(Quinze heures vingt-neuf minutes)
M. Drainville
: Écoutez,
la semaine passée, Pierre Arcand, le ministre de l'Énergie, a, dans le fond,
affirmé très clairement qu'il songeait à augmenter les tarifs
d'hydroélectricité des Québécois. Je vous rappelle, là, pour ceux qui utilisent
l'électricité d'une façon très importante, il y a peut-être un signal de prix
qui pourrait être envoyé.
Alors, aujourd'hui, vous m'avez entendu,
vous l'avez même tweeté dans certains cas, je lui ai donné la chance de
clarifier ses propos, et non seulement il n'a pas clarifié ses propos, il a
très clairement confirmé qu'une hausse des tarifs d'Hydro était au programme du
gouvernement libéral.
Alors là, évidemment, il nous annonce un
tarif modulé ou, enfin, une modulation de la consommation d'énergie selon la
grandeur de la maison, hein, pour reprendre ses mots. Il a parlé de grande
maison, sauf que je vous rappelle, hein, quand ils ont annoncé la hausse des
tarifs en CPE, ils ont commencé... c'est le premier ministre Couillard qui a
commencé par dire : Vous savez, quelqu'un qui fait mon salaire, autour de
200 000 $, peut très bien vivre avec une augmentation des tarifs.
Puis on a fini avec quoi? On a fini avec une augmentation de tarifs qui touche
toutes les familles qui font plus que 75 000 $ et plus. Alors, moi,
quand j'entends le ministre Arcand parler de grandes maisons, je sais que ça va
finir avec la classe moyenne puis ça va finir avec les moyennes maisons. Puis
je sais qu'on va tous finir par payer plus, puis c'est ça qui va se passer.
Et là évidemment j'ai posé la question de
la privatisation, puis, là aussi, il s'est bien gardé de fermer la porte, hein?
Dans le cas de la hausse de tarifs, il a confirmé que c'était sur la table;
dans le cas de la privatisation, il a laissé l'hypothèse sur la table. Il n'a
pas fermé la porte à ce qu'une éventuelle hausse de tarifs soit une espèce
d'étape préliminaire à une privatisation d'Hydro-Québec. Puis je vous le
rappelle, ce scénario-là, il faisait partie du rapport Montmarquette. Philippe
Couillard l'avait retiré de la table, il avait affirmé qu'il n'était pas
question de privatiser. Mais, vous savez, c'est le même Philippe Couillard,
hein, qui a déclaré, lors de la dernière campagne électorale, qu'il n'était pas
question d'indexer les tarifs au-delà de l'inflation. En décembre dernier, là,
ça ne fait pas longtemps, là, en décembre dernier, Philippe Couillard a déclaré
qu'il n'y aurait pas de hausse de tarifs, puis là aujourd'hui son ministre de
l'Énergie dit : Bien oui, pour les grandes maisons, c'est sur la table.
Alors, moi, je ne fais plus confiance aux
libéraux quand il est question de tarifs, de hausses de tarifs. Ils ont prouvé,
par le passé, qu'on ne pouvait pas se fier sur leurs paroles. Et puis je suis
ici, dans le fond, pour dire aux Québécois : Préparez-vous parce que ça
s'en vient, malheureusement, ou, en tout cas, c'est sur la table. Ils
l'envisagent très clairement. Et j'espère juste que ce n'est pas pour préparer
la privatisation d'Hydro-Québec.
Puis je termine en faisant le lien avec
une question que j'ai posée la semaine dernière et la semaine d'avant sur les
démissions dans la haute direction d'Hydro-Québec. Quand j'ai soulevé cette
question-là, il y en a qui ont dit : Ah! Il fait des liens. Pourquoi
est-ce qu'il fait ces liens-là, etc.? Bien là, je repose la question :
Est-ce que les départs massifs dans la haute direction d'Hydro-Québec sont liés
à ce scénario de hausse des tarifs? Est-ce que ce scénario de hausse des tarifs
est lié à un éventuel scénario de privatisation d'Hydro-Québec? Et donc la
question que je posais, il y a deux semaines : Est-ce que ces départs sont
liés à un possible retour du scénario de la privatisation? Est-ce que c'est
possible, ça? Je pose la question à nouveau. Puis savez-vous quoi? La question
que je posais il y a deux semaines ne me semble pas moins pertinente aujourd'hui.
C'est le moins qu'on puisse dire.
Puis je termine — vraiment,
cette fois-ci — vous savez, la nationalisation d'Hydro-Québec, là,
elle s'est faite après une élection qui portait sur cet enjeu-là. C'est
l'élection de 1962. C'était l'enjeu d'élection de 1962 : est-ce qu'on
nationalise Hydro-Québec ou pas? Bien, je ne peux pas croire que ce gouvernement-là
pourrait, par la porte d'en arrière, envisager, de quelque façon que ce soit,
une privatisation d'Hydro-Québec sans en avoir obtenu le mandat et sans qu'il y
en ait été question lors de la dernière élection.
Voilà, je suis ouvert à vos questions,
comme toujours. Est-ce que vous êtes bouche bée?
M. Gentile (Davide) :
M. Drainville, en quoi est-ce que d'augmenter les tarifs chez les très
gros consommateurs, ça irait à l'encontre d'une logique social-démocrate si, justement,
le palier était fixé à un niveau…
M. Drainville
: Ah!
Si, justement, le palier… Bien, c'est pour ça que j'ai pris la peine, dans mes
propos d'introduction, de vous parler, justement, des hausses de tarifs dans
les CPE, parce que, quand ça a commencé avec les CPE, c'est Philippe Couillard
qui l'a déclaré… puis je me demande même si je ne l'ai pas apporté avec moi. Si
jamais vous avez… si jamais vous êtes sceptique, M. le… quoi, vous me
croyez sur parole?
M. Gentile (Davide) : Bien,
presque.
M. Drainville
: Alors,
il a déclaré, à un moment donné, M. Couillard, il a dit : Vous savez,
pour quelqu'un comme moi, là, augmenter les tarifs, là, de CPE, là, ce n'est
pas la fin du monde, là. Tu sais, je le… Voilà. «Personne ne s'opposerait du
fait que quelqu'un qui a mon revenu ou des revenus plus élevés dans la société
ait à payer des tarifs de 10 $ par jour pour un enfant à la garderie.»
Alors, le PM, là, j'ai vérifié ça, on me dit que c'est autour de
200 000 $ qu'il fait, là. Ça fait qu'au départ, là, la hausse des
tarifs en CPE, ça devait s'appliquer, là, aux personnes qui font 200 000 $,
là, aux gros, gros, gros revenus. On se retrouve aujourd'hui avec une
modulation qui frappe tous les ménages de 75 000 $ et plus.
Alors, quand les libéraux commencent, là,
puis vous parlent juste des grandes maisons, méfiez-vous. Méfiez-vous parce qu'à
mon avis ce n'est pas juste les grandes maisons qui vont payer pour, ça va être
les moyennes maisons et donc ça va être la classe moyenne qui va payer pour.
M. Gentile (Davide) : Donc,
vous seriez en faveur si on établissait le palier assez haut, là…
M. Drainville
: Non,
je ne suis pas en faveur…
M. Gentile (Davide) : Vous
êtes contre toute hausse ou toute modulation.
M. Drainville
: Bien,
regardez, quand les libéraux nous proposent une hausse de tarifs, l'expérience
qu'on a, c'est que ça finit par frapper la classe moyenne. Et vous pouvez être
certain que toute hausse de tarifs qui frappe la classe moyenne, nous, on va se
dresser devant ça puis on va bloquer ça. On va tout faire pour bloquer ça.
Maintenant, c'est à M. Arcand de nous dire
c'est quoi, une grande maison. Ça ressemble à quoi, une grande maison? Ça
commence à partir de quelle grandeur, une grande maison? Tu sais, c'est à lui
de nous dire c'est quoi la grande maison, tu sais.
Moi, j'ai l'impression que la grande
maison, ça va être le bon bungalow moyen, là, tu sais, qu'on retrouve dans nos
banlieues du Québec, là. C'est eux autres qui vont payer pour ça.
M. Lacroix (Louis)
:
Donc, si je comprends votre logique, M. Drainville, là, vous dites qu'ils
veulent augmenter les tarifs pour rendre Hydro-Québec plus concurrentielle pour
ensuite pouvoir la vendre à un meilleur prix?
M. Drainville
: M.
Lacroix…
M. Lacroix (Louis)
:
Non, mais est-ce que c'est ça, votre logique, là? Vous faites un amalgame en
disant : On commence par augmenter les tarifs puis, après ça, on… Est-ce
qu'on va aller jusqu'à vendre?
M. Drainville
: M.
Lacroix, il y a deux choses qui se sont passées aujourd'hui en Chambre. La
première, c'est que le ministre a confirmé que c'était dans son intention d'augmenter
le compte d'Hydro pour les Québécois. Ça, c'est la première chose. Puis la
deuxième chose, quand je lui ai demandé de réitérer l'engagement libéral qu'il
n'y ait pas de privatisation, il s'est gardé de le faire.
