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Point de presse de M. Amir Khadir, député de Mercier

Version finale

Tuesday, March 24, 2015, 9 h 30

Salle Bernard-Lalonde (1.131), hôtel du Parlement

(Neuf heures quarante et une minutes)

M. Khadir : Bonjour, tout le monde. Nous allons rentrer en commission parlementaire tout à l'heure, où le ministre et nous, les députés, nous allons entendre plusieurs intervenants venir nous présenter des solutions, mais je pense que M. Barrette et le Québec se trouveraient gagnants à écouter, écouter les gens du milieu, ceux qui travaillent sur le terrain, ceux qui ont l'expérience de la pratique de la première ligne, contrairement au ministre Barrette, et qui ont des solutions et qui les mettent en application.

Je pense à cette initiative de la Fédération des infirmières du Québec, qui organise une première ligne axée non pas sur les médecins, mais sur une réorganisation des soins, où tout le monde a sa place, et les infirmières jouent un rôle pivot; solution d'ailleurs qui n'est pas une invention. Ce n'est pas un miracle, c'est le genre de pratique qu'au Canada plusieurs milieux ont mis en application depuis maintenant près de 10 ans.

J'attire votre attention encore une fois sur l'expérience de la Colombie-Britannique, où on ne fonctionne pas par quotas, où on ne fonctionne pas par statistiques, où on ne fonctionne pas par des mesures imposées d'en haut et on ne fonctionne certainement pas à une réorganisation des soins axée uniquement sur la productivité des médecins, mais sur la réorganisation où une équipe multidisciplinaire, avec des pouvoirs étendus des infirmières, des intervenants, qui ont un pouvoir de prescription, s'occupent des patients en première ligne, et ça semble très bien fonctionner d'ailleurs pour l'expérience de la FIQ.

D'ailleurs, pour parler des statistiques, l'APTS, l'association des professionnels en technologie de la santé au Québec, a, je pense, montré de manière éloquente, dans l'enquête qu'ils ont menée auprès des CLSC, que l'introduction des statistiques et des quotas entraînent des anomalies importantes qui vont produire des effets pervers. D'ailleurs, ça doit faire sourire Dr Barrette, qui reconnaissait, il y a quelque temps… qui encourageait les spécialistes à répondre positivement, de manière enthousiaste qu'il disait, au sondage qui a été fait sur ce qu'ils font de leurs heures, hein? Vous vous rappelez ce débat sur les sondages que, lui, il prétendait erronés dans le cas des médecins omnipraticiens.

Alors, cette pression, cette manière de mesurer la qualité des soins en minutant, en imposant des quotas, entraîne les absurdités que nous apprenons aujourd'hui dans Le Devoir, c'est-à-dire des intervenants en santé qui sont obligés de téléphoner deux jours consécutifs au lieu de faire les mêmes téléphones pour les régler, les problèmes d'un patient, parce que, pour gonfler des statistiques, les directions des établissements… Et ce n'est pas leur faute, parce qu'on met de la pression, parce que le ministère, lui, met une pression à la productivité par statistiques. Bien, ils sont entraînés à gonfler des statistiques de manière aussi, je dirais, révoltante, parce qu'après tout, tout ça, c'est au détriment de qui? C'est au détriment des patients.

Alors, merci de votre attention. Nous allons rappeler au ministre l'importance de mettre de côté son projet de loi n° 20, comme à peu près tout le monde le demande au Québec aujourd'hui. J'ai rencontré moi-même plusieurs médecins au début de la semaine dernière, plusieurs médecins venant de différents secteurs pour réfléchir à des solutions. Tout le monde est en mode solution, mode solution qui repose sur la réorganisation des soins, une première ligne axée sur la multidisciplinarité et non pas sur le médecin. Et, pour ça, parce qu'il n'y a rien de tout ça dans le projet de loi du ministre de la Santé, il faut qu'il accepte qu'il a fait une erreur. Et, je pense, ça va être à son honneur de démontrer qu'il est capable d'écoute, que ce n'est pas le matamore, l'image qu'il projette actuellement. Merci.

M. Bovet (Sébastien) : Si ça fonctionne si bien, la clinique comme celle de Saint-Sauveur, là, où les infirmières font de la première ligne et réfèrent très peu de patients à des médecins, pourquoi on ne l'applique pas ailleurs? Qu'est-ce qui bloque dans le système?

M. Khadir : Bien, c'est parce que personne n'en a voulu puis parce que les responsables des différentes réformes, au cours des 15 dernières années, s'appelaient M. Barrette, M. Bolduc, M. Couillard et, pour peu de temps, M. Réjean Hébert, et ce sont tous des médecins à l'écoute des lobbys très puissants du milieu médical et non pas des infirmières, non pas des médecins qui travaillent à la première ligne dans les CLSC.

