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Point de presse de M. Jean-François Lisée, député de Rosemont, Mme Véronique Hivon, députée de Joliette, Mme Carole Poirier, députée de Hochelaga-Maisonneuve et Mme Manon Massé, députée de Sainte-Marie–Saint-Jacques

Version finale

Thursday, February 26, 2015, 9 h 15

Hall principal de l'hôtel du Parlement, hôtel du Parlement

(Neuf heures seize minutes)

La Modératrice : Donc, bienvenue à ce point de presse sur la Politique nationale de lutte à l'itinérance, qui a aujourd'hui un an. Prendront la parole aujourd'hui Anne-Marie Boucher, coordonnatrice du Réseau Solidarité Itinérance du Québec, Jimena Michea, coordonnatrice du Regroupement pour l'aide aux itinérants et itinérantes de Québec, Bianca Bourbeau, coordonnatrice régionale en itinérance pour Lanaudière, M. Jean-François Lisée, député de Rosemont et porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux, Mme Manon Massé, député de Sainte-Marie—Saint-Jacques, et M. Pierre Gaudreau, coordonnateur du Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal.

Mme Boucher (Anne-Marie) : Bonjour. Il y a un an, le 27 février 2014, le gouvernement du Québec adoptait la Politique nationale de lutte à l'itinérance intitulée Ensemble pour éviter la rue et s'en sortir, et on l'a ici, on est très contents de l'avoir. Cette politique a été adoptée sous la gouverne de Mme Véronique Hivon, qui est présente avec nous aujourd'hui.

Ce gain historique a été le fruit de huit années de mobilisation de la part de notre réseau. Pourquoi on voulait une politique? Parce qu'une politique en appelle à cesser de tolérer l'intolérable, à agir sur les causes de l'itinérance, à agir pour aider les personnes à s'en sortir. Elle engage tous les gouvernements successifs à passer à l'action, à ne pas négliger cette question.

Un an plus tard, quelques mois après la sortie du plan d'action interministériel 2015‑2020, nous célébrons un amer premier anniversaire de cette politique. Le plan d'action rendu public par la ministre Lucie Charlebois respecte certes la vision de la politique, mais manque cruellement de moyens. Des coupures aux différents ministères auront des impacts sur les personnes vulnérables, et on peut penser aux coupures potentielles sur le programme AccèsLogis pour construire du logement social, on peut penser au nouveau règlement de l'aide sociale, aux programmes de réinsertion qui resserrent leurs balises, à l'aide aux enfants en difficulté dans nos écoles, et j'en passe. Comme si ce n'était pas assez, la signature d'une entente Canada-Québec sur le financement fédéral réorientant les sommes vers le logement privé met en péril de nombreux services essentiels pour les personnes vulnérables, les personnes de la rue.

Nous, représentants du RSIQ, sommes venus aujourd'hui à l'Assemblée nationale en provenance de Québec, de Montréal, de la Montérégie, de Lanaudière pour parler d'une même voix au nom des organismes du Québec. Nous sommes venus pour rappeler au gouvernement du Québec qu'il est de sa responsabilité d'agir sur le droit à un revenu décent, sur le droit au logement, sur le droit à la santé, à l'éducation, à la citoyenneté, à l'égalité. Nous sommes ici pour interpeller le gouvernement à la veille de son prochain budget parce que les personnes qui dorment à la rue, qui vivent à la rue, qui meurent, parfois même, à la rue ne doivent pas faire l'objet de l'austérité budgétaire. Merci.

Mme Michea (Jimena) :Les parcours des personnes en situation d'itinérance sont multiples, et leurs visages témoignent d'une très grande diversité de situation. Cette diversité commande des interventions différentes et adaptées aux réalités des personnes. Le travail de rue, l'hébergement d'urgence et transitoire, les centres de jour, le soutien communautaire en logement, les journaux de rue et bien d'autres pratiques sont développées par les communautés et permettent d'accompagner les personnes en situation d'itinérance ou à risque de l'être. Il est primordial de reconnaître et de soutenir cette diversité d'approchesafin d'intervenir efficacement.

Comme le définit la politique, l'itinérance est l'aboutissement d'un processus de désaffiliation. Ce processus est fréquemment marqué par de multiples ruptures, des impasses et des difficultés qui engendrent la dégradation du lien social. Il est essentiel d'intervenir en amont afin d'éviter ces ruptures. Bien que les jeunes soient particulièrement marqués par ces ruptures, puisqu'ils vivent une période de transition vers l'âge adulte, il est nécessaire d'intervenir de manière préventive auprès de l'ensemble des populations à risque telles que les Premières Nations, les personnes issues de l'immigration et de plus en plus de personnes âgées.

Agir pour éviter la rue et en sortir demande impérativement de développer une vision globale. Il faut comprendre que la prévention ne se limite pas à déceler les risques dès la petite enfance comme l'expose le plan d'action, mais également à agir sur les causes structurelles, qu'on parle du logement, de la santé, de l'éducation, de la réinsertion sociale et du revenu.

Mme Bourbeau (Bianca) :Il y a un an, la politique reconnaissait des déficiences en termes d'accessibilité de services et d'accompagnement pour répondre aux besoins particuliers des personnes à risque ou en situation d'itinérance. Considérant que ces personnes visent de multiples problématiques, la situation exige une implication de tous les acteurs du milieu. Leur réalité requiert une diversité de réponses adaptées, et ces réponses doivent être harmonisées. Ainsi donc, la politique mise essentiellement sur deux conditions : la concertation et la coordination des actions.

Un an plus tard, force est de constater qu'il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour actualiser cette politique. L'annonce de regroupements de bureaux de directions régionales dans certains ministères et l'abolition de structures de concertation régionale telle la conférence régionale des élus nous inquiète beaucoup, puisque cela va à l'encontre de la régionalisation des services gouvernementaux et du partenariat Québec-régions. Nous anticipons les impacts négatifs de telles mesures sur la mobilisation et la concertation de nos régions, par exemple des périodes d'instabilité, une disponibilité moindre de la direction pour la région, affectant ainsi le traitement des dossiers et du temps alloué à la concertation régionale.

Par ailleurs, l'adoption de la loi n° 10, qui modifie l'organisation du réseau de la santé et des services sociaux, affectera également ce travail de concertation. Nous avons développé des relations privilégiées avec nos partenaires au cours des dernières années et établi notre concertation sur ce partenariat. Nous craignons que toutes ses restructurations fragilisent notre travail par la perte de ces liens privilégiés.

Le plan d'action interministériel ne doit pas faire les frais de la loi n° 10 et de tous ces bouleversements structurels. Au 1er avril, qui seront les interlocuteurs tenus de déployer ce plan sur les territoires? Il est essentiel que le plan se déploie dans toutes les régions du Québec avec des moyens et des ressources nécessaires. La concertation et la coordination régionales sont des leviers efficaces qui se doivent d'être soutenus et financés parce qu'au final ce sont ces outils qui nous permettront de répondre de façon adaptée aux besoins.

Mme Massé : Bonjour, tout le monde, merci. Qu'en est-il, donc, un an plus tard, de cette politique et de son application? Je pense qu'on a entendu — et c'est ça l'objectif — des impacts très clairs. Les gens, les groupes qui travaillent au quotidien avec les personnes itinérantes viennent aujourd'hui dire à quel point ils sont inquiets comment les choses n'atterrissent pas comme elles le devraient. Et bien sûr, à Québec solidaire, on est en appui, on est côte à côte, à côté, et je vous dirais que, comme députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, le travail que font ces groupes-là, c'est un travail incontournable dans le quotidien de la vie de bien des gens de ma circonscription.

Alors, qu'en est-il? Ce que j'en comprends, c'est que le plan d'action, c'est une bonne recette sur papier, mais que, dans les faits, il manque la moitié des ingrédients dans la cuisine. Et ça, ce n'est pas une façon de pouvoir agir. Je pense, notamment, la recette nous dit… pour prévenir, réduire l'itinérance, la recette nous dit : Il faut soutenir les jeunes, les aider à raccrocher. Ce gouvernement-là a fait le choix d'abolir Alternative jeunesse, qui était une des mesures qui aidaient les jeunes à retourner, à expérimenter le marché du travail. On parle de faciliter l'accès aux logements accessibles, abordables, etc.; on sait qu'AccèsLogis est présentement en danger, et les 500 unités de logement annoncées là-dedans nous... va prendre au moins une centaine d'années avant d'arriver aux 50 000 dont on a besoin.

Offrir un accès à l'emploi aux gens marginalisés, santé mentale, itinérance : encore là, des coupes importantes au niveau d'un programme qui s'appelle PAAS Action, qui permettait aux gens de pouvoir, encore là, réintégrer la société. On parle même, dans une mesure là-dedans, de faciliter l'accès à un meilleur revenu pour les personnes en situation d'itinérance. Demandez à cette dame à qui on a réclamé 25 000 $ parce qu'elle quêtait parce qu'elle était trop pauvre.

Alors, ce gouvernement-là, malgré le fait qu'il nous amène — et là je fais fi des négociations avec le gouvernement fédéral — sur papier, des bonnes idées, bien, dans les faits, fait des choix, jour après jour, qui n'aident pas ces personnes-là.

Alors, ça me fait dire, en conclusion, que peut-être que la recette, sur papier, est excellente, il nous manque la moitié des ingrédients, et, à chaque fois qu'on met la main dans le portefeuille pour pouvoir aller acheter les ingrédients qui manquent, bien, on trouve un petit papier qui est écrit : Vide pour cause de rigueur budgétaire. L'austérité, ça ne sert pas les bonnes personnes.

M. Lisée : Alors, il y a un an aujourd'hui, sous la direction d'une de nos meilleures femmes politiques au Québec, Véronqiue Hivon, qui est derrière moi, on a pu adopter, déposer une politique de lutte à l'itinérance qui était réclamée depuis des décennies par l'ensemble des intervenants et qui faisait consensus.

Alors, Véronique, avec un ministre de la Santé qui était à l'écoute, Réjean Hébert, avec une première ministre, Pauline Marois, qui voulait agir de façon robuste sur ce terrain-là, avec l'appui des municipalités et de l'ensemble des groupes qui forment le tissu humain de soutien à l'itinérance, on a fait un très, très grand pas en avant.

52 semaines plus tard, ce gouvernement réitère la qualité des objectifs, met une partie des sommes que nous avions prévues, que Véronique avait prévues, mais par ailleurs déconstruit et freine l'élan qui avait été donné, et en particulier dans l'autre volet de ce financement qui vient avec notre argent du gouvernement canadien, 20 millions de dollars par année, qui étaient jusqu'à maintenant consacrés à l'ensemble des actions très polyvalentes qui ont été développées au Québec sur l'ensemble des variables qui mènent à l'itinérance ou qui permettent d'en sortir. Bien, le gouvernement Harper a décidé qu'il y avait une meilleure façon de faire les choses, une façon qui excluait les organisations communautaires. L'Assemblée nationale, unanimement, a demandé à ce que gouvernement Harper respecte la façon du Québec. La ministre responsable a eu le mandat d'aller porter ce message à Ottawa et, un peu avant Noël, elle a cédé. Elle a cédé à l'harperisation de la politique en itinérance au Québec et elle a fait en sorte que, sur les 20 millions, il y en ait 13 qui ne soient plus disponibles pour les organisations qui accompagnent les itinérants. C'est une catastrophe. C'est une catastrophe qui fait en sorte que, partout au Québec, des dossiers actifs sont maintenant en péril, des gens vont être mis à pied, et des gens qui sont à la rue n'auront pas les services dont ils ont besoin pour en sortir.

Alors, ce gouvernement, parce qu'il a mal défendu les intérêts du Québec face à Ottawa, ce gouvernement, parce que… de toutes sortes de façons, est en train d'assécher les autres revenus des groupes communautaires, que ce soit en démantelant les organismes locaux et régionaux de concertation, en introduisant des modifications à l'aide sociale qui font en sorte que 7 000 assistés sociaux ne pourront plus avoir des traitements pour sortir de la dépendance, et de toutes sortes d'autres façons… sont en train, en fait, de paver la voie à une augmentation de l'itinérance.

Alors, à la veille d'un budget, nous réclamons que les sommes soient réintroduites, que la négociation avec Ottawa soit refaite et que le gouvernement soit à la hauteur des attentes de la société québécoise dans la lutte à l'itinérance. Merci.

M. Gaudreau (Pierre) : Bonjour. Pierre Gaudreau, je suis coordonnateur du Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal, le RAPSIM, je suis président du Réseau Solidarité Itinérance du Québec. Jeudi dernier, dans son relevé hebdomadaire de la fréquentation des ressources d'hébergement que fait la ville de Montréal, on a constaté, une fois de plus, une occupation des ressources qui est sans précédent. 99 % des places dans les refuges pour hommes étaient occupées. Quant aux ressources d'hébergement pour femmes, elles étaient occupées à 116 %, au-delà de leurs capacités, et en effectuant quotidiennement, encore une fois, des refus, faute de places.

