(Onze heures douze minutes)
M. Paradis (Lévis) : Alors,
messieurs, vous le savez, la situation de nos aînés est une situation qui me
préoccupe, c'est une situation dont tous parlent : dignité, bien-être évidemment,
et là, bien, ce matin, on parle d'un marché au noir de bains pour aînés. Un
marché au noir de bains pour aînés, c'est assez sérieux, c'est même très préoccupant.
La Coalition avenir Québec a mis la main sur une lettre officielle, c'est une
lettre de l'agence de la santé des Laurentides qui évoque ces faits troublants.
Des préposés aux bénéficiaires, pour vous rappeler rapidement les faits, de
certains établissements de santé qui font payer en argent comptant et en
dessous de la table à des aînés vulnérables pour obtenir un deuxième bain ou
une deuxième douche. La situation est plus que préoccupante. Elle s'adresse,
elle s'adresse à moi, elle s'adresse à nous, elle s'adresse à l'ensemble de la
population.
En fait, ce que je demande au ministre et
ce que j'ai demandé, dans ce dossier-là, au ministre, c'est évidemment de
condamner publiquement cette pratique de préposés qui offrent le service en
dessous de la table — en fait, on parle ici, je le rappelle, d'un
marché au noir de bains pour aînés — de faire parvenir, sans plus
attendre, une directive à tous les établissements pour que cette pratique cesse
et de mettre en place également ce qu'on avait déjà demandé en novembre
dernier, c'est-à-dire qu'on mette en place une norme minimale de bains, hein,
d'hygiène dans les CHSLD, parce que ça n'existe pas.
Il y a beaucoup de chemin à faire, ça avait
été demandé au mois novembre. Je pense que malheureusement on est rendus aussi
à cette étape-là, de faire en sorte qu'on puisse garantir un bain par semaine.
Bien, c'est triste à dire quand même, hein, un bain par semaine parce qu'on se
met dans le contexte, puis on pense à nos parents, puis on pense à nous-mêmes,
puis on a comme l'impression que pareille chose ne se peut pas, mais, oui, il y
a des cas comme ceux-ci. Alors, ce qui est révélé ce matin par le biais, et
signé par la commissaire régionale aux plaintes et à la qualité des services,
c'est ce que je vous conte, c'est ce qui se passe et c'est ce à quoi on doit
mettre fin : pas de marché au noir de bains pour les aînés vulnérables
dans nos établissements, dans les maisons d'hébergement.
M. Chouinard (Tommy)
:
M. Paradis, c'est lequel le CHSLD, particulièrement… Je ne vois pas… On
n'identifie pas…
M. Paradis (Lévis) : On
n'identifie pas… On dit : dans des établissements de la région des
Laurentides, confirmé par la commissaire aux plaintes et le regroupement du
comité des usagers. Alors, dans cette région-là se pose le problème
suffisamment, en tout cas, préoccupant pour que la commissaire aux plaintes décide
d'écrire et de dire que les choses doivent changer. Et, au surplus, ce qui est
d'autant plus préoccupant, c'est qu'on dit que, dans ces cas-là, ça se fait
alors que les directions savent et tolèrent.
M. Chouinard (Tommy)
: Mais
quand le deuxième bain, là… Ça veut dire que c'est un bain par semaine, ça, ou
un bain par jour?
M. Paradis (Lévis) : Bien, il
n'y a pas de norme, hein? Il n'y a pas de norme pour les bains en centre
d'hébergement.
Journaliste
: …
M. Paradis (Lévis) : Bien, c'est
parce qu'en principe la base veut que chaque aîné, hein, au minimum, soit lavé
une fois par semaine, mais encore là, il y a des plans d'intervention qui sont
propres à chaque établissement. Nous, ce qu'on demande, c'est qu'il y ait une
règle précise à ce chapitre-là pour qu'on en fasse une norme officielle. Il
reste qu'effectivement, le deuxième bain… puis l'autre préoccupation, c'est
que… Combien le bain? 25 $ à un endroit, 50 $ à l'autre, 35 $,
dans quelles circonstances? On ne sait pas non plus. Il y a une demande
d'argent comptant pour offrir un deuxième bain.
Puis l'autre préoccupation, c'est la
possibilité de se le payer. Je veux dire, il y a des gens, si tu n'as pas la
possibilité, eh bien, tu te laves une fois par semaine, même si tu souhaiterais
en avoir davantage. Et là, bien, si tu as la possibilité, en dessous de la
table, tu es capable de recevoir un traitement différent. Il y a aussi une
problématique d'inéquité là-dedans. Il y a une problématique de soins
d'hygiène, point à la ligne, pour nos aînés. Il y a une question de dignité
là-dedans également.
M. Chouinard (Tommy)
:
Est-ce que c'est le résultat, à votre avis, d'un manque de financement, ça?
M. Paradis (Lévis) : En tout
cas, c'est le résultat du fait qu'on n'ait pas de directive claire. C'est le
résultat du fait que, depuis déjà longtemps, depuis novembre dernier...
