(Dix heures six minutes)
Mme David (Gouin) : Alors,
écoutez, c'est assez simple, je suis ici pour dire une chose et une seule :
Ce n'est pas parce qu'un gouvernement est majoritaire que ça lui donne le droit
d'être autoritaire, et ça, on va le répéter toute la journée, ad nauseam. Deux
bâillons en trois mois, ça annonce quoi pour les trois prochaines années?
Est-ce qu'on doit s'attendre à un bâillon aussi sur le projet de loi n° 20
et sur tout autre projet de loi où ces messieurs dames du gouvernement
trouveraient que les discussions ne sont pas assez rapides? Dix-huit heures
pour étudier 19 articles du projet de loi n° 28, c'est normal. Ce
n'est pas de l'obstruction. Alors, quand le gouvernement dit : Les
oppositions font exprès, veulent nuire, elles font de l'obstruction, c'est
faux. C'est absolument faux. C'est normal de passer à peu près une heure par
article. Ça fait deux ans et demi que je suis ici, je l'ai vu régulièrement.
Alors, si le gouvernement libéral n'est
pas capable d'endurer qu'on discute normalement de ces projets de loi, bien,
qu'il arrête de présenter des projets de loi omnibus, parce que celui-ci, le
28, là, c'est le summum de l'omnibus. C'est un genre… c'est un projet de loi
Harper. C'est tout à fait le modèle du gouvernement Harper.
Mais je vous souligne que le projet de loi
n° 20 contient déjà, lui aussi, une difficulté. La moitié du projet de loi
porte sur la rémunération des médecins; l'autre moitié, sur le programme public
de procréation assistée. Cherchez l'erreur. C'est quoi le lien? Il n'y en a
aucun, mais ils ont mis ça dans le même projet de loi. Est-ce qu'ils vont nous
refaire le même scénario? Un peu trop de temps pour la première partie du
projet de loi, on n'arrivera jamais à débattre de procréation assistée puis on
fait un bâillon?
Écoutez, là, ce n'est pas une manière de
gouverner. Être majoritaire ne nous donne pas tous les droits, surtout quand on
n'a pas été élu par la majorité de la population en plus. Alors, je suggère à
ce gouvernement de revenir à des pratiques plus démocratiques, à présenter des
projets de loi qui portent sur une question, ce qui est normal, et de laisser
aux oppositions le temps nécessaire pour débattre.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Est-ce que les bâillons devraient être abolis, selon vous? Est-ce que ces
dispositions-là réglementaires devraient être supprimées?
Mme David (Gouin) : À mon
avis, le bâillon devrait être utilisé dans une situation d'extrême urgence. On
peut imaginer… enfin, je ne sais pas exactement quoi, là, mais vraiment une situation
où le gouvernement, les oppositions, la société québécoise réclameraient qu'on
passe à l'action sur un quelconque sujet.
Depuis que je suis députée, j'ai vécu… bien,
c'est mon quatrième bâillon. Honnêtement, à chaque fois, là, je me suis dit :
Mais elle est où, la situation exceptionnelle? Et ça, c'est vraiment quand un
gouvernement tient à tout prix à faire passer un projet de loi, nonobstant les
critiques de l'opposition et souvent nonobstant les nombreuses critiques de la
société civile. Le projet de loi n° 28, c'est peut-être un des meilleurs
exemples. Mais qui est venu défendre le projet de loi n° 28? C'est comme
le projet de loi n° 10 du ministre Barrette. Ma grande foi, qui est venu
défendre ce projet de loi là? Deux ou trois groupes? Tