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Point de presse de M. Alexandre Cloutier, porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice

Version finale

Wednesday, March 4, 2015, 13 h 30

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Treize heures trente et une minutes)

M. Cloutier : Alors, bonjour, tout le monde. Je vous remercie d'être présent aujourd'hui. Alors, les attentats qui sont survenus à Saint-Jean-sur-Richelieu et à Ottawa nous ont rappelé au Québec que nous ne sommes pas à l'abri d'actes terroristes. C'est pourquoi le Parti québécois a rapidement exigé qu'on mette en oeuvre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre le terrorisme, que nous avions toutes les ressources nécessaires des forces policières et que nous réagissions avec toute la mesure et la raisonnabilité qui est nécessaire avec de telles situations. Sauf que la nécessité et l'urgence d'agir ne doivent pas devenir un prétexte à brimer les droits et libertés des Québécois et des Québécoises. La responsabilité des services secrets du Canada, c'est de lutter contre le terrorisme et non pas de ficher les Québécois et les Québécoises qui, en toute bonne foi, participent à la vie démocratique du Québec.

Déjà, de nombreux groupes d'experts et des personnalités sont venus exprimer leur inquiétude par rapport aux amendements du projet de loi C-51. Quatre anciens premiers ministres du Canada, des anciens juges de la Cour suprême du Canada, des anciens ministres de la Justice, dont Marc Lalonde; des anciens membres du comité de surveillance du SCRS, dont Bob Rae, l'ancien premier ministre; des organismes également voués à la protection de l'environnement, à la défense des droits des autochtones, de même que le centre québécois de l'environnement, par la plume du Pr David Robitaille, pas plus tard qu'hier; des leaders autochtones un peu partout, dont ceux du Manitoba et de la Colombie-Britannique; des experts juristes et de nombreuses personnalités également du monde universitaire. À cela s'est joint des éditoriaux très… qui ont exprimé leurs inquiétudes, même dans le National Post, incluant dans le Toronto Star et dans le Globe and Mail.

La lutte contre le terrorisme ne doit pas devenir une véritable chasse aux sorcières, et ça ne doit pas être l'occasion de ficher des citoyens qui militent, par exemple, contre les changements climatiques ou qui veulent simplement et heureusement que le Québec devienne un pays ou qui vont, par exemple, réclamer davantage de justice sociale, soit pour les travailleurs ou les autochtones, par exemple. Bref, notre histoire nous a montré au Québec l'ampleur des dérives que peut entraîner l'utilisation des forces de l'ordre à des fins politiques, et c'est pourquoi nous avons un devoir d'agir avec vigilance.

Malheureusement, en étendant les pouvoirs du service canadien de renseignement comme jamais auparavant, sans prévoir les mécanismes de surveillance et en élargissant arbitrairement la notion d'atteinte à la sécurité du Canada, le projet de loi C-51 du gouvernement conservateur ouvre la porte à de dangereux dérapages. Alors, il est grand temps pour le gouvernement du Québec de faire connaître sa position. Le gouvernement du Québec doit exiger des amendements au projet de loi C-51. Sa version actuelle remet sérieusement en cause des libertés individuelles importantes, le droit à la dissidence est remis en question, et on va bien au-delà de ce qui est nécessaire pour lutter contre le terrorisme. La ministre de la Justice doit intervenir rapidement. La raison pour laquelle elle doit intervenir rapidement, c'est parce que le gouvernement conservateur veut procéder, comme vous le savez, à toute vapeur pour l'adoption de ce projet de loi.

Il y a plusieurs éléments qui soulèvent des questions importantes dans le projet de loi C-51, et je veux essentiellement insister avec vous, avec la partie 1 du projet de loi C-51 qui crée la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada. Et ce qui est nouveau dans cette loi, c'est la définition que nous donnons ou que le gouvernement fédéral donne à la notion d'activité portant atteinte à la sécurité du Canada. Dorénavant, toute activité qui porte atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou à l'intégrité territoriale du Canada, notamment entraver la capacité du gouvernement fédéral et de son administration en matière de stabilité économique ou financière du Canada, entraîner un changement de gouvernement au Canada ou influer indûment sur un tel gouvernement par l'emploi de la force, entraver le fonctionnement d'infrastructures essentielles, bref la nouvelle définition va nettement plus loin que la définition actuelle à la Loi sur le SCRS.

Toujours dans cette partie 1 du projet de loi C-51, le nouvel article 5, on précise que le SCRS ou toute autre institution fédérale peut, de sa propre initiative ou sur demande, communiquer toute information à une autre institution, notamment en ce qui touche la détection, l'identification, l'analyse, la prévention ou la perturbation de ses activités ou une enquête de celle-ci. On ratisse donc, encore une fois, extrêmement large. Il y a 17 agences qui dorénavant vont pouvoir avoir accès à l'information puisée par le SCRS parmi lesquelles on retrouve, entre autres, l'Agence de services frontaliers, donc les douanes, l'Agence de revenu du Canada, les Forces armées canadiennes, la GRC, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, la Défense nationale, les Affaires étrangères, le Développement économique, le ministère des Finances et le SCRS. Tout ce beau monde, dorénavant, avec la nouvelle définition large, va pouvoir se partager toute l'information qui aura été puisée par le SCRS. Donc, dorénavant, on pourra ficher des individus par mesure de prévention, du simple fait qu'ils pourraient contester l'intégrité du territoire du Canada, entraver le fonctionnement d'infrastructures essentielles ou carrément la stabilité économique et financière du Canada.

Il est aussi prévu, au deuxième alinéa, qu'on exclut toutes les activités qui sont licites. Alors là se pose toute une série de questions. Est-ce que les gens, par exemple, qui veulent réaliser l'indépendance du Québec et qui veulent le faire avec la règle du 50 % plus un, qui est pourtant contraire au projet de loi C-20, sont tous des gens qui dorénavant vont être fichés par les services secrets du Canada? Est-ce que, par exemple, nos amis autochtones qui ont participé au mouvement Idle No More, et qui ont décidé de s'installer dans des parcs municipaux, et qui ont fait entendre leur voix un peu partout au Canada vont être des gens qui vont être fichés eux aussi comme des terroristes? Est-ce que le mouvement Occupy, par exemple, qui a occupé des endroits devant des parlements ou dans des parcs municipaux vont être des gens qui dorénavant vont être fichés par le service du renseignement? Est-ce que tous les étudiants qui ont participé à des manifestations à Montréal, qui, par exemple, pourraient avoir contrevenu au fameux règlement P-6, dorénavant seront des étudiants et des jeunes qui seront fichés par le service de renseignement?

Avec la nouvelle définition qu'on donne au projet de loi, ce sont là nos interprétations. Même chose évidemment avec les environnementalistes, certains pourraient vouloir s'opposer, comme nous d'ailleurs, au projet de TransCanada. Est-ce que ces gens qui, de bonne foi, vont vouloir lutter contre des changements climatiques et vont s'en prendre à une infrastructure essentielle vont dorénavant se retrouver dans une situation où ils sous la loupe des renseignements du service de renseignement du gouvernement fédéral? Ce qu'on s'attend des agents secrets du Canada, c'est qu'ils luttent contre le terrorisme et qu'ils ne luttent pas contre les individus qui souhaitent exprimer des idéaux et défendre des causes qui leur tiennent à coeur. Bref, le projet de loi actuel doit être changé, et le gouvernement du Québec doit faire entendre sa voix.

On doit également s'assurer qu'il y a des mécanismes efficaces et complets de surveillance des agences de sécurité nationale. Il faut bien comprendre, le projet de loi C-51 confie pour la première fois au SCRS des pouvoirs sans précédent. Ces agents qui avaient seulement un rôle de collecte d'information pourront dorénavant intervenir directement pour réduire la menace envers la sécurité du Canada. Le SCRS pourra même, avec l'approbation d'un juge, prendre tous les moyens nécessaires, incluant des moyens qui sont contraires à la Charte des droits et libertés du Québec. Malheureusement, les organismes comme le comité de surveillance ou le Commissaire à la protection de la vie privée ne disposent pas des moyens nécessaires pour faire l'analyse et ce rôle de surveillance qui est nécessaire, d'où la lettre des anciens premiers ministres du Canada qui dénonçaient par ailleurs ce manque de moyens de surveillance.

