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Point de presse de M. Amir Khadir, député de Mercier

Version finale

Tuesday, February 17, 2015, 16 h

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Quinze heures quarante-six minutes)

M. Khadir : Bonjour tout le monde, merci d'être présents. Je viens de déposer, il y a à peine une heure, à l'Assemblée nationale, un projet de loi qui vise à réduire l'achat des médicaments, le coût des médicaments au Québec.

Il est grand temps d'agir. En fait, tous les observateurs et les gouvernements alentour de nous rappellent que nous sommes, au Canada, le pays qui, dans les pays comparables de l'OCDE, payons les prix les plus chers pour les médicaments : 30 %. Et malheureusement, au Québec, on est, au Canada, la province qui paie… la juridiction qui paie le plus cher les médicaments à l'échelle canadienne, on en a une idée ici. En fait, c'est nous qui tirons la moyenne canadienne vers le haut. Si on exclut le Québec de la moyenne canadienne, nous payons 30 % plus cher. La différence entre le Québec et, par exemple, une province comme la Colombie-Britannique, qui a commencé ce que nous proposons de faire il y a déjà un temps, c'est 1,5 milliard de dollars, selon une étude qui est parue il y a une dizaine de journées et dont a fait grandement mention Le Journal de Montréal hier.

La réalité, c'est que nous déposons ce projet de loi parce qu'il est grand temps d'agir. Ça fait très mal aux finances publiques. Le gouvernement veut faire quelque chose. M. Leitão montre de l'ouverture depuis l'année dernière. Nous sommes très conscients qu'il y a encore beaucoup de résistance, mais nous voyons que même M. Barrette admet qu'il y a des économies qu'il faut aller chercher. Nous lui proposons, par ce projet de loi, un moyen d'y arriver facilement, aisément, en tenant compte des meilleures pratiques à l'échelle internationale.

La Nouvelle-Zélande, qui a… où un gouvernement conservateur a fait exactement ce qu'on propose… Je vous parle d'un gouvernement conservateur, pas de nationalisation, là. La nationalisation peut être appropriée dans certaines circonstances, mais ici il n'est pas question de nationaliser quoi que ce soit. Ce qu'il est question, c'est que le gouvernement du Québec négocie ses médicaments de manière énergique. En fait, on demande au gouvernement du Québec de négocier ses médicaments exactement comme l'administrateur intermédiaire, c'est-à-dire les pharmacies d'hôpitaux le font depuis 30 ans avec, en moyenne, 30 % à 40 % de réduction par rapport à la facture que rembourse la RAMQ aux pharmaciens d'ordonnance.

La Nouvelle-Zélande, le gouvernement conservateur qui a commencé ça à la fin des années 90, actuellement paie 340 $ en moyenne par habitant; nous payons trois fois ce prix. Donc, il y a une énorme marge de réduction des prix des médicaments qu'on peut aller chercher, données qui recoupent parfaitement la commission royale d'enquête, il y a une dizaine d'années, de Roy Romanow lancée par le gouvernement fédéral, qui arrivait à la conclusion qu'au Canada on paie de trois à six fois trop cher nos médicaments.

Donc, l'idée, c'est : comme les plaques tectoniques commencent à bouger, comme les autres provinces canadiennes veulent aller dans ce sens-là, nous suggérons à M. Barrette de, disons, recevoir notre proposition, de l'examiner avec attention. Un expert toutes catégories à l'échelle canadienne, internationale, le Pr Gregory Marchildon, qui enseigne à Regina et que l'OCDE et l'OMS consultent régulièrement, vient de publier, tout juste — ça, c'est à la Bibliothèque de l'Assemblée nationale — les éléments qui expliquent la croissance des coûts en santé. Et c'est clair pour lui, comme pour tout le reste des observateurs : les médicaments sont la part inflationniste de nos coûts de santé. Il faut faire quelque chose. Tout le monde s'entend, M. Barrette… je pense, nous sommes mûrs au Québec pour agir dans ce sens-là.

