(Neuf heures vingt minutes)
Mme Lamarre : Bonjour à tous.
Alors, ce matin, c'est le début des travaux sur le projet de loi n° 20, un
projet de loi, dès le départ, on a souligné tout de suite, dans l'heure qui a
suivi le dépôt, des préoccupations, entre autres au niveau du manque de
transparence, parce que le projet de loi n° 20, quand on le lit
intégralement, on ne peut pas comprendre si on n'a pas les exemples que le
ministre a donnés. On ne retrouve pas, sans les exemples du ministre, la teneur
de ce projet de loi et de quelle façon il va changer et améliorer l'accès.
Alors, ce qu'on demande au ministre, c'est
de nous déposer les règlements par transparence, par souci de transparence. Ce
gouvernement-là nous en a promis, de la transparence, il doit déposer les
règlements. C'est dans les règlements qu'on va comprendre.
Le ministre a évoqué, la semaine passée au
salon bleu, les briefings techniques auxquels nous avons eu droit. Ces
briefings-là, loin d'être rassurants, démontrent l'improvisation,
l'improvisation vraiment, à ce moment-ci d'un projet de loi, qu'on soit encore
autant dans l'improvisation, les ratios qui peuvent sincèrement amener vraiment
les médecins à choisir certains patients et à ne pas choisir d'autres
patients. On a parlé des cas plus lourds, des cas qui prennent plus de
temps à être traités, mais on a aussi toutes sortes d'ouvertures qui
peuvent permettre à des médecins de ne pas nécessairement bien prendre en
charge un très grand nombre de patients, dont on... qui est l'essentiel,
finalement, de ce projet-là.
Donc, obligation de nous donner les
règlements si on veut être capable d'avoir un regard éclairé. On le voit déjà,
des organismes comme le Collège des médecins ou le Barreau se sentent
incapables de porter un jugement clair sur ce projet de loi là. Donc, c'est la
stratégie du ministre Barrette, c'est d'être obscur, d'être confus, de laisser
venir toutes sortes de commentaires et finalement, en dernier lieu, nous passer
un bâillon dans lequel il place vraiment ce que lui veut.
M. Chouinard (Tommy)
:
Mme Lamarre, le ministre dit en entrevue : On va présenter les grandes
lignes du règlement dans le cadre de l'étude article par article du projet de
loi. Est-ce que c'est fair-play?
Mme Lamarre : Vous avez vu ce
qu'il a fait dans le projet de loi n° 10? Dans le projet de loi
n° 10, là, quand il nous a mis le bâillon, il a ajouté trois mots :
«les cadres intermédiaires». O.K.? Ça n'a jamais été évoqué par personne en
commission parlementaire. Aucun groupe qui est venu faire des représentations
n'a parlé d'élargir ça aux cadres intermédiaires. C'est lui qui a décidé de
l'ajouter unilatéralement dans sa dernière mouture. Alors, il va encore pouvoir
faire la même chose.
M. Chouinard (Tommy)
: …je
veux bien comprendre. Là, il dit : On va présenter les grandes lignes du
règlement dans le cadre de l'étude article par article. Est-ce que, ça, c'est
correct? Est-ce que ça suffit, ça, ce genre de mesure là?
Mme Lamarre : Bien,
actuellement, l'expérience qu'on a eue avec le projet de loi n° 10 ne nous
donne absolument aucune garantie que ces grandes lignes là vont être vraiment
le reflet de ce qu'il va nous mettre éventuellement en bâillon. Il l'a dit
déjà. Il l'a dit déjà, le 9 février, qu'il voulait encore un bâillon.
Alors, écoutez, ce n'est pas un mode de
communication. Ce ministre-là veut imposer. Il ne veut pas partager. Il ne veut
pas essayer de faire en sorte qu'on travaille tous ensemble, il veut imposer. C'est
un négociateur et, dans sa façon de faire, c'est lui qui a toujours raison. Il
n'y a que sa version qui est la bonne.
M. Chouinard (Tommy)
:
Lui, il prétend qu'il n'y a aucune raison pour que le projet de loi ne soit pas
adopté avant l'été. Est-ce que vous considérez que c'est effectivement le cas,
qu'il n'y en a pas de raison pour que ce ne soit pas adopté avant l'été?
Mme Lamarre : Bien, si le
contenu est intéressant, on va certainement contribuer, comme on a contribué
avec le projet de loi n° 10, mais là, pour l'instant, il y a vraiment énormément
d'ambiguïté. On ne le sait même pas nous même. Ça va être très difficile pour
les groupes qui vont venir. On va entendre des groupes pendant un mois de
temps, là, un mois de temps, des gens vont venir parler d'une coquille vide.
Ils ne sont pas capables de savoir vraiment correctement et précisément ce
qu'il y a dans ça.
Écoutez, le ministre parle de
1 250 patients par médecin, par exemple, O.K., mais… 1 250, mais avec
des exceptions. Alors, une exception ici, une exception là, on diminue de
250 patients si on en a, on a une espèce de point boni, là. Alors, on peut
se retrouver finalement avec 750 patients mais des patients-bonis, O.K.?
