(Quinze heures onze minutes)
M. Traversy
: Alors,
merci de vous être déplacés. Cet après-midi, nous avons posé une question au gouvernement
libéral concernant le nouveau bouclier fiscal émis dans le budget du ministre
des Finances la semaine dernière. Nous voulions comprendre quel était l'impact
de cette nouvelle mesure sur les familles du Québec, pour les familles qui
décident d'envoyer soit leurs enfants dans des garderies privées non
subventionnées ou encore dans le réseau de services de garde subventionnés et
des CPE.
Nous avons eu, sans grande surprise, la
révélation de voir que les familles, au Québec, actuellement, sont gérées par
le ministère des Finances. J'aimerais souligner que la ministre de la Famille
elle-même n'a pas voulu daigner se lever pour tenter de défendre son ministère.
Et nous aimerions vous apporter notre compréhension de cette mesure fiscale
qui, sans aucun doute, favorise davantage les familles qui utilisent des
garderies privées, au Québec, non subventionnées versus nos services de garde
subventionnés et CPE.
Je laisse la parole à notre porte-parole
en matière des finances, M. Nicolas Marceau.
M. Marceau
: Oui, merci,
Mathieu. Écoutez, je vais essayer d'être le plus simple possible. Tout d'abord,
je vais commencer en vous disant que la question posée par Mathieu était
légitime, excellente question, et la réponse qui a été donnée par le ministre
des Finances était… minimalement, on pourrait la décrire de confuse. Par
ailleurs, il nous a induits en erreur aussi, et je vais vous dire, donc, ce
qu'il en retourne parce que, de toute évidence, il n'y a personne au
gouvernement qui était capable de répondre correctement à la question posée.
Alors, le bouclier fiscal, c'est un
dispositif qui est introduit dans le budget et qui vise à protéger les ménages contre
des hausses de revenus, hein? Essentiellement, votre revenu augmente, et on
veut s'assurer que, lorsque votre revenu augmente, tous les crédits auxquels
vous aviez accès ne soient pas réduits de façon trop importante, de façon à
vous encourager à, justement, augmenter vos revenus. Donc, si, pour 1 $
que vous gagnez, vos transferts, vos crédits baissent beaucoup, baissent de
1 $, bien, évidemment vous avez moins d'incitation à travailler.
Alors, le gouvernement a présenté son
bouclier fiscal, et essentiellement, si vous avez une hausse de revenus, il y a
deux crédits pour lesquels vous n'aurez pas à subir de perte de façon aussi
importante. Il y a le… Puis là je vous amène au budget, au plan budgétaire à la
page B.20. Je vous laisse aller voir ça, mais vous constaterez qu'on parle
de, premièrement, la Prime au travail, puis deuxièmement le crédit d'impôt pour
frais de garde d'enfants. C'est tout, rien de plus, O.K.? Donc, le dispositif
qui est en place fait en sorte que votre Prime au travail ou bien votre crédit
d'impôt pour frais de garde d'enfants n'est pas trop réduit lorsque votre
revenu augmente. J'espère que tout ça est clair pour tout le monde. Il n'y a
pas de crédit d'impôt à la solidarité, contrairement à ce qu'à dit le ministre
des Finances en Chambre il y a 15 minutes, premier élément.
Deuxièmement, le fait d'introduire, donc,
ce bouclier fiscal, ça crée la situation suivante : ça fait en sorte qu'il
y a deux catégories de parents au Québec, il y a deux catégories de parents au
Québec. Il y a ceux qui sont protégés lorsque leurs revenus augmentent. Ceux
qui sont protégés, ce sont ceux qui envoient leurs enfants dans des garderies
non subventionnées qui sont… qui permettent d'obtenir le crédit d'impôt pour
frais de garde d'enfants. Mais ceux qui envoient leurs enfants dans des
services qui sont subventionnés, dans les CPE, dans les milieux familiaux, eux
autres ne sont pas protégés. Alors, j'espère que c'est clair.