M. Dutrisac (Robert) : Oui. Votre tableau, j'essaie de… Parce que nous, on a un régime universel de couverture en l'assurance médicaments, mais, dans le reste du pays, ils ont des régimes souvent catastrophiques, en tout cas moins généreux, ça influe sur la consommation. C'est parce que je suis d'accord pour dire qu'il y a un écart de prix, mais on consomme plus de médicaments en…

M. Khadir : Oui, mais il y a toute une série de choses à faire, bien sûr, bien sûr. Regardez, la Nouvelle-Zélande est comparable. La Nouvelle-Zélande, c'est à… C'est pour ça qu'on prend l'exemple de la Nouvelle-Zélande. La Nouvelle-Zélande, en tous points, est comparable au Québec à ce chapitre-là : ils ont aussi un régime mixte, assurance publique, assurance privée, et la population de la Nouvelle-Zélande tourne alentour, maintenant, de 6 millions.

M. Gagnon (Marc-André) : M. Barrette nous dit qu'en Nouvelle-Zélande, en raison des politiques qu'ils ont mis en place, ils n'ont pas accès, justement, entre autres, à certains médicaments, donc la population se trouve pénalisée.

M. Khadir : Oui, mais on n'est pas obligés de faire autant. Nous ne proposons pas une réduction de 65 % du coût des médicaments parce que, pour arriver à faire comme la Nouvelle-Zélande, il faut restreindre sévèrement la liste des médicaments remboursables, aller peut-être un peu trop loin. Ils sont allés peut-être un peu trop loin. Ce n'est pas nécessaire de le faire.

Nous, nous proposons, par exemple, de faire des économies pour pouvoir payer les médicaments précieux anticancéreux qu'actuellement on refuse aux patients. Pourquoi? Parce qu'ils ne peuvent assurer que 30 % de chances de guérison, mais 30 % de chances de guérison pour quelqu'un pour qui c'est soit ça, soit la mort, c'est déjà beaucoup. Mais actuellement on lui refuse parce qu'on dit : Ça ne rencontre pas les critères de l'INESSS. Donc, à cause de dépenses inutiles, du fait qu'on défonce nos budgets en ne faisant pas les bonnes pratiques, on prive des patients qui en ont grandement besoin, de médicaments qui peuvent être salvateurs.

Donc, c'est dans cet esprit-là que nous proposons simplement de commencer à rejoindre les meilleures pratiques au Canada. Au Canada… Je pense que M. Barrette… Je comprends M. Barrette. Écoutez, M. Barrette est en train de dire exactement ce que nous disait M. Bolduc avant lui. M. Hébert disait la même chose. M. Couillard disait la même chose. Ça fait 10 ans qu'ils nous disent ça, puis regardez où ça nous a conduits. Ça fait 10 ans qu'on ne bouge pas parce qu'ils ont peur de bouger, en disant : Ça ne ressemble à rien d'autre, on ne peut rien faire. Et aujourd'hui on constate qu'on est 1,5 milliard de dollars en retard dans les économies à faire par rapport à la Colombie-Britannique.

M. Gagnon (Marc-André) : C'est la deuxième fois que vous présentez ce projet de loi là. Alors, quels sont les principales différences entre la première mouture de votre projet de loi pour Pharma-Québec et celui-ci?

M. Khadir : Dans le fond du projet, il n'y a aucune différence. La différence, c'est le contexte, c'est que M. Leitão est ouvert, c'est que M. Barrette démontre un minimum, je dirais, de volonté pour agir. Puis il s'est montré ouvert, il a parlé d'aller chercher 800 millions de réduction dans le coût des médicaments. S'il compte sur la mise en commun des politiques d'achat par l'ensemble des provinces canadiennes… il y a un professeur expert, M. Marc-André Gagnon, qui a montré que ça ne serait pas suffisant de se… avec le… disons, les négociations communes avec les autres provinces, la manière dont ils le font actuellement, ça ne permet, au mieux, que d'aller chercher une couple de centaines de millions de dollars.