Ça fait des années que, par exemple, les Médecins québécois pour le régime public proposent ceci. Moi-même, dans le document qu'on a présenté en 2006 à la commission de la santé, ici, comme médecin venant pour Québec solidaire, nous proposions de regarder l'expérience de la Colombie-Britannique, l'expérience de plusieurs cliniques en Ontario, où on axait les soins sur la première ligne. Et vous savez quoi? La réalité, c'est que les CLSC… si les CLSC n'avaient pas été abandonnés par l'establishment médical et les différents ministres de la Santé… c'est ça, en réalité, sauf qu'on les a sous-financés et on n'a pas pris les mesures pour s'assurer que cette multidisciplinarité était bien organisée, bien structurée avec le reste de la santé.

Donc, pour une fois, je crois, maintenant qu'on voit à quel point les décisions appliquées d'en haut, pour des raisons politiques ou à cause des manoeuvres de certains milieux, causent des dégâts dans le système, et déstructurent, et nous retardent, bien, qu'on soit à l'écoute. Les infirmières viennent de faire une proposition, des associations de médecins soucieux d'améliorer le système public le font depuis de nombreuses années, il faut de l'écoute, il faut qu'un ministre soit assez humble pour accepter qu'il n'a pas toutes les solutions et qu'il doit travailler en collégialité.

M. Bovet (Sébastien) : Ce n'est pas compris dans le projet de loi n° 20, c'est-à-dire la…

M. Khadir : Il n'y a rien de tout ça dans le projet de loi n° 20. C'est malheureux, il n'y a rien de tout ça, et le ministre pense avoir les solutions à tout.

M. Gagnon (Marc-André) : Le ministre a déjà dit qu'il a besoin de son projet de loi n° 20, après le projet de loi n° 10, pour compléter sa réforme. Qu'est-ce qui pourrait le pousser à reculer sur le projet de loi n° 20? Parce que je comprends que c'est ça que vous demandez aujourd'hui.

M. Khadir : La raison. La bienveillance, la raison, une réelle détermination à améliorer le système et non pas à imposer ses points de vue, de se rendre compte que les principaux dirigeants du milieu de la santé, dont lui-même en était un, parce qu'après tout si, pendant toutes ces années, on n'a pas fait de réforme, c'est pourquoi? C'est parce qu'il y avait des fédérations médicales — ça s'appelle la FMSQ et la FMOQ, qui, je vous le rappelle, représentent l'establishment du corps médical, pas les médecins en première ligne — ont empêché le système d'opérer les changements souhaités.

M. Gagnon (Marc-André) : Ce n'est pas l'amour, en ce moment, entre les fédérations de médecins et le ministre. En tout cas, ce n'est pas ce qu'on...

M. Khadir : Bien oui. Bien, alors, je lui propose d'oublier les fédérations. Je ne suis pas contre les fédérations, mais ils font partie du problème et ils sont conscients aujourd'hui que, pendant des années, ils n'ont pas... elles n'ont pas contribué de manière adéquate à améliorer le système. Je pense que les fédérations... Moi, j'entends la présidente de la Fédération des médecins spécialistes, j'entends M. Godin qui font acte de contrition, si vous lisez entre les lignes, reconnaissent qu'ils ont surtout milité toutes ces années pour augmenter le salaire de médecins, pas pour améliorer l'accessibilité, et sont maintenant prêts à passer à l'attaque.

Mais je vous indique qu'ils ne peuvent pas... qu'elles ne peuvent pas être les seules consultées, qu'il faut consulter les gens qui travaillent en première ligne. Ça s'appelle les infirmières, ça s'appelle les travailleuses sociales, ça s'appelle les pharmaciennes, ça s'appelle les médecins qui ne sont pas dans les structures de fédérations médicales corporatistes, qui ont d'autres choses à l'agenda que d'augmenter les revenus.

M. Gagnon (Marc-André) : Peut-être sur un autre sujet, j'aimerais vous entendre sur les manifestations étudiantes qui ont eu lieu hier. Est-ce qu'on est devant quelque chose qui pourrait commencer à ressembler au printemps 2012?

M. Khadir : Tout le monde le souhaite. Est-ce que ce sera possible? Nous...

Journaliste : Vous le souhaitez?

M. Khadir : Mais bien sûr. Pas dans le... évidemment, dans un sens, c'est-à-dire la vraie présence de la population dans les rues pour que le gouvernement entende la volonté de la population. Évidemment, je ne voudrais pas que ça vire comme certains événements qu'on a vus en 2012 à cause de l'intervention lourde, irréfléchie, provocatrice de la police et l'incompétence du pouvoir public, que ce soit le maire alors de la ville de Montréal, Gérald Tremblay, la direction de la police ou le gouvernement libéral, l'incompétence politique et sociale de transformer un dialogue et un débat de société en affrontement avec la jeunesse.