En somme, la menace terroriste doit être prise au sérieux. Elle exige des réponses fermes, mais encore faut-il que ces réponses soient mesurées et justes. Il ne faut surtout pas sacrifier nous-mêmes ce que nous cherchons à protéger. Il ne faut pas donner raison à ces extrémistes qui, justement, s'attaquent à nous, à nos valeurs parce que nous sommes une société libre et démocratique. Dans sa version actuelle, le projet de loi C-51 risque et ouvre la porte à d'importants dérapages. La ministre de la Justice du Québec doit faire entendre la voix du Québec, se porter à la défense des libertés individuelles des Québécois et s'assurer qu'il n'y ait pas de dérapage comme malheureusement ça a déjà été le cas par le passé.

M. Gagnon (Marc-André) : Vous parlez de la voix du Québec, en même temps, les derniers sondages semblaient aller dans ce sens-là et beaucoup de gens… Est-ce que vous trouvez ça rassurant que les 17 agences que vous avez nommées tantôt partagent de l'information entre elles pour contrer le terrorisme? Alors, qu'est-ce qu'il faut faire?

M. Cloutier : Bien, évidemment, nous... le partage d'information nous apparaît tout aussi nécessaire. La problématique réside dans la définition qui est donnée à la menace du Canada. La menace, elle est tellement large qu'elle inclut, par exemple, comme je vous le disais tout à l'heure, un groupe autochtone qui déciderait de revendiquer dans un parc, et, pour toutes sortes de raisons, ce serait considéré illégal. Ces gens-là se retrouveront fichés par les services secrets. Une fois qu'ils seront fichés, l'ensemble des informations seront partagées aux douanes, aux services de revenu, ministère des Affaires étrangères, etc.

Le réel problème porte sur la définition même de sécurité du Canada. C'est important que vous compreniez qu'il y a deux lois. Il y a la nouvelle loi sur le partage d'information et il y a la loi actuelle sur le SCRS. Tu as deux dispositions avec deux définitions différentes. Tu as une définition extrêmement large, qui porte sur le partage d'information, et une définition restrictive uniquement pour le SCRS. Tout ça amène une confusion et une possibilité d'interprétation exagérée. C'est pour ça qu'on souhaite qu'il y ait des amendements qui soient apportés pour éviter toute forme de dérapage.

Je vous donne un exemple : on prévoit à la nouvelle définition l'intégrité du territoire du Canada. Est-ce que vous trouvez ça normal qu'on fiche des souverainistes québécois qui souhaitent l'indépendance du Québec?

M. Gagnon (Marc-André) : Est-ce que vous craignez que les souverainistes eux-mêmes, peut-être, fassent l'objet d'enquêtes du SCRS avec l'adoption d'une loi comme ça?

M. Cloutier : Pas juste les souverainistes, tous ceux...

Une voix : ...

M. Cloutier : Exactement. Je bonifie : ceux et celles qui souhaitent que le Québec devienne un pays; des environnementalistes qui font valoir leur point de vue en opposition, par exemple, au projet de TransCanada; des autochtones qui, par exemple, décideraient d'aller revendiquer des territoires ancestraux, comme c'est le cas, par exemple, au moment où on se parle, dans la réserve faunique des Laurentides, où ça pourrait être considéré comme des gestes illégaux, mais pourtant pourrait être reconnu éventuellement par la Cour suprême comme des gestes légaux, ces gens-là se retrouveraient fichés par les services du renseignement.

Ce qu'on vous dit, c'est que la définition et l'interprétation qu'on peut faire de la nouvelle définition de menace envers la sécurité du Canada, on aurait dû s'en tenir à la définition actuelle du SCRS et non pas élargir à toutes sortes d'interprétations qui nous apparaissent complètement ridicules, comme celle de l'étendre à des autochtones ou à des environnementalistes, par exemple.