Nous, on dit : Si on veut arriver à ces objectifs, qui sont nobles, il y a… ça fait longtemps qu'on réfléchit là-dessus, et ce qu'on propose de faire et qu'on proposait en 2006, plusieurs provinces canadiennes et plusieurs États à travers le monde l'ont appliqué maintenant, il n'y a aucune raison de craindre. Ça marche très bien. Il s'agit d'ailleurs de quelque chose qu'on pratique nous-mêmes, mais à une plus petite échelle, dans les hôpitaux québécois. Donc, M. Barrette, je pense, disons, répète les choses qu'il a entendues, mais, quand il va examiner attentivement ce qu'on a à lui proposer, quand il va s'apercevoir que, dans le fond, l'administrateur intermédiaire, c'est-à-dire le responsable de la pharmacie d'hôpital, qui est en consortium avec les autres hôpitaux de sa région pour acheter les médicaments en commun, ce que lui est capable d'aller faire, c'est-à-dire de réduire de 30 % sa facture, bien, l'administrateur principal de la santé, c'est-à-dire le ministre, peut très bien le faire.

M. Dutrisac (Robert) : Là, ce que vous proposez, c'est une société d'État, donc, qui aurait un rôle de grossiste, essentiellement, c'est-à-dire…

M. Khadir : Non, non, pas de grossiste dans le sens qu'il achète des médicaments qu'il entrepose; un rôle de négociateur en chef, avec une liste de prix établis.

M. Dutrisac (Robert) : O.K., négociateur en chef, mais ça serait une société d'État, donc, plutôt que la RAMQ ou…

M. Khadir : Bien, ça pourrait partir, comme dans notre projet de loi… il y a une partie du personnel de la RAMQ qui s'occupe actuellement de l'assurance médicaments, qui serait intégrée dans cette société, et donc qui gérerait l'ensemble, parce qu'il faut… Pour être cohérent, notre projet de loi tient compte de d'autres dimensions : il faut aussi réduire la consommation de médicaments. Pour réduire la consommation de médicaments, il faut avoir une politique d'inscription sur la liste des médicaments remboursables qui tienne compte des meilleurs rapports qualité-prix. Actuellement, au Québec, il n'y a aucune mesure de cet ordre. L'Ontario a fait le ménage depuis un certain temps : ils sont, je pense, rendus à 3 000; on est à 7 000 médicaments remboursables. Il n'y a aucune raison que ça se perpétue. C'est un gaspillage des deniers publics à fort coût pour le système.

Donc, il y a plusieurs éléments comme ça qui ont besoin, donc, disons, d'une entreprise d'État centralisée qui intègre l'ensemble de la démarche.

M. Dutrisac (Robert) : Il y a un volet fabrication à votre société d'État, si j'ai bien compris?

M. Khadir : Nous voulons… Si… Regardez, M. Barrette n'est pas obligé d'appliquer ça. M. Barrette peut partir du principe d'un groupe regroupant d'achats à l'échelle du Québec, d'accord? Mais, si Québec solidaire arrivait au pouvoir ou si le gouvernement Couillard veut bien accepter les meilleures pratiques, les principes des meilleures pratiques qui existent à l'échelle internationale…

La Suède, actuellement, est un des pays qui a les meilleures pratiques de… en matière pharmaceutique. C'est reconnu par l'OCDE.Or, en Suède, ils ont une entreprise publique qui produit aussi quelques médicaments génériques, qui occupe 1 % du marché. Ce n'est pas une entreprise qui occupe tout le marché, ce n'est pas une nationalisation du médicament, c'est une entreprise qui participe dans les offres publiques, dans les, comment dit-on, appels d'offres publics, qui soumissionne au même titre que des entreprises privées pour certains médicaments et qui exerce, de ce fait même, un effet régulateur, à la baisse, des prix parce que tous les fournisseurs savent bien que l'État suédois dispose des capacités lui-même de produire tel et tel médicament générique si jamais leurs prix sont farfelus.

M. Gagnon (Marc-André) : Je comprends que l'idée, c'est de faire des économies, en bout de ligne, là, mais est-ce que vous avez quand même chiffré ce que ça coûterait de créer, de mettre en place cette nouvelle société d'État là?