Puis une chose est sûre : avant toute
privatisation, un gouvernement qui veut privatiser va vouloir augmenter la
valeur marchande d'Hydro-Québec. Et la meilleure façon d'augmenter ou, en tout
cas, une des très bonnes façons d'augmenter la valeur marchande, c'est
d'augmenter ses revenus. Et, pour augmenter ses revenus, il n'y a rien comme
une augmentation des tarifs.
Alors, je ne vous dis pas que la
privatisation est pour demain matin, ce que je vous dis, c'est qu'ils préparent
le terrain pour pouvoir peut-être un jour privatiser. Et, quand je leur demande
de retirer de la table ce scénario-là, ils ne le font pas. Dit autrement, ils
souhaiteraient privatiser Hydro-Québec, ils ne s'y prendraient pas autrement.
Ils souhaiteraient privatiser Hydro-Québec, ils augmenteraient les tarifs pour
qu'Hydro fasse plus d'argent, qu'elle vaille plus cher sur le marché, et donc
qu'ils puissent aller chercher plus d'argent au moment de la vendre au privé,
peu importe la tranche… le pourcentage de la société d'État qu'ils décideront
de mettre en vente.
Alors, je pose, je pense, une question qui
est pertinente. Et c'est un… Ceci dit, je pose la question de la privatisation,
je remarque qu'aujourd'hui il ne l'a pas exclue, il ne l'a pas écartée, mais ce
n'est pas une question, hein, que d'affirmer, là, que la meilleure façon
d'aller chercher le maximum de valeur marchande, c'est d'augmenter les revenus,
puis, pour augmenter les revenus, tu augmentes les tarifs. Ça, ce n'est pas une
question, ça, c'est une affirmation. Ça, c'est un fait, ça. Si c'est ça que tu veux,
tu passes par ce chemin-là.
M. Lacroix (Louis)
:
Mais l'amalgame que vous faites, juste pour terminer sur la démarche,
l'amalgame que vous faites avec…
M. Drainville
: M.
Lacroix, la question qu'on pose…
M. Lacroix (Louis)
: …les
départs des trois… en fait de M. Vandal et des deux autres…
M. Drainville
: Quatre
maintenant, oui.
M. Lacroix (Louis)
:
Quatre maintenant.
M. Drainville
: Ce que
je dis, c'est que la question…
M. Lacroix (Louis)
: C'est
que ces gens-là sont au courant des intentions du gouvernement?
M. Drainville
: Je ne
le sais pas. Je ne le sais pas, mais vous ne trouvez pas que ça en fait
beaucoup, là, M. Lacroix, là? Vous ne trouvez pas que ça en fait beaucoup?
M. Lacroix (Louis)
:
Moi, je vous pose la question à vous, là.
M. Drainville
: Bien
oui, mais c'est ça.
M. Lacroix (Louis)
:
Est-ce que vous pensez que ces gens-là démissionnent parce qu'ils voient
arriver le gouvernement avec ses gros sabots?
M. Drainville
: Moi,
je n'ai pas le choix que de poser les questions, mon cher. Moi, je ne suis pas
ministre responsable d'Hydro-Québec, mais je trouve que ça en fait beaucoup. Je
trouve que ça en fait beaucoup.
M. Croteau (Martin)
:
J'entends vos questions, mais soupçonnez-vous, oui ou non, le gouvernement de
vouloir privatiser Hydro-Québec?
M. Drainville
: Bien,
je m'inquiète du fait qu'il ne l'écarte pas, quand on leur pose la question, et
je m'inquiète du fait qu'ils sont en train de poser des gestes qui pourraient
faire augmenter la valeur marchande d'Hydro. Et, si tu veux privatiser, ton
premier objectif, c'est d'aller chercher le maximum d'argent, puis, pour ça, il
faut que tu fasses augmenter la valeur d'Hydro. Et il n'y a rien comme une
augmentation des revenus, donc une augmentation des tarifs pour ce faire.
Alors, je dis : Si leur intention,
c'est de privatiser, ils ne s'y prendraient pas autrement. Ils augmenteraient
les tarifs, et c'est visiblement ce qu'ils envisagent. Alors, est-ce qu'ils
sont en train de préparer le terrain? Moi, je pense que la question se pose.
M. Croteau (Martin)
:
Est-ce qu'on comprend aussi qu'à vos yeux une augmentation de tarifs qui serait
la même pour tout le monde, peu importe la taille de leur maison ou de leur
niveau de revenus, serait plus acceptable qu'une hausse qui serait différenciée
selon d'autres critères?