Le Modérateur : M. Dutrisac.

M. Dutrisac (Robert) : Vous êtes intervenu la semaine dernière, vous avez interrogé, posé des questions à la ministre. Est-ce que vous avez eu une quelconque communication avec la ministre ultérieurement?

M. Cloutier : Non. Nous avons demandé une position du gouvernement du Québec. Nous sommes toujours en attente de la position du gouvernement du Québec. Le gouvernement fédéral veut procéder rapidement. Ça commence dès mardi prochain à la Chambre des communes. On va entendre des intervenants. Écoutez, quand ce sont d'anciens premiers ministres du Canada qui disent… Jean Chrétien, Turner, qui disent aux gens : Il faudrait juste s'assurer qu'il n'y ait pas de dérapage, il faudrait revoir les mécanismes. Quand ce sont des professeurs d'université qui écrivent pour dire qu'on est en violation des droits de la personne, c'est important de faire cet exercice-là avec beaucoup de sérieux, puis la ministre de la Justice du Québec a une responsabilité qui est celle de faire entendre la voix du Québec.

M. Dutrisac (Robert) : Est-ce qu'il y a des précédents à ce qu'un gouvernement provincial intervienne dans une législation qui est carrément, là, du ressort du gouvernement du Canada?

M. Cloutier : Oui, oui, oui. C'est assez fréquent. En fait, on se souviendra de l'intervention du ministre Fournier, à l'époque, sur le projet de loi sur les armes à feu. Il y a eu aussi des interventions du ministre de la Justice dans le dossier de la pénalisation ou lorsqu'on a accru les peines en matière criminelle. Il y a eu des interventions aussi pour les jeunes contrevenants.

Alors, effectivement, c'est assez régulier que le ministre de la Justice a à faire entendre la voix du Québec et à faire connaître des positions. On a un gouvernement qui nous dit qu'il veut respecter les droits et libertés, et là il y a tout un mouvement d'opposition, particulièrement très fort au Canada anglais, par rapport au projet de loi C-51. Mais entendez-moi bien, là, je vous ai juste parlé aujourd'hui de la partie 1 du projet de loi. Il y a cinq parties au projet de loi. Celle qui nous apparaît être la plus problématique, c'est celle dont je vous ai parlé. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autres dispositions qui méritent effectivement d'être débattues puis peut-être même adoptées.

M. Dutrisac (Robert) : Mais pour que le gouvernement du Québec intervienne, c'est que forcément il y aurait une menace ou un problème spécifique au Québec dans le projet de loi. Donc, hormis la crainte que des souverainistes puissent être fichés comme ça, est-ce qu'il y a d'autres problèmes que vous voyez dans le projet de loi qui seraient spécifiques au Québec?

M. Cloutier : Oui, mais avec respect, j'ai aussi fait référence aux environnementalistes. Parlez aux Innus, par exemple, qui revendiquent une portion du territoire dans la réserve faunique des Laurentides. Ces gens-là qui vont revendiquer une partie du territoire, ça peut être vu, du point de vue du gouvernement fédéral, comme étant un geste illégal. Ça peut être vu comme étant un geste qui vise à modifier le gouvernement du Canada, donc éventuellement susceptible d'entraîner un fichage par les renseignements privés du Canada.

Donc, la ministre de la Justice a cette responsabilité d'assurer la liberté d'expression, la liberté de mouvement. En fait, ce qu'on veut, c'est que le service de renseignements s'occupe des terroristes puis laisse tranquilles ceux qui ont des revendications démocratiques.

M. Croteau (Martin) : À votre connaissance, est-ce que d'autres provinces interviennent de la sorte dans le débat sur C-51?