Les étudiants ne sortent pas pour leur intérêt individuel, contrairement à plusieurs ministres ici, à l'Assemblée nationale. Les étudiants font des actions contre l'austérité, comme des millions de gens en Europe, dans différents pays, qui en ont assez de voir des politiques imposées par les banques et les milieux d'affaires sur le dos des citoyens. Et c'est la même chose qui se passe ici. La vision de l'austérité du gouvernement actuel au Québec vient d'où? De banquiers et de gens du milieu des affaires, alors qu'il y a d'autres solutions pour balancer le budget, pour régler les finances publiques. Ces solutions s'appellent de bons revenus pour l'État, la contribution des plus riches, la lutte à l'évasion fiscale, que tout le monde fasse sa juste part, un impôt plus juste et équitablement distribué, ce genre de solutions là.

Alors, c'est un débat, les gens vont sortir, les syndicats, des groupes populaires vont y joindre. Je ne sais pas quelle ampleur ça va prendre, mais ce qui est certain, il faut que la direction de la SPVM arrête de provoquer, arrête de dilapider l'argent public avec des démonstrations de force inutiles qui tournent des manifestations paisibles en véritables affrontements de rue. Après tout, qu'est-ce que faisaient les étudiants hier, là? Ils manifestaient devant SNC-Lavalin, entreprise plus que doutable sur le plan de ses pratiques d'affaires qui ont coûté des centaines de millions de dollars de surfacturation dans les contrats qu'ils ont eus depuis des années à cause de ce qu'on sait maintenant, à cause des pots-de-vin. C'est parce que c'est ce symbole de dérive affairiste qui a gouvernée le Québec que les étudiants sont allés manifester là-bas. Et là la police qui est intervenue avec une lourdeur qui est inadmissible, qui ne sert à rien, qui ne fait qu'envenimer les choses, jeter de l'huile sur le feu, on n'a pas besoin de ça. On a besoin de voir un gouvernement à l'écoute de sa population.

M. Gagnon (Marc-André) : …les étudiants aussi qui cherchent à provoquer les forces policières?

M. Khadir : Il y en a sans doute, peut-être, mais ils sont une infime minorité, et on serait vraiment incompétent, comme pouvoir public, si, à cause de quelques-uns, on transforme un débat de société en guerre dans les rues. Ça, c'est de l'incompétence.

M. Bovet (Sébastien) : Pourquoi les étudiants doivent-ils descendre dans la rue en tant qu'associations étudiantes et pas en tant que simples citoyens? Pourquoi ce mouvement contre l'austérité, aussi légitime puisse-t-il être, doit s'incarner par le boycott ou la grève, la grève dans des salles de cours? Pourquoi ces gens-là, qui veulent contrer l'austérité, ne pourraient-ils pas descendre dans la rue simplement en tant que simples citoyens?

M. Khadir : Ils le font. Ils l'ont fait, par exemple, pour appuyer les policiers, et les cols bleus, et les pompiers lorsqu'ils sont sortis pour protester contre…

M. Bovet (Sébastien) : Mais il n'est pas…

M. Khadir : Je comprends, j'y arrive. Pour protester contre le sort qu'on voulait faire à leurs caisses de retraite. Ils ont été solidaires de ces mêmes policiers qui leur tapent dessus aujourd'hui. Je veux leur rappeler. Ils le font, parce qu'aussi loin que je puisse me souvenir, mon cher monsieur, aussi loin que je puisse me souvenir — j'ai un blanc de mémoire, je m'excuse…

M. Bovet (Sébastien) : Ce n'est pas grave.

M. Khadir : …les étudiants dans tous les pays ont été à l'origine des transformations les plus prometteuses, qui font aujourd'hui que nos sociétés sont des sociétés démocratiques, qui sont des sociétés plus justes, qui sont des sociétés qui sont capables de surmonter les obscurantistes du passé, parce que c'est des gens qui fréquentent les universités, parce qu'ils sont les mieux éduqués d'entre nous, ils ont moins d'attache, ils sont moins conformistes encore dans leur confort, ils sont capables de lucidité et parce que c'est l'avenir qui les concerne.

Alors, ils prennent la rue pour nous appeler, pour nous donner le goût d'embarquer dans un débat et dans des transformations. Et je pense que, comme société, on doit se réjouir que nos étudiants soient aussi mobilisés. Je veux dire, pour le Québec, c'est une bonne nouvelle de ne pas avoir des étudiants apathiques qui pensent juste uniquement à leur nombril et qui sont juste soucieux, comme certains affairistes ici, au pouvoir, de leur carrière personnelle, qui pensent au bien commun. Il me semble que les parlementaires que nous sommes ici, on devrait un peu s'inspirer des étudiants, qui sont soucieux du bien commun.