Rappelez-vous d'une histoire que j'ai portée également, de cette dame dans un
CHSLD qui a été neuf mois sans être lavée, sans recevoir de bain, sans recevoir
de bain, qui, lorsqu'elle a quitté le CHSLD pour aller dans un autre deux jours
plus tard, hein — puis j'étais en contact avec la
famille — elle a reçu son bain.
Il y a un problème de directive, là. Il y
a des plans d'intervention, mais il va falloir qu'on établisse des directives à
ce chapitre-là, globalement, et ce qui avait déjà été demandé. Et, au surplus,
qu'on fasse en sorte que pareille, pareille façon de faire ne se répètent pas
et qu'il puisse y avoir une directive claire émise par le ministre pour dire à
tous les établissements, pour nos aînés : Ça ne se fait pas. Ça ne se fait
pas.
M. Laforest (Alain)
: Juste
techniquement, M. Paradis, là, ce que vous dénoncez comme situation, rapport en
main, pourquoi vous n'avez pas déposé le rapport pendant la période de
questions, pour que le ministre puisse...
M. Paradis (Lévis) :
Présentement, il l'a. Il l'a en main...
M. Laforest (Alain)
: …connaissance,
il vous l'a demandé...
M. Paradis (Lévis) : Il l'a
en main, je lui ai remis juste après la période de questions.
M. Laforest (Alain)
:
...période de questions pour qu'il puisse répondre adéquatement...
M. Paradis (Lévis) : Et très
honnêtement, pas bien, bien compliqué, le document était qu'à regarder, était
annoté, et je n'avais pas de copie propre. Je l'ai fait venir, je l'ai demandé.
Il est arrivé, là, juste avant de venir vous rencontrer.
Le ministre de la Santé, je l'ai rencontré
dans le salon bleu pour lui remettre le document, qu'il a lu en ma présence, qu'il
a regardé et a signifié qu'effectivement il allait jeter un oeil attentif là-dessus.
Alors, il a le document, tout simplement.
M. Caron (Régys)
:
Est-ce que ce sont les employés qui monnaient le service ou c'est les patients
qui disent : Moi, j'ai besoin d'un bain supplémentaire, je suis prêt à
payer pour, puis là s'engage la transaction?
M. Paradis (Lévis) : Le fin
mot de l'histoire et la façon d'établir la transaction à travers la plainte qui
est émise... en tout cas, le rendu des faits par le commissaire aux plaintes ne
l'indique pas. Reste qu'à la base il y a un échange d'argent comptant, un
échange au noir pour un deuxième bain. Puis les montants, on ne les sait pas,
puis c'est une pratique qui, manifestement, comme je le disais, risque de
causer un tort aussi à ceux qui n'ont pas la possibilité de le faire. Et, de
toute façon, en ce qui concerne l'équité, la qualité du service donné, ça ne
tient pas la route, là. Je veux dire, on ne peut pas avoir quelque chose comme
ça.
M. Caron (Régys)
: …il
existe un code d'éthique qui interdit ce genre de pratique?
M. Paradis (Lévis) : Bien, je
vous dirai : J'espère que oui. Tu sais, je veux dire, j'espère qu'à un
moment donné... Ce qui est inquiétant, à travers tout ça, ce qui est
inquiétant, lorsqu'on fait la lecture du document, c'est que cette façon de
faire serait tolérée, est tolérée par des dirigeants d'établissement qui sont
au courant.
Alors, à sa base même, il faut tirer les
choses au clair, il faut être en mesure d'établir des directives, il faut être
en mesure de passer des messages puis le plus rapidement possible. Je le
rappelle, on parle de nos aînés, on parle de gens qui sont, pour plusieurs
d'entre eux, vulnérables, on parle de dignité et de qualité de vie.
M. Caron (Régys)
: Mais
est-ce que ça n'indique pas que le service est insuffisant? Si des gens sont
prêts à payer, en plus de ce qu'ils paient déjà pour demeurer dans ces
résidences-là…
M. Paradis (Lévis) : Bien là,
poser la question, c'est un peu y répondre, hein? Je veux dire, on parle d'un
bain par semaine, puis là on pourrait faire le débat : un bain par semaine
pour un citoyen, peu importe son âge, est-ce que c'est suffisant, tu sais?
Point à la ligne. Puis rappelez-vous… et pensez pour vous, pensez pour la
famille, pensez pour vos parents. Est-ce qu'un bain par semaine, c'est
suffisant? Et déjà, de poser la question, bien, je pense qu'on trouve assez
facilement la réponse. Pour le moins, s'il faut agir pour faire en sorte qu'il
y ait au moins ce minimum-là, faisons-le. Donnons-nous des normes minimales,
officielles, pour au moins assurer ça. Je veux dire, un bain par semaine, dans
ma tête à moi, ce n'est pas suffisant.
M. Chouinard (Tommy)
: On
sait que, dans ces situations-là, les aînés sont un petit peu laissés à
eux-mêmes, là. Là, on voit que c'est l'intervention du…
M. Paradis (Lévis) : Du
comité des usagers.