M. Cloutier : Bien, en fait, tout le monde est un peu sur le qui-vive, en ce sens que ça commence. Les auditions vont avoir lieu la semaine prochaine. La raison pour laquelle je suis devant vous aujourd'hui, c'est parce que c'est évident que le gouvernement conservateur veut procéder de manière extrêmement rapide et souhaite l'adoption de cette loi-là dans les meilleurs délais. Il y a un contexte aussi électoral à Ottawa, on ne s'en cachera pas, ce qui fait en sorte qu'il y a une nécessité à la ministre de la Justice de prendre position et de s'assurer du respect des règles.

Ce n'est quand même pas banal, là. On a décidé d'élargir la menace de la sécurité pour y inclure l'intégrité du territoire. C'est évident que le mouvement souverainiste québécois souhaite l'intégrité du territoire québécois et que, par définition, se retrouve dorénavant pris dans une définition nettement plus large que celle qui existait. Mais c'est la même chose… écoutez, même la sécurité financière du Canada fait partie de la nouvelle définition. Est-ce que le mouvement Occupy, qui s'est plaint contre le système bancaire mondial, remet en question la stabilité financière du Canada? On peut sérieusement se poser la question. Ce que je vous dis, c'est que, sur un point de vue purement légal et juridique, l'interprétation qu'on va faire de ces dispositions-là, eu égard au degré de confusion actuel, risque d'entraîner un dérapage.

M. Croteau (Martin) : …vous avez mentionné, il y a quand même plusieurs groupes qui on fait connaître leur opposition à ce projet de loi. Il y a les anciens premiers ministres, il y a deux partis d'opposition à Ottawa, pas le Parti libéral, les deux autres…

M. Cloutier : Exact. Parti vert, NPD.

M. Croteau (Martin) : ...le Parti vert également. Qu'est-ce qui vous fait penser que l'intervention du Québec sera ce qui va faire pencher la balance, là, pour modifier…

M. Cloutier : Bien, la ministre de la Justice, elle a la responsabilité de la mise en oeuvre de la charte québécoise des droits et libertés. Alors, considérant sa responsabilité à elle d'assurer le respect des lois québécoises, elle a aussi une responsabilité de faire connaître son point de vue. Puis on sait que la lutte à l'intégrisme, la lutte au terrorisme, ce n'est pas trop une tasse de thé pour le gouvernement libéral et qu'ils font toujours tout pour évacuer ces questions-là pour laisser ça aux autres. Leur absence d'opposition fait en sorte qu'on laisse une page blanche au gouvernement fédéral.

M. Gagnon (Marc-André) : Vous êtes souverainiste, on sait que vous aspirez à la plus haute fonction politique au Québec. Si le Québec devenait un pays, qu'en serait-il de l'armée et des services secrets? Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de vous exprimer récemment là-dessus, mais je vous pose la question aujourd'hui.

M. Cloutier : Bien, ça me fera plaisir éventuellement de répondre aux détails du projet de pays que j'entendais poser aux Québécois dans les trois prochaines années, mais c'est le genre de question que je vais donner des réponses en détail avec l'aide du comité que j'essaie de former, qui est celui de rassembler tous les souverainistes, avoir un comité indépendant pour être capable de répondre du tac au tac au genre de question que vous venez de me poser. Mais, quand je dis qu'on a beaucoup de travail à faire, ça fait partie des questions auxquelles on doit répondre. J'ai mon opinion personnelle, entendez-moi bien, mais je veux qu'on ait une réponse collective pour tout le mouvement souverainiste.

Le Modérateur : M. Dutrisac.

M. Dutrisac (Robert) : Sur le plan légal, strictement légal ou juridique, qu'est-ce que le Québec… Est-ce que le projet de loi C-51 enfreint quelques lois du Québec incluant la Charte des droits? Est-ce que vous croyez que le Québec…

M. Cloutier : Bien, écoutez, évidemment, je fais référence à tous les experts qui se sont prononcés. J'écoutais encore Nathalie Des Rosiers, qui est la doyenne de l'Université d'Ottawa, qui disait que c'était clair pour elle qu'il y a plusieurs dispositions qui étaient contraires à la loi, contraires à la constitution québécoise. Je suis sûr que, si vous appelez le professeur de charte québécoise, David Robitaille, qui a publié hier, au nom du centre québécois en environnement, convaincu qu'il va vous dire que c'est contraire à la charte québécoise des droits.