M. Khadir : 150 millions. Donc, c'est un dixième des économies qu'on irait chercher.

Une voix :

M. Khadir : Je ne sais pas pourquoi certaines personnes sont si insistantes.

M. Dutrisac (Robert) : Voyons, ça, ça m'a fait perdre ma question. Oui, c'est ça. Les compagnies pharmaceutiques sont dans les hôpitaux, etc. Il y a certains, comment dire, comportements de rétorsion qu'ils emploient, pénuries artificielles de médicaments, que certaines pharmaceutiques… C'est une pratique qu'ils font, à l'heure actuelle, dans le réseau de la santé au Québec et ailleurs quand ils ne sont pas satisfaits des négociations avec l'État…

M. Khadir :Oui. C'est pour ça…

M. Dutrisac (Robert) : …ils s'organisent pour que les médicaments arrivent mal ou soient en pénurie ici et là.

M. Khadir : C'est une pratique scandaleuse.

M. Dutrisac (Robert) : Oui, c'est une pratique scandaleuse, mais est-ce que vous ne croyez pas que, justement, créer, en Amérique du Nord, une société d'État de ce type-là va braquer les pharmaceutiques?

M. Khadir : Regardez, on n'a pas fait ça, puis où est-ce que ça nous a menés? À un énorme gaspillage des fonds publics et un retard considérable sur le monde entier par ce genre d'attitude, je dirais, défaitiste.

Mais la donne est en train de changer. Le gouvernement Sarkozy, en 2011, a commandé une étude qui a été soumise au gouvernement français qui a pris des mesures énergétiques. Depuis ce temps-là, c'est le rapport Debray — je ne sais pas si vous êtes au courant, 2011, ça a été soumis — qui fait le bilan, justement, de ce genre de pratiques et les fausses promesses de l'industrie pharmaceutique. Le gouvernement américain, la même année, en 2011, Obama a investi plus de 6 milliards de dollars dans le NIH pour compenser, pour doter les États-Unis de capacités, elles-mêmes, de mener à bien certaines recherches en matières pharmaceutiques et de doter l'État américain des capacités à la fois de recherche et de développement pas «upstream», mais «downstream», c'est-à-dire dans la phase développement du produit final.

Tout ça pour dire que, donc, il y a une prise en considération de ce phénomène-là, et c'est une raison supplémentaire, si je peux me permettre, d'agir et immédiatement… C'est pour ça qu'on pense qu'au-delà de la négociation, pour baisser les prix des médicaments, il y a une promesse formidable dans cette idée de créer une entreprise publique qui, à chaque fois que l'industrie voudra faire du chantage, qu'on a les capacités…

Le Brésil a pu le faire. Écoutez, je pense qu'il faut que les journalistes qui s'y intéressent se penchent sur le cas brésilien. Une chercheuse réputée, au Brésil, avec l'aide d'une équipe de 80 personnes, au milieu des années90, a sauvé littéralement le Brésil de la banqueroute parce que, devant l'épidémie du sida, les compagnies pharmaceutiques ne voulaient pas accorder des prix raisonnables, mais ils ont découvert, eux-mêmes… ils ont contourné le chantage des compagnies pharmaceutiques, qui ne voulaient pas leur vendre au prix abordable pour le Brésil, ils ont redécouvert pratiquement tous les médicaments antisida.

Donc, il faut cesser de se laisser intimider par ces pratiques, et, au Québec, ça tombe bien, parce qu'on est un des quatre foyers de recherche et d'innovation en matière pharmaceutique à l'échelle nord-américaine. On est vraiment un des quatre pôles les plus importants de développement pharmaceutique au cours des 25 dernières années. Et nous avons testé notre hypothèse et sa viabilité avec l'expert qui a reçu le Prix du Québec pour ça exactement, M. Yvan Guindon. On est allés le voir, on lui a proposé le modèle, incluant la partie négociation et la partie production et recherche et innovation, et, selon lui, ça tient la route, et c'est ce qu'il faut au Québec.

(Fin à 16 h 1)

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