Mais il n'y a jamais la perspective de la
population. Quand est-ce qu'on va regarder ça à partir de la population d'un
CISSS? Cette population-là, elle a quoi comme caractéristiques? Elle a quoi,
comme besoins? Et on ne définit pas ça à partir d'une pratique médicale, on
définit ça à partir de la population. Si on a beaucoup de personnes âgées sur
un territoire, il faut absolument qu'il y ait des incitatifs de ce côté-là et
il faut que les ratios tiennent compte de cette réalité-là.
M. Chouinard (Tommy)
:
Le Parti québécois s'oppose-t-il au projet de loi n° 20? Une dernière
petite chose : Est-ce que le Parti québécois s'oppose au projet de loi
n° 20?
Mme Lamarre : À ce moment-ci,
ce qu'on trouve, là, c'est que ce n'est pas un projet qui est déposé
correctement. Si on veut vraiment faire un travail parlementaire, on devrait
nous donner l'heure juste et on devrait nous donner du contenu. On ne donne pas
le contenu.
Je veux juste aussi... pas qu'on ne passe
juste du temps sur le quota des médecins parce qu'il y a aussi la procréation
assistée, qui, vous le voyez bien, là, volontairement, a été glissée là-dedans.
Quand on parle de transparence puis d'absence de transparence, pourquoi ajouter
ce projet-là à l'intérieur d'un grand bloc? Les gens qui ont livré ces
batailles-là… et on était d'accord avec le commissaire pour dire qu'il fallait
qu'il y ait des balises, là, on est bien, bien d'accord, mais les balises du
commissaire et ce que le projet de loi prévoit, c'est très différent. Il y a
vraiment un frein à l'accès. Et d'avoir intégré ce projet-là dans l'ensemble du
projet de loi n° 20, où médiatiquement toute l'attention est portée sur
les quotas avec les médecins, c'est vraiment une action volontaire du ministre,
une action qu'il fait délibérément pour rendre encore plus obscure et plus
difficile la représentation de ce groupe de personnes là.
Alors, c'est quelqu'un qui calcule
beaucoup, et il calcule vraiment chacun de ses gestes et chacune de ses
actions.
Mme Richer (Jocelyne)
:
...demandez au ministre de dire exactement, précisément dès maintenant, par
exemple, combien de médecins... combien de patients chaque médecin, chaque
catégorie de médecins devra accepter, devra... pour ne pas être pénalisé
financièrement?
Mme Lamarre : Bien, c'est
parce que, dans le contexte actuel, il y avait déjà ce genre de quotas là,
hein? Il y avait déjà des quotas, il y avait des incitatifs, des primes. Les
200 patients vulnérables dans un GMF, puis, si un médecin prenait
200 patients vulnérables, il y avait une prime. On a vu ce que ça a donné.
Ça a augmenté l'inscription, ça n'a pas donné la disponibilité des médecins.
Alors, il y a une différence entre être
disponible puis avoir des patients inscrits à son nom. C'est cette
adéquation-là qui n'est vraiment pas garantie dans le projet de loi n° 20,
pas plus qu'elle l'était avant.
Mme Richer (Jocelyne)
:
Est-ce que c'est possible d'imaginer un scénario selon lequel le projet de loi
n° 20 ne serait pas adopté sous le bâillon, comme le projet de loi
n° 10?
Mme Lamarre : Bien, écoutez,
moi, je vous dis, d'abord, la première chose, c'est d'avoir une transparence au
niveau des règlements. Si on avait le cadre réglementaire pour les groupes qui
vont venir participer, leur représentation pourrait nous éclairer. On n'a pas
la vérité complète. Le ministre, lui, il pense qu'il a la vérité absolue, tout
seul dans sa tête, là, mais nous, on veut entendre les gens et on pense que ces
gens-là, quand ils vont venir, pendant un mois de temps, présenter, ils vont
travailler sur un mot mystère. Ils ne savent pas. Ils ne savent pas qu'est-ce
qui vont être les exceptions, alors les gens restent, de façon très générale…
imaginent peut-être des scénarios catastrophes qui ne sont peut-être pas là,
mais ils n'ont pas d'autres moyens.
Alors, c'est un manque de transparence
inacceptable. Si le ministre en est fier de son projet, pourquoi il cache ces
informations-là? S'il est sûr que c'est ça, la solution, qu'il nous la donne,
qu'il nous livre le message au complet, qu'il ne nous donne pas ça juste en
petits morceaux puis qu'il nous donne vraiment l'ensemble de l'image. On va
tous pouvoir dire : Ah! Bien, O.K. Si ça a du bon sens, ça a du bon sens,
mais, pour l'instant, sa façon d'agir dissimule l'information qui est
nécessaire pour une bonne analyse.
M. Caron (Régys)
: Sur
le fond de la question, Mme Lamarre, le ministre dit : Les médecins
pourraient en faire plus. Il avance des chiffres qui semblent le démontrer. Il
veut imposer des quotas, moduler suivant la lourdeur des patients. Êtes-vous
d'accord avec ça?