En fait, il faut juste être capable de faire les nuances nécessaires dans ce dossier-là, d'où la délicatesse de l'analyse qui doit être faite. C'est pour ça que j'ai bien spécifié avec vous qu'il s'agit de la partie 1, qui est une nouvelle loi qui est créée, qui donne une définition nettement plus large, qui n'est pas la même définition qui est actuelle dans le SCRS. Il y a d'autres modifications qui, elles, sont apportées au Code criminel, toute une série de modifications qui viennent elles aussi modifier l'interprétation du Code criminel. Ça fait que, tout dépendamment, pour répondre… je veux répondre très clairement à votre question, certaines dispositions du projet de loi C-51, ça m'apparaît évident que c'est oui; d'autres dispositions, c'est plus… c'est moins tranché.

M. Dutrisac (Robert) : Donc, le gouvernement devrait, à tout le moins, signifier au gouvernement conservateur que, sur ces points-là, ça accroche?

M. Cloutier : Bien que ça… non seulement que ça accroche, mais qu'on ne doit pas permettre une chasse aux sorcières où on vise les gens qui vont lutter contre les changements climatiques, les travailleurs qui voudraient revendiquer davantage d'égalité ou de meilleures conditions de travail, d'autochtones qui vont revendiquer, pour toutes sortes de raisons, des territoires ou des droits ancestraux. Ces gens-là ne doivent pas se ramasser sous la loupe. Je rappelle que la loi s'appelle la loi antiterrorisme, hein? Alors, c'est important de viser les terroristes et non pas, là, d'ouvrir les mailles d'un filet immense pour prendre toutes sortes de monde qui, en bout de course, n'ont rien à voir avec des activités illicites ou contraires aux principes démocratiques.

Une voix : Bien, en anglais, est-ce que c'est possible d'avoir un «statement» général sur…

M. Cloutier : Yes, of course.

M. Croteau (Martin) : Peut-être juste une dernière question en français, si vous permettez.

M. Cloutier : Bien sûr.

Le Modérateur : Vas-y, Martin

M. Croteau (Martin) : Qu'est-ce que vous pensez du feuilleton autour de cette fameuse publicité de Marc Tanguay, là, dans un centre communautaire musulman?

M. Cloutier : Bien là, le pauvre Marc, de toute évidence, a fait preuve d'un manque de jugement évident. Il aurait dû d'emblée reconnaître son erreur, admettre probablement qu'il n'avait pas fait les analyses nécessaires et simplement retirer sa publicité. Vous savez, la beauté de la liberté d'expression, c'est qu'on a le droit de dire des choses qui parfois nous plaisent moins, mais on a aussi la responsabilité, nous, comme élus, de répondre à ces gens qui disent des choses qui n'ont carrément pas de bon sens et qui sont contraires, à mon point de vue, à une société ouverte et tolérante comme la nôtre.

M. Croteau (Martin) : Est-ce qu'il est vrai que ce centre communautaire ait appelé à l'élection du Parti libéral aux dernières... en 2012, à votre avis, a joué dans le jugement de M. Tanguay dans cette affaire?

M. Cloutier : En tout cas, si c'est le cas, il a fait encore plus manque de jugement, là. Ça serait un manque de jugement grave. J'espère que ce n'est pas le cas, mais il aurait dû minimalement prendre la peine d'essayer de comprendre à qui il acceptait du financement et à qui il aidait, dans le fond, à promouvoir les idées.

Il y a une marge entre accepter, sur le principe de la liberté d'expression, des choses qu'on aime moins entendre, mais, quand tu es un élu de l'Assemblée nationale, tu as une responsabilité de dire aux gens, quand ce sont des propos soit violents, soit haineux ou soit, comme dans ce cas-ci, qui viennent en violation du principe d'égalité entre les hommes et les femmes, tu as une responsabilité de te tenir debout, avoir de la colonne puis dénoncer les propos et de ne pas accepter ça dans la société québécoise. Mais là il a fait... non seulement il ne l'a pas dénoncé, mais, en plus, il est allé les encourager. Alors, c'est évident que c'est un manque de jugement. Merci.