Ce que ça veut dire, donc, ultimement, c'est
que le mécanisme qui a été mis en place par le gouvernement protège les
familles qui envoient leurs enfants dans des services de garde privés, mais ne
les protège pas si on les envoie dans services de garde subventionnés comme les
CPE. Donc, on protège ceux qui sont dans le privé, on ne protège pas ceux qui
sont dans le public. Essentiellement, c'est ça qui a été mis en place par le
gouvernement.
Je vous donne un exemple : si vous
avez, par exemple, une augmentation de revenus de 5 000 $, il y a des
dispositions, dans le bouclier fiscal, qui font en sorte que votre crédit
d'impôt pour frais de garde va être réduit, mais d'environ 25 % et non pas
100 %, comme ça aurait été le cas auparavant, alors que les tarifs de CPE
s'appliquent pleinement, là. Au-delà de de 75 000 $ de revenu
familial, chaque dollar de plus que vous gagnez réduit votre… augmente votre
tarif de service de garde de 3,9 %, O.K.?
Donc, je veux juste que ce soit clair, je
recommence, là : Votre crédit d'impôt service de garde va être protégé par
le bouclier fiscal, mais, si vous envoyez votre enfant dans un CPE puis que
votre revenu familial est à 75 000 $, chaque dollar de plus, on va
retrancher 0,039 $ de ce dollar-là. C'est ça que ça veut dire.
Alors, vous n'êtes pas protégés si vous
êtes en CPE, vous êtes protégés si vous êtes en garderie privée non
subventionnée. C'est ça qui a été annoncé par le gouvernement dans le bouclier
fiscal.
Je laisse à Mathieu le soin de conclure ce
que ça implique en termes de privé-public.
M. Traversy
: Bien, en
conclusion… Tout à fait, bien, ça démontre, encore là, la volonté du
gouvernement libéral de favoriser le privé. On sait que c'est les champions de
la privatisation. Pour les libéraux, là, la privatisation, c'est comme du
basilic, c'est bon dans tout. On en met, écoute, dans nos sociétés d'État, on
en met au niveau de nos travaux publics et on en met également, maintenant, là,
dans les services de garde. Donc, on essaie de pousser, dans le fond, la
croissance des garderies privées non subventionnées.
Je tiens à vous rappeler que la présidente
de la Coalition des garderies privées non subventionnées, Mme Marie-Claude
Collin, était candidate libérale, à la dernière élection générale, dans le
comté de Blainville. On voit là, donc, toute la proximité et la volonté
gouvernementale de laisser un peu tomber, si vous voulez, les CPE et les
services de garde subventionnés au Québec.
Alors, nous, on appelle à la raison, on
appelle à la ministre de défendre son réseau de partenaires qui sont
subventionnés, de partenaires qui sont publics, pour essayer de conserver un
équilibre et de garder un réseau qui a fait ses preuves, un réseau qui est
apprécié de la population québécoise et de bien d'autres nations à travers le
monde, à préserver, à continuer sa mission.
M. Ouellet (Martin)
: C'est
quoi, il faudrait éliminer le crédit d'impôt, il faudrait éliminer le bouclier
fiscal?
M. Traversy
: Bien, il
faudrait que ce soit juste et équitable pour tout le monde, donc…
M. Marceau
: Il aurait
fallu protéger les familles dans un sens ou dans l'autre, moi, je pense. Il
aurait fallu protéger contre les hausses de tarifs de services de garde.
M. Ouellet (Martin)
:
Juste pour une précision technique, à 75 000 $, une famille a droit
au bouclier fiscal?
M. Marceau
: Oui, oui,
absolument, absolument, pour les éléments qui sont inclus dans le bouclier
fiscal. Présentement, ce qui est inclus dans le bouclier fiscal, je le disais,
c'est la Prime au travail. Effectivement, à des niveaux de revenus de 75 000 $,
on a moins droit à la Prime au travail, on va s'entendre là-dessus. Par contre,
le crédit d'impôt pour frais de garde, on y a encore droit. Le crédit d'impôt pour
frais de garde, garde en milieu privé, on y a encore droit. Alors, on aurait pu
protéger les familles aussi contre des hausses de tarifs de… qui ont été
annoncées, là. Vous vous rappelez, il y a 193 millions que le gouvernement
a décidé d'aller chercher, mais on n'a pas choisi une certaine neutralité, on a
choisi de favoriser les services de garde en milieu privé, c'est une évidence.