M. Chouinard (Tommy)
:
…du comité d'usagers, bon, du comité d'usagers, qui sont intervenus. J'aimerais
vous entendre sur la décision de ces aînés, peut-être aussi, par extension,
leur famille, de faire ça, de recourir à ce moyen-là. Est-ce que c'est un peu
en désespoir de cause que…
M. Paradis (Lévis) : Bien,
vous savez, je pense que je ne vous apprendrai rien, hein, dans tous les
dossiers qui sont révélés, dans tous les dossiers qui nous parviennent et qui,
finalement, bon, se retrouvent à faire les médias, c'est souvent issu d'une
famille, de filles, de conjoints, de fils qui se sont aperçu de quelque chose à
un moment donné.
Nos aînés… et c'est malheureux, mais, pour
plusieurs d'entre eux, bon, je vous l'ai dit, il y a un état de vulnérabilité.
Les aînés sont beaucoup silencieux. Les aînés vivent avec ce qu'on leur offre
et les services qu'on leur donne. Ils n'ont pas le réflexe de dénoncer. Pour mille
et une raisons, ils n'ont pas le réflexe de dénoncer. Ça prendra souvent, et
c'est souvent dit, ça prendra un regard scrutateur puis vigilant d'une famille
pour dire : Il me semble qu'il y a quelque chose qui ne va pas, il me
semble qu'il y a quelque chose d'anormal. Puis encore là, bien, c'est pour ceux
qui sont vigilants et se rendent compte de certaines choses, tu sais.
M. Chouinard (Tommy)
:
Votre réponse me laisse croire que c'est la famille, une famille de…
M. Paradis (Lévis) : Je ne sais
pas comment ça s'est passé, mais…
M. Chouinard (Tommy)
:
…donc qui vous a alerté que c'était peut-être…
M. Paradis (Lévis) : On
reçoit ce…
M. Chouinard (Tommy)
: …la
notion est importante. Si cette famille-là dit : Bien, on n'a pas les
moyens, nous. On trouve ça odieux d'avoir à payer pour un bain.
M. Paradis (Lévis) : Bien,
moi, je vous dirai que c'est… Comprenons que cet état de fait arrive au comité
des usagers, le comité d'usager fait mention, et la commissaire aux plaintes
réagit. Alors, l'ordre des choses, qui démarre, qui constate, je ne peux pas
vous le dire.
Je constate un fait, cependant. Ce que je
vous dis, c'est que globalement, dans plusieurs situations impliquant nos
aînés, leur vulnérabilité, leur qualité de vie, leur hygiène ou autre chose,
souvent, en tout cas pour ma part, à travers ce que j'ai eu à voir et à
traiter, ça part souvent de quelqu'un qui constate les faits, et souvent c'est
la famille.
Dans ce cas-ci, est-ce autre chose?
C'est-u un autre employé? C'est-u quelqu'un membre du comité des usagers qui se
rend compte de quelque chose? Est-ce que c'est une plainte d'un aîné au comité?
Au départ, je ne peux pas vous faire le suivi de l'histoire, mais, en même
temps, les faits sont là.
M. Chouinard (Tommy)
:
...la question qui en découle, c'est que... je peux comprendre que la pratique
est dénoncée, mais est-ce qu'il n'y a pas certains aînés, certaines familles
qui vont dire : Bien là, M. Paradis, c'était le seul moyen qu'on
avait, là, pour payer un autre bain, là? Est-ce que, si la règle dit :
Non, non, c'est un bain par semaine pour tout le monde, c'est fini là? Vous
voyez comment on peut voir...
M. Paradis (Lévis) : Oui,
mais je comprends votre point de vue, mais, oui, c'est vrai, mais... Elle se
pose des questions, mais, en même temps, est-ce que c'est normal qu'on se pose
la question puis qu'on se dise : Est-ce que vous savez, M. Paradis,
vous savez, messieurs, mesdames, c'est la seule façon pour que notre mère soit
propre? Tu sais, je veux dire, c'est dramatique un peu, là. Je veux dire, là,
si on est rendus là, c'est parce qu'il y a des saprés problèmes. Il va falloir
qu'on les adresse, il va falloir aussi qu'on les règle. Puis on ne travaille pas
dans ce dossier-là, tu sais, puis… honnêtement, là, on ne travaille pas en
confrontation, on travaille pour le bien des aînés, seulement de faire en sorte
qu'on puisse faire la lumière puis améliorer la qualité de vie, point à la
ligne.
M. Caron (Régys)
: Est-ce
que c'est très répandu, ce phénomène-là, M. Paradis?
M. Paradis (Lévis) : Non.
Celui qu'on adresse concernant...
M. Caron (Régys)
: …ça semble
une pratique inadmissible.
M. Paradis (Lévis) : Bien, le
ministre, maintenant, a la lettre en main. Le ministre a dit à ma réponse aujourd'hui
au salon bleu que, bon, il allait en prendre connaissance, qu'il ferait peut-être
enquête. C'est ce qu'il a répondu. Vous pourrez le lire. Alors, on verra s'il
le fera ou pas, mais je pense que ça exige des choses.
Le Modérateur
: Merci
beaucoup.
M. Paradis (Lévis) : Merci. Merci.
(Fin à 11 h 23)