M. Gagnon (Marc-André) : M. Couillard, lui, croit que les étudiants qui souhaitent assister à leurs cours devraient pouvoir le faire. Est-ce que vous êtes du même avis?

M. Khadir : Ce n'est pas à M. Couillard de déterminer la démocratie étudiante. C'est des débats de société que nous avons eus depuis il y a déjà 40 ans. Si M. Couillard dit vrai quand il dit s'inspirer de Claude Ryan, Claude Ryan tenait beaucoup à l'autonomie, à l'indépendance, à la totale liberté du mouvement étudiant. C'est un véritable intellectuel libéral, M. Ryan. Alors, si M. Couillard… s'il est vrai, comme il le prétend, qu'il s'inspire de M. Ryan, bien, je l'invite à le relire.

M. Bovet (Sébastien) : Les votes sont-ils légitimes, les votes de grève, d'après vous?

M. Khadir : Les votes de grève m'apparaissent légitimes. Écoutez, je ne suis pas dans le détail de tout ça, mais je ne connais pas, je ne connais pas, dans la société québécoise, de milieu plus démocratique, animé des valeurs démocratiques profondes, pas formelles, pas institutionnelles, pas de façade comme souvent on le voit dans certains C.A. de grands consortiums, de grandes corporations, ou dans le milieu des affaires, ou même à l'Assemblée, mais une véritable démocratie haletante, vibrante, où il y a des débats et il y a des décisions qui sont prises. Je n'en connais pas. Je vous mets au défi de me trouver d'autres milieux dans lesquels on pratique ce genre de débat ouvert, où on n'a pas peur d'énoncer les choses telles qu'elles sont, d'inviter le plus grand nombre à participer directement. C'est ça, la démocratie. Il faut qu'on sorte un peu de nos habitudes, nos conforts, nos passéismes.

M. Bovet (Sébastien) : Une dernière question : Est-ce que vos bottines vont suivre vos babines? Est-ce que vous allez descendre dans la rue avec les étudiants?

M. Khadir : Québec solidaire est un parti qui, dès sa naissance, s'est engagé à accompagner les mouvements populaires dans la rue, parce que nos démocraties en Occident, depuis 30 ans, sont en manque d'oxygène. Il y a une érosion de la capacité des gens d'influer sur le pouvoir public. Beaucoup de formations politiques sont financées directement par des milieux des affaires qui contrôlent l'agenda des gouvernements, de sorte que, de plus en plus de gens, de citoyens, dans différents milieux : éducation, santé, garderies, etc., sont… les citoyens de nos régions sont obligés de manifester pour se faire entendre, et, pour nous, c'est une voie démocratique. La véritable souveraineté démocratique appartient aux gens, et, comme les pouvoirs publics ne veulent pas les écouter, ont des agendas qui sont déterminés par une clique, une petite minorité dominante qui leur dicte la conduite, bien, c'est une fonction essentielle pour nous d'accompagner les régions, les citoyens des vallées du Saint-Laurent qui sont confrontés à toutes sortes de projets d'exploitation, les étudiants qui se font couper, les infirmières qui se font couper, les milieux de… de les accompagner dans les contestations. J'espère qu'un jour on n'aura plus besoin de ça, que les députés, que les gouvernements seront sensibles aux besoins de la population puis qu'on n'aura pas besoin de ça.

Journaliste :

M. Khadir : Bien sûr. Ah oui! bien sûr, ça va…

M. Bovet (Sébastien) : Accompagner, ça se décline de plusieurs façons, là, mais accompagner physiquement, dans la rue, peut-être casserole à la main pour manifester?

M. Khadir : Bien, on l'a toujours fait. Ça va tellement de soi pour Québec solidaire, c'est dans notre ADN. On aimerait mieux que ça ne soit pas nécessaire et, s'il y avait des partis au pouvoir qui étaient moins financés par l'élite, la petite élite, qui contrôle leur agenda, on n'en serait pas là. Il y aurait moins d'affrontement social permanent, il y aurait plus des espaces de dialogue, des forums, du budget participatif, les gens auraient leur mot à dire dans les grandes orientations. Ça serait vraiment une démocratie du XXIe siècle, d'avenir. Aujourd'hui, on est pris.

M. Bovet (Sébastien) : Vous serez dans la rue au printemps 2015.

M. Khadir : Bien sûr, nous y serons.

Des voix : Merci.

(Fin à 9 h 59)

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