Les gestes parlent, et c'est ce qu'on voit.
Mme Biron (Martine)
:
Mais tu ne paies pas de la même façon. Dans les CPE, tu paies 7 $ la
journée, tandis que, dans les garderies privées non subventionnées…
M. Marceau
: Ah! Bien
là, le monde a changé, récemment, je pense que vous le savez. J'aimerais bien
que ça soit ainsi, mais on n'en est plus… Là, maintenant, il y a une nouvelle
ligne dans le rapport d'impôt qui s'appelle Services de garde, et là cette
ligne-là n'est pas incluse dans le bouclier fiscal. C'est aussi simple que ça.
M. Ouellet (Martin)
:
Est-ce que vous avez évalué les impacts de ça?
M. Marceau
: Non, écoutez,
on a découvert ça très récemment, là, je pense que vous aurez compris ça, mais
les impacts, c'est la neutralité de nos services, c'est la neutralité de la
fiscalité à l'égard des choix de services de garde de nos parents.
M. Traversy
: Puis on a
un réseau de services de garde publics subventionnés et privés qui livre la
marchandise, qui est de qualité. Lorsqu'on regarde les plaintes en fonction de
la qualité, on voit, c'est clairement dans les services de garde privés non
subventionnés que la majorité des plaintes se retrouvent, on voit que c'est un
réseau qui n'est pas régi par le ministère de la Famille, qui se développe
d'une façon anarchique, donc on ne comprend pas pourquoi le gouvernement veut
pousser dans cette direction.
M. Ouellet (Martin)
:
C'est ça. Vous prêtez au gouvernement l'intention, en tout cas, la volonté de
favoriser le privé, et c'est pour ça qu'il a fait ça. C'est ce que vous dites.
M. Marceau
: Bien, c'est
plus que prêter une intention, là. Les gestes sont parlants. On peut bien… Les
paroles, là, ça veut dire bien des affaires, là, mais là les gestes sont
clairs, ils sont concrets, puis la fiscalité, ça a un impact sur les
comportements, c'est quelque chose qui est connu. Et la fiscalité qui est
introduite par le bouclier fiscal, aussi généreuse soit-elle, dans ce cas-ci,
elle n'est pas neutre, elle favorise un mode de garde plutôt qu'un autre, et
c'est important que les gens le sachent.
Par ailleurs, le ministre des Finances a
induit tout le monde en erreur, n'était pas clair, était complètement confus,
la ministre de la Famille n'a rien dit. Regardez, heureusement que nous sommes
là pour le dire aux gens, quoi.
M. Boivin (Simon)
: Sur
les services eux-mêmes, là, je pense que la ministre a annoncé, vendredi passé,
aux associations des CPE puis des garderies privées, là, des coupes de l'ordre
de 74 millions pour l'année à venir. Quel genre d'impacts ça peut avoir,
ça, sur le réseau, selon vous?
M. Traversy
: Bien, écoutez,
on a déjà vu des coupures, par le passé, au niveau des milieux défavorisés. Ça
peut avoir des impacts sur des éducatrices spécialisées, ça peut avoir des
impacts sur des sorties — c'est évidemment à chaque CPE et à chaque
service de garde, là, de décider de quelle manière ils vont le gérer — ça
peut être des pertes de surplus.
Donc, ce qu'on constate, c'est que la
famille va être encore la grande perdante, au cours des prochaines années, a
perdu beaucoup l'année dernière, va perdre encore cette année et encore plus
l'année prochaine. Donc, la priorité du Parti libéral, au niveau des enfants, semble
être très loin, et ça contraste avec les belles paroles.
Alors, vous avez entendu le premier
ministre, là, nous faire, là, des discours dithyrambiques, en citant du
Saint-Exupéry, on peut voir que, dans les faits, c'est les familles du Québec
qui sont larguées avec le Parti libéral.
M. Boivin (Simon)
:
Donc, les gens vont se retrouver à payer plus pour avoir moins, c'est ça que je
comprends?
M. Traversy
: Exactement.
Merci beaucoup.
M. Marceau
: Merci.
(Fin à 15 h 21)