Mme Lamarre : Nous, on est
d'accord sur une approche qui va vraiment favoriser la prise en charge des gens
qui sont les plus malades, parce que, pour plusieurs autres conditions, il y a
aussi d'autres professionnels qui peuvent être impliqués : des
infirmières, des pharmaciens, des inhalothérapeutes, donc il y a plusieurs
autres professionnels.
Actuellement, le modèle qu'il nous
propose, c'est un modèle qui va inciter les médecins à prendre les cas simples
et à ne pas prendre les cas lourds. C'est vraiment ça. Il y a vraiment ce
désincitatif parce qu'on va augmenter le temps avec des patients, on ne
remplira pas nos quotas, mais, plus que ça, il y a plein d'effets pervers. Ce
patient lourd là, naturellement, il est plus susceptible d'aller à l'urgence.
S'il va plus souvent à l'urgence, il va automatiquement faire baisser le taux d'assiduité
des médecins et donc il y a des effets pervers à ça.
Je vais vous donner un scénario simple :
un patient qui voit son médecin… qui a vu son médecin trois fois, le médecin
apprend que le patient est allé à l'urgence deux fois, il vient de tomber à un
taux d'assiduité de 60 %. Ça ne va pas bien, hein? Qu'est-ce qu'on peut
faire à ce moment-là? On va dire au patient : Bien, viens me revoir plus
souvent parce que moi, je veux remonter mon taux d'assiduité en haut de
80 %, sinon je vais être pénalisé. Alors, on va utiliser des rendez-vous
sans que ce soit nécessairement les rendez-vous les plus pertinents, et
d'autres patients ne seront pas vus, à ce moment-là. Les cas les plus simples
vont être ceux qui vont toujours être les plus attrayants, et ça, vous pouvez
parler à tous les groupes de médecins actuellement, c'est la lecture qu'ils
ont.
M. Chouinard (Tommy)
:
Je reviens sur la question que j'avais tantôt, là. Est-ce que le Parti
québécois s'oppose à ce projet de loi là ou vous dites : Il nous manque le
règlement pour qu'on dise que c'est correct?
Mme Lamarre : On a besoin des
règlements. Montrez-nous les règlements, des règlements assez avancés, là, pas
des brouillons, parce que c'est vraiment des brouillons, là, qu'on a. Alors,
donnez-nous vraiment le scénario sur lequel vous vous êtes basé pour donner des
meilleures garanties que l'ensemble de la population du Québec va avoir accès à
un médecin. Sinon, ce qu'on fait, c'est encore juste donner des petits bonus et
créer des sous-groupes qui ne nous garantissent pas que l'ensemble des citoyens
du Québec vont avoir une chance d'avoir accès à un médecin de famille. On ne
donne pas ça.
M. Lavallée (Hugo)
:
Concernant un autre dossier, la fluoration de l'eau, il y a une nouvelle étude,
dont on apprend ce matin que la fluoration pourrait causer des problèmes de
maladies à la glande thyroïde. Quelle est la position de votre parti là-dessus?
Parce que, dans le dernier mandat, il devait y avoir un projet de loi pour
interdire ça. Finalement, il n'y en a pas eu. On a de la difficulté à...
Mme Lamarre : C'est un dossier
qui mérite d'être regardé avec des connaissances actuelles, et il y a de
nouvelles informations qui arrivent. Alors, pour l'instant, moi, je ne peux pas
prendre position clairement sur ce dossier-là, mais je pense qu'il faut le
regarder à la lumière de plusieurs sources d'information. Il y a des informations
qui sont plus crédibles que d'autres, et ça, je pense que ça demande vraiment
une rigueur scientifique. Moi, je pense qu'il y a de la place pour qu'un
organisme, même comme l'INESSS, se penche éventuellement sur ce genre d'enjeu
populationnel là pour avoir vraiment une évaluation des données probantes,
parce qu'il y a beaucoup, beaucoup de gens qui amènent toutes sortes d'informations,
dans un sens comme dans l'autre, dans une position comme dans l'autre, et ça
prend, à un moment donné, des gens qui ont une vision de santé publique, mais
une vision aussi basée sur de réelles données probantes qui sont variables.
M. Lavallée (Hugo)
:
…par ces nouveaux éléments? C'est la première fois qu'on apprend ça, là, ce
risque-là pour la glande thyroïde, là.
Mme Lamarre : Bien, moi, pour
l'instant, comme je vous dis, là, je veux regarder la rigueur de l'étude et je
vais prendre connaissance de ça plus en détail aujourd'hui.
Journaliste
: Est-ce
que le projet de loi n° 20 devrait être scindé?
Mme Lamarre : Est-ce que…
Journaliste
: Le projet
de loi n° 20.
Mme Lamarre : Absolument. Il
devrait être scindé au niveau de la procréation assistée. Il faut aussi
remarquer qu'au niveau des spécialistes c'est un peu étonnant qu'on soit
obligés de passer par une loi pour demander que des spécialistes répondent
rapidement à des demandes de consultation dans un hôpital. C'est assez
étonnant, du point de vue de la population, très, très questionnable, là. On se
demande comment ça se fait qu'on est obligé d'aller par une loi pour que ces
choses qui sont évidentes, là, soient demandées. Merci.
(Fin à 9
h 33)