M. Drainville
: M.
Croteau, je ne veux même pas en entendre parler parce que les dernières hausses
de tarifs ont été des tromperies. Les dernières hausses de tarifs dans le cas
des CPE devaient s'appliquer seulement aux ménages de plus de
200 000 $, puis on se retrouve aujourd'hui avec une hausse de tarifs
qui touche tous les ménages de 75 000 $ et plus.
Alors, moi, je ne commencerai pas à
discuter de scénarios de hausses de tarifs parce que les derniers avec qui je
voudrais en discuter, parce que ce sont vraiment ceux en qui on ne peut avoir
absolument aucune confiance là-dessus, ce sont les libéraux.
M. Croteau (Martin)
:
Mais je vais poser ma question autrement. Comme l'a souligné M. Arcand en
Chambre, alors que le PQ était au gouvernement, il y a eu des augmentations de
tarifs. Pourquoi avoir privilégié un scénario où la hausse était la même pour
tout le monde plutôt que distinguer…
M. Drainville
: Ah!
mais M. Croteau, question pertinente. Là, vous posez une vraie question, là.
Les hausses de tarifs dont parle M. le ministre Arcand, là, c'est les hausses
de tarifs en sus des décisions de la Régie de l'énergie. Entendons-nous bien,
là. Entendons-nous bien, là.
Nous autres, quand on est arrivés, on a
mis fin à la hausse de 20 %. La hausse de 20 % du budget Bachand, là,
ce n'était pas la hausse des… ce n'était pas la décision de la Régie de
l'énergie, ça. C'était le dégel du bloc patrimonial, donc ça s'ajoutait aux
décisions de la régie. Alors, nous autres, ce qu'on a fait, il y avait une
augmentation d'à peu près 0,01 $ du kilowattheure qui était prévue par
Bachand, on l'a annulée. Cette hausse de 1 %, ça correspondait grosso modo
à une hausse de 20 % à laquelle se seraient ajoutées les décisions de la
Régie de l'énergie. On a annulé cette hausse de 20 %, on l'a remplacée par
l'indexation.
Alors, à quoi est-ce qu'il pense, le
ministre, actuellement, le ministre Arcand? Quand il vous parle, là, de hausses,
là, pour les grandes maisons, là, il ne parle pas des décisions de la Régie de
l'énergie. La Régie de l'énergie va continuer à faire son travail. Ce dont il
parle, alors ça peut être plusieurs choses. Il peut parler de la création d'un
troisième palier, hein? Vous savez comment ça fonctionne actuellement, là. Les
30 premiers kilowattheures par jour, vous payer 0,055 $ du kilowatt;
au-delà de 30 kilowattheures, vous payez 0,082 $. Il y a deux paliers
actuellement chez Hydro, si vous regardez votre facture d'électricité. Grosso
modo, 0,055 $, puis après ça 0,08 $, au-delà de 30 kilowattheures. Est-ce
qu'il veut ajouter un troisième palier? Je ne sais pas. Est-ce qu'il veut
dégeler le bloc patrimonial, un peu comme le prévoyait Bachand? Je ne le sais
pas, mais c'est à lui de nous le dire.
M. Lacroix (Louis)
: Ce
serait quoi, le drame, M. Drainville, de privatiser Hydro-Québec? Qu'est-ce que
ça ferait? Qu'est-ce qui arriverait, là...
M. Drainville
: Mon
cher M. Lacroix...
M. Lacroix (Louis)
:
Non, mais je vous pose la question pour savoir. Ce serait quoi, le drame?
M. Drainville
: Le
drame… Hydro-Québec, c'est une source d'enrichissement. C'est une source
d'enrichissement, c'est une vache à lait. Puis nous autres, là, les bons
Québécois, là, on privatiserait notre vache à lait, on privatiserait une source
incroyable d'enrichissement collectif et d'enrichissement pour l'État québécois
pour satisfaire qui, quoi? En quoi est-ce que sacrifier tes actifs qui te
rapportent, année après année, des milliards de dollars, en quoi est-ce que ça
nous avancerait comme société, ça? Et je réitère, M. Lacroix, le fait qu'ils
n'ont aucun mandat pour envisager ce scénario-là, aucun mandat pour envisager
ce scénario-là. Jamais il n'en a été question pendant la dernière élection,
jamais.
Ça va? Ça a été un plaisir de vous revoir.
Deux fois dans la même journée, c'est...
(Fin à 15 h 44)