(Onze heures quarante-six minutes)
M. Marcoux (Vincent)
:Mme Massé, M. Lisée, M. LeBel,
mesdames messieurs, merci d'être présents aujourd'hui. Je me présente, Vincent Marcoux, je suis directeur
général de l'Association québécoise des centres d'intervention en dépendance.
Je suis ici… Nous sommes ici aujourd'hui pour demander au gouvernement actuel
de reculer dans un projet de règlement sur l'aide
sociale.
Pour vous
mettre en contexte, une personne, actuellement, qui est bénéficiaire de l'aide sociale et qui
entre dans les services de thérapie pour alcooliques,
toxicomanes reçoit une prestation de 747 $
par mois pour payer son loyer, son électricité, sa nourriture, son téléphone, son Internet, donc ces personnes-là… et même son traitement.
Il faut
comprendre que le nouveau règlement, les coupures feraient en sorte
qu'une personne sans domicile se ferait octroyer seulement un chèque de
200 $ par mois, ce qui fait en sorte qu'une personne itinérante, comment voulez-vous qu'elle se sorte de son milieu
si elle n'a même pas les moyens de se payer un revenu
de base?
L'argument
du ministre concernant l'équité dans les services… Il
faut comprendre que c'est complètement irrecevable
comme règlement parce que le projet de règlement actuel, le règlement
actuel, toute personne qui se fait couper un chèque de 200 $, c'est des
personnes qui sont dans des ressources publiques financées entièrement par le
ministère, donc autant l'hébergement que le
traitement. Le nouveau projet de règlement, lui, inclut seulement un
réseau de ressources communautaires à but non lucratif, et c'est le secteur de
la dépendance. Donc, on a visé vraiment les alcooliques
et les toxicomanes.
M. le
ministre, l'association vous a fait la preuve hors de tout doute que le
règlement, les coupures à l'aide sociale que vous allez faire vont augmenter de
façon exponentielle les coûts dans d'autres ministères et ont des impacts
majeurs au niveau social. Vous avez fait une étude d'impact où vous considériez
6,1 millions à sauver d'argent. Vous comprendrez que les coûts additionnés
au ministère de la Justice, ministère de la Sécurité publique, ministère de la Santé et Services sociaux vont
s'élever à 30 millions. Bref, on coupe 6,1 millions, puis ça va en
coûter 30 millions. De plus, 7 300 personnes se verront menacées de
ne plus avoir de services pour alcoolisme, toxicomanes. Et ça, c'est dès cette
année, et c'est à chaque année, dû à la fermeture
potentielle 40 ressources, et ça, c'est
la perte de 800 emplois systématique.
Votre ministère ne cesse de mentionner qu'ils
sont à la recherche de solutions, qu'ils sont à la recherche d'une voie de passage. Le 18 février 2015,
les membres de l'AQCID se sont rencontrés en assemblée générale spéciale, et se sont dits lassés de ne pas avoir de réponse
de votre part, et sont inquiets pour les
conséquences pour les personnes en traitement et leurs
familles. M. le ministre, nous vous demandons
de reculer dans votre projet de règlement et d'entendre les solutions qu'on
vous a déjà proposées. L'impact est négatif et inévitable. Des centaines de
personnes qui ont des besoins immédiats sont en danger, sont concernées, et les membres de AQCID et l'AQCID ne les
abandonneront pas. L'impact est réel et l'impact des centres de thérapie pour
aider les personnes alcooliques, toxicomanes est
réel également. C'est pourquoi aujourd'hui on va avoir deux personnes qui vont
venir témoigner. Je vous les laisse, merci.
M. Poulin (Paul) :Alors, bonjour, mon nom,
c'est Paul Poulin. J'ai 51 ans. Je suis un ancien résident du
Centre de traitement des dépendances Le Rucher à Saint-Augustin. Moi,
auparavant, dans le passé, j'ai été directeur, gestionnaire d'un restaurant pendant une période de plus de 30 ans. Je gagnais ma vie, je payais des impôts, je subvenais à mes
besoins. Quand la toxicomanie a tout pris la place dans ma vie, j'ai dû avoir
recours à l'aide sociale. Cette aide-là m'a permis d'avoir accès à une thérapie pour me rétablir.
Actuellement,
je suis en rétablissement, tout se déroule bien. Mes projets futurs, c'est
d'entreprendre un certificat en toxicomanie — d'ailleurs, je l'ai entrepris tout
récemment — et de devenir
intervenant, et je compte réaliser ce projet-là
d'ici une période de deux ans, donc de reprendre le marché du
travail et de revenir un bon citoyen, comme je l'étais auparavant. Merci.
Mme L'Espérance (Stéphanie) : Bonjour,
mon nom, c'est Stéphanie.Je fais présentement partie du Pavillon de
l'assuétude. Présentement, je trouve ça décevant,
ce qui se passe pour l'aide sociale. Je suis là pour m'aider, puis j'avais un
emploi avant d'arriver là-bas. L'aide sociale, c'est notre recours pour nous
aider, puis je trouve ça très, très, très décevant pour tout le monde. Alors,
j'aimerais ça que ça se place. Merci.