C'est la sixième année consécutive, à Montréal, qu'on constate une augmentation de la fréquentation des ressources. Juste à l'hiver, on est passés de 53 000 nuitées offertes à des gens sans abri à plus de 70 000 cet hiver. Ça ne cesse d'augmenter, et c'est le cas aussi ailleurs dans bien des villes, où plusieurs ressources voient un débordement, qu'on pense à Valleyfield, Sept-Îles, Val-d'Or, Laval. C'est pour ça qu'on a demandé et obtenu une politique nationale de lutte à l'itinérance, pour réduire le phénomène, aider les gens qui sont dans la rue, mais surtout, comme mes collègues l'ont dit, agir pour prévenir l'accroissement du phénomène.

On a une bonne politique, on a un plan d'action qui est une bonne recette, mais on est mal barrés dans le déploiement de cette politique-là avec le plan d'action et les moyens qui ont été mis en place. Un élément majeur qui manque notamment au gouvernement : avec une politique nationale, il doit y avoir un leadership. Or, on ne sent pas ce leadership de la part de la ministre responsable du dossier, la ministre déléguée aux Services sociaux, Mme Lucie Charlebois, ni de la part des ministres qui sont concernés. Il y a une dizaine de ministères qui sont concernés, qui sont signataires du plan d'action interministériel. Nous, on voit sur le terrain en les rencontrant qu'il y a une dizaine de ministres qui n'ont pas de l'air très au courant qu'ils sont responsables du déploiement d'une politique pour prévenir l'itinérance.

Il y a un prochain budget qui s'en vient dans quelques semaines, et c'est absolument nécessaire qu'il y ait des investissements importants, accrus pour prévenir l'itinérance, pour qu'on arrête de constater, année après année, l'accroissement de l'itinérance. Une des réponses, parce qu'il n'y en a pas une, puis c'est un des éléments forts de la politique adoptée sous Mme Hivon, c'est qu'il faut agir sur bien des niveaux : le logement, le revenu, la réinsertion, la judiciarisation, mais le logement est un élément important.

Ce matin même, la mairesse de Longueuil, Mme St-Hilaire, avec le maire de Montréal, M. Coderre, demande au gouvernement du Québec d'accroître l'investissement dans AccèsLogis, d'accroître l'investissement dans les rénovations pour, justement, permettre, entre autres, comme le dit la politique et le plan d'action, développer du logement social, sauvegarder les maisons de chambres, ce qui est un enjeu dans bien des villes pour prévenir et réduire l'itinérance.

On l'a dit aussi, il faut agir au niveau du revenu. La politique souligne la nécessité d'augmenter le revenu des personnes seules. Or, on n'a assisté à aucun progrès là-dessus depuis un an. Au contraire, on voit des reculs dans l'accès au programme et des gens qui vont perdre une partie de leurs revenus.

Il faut absolument travailler, aussi, fortement sur la question de la judiciarisation de l'espace public. Et là il doit y avoir un leadership de donné par le gouvernement pour que, dans toutes les villes, on revoie la façon d'intervenir avec les gens qui sont dans la rue. On veut qu'ils s'en sortent, mais il faut arrêter de les pénaliser parce qu'ils sont dans la rue, leur donner des contraventions qui, dans bien des cas, dans des villes, peuvent aller jusqu'à l'incarcération pour non-paiement d'amende, tout simplement parce qu'ils sont sans-abri.

Il y a un élément important aussi qui doit être rétabli dans le prochain budget, c'est le financement supplémentaire qui avait été annoncé par le gouvernement précédent aux organismes communautaires. On a sacrifié un 120 millions pour aider les gens qui aident les gens. Les organismes sont à bout de souffle, plusieurs sont menacés de fermeture. La réorientation de l'aide fédérale va nuire à la lutte à l'itinérance, et le gouvernement du Québec a sacrifié l'accroissement qui était prévu aux organismes communautaires et, pendant ce temps-là, a annoncé — le même ministère, dans le même contexte d'austérité — qu'il augmentait de façon majeure le salaire des médecins spécialistes. On voit que les priorités ne sont pas mises à la bonne place.

Comme le député de Rosemont l'a dit, c'est clair aussi que comment Québec a avalisé l'orientation fédérale d'aider uniquement une partie de la population itinérante, l'itinérance chronique, en reniant la politique en itinérance, qui souligne la nécessité de prévenir l'itinérance, est une mauvaise décision. Puis effectivement Québec doit refaire ses devoirs à ce niveau-là parce que, clairement, on va peut-être sortir quelques personnes de la rue, mais on va assister à davantage de gens qui vont s'y retrouver. Merci.

La Modératrice :Merci beaucoup.

(Fin à 9 h 33)