façon
de le faire et de l'imposer… puis on va le voir avec la suite, au projet
de loi n° 20, mais c'est un projet ou une façon de faire qui amène
beaucoup de... les gens le perçoivent avec beaucoup de mépris, le perçoivent
avec beaucoup d'intolérance à leur endroit, d'incompréhension. Alors, je pense
que le ministre va devoir réajuster sa façon de faire, définitivement. Il a
utilisé un privilège énorme qui est celui du bâillon,
qui est un pouvoir extrême. Alors, il a, je dirais, utilisé ce pouvoir-là pour
une situation qui, d'après nous, ne le justifiait pas du tout.
Et j'ai tenu également à reprendre, parce
que le ministre a parlé que, depuis le mois de septembre, on avait travaillé
là-dessus. Bien, écoutez, le processus législatif, là, il va falloir qu'il se
familiarise avec ça, mais lui dépose le 25 septembre,
on a commencé à recevoir les groupes en octobre. Le projet était tellement majeur. Une réforme en
santé, ça touche beaucoup de gens, il y a eu 64 organismes et ils ont été
acceptés par le Parti libéral également, ces 64
organismes là, et puis ensuite on a commencé les travaux début décembre
pour l'étude article par article. Alors, en tout, on a passé cinq semaines sur l'étude
article par article pour 165 articles, et lui
nous a déposé encore, jeudi dernier, 24 pages d'amendements. Donc, c'est vraiment
une affirmation gratuite de sa part. Et d'avoir utilisé le bâillon, c'est totalement inacceptable.
Dans ce
projet-là, il s'est dit et il s'est dédit plusieurs fois. Et il va falloir
s'habituer à considérer que ce n'est pas parce que le ministre parle haut et
fort qu'il nous dit toujours des choses qui sont exactes. Et moi, je pense que
ça, il y a une espèce de confiance qu'il inspire en parlant haut, et fort, et
clair, mais, dans les faits, je pense qu'on va devoir revalider énormément de
ses affirmations. Ses économies de 220 millions, vraiment, elles ne sont
pas au rendez-vous. On voit les coûts, plus de 500 millions juste, ce
n'est pas compliqué, là, les transferts d'emplois,
les systèmes de paie qui vont devoir changer, la signalétique. Écoutez, il n'y
a pas d'économie, jamais, jamais, jamais dans ce projet-là. C'est une réforme
qui va coûter énormément cher pour des gains d'efficience théoriques, absolument
théoriques.
Mme Dufresne (Julie)
:
Comment vous vous préparez pour la suite des choses? Parce que le Dr Barrette a été clair qu'il allait de
l'avant aussi avec le projet de loi n° 20 avant le mois de juin. Est-ce
que vous vous préparez déjà pour, peut-être, un éventuel bâillon ou est-ce qu'il y a une façon
de faire différente qu'il va falloir adopter?
Mme Lamarre : Bien, je pense
qu'il va falloir que le ministre comprenne les étapes de l'adoption d'un projet
de loi. Il met dans ses projets de loi des choses qui, dans bien des cas,
devraient se régler par des négociations entre le ministère et les gens, et il
passe par le processus législatif parce qu'il n'est pas capable de s'entendre
avec les gens. Alors, s'il passe par le processus législatif, il va falloir
qu'il comprenne qu'il y a des étapes. Et là je
ne sais pas combien de groupes vont vouloir être entendus, mais il va falloir
qu'il arrête de blâmer l'opposition de faire en sorte que ça prenne du temps.
Un processus législatif, c'est quelque chose de long.
Déjà,
qu'il se soit soustrait à la publication des règlements… Écoutez, on ne les a
pas vus, là, les derniers règlements, on ne les a même pas vus, là, il y en a… on a fini à 70 sur 165 qu'on n'a pas vus de façon
finale. Et là on ne pourra même pas les revoir après,
au niveau du processus de l'article 161,
là, qu'il nous a mis, qui nous empêche de revoir ça.
Alors, le projet de loi n° 20, le ministre a besoin de changer
d'attitude. J'espère que les membres du gouvernement vont le rendre un peu plus
sensible à sa façon de faire parce que ce n'est pas une façon gagnante, et c'est une façon où il a peut-être l'impression qu'il a gagné ce soir, mais moi,
je peux vous dire qu'il a démotivé énormément de gens dans le système de santé.
Puis un système de santé qui travaille avec autant d'individus… Le système de
santé, c'est un système d'humains, et, quand
on a 270 000 personnes qui se sont senties jugées dans ce processus-là,
sans avoir les moyens… Et je vais vous dire un autre
exemple, là, l'article 59, eh bien, il avait prévu, dans le projet
de loi original, que le ministre devait donner des systèmes de gestion, devait
soutenir par des systèmes de gestion et d'information ces nouveaux centres. Et
là il l'a changé aujourd'hui. Amendement, il n'est plus obligé, il peut le
faire. Bien, écoutez, le vrai gain d'efficience puis de gouvernance, il était dans le «doit» puis il était dans le
«faire», et ça, il se l'est enlevé.
Alors, vraiment, moi, je suis préoccupée.
On l'a entendu aussi, dans certains cas, dire qu'il créait certains CISSS ou qu'il
laissait certains CISSS, parce que, s'il y avait des conflits dans certaines
régions, le conseil d'administration réglerait tous ces conflits-là. Bien,
quand on commence, qu'on construit quelque chose puis qu'on le construit dans
un contexte comme celui-là, ce n'est certainement pas gagnant pour cette
structure qu'il nous impose, mais définitivement pas pour les patients, non
plus.
M. Bergeron (Patrice)
:
Ça augure mal pour la suite, c'est ça que vous voulez dire, là, pour le projet
de loi n° 20 et puis…
Mme Lamarre : Ça augure très
mal.
M. Bergeron (Patrice)
:
Dites-moi, le ministre argue quand même que, par exemple, il y aura une
meilleure continuité entre, donc, la première ligne et la deuxième ligne. On
dit même qu'il y aura plus d'enfants qui vont être sauvés à la DPJ.Vous n'en croyez rien, de tout ça ou…
Mme Lamarre : La direction de
la protection de la jeunesse, nos centres jeunesse, là, actuellement, comme ils
fonctionnent, ce sont des… une référence à travers le monde. Ce sont des gens
qui… Le modèle qu'ils ont utilisé est un modèle qui fait vraiment référence
partout ailleurs au Canada. Un des éléments, c'est qu'ils ont comme principe de
garder les gens dans leurs familles. Les jeunes, quand même, de les garder dans
leurs familles, mais de bien les accompagner, c'est une de leurs forces. Mais il y avait l'Association des
centres jeunesse qui développait des modèles de formation, qui faisait du
transfert d'information. Ça, c'est dissous, c'est dissous. Et ces gens-là sont venus supplier, là. Les gens,
à la fin de la commission parlementaire, là, j'en ai vus qui avaient les larmes
aux yeux de voir comment ce qui était un succès qui fonctionnait bien… parce
qu'on en avait, des choses bien intégrées dans notre système. Il y avait des
choses qui n'étaient pas assez bien intégrées, mais ça, c'était très bien
intégré. Alors, je pense que ce n'est pas pour rien que la ministre Charlebois
a repris cet exemple-là, parce qu'elle sait que c'est particulièrement
vulnérable. On avait une formule gagnante, et là
on vient de la déstabiliser.
Journaliste
: Le ministre… si ça ne
vous dérange pas…
Mme Lamarre : Allez-y.Ça me dérange, mais je vais comprendre. Merci, ça
me fait plaisir.
(Fin à 00 h 27)