Le Modérateur : Questions en anglais.

Mme Page (Julia) : Bien, si on peut commencer du début. Do you have a general statement?

M. Cloutier : Yes, please. Of course, I am very happy to be with you today. I wasn't prepared for talking in English, but I'll try to do so.

What has been… Well, let's start by saying that the Parti québécois was one of the first party to say that it's very important to intervene and to make sure police enforcement and we have all the laws necessary to really fight terrorism, but in the same time, we just want to make sure we really fight terrorism and not environmentalists, so people who want to have a Québec country or Aboriginal people who will ask for new rights. I mean, it's very important to be very precise on the law, and the new definition that is being given by the federal Government on the security of Canada now goes way beyond from what we will use to have, and I am very afraid now we will have people under the special agency… How do you say that in English, «agence spéciale de renseignements»?

Mme Page (Julia) : The CSIS.

M. Cloutier : The CSIS, yes. Well, I am just afraid that so many people will fall under the CI…

Mme Page (Julia) : CSIS.

M. Cloutier : The CSIS, and I am very afraid that too many people will fall under their new power and that unfortunately they will lose their time. I mean, their role is to fight terrorism, people who want to use violence and this kind of stuff. I mean, they should focus on what is necessary, and, for us, it's the terrorists themselves.

Mme Page (Julia) : What is the problem with that first definition you were speaking about?

M. Cloutier : Well, the definition goes way beyond from the actual dispositions that we were used to have, and they create a new law that brings a very large definition of the security of Canada and brings a new interpretation. And I'm very much afraid that environmentalists, or Aboriginal people, or even sovereignists in Québec will fall under those special agents. And unfortunately, I mean, there's no reason for that. I mean, it's very important to fight terrorism again, but not to fight them with such a broad power.

Mme Page (Julia) : Recent polls have shown that at least 40% of Canadians, I think 40% of Quebeckers also, said they were in favor of legislation that could protect them potentially from terrorism and they were even ready to give up some civil liberties to achieve that. What would you suggest?

M. Cloutier : Well, as a general statement, I will say that I agree with them. I mean, everyone wants to fight terrorism. But the real question is : How do we do so? And now, obviously, there are… Well, in this law, there are five parts, and one of them is very problematic, and it is the new one establishing a new law for sharing information. I mean, there's no problem with sharing information, as long as you share the right information on the right people. And unfortunately that's not the case now because they have broadened the definition or security of Canada, that will bring Aboriginal groups, environmentalists or even people who want to have a country in Québec. And that shouldn't be the case.

Mme Page (Julia) : And what kind of powers…

Le Modérateur : Dernière question.

Mme Page (Julia) : OK. What kind of powers does Québec have to intervene legally in a case like this?

M. Cloutier : The Québec Justice Minister has the obligation to have the Charter of Rights being respected. And, as you know, many professors of law at the University of Ottawa, University of Toronto and even University of Montréal have stated that a lot of… many dispositions of the law are very much problematic, and that they will be challenged in court and probably will be declared unconstitutional.

So this is why the Québec minister has the obligation to make a statement and tell Quebeckers what is the statement or the position of the QuébecGovernment on such an important issue. And, as a general matter, as you know, the Liberal Party, they're not very much keen or very much interested in those kinds of questions, and I think they should very much intervene and say what are the dispositions that, for them, should be kept in such a project.

Mme Page (Julia) : So you haven't had... C'est juste une question, là, mais juste de dire... You haven't had any sort of collaboration possible with Minister Thériault too..

M. Cloutier : No. Minister Vallée, I think, it's more the Justice... I'm sorry. No, well, I haven't heard from them, and it's starting next week in Ottawa. So, I mean, it's time for them to say what's their position. I mean, they are at Government, we don't know what's going on, and it's a very complex project of law, and I think the Justice Minister has to take her responsibility. Merci beaucoup.

(Fin à 14 h 1)

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