Mme Massé : Voyez-vous? C'est pour ça qu'on est là, à Québec
solidaire, aussi
avec les gens du Parti québécois, c'est parce qu'on pense qu'il existe des
solutions qui prennent soin des gens, et c'est ça qu'on vient d'entendre. C'est
ça qu'on vient d'entendre à travers les deux témoignages et à travers la prise
de parole du responsable du réseau. Pour nous, c'est important d'être là parce
que, lorsqu'un ministre de la Solidarité sociale pose des gestes, prend des
décisions qui vont l'encontre de la mission de son ministère, bien, il faut
être là pour le rappeler à l'ordre. Et actuellement ce qui est en train de se
passer, c'est que ce ministre-là oublie qu'il y a des gens qui ont eu des «bad
lucks» dans la vie, qu'il y a des gens qui se sont retrouvés dans des
situations qu'ils ne voulaient pas, et que,
socialement, on veut être solidaires avec ces
gens-là, et on veut que ces gens-là puissent
s'en sortir.
Et ces gens-là, mais c'est aussi des
groupes qui les soutiennent et les appuient. Le réseau des groupes
communautaires, partout à travers le Québec, fait un
travail extraordinaire.Donnons-lui les
moyens, faisons en sorte que ces gens-là puissent aider nos confrères et
consoeurs à passer à travers leur processus de rétablissement et à venir nous
rejoindre dans la société. Et, pour ça, j'espère
profondément que M. Blais va reculer sur cet article-là parce qu'il
s'attaque clairement et définitivement aux plus vulnérables de notre société.
M. Lisée
: Bien, je
tiens à remercier l'association et les gens qui sont là, qui sont des
bénéficiaires d'une opération d'accompagnement de la sortie de la dépendance, de la toxicomanie et de l'inclusion sociale. C'est
ce qu'on veut tous. C'est ce qu'on dit qu'on veut
tous, et c'est dans l'intitulé de la mission du ministère du ministre Blais, l'inclusion sociale.
Alors, ça
arrive que le Conseil du trésor cherche des économies et propose des choses qui
n'ont pas de bon sens. Ça arrive. Moi, j'ai été ministre, je l'ai vu. Puis on
regarde ça puis on dit : Ça n'a pas de bon sens, puis ça recule, ça
recule. Mais là on n'en revient pas, il propose un règlement qui va réduire les
sous disponibles pour que des gens de l'aide sociale puissent avoir des
traitements qui vont leur permettre de sortir de l'aide sociale. Il propose un
règlement qui va faire en sorte… ça va être une machine à itinérance. Ça va
faire en sorte que 7 300 personnes par année, qui, en ce moment, ont des
traitements, ne pourront plus les avoir et
donc seront renvoyées à la rue ou à l'hôpital, où ça coûte 600 $ par jour.
Imaginez, ils essaient d'économiser 6 $ par
jour, puis ça pourrait leur coûter 600 $ par jour.
Alors, normalement, moi, je m'attendais du
ministre François Blais, ancien universitaire, auteur d'un livre remarquable sur le revenu minimum garanti — imaginez! — qu'il se rende compte que ça n'a pas
de bon sens et qu'il recule. En ce moment, le règlement, là, s'il n'est pas
modifié, il va être appliqué tel quel dans sa forme destructrice d'ici la
mi-mars. Or, je suis estomaqué d'apprendre que, dans les rencontres avec
l'association, il n'y a aucune écoute de la part du ministère, il n'y a aucun mouvement
vers la réparation du dommage causé. On n'a aucune indication que les arguments
complètement logiques, irréfutables aient été
intégrés par le ministre.
Et on
vous parle, là, il va y avoir deux semaines de relâche parlementaire, donc on
est ici aujourd'hui, pendant que vous êtes là,
pendant que le ministre est là, pour dire : Écoutez,
réveillez-vous! Et en fait quelle est la réponse du ministère à ces
demandes, à ces démonstrations et même à ces informations? Parce qu'on s'est rendu compte… Le ministre l'a dit,
en réponse à une de mes questions il y a deux semaines, qu'il s'est rendu
compte, une fois avoir fait le règlement, qu'il y avait de la perception de la
part des organismes et que, donc, il se rend compte de ça. O.K., très bien, vous
avez appris quelque chose. Ajustez-vous, O.K.?
Mais non seulement il n'y a aucun ajustement, non seulement ils se sont tournés
vers l'association, qui a été obligée de compiler des données pour leur
expliquer comment ça marchait, donc, l'impact
du règlement, mais la réaction, ça a été, de
la part du ministère, de faire couler à un
journaliste un argument négatif envers les organismes d'itinérance. Alors,
plutôt qu'être en mode solution, ils sont en mode
confrontation.Mais ce n'est pas des
petites guerres, là, qui se font, politiques, là, on parle de la condition
humaine de 7 000 personnes qui veulent retourner à la vie active et que ce
règlement est en train d'empêcher de faire.
Alors, on fait cet appel au ministre, tous
ensemble, les gens de Québec solidaire, les
gens de l'association et les bénéficiaires qui sont ici pour dire :
Écoutez, là, est-ce qu'on peut ne pas détruire quelque chose qui fonctionne,
qui fonctionne difficilement? Ces organismes-là, là, non seulement ils n'ont
pas assez d'argent, ils sont obligés de faire de levées de fonds pour combler le besoin. C'est des organisations sans but
lucratif, c'est des gens qui se dévouent, et on va leur rendre la vie difficile, pendant que six ministres du gouvernement vont aller en France. Franchement, hein, franchement! Un
peu de tenue, là, un peu de sens des priorités. Alors,
c'est encore le temps, il a 15 jours pour retirer le règlement, tout simplement. Merci.
La Modératrice
: Les
intervenants sont disponibles pour des apartés à côté. Merci.
(Fin à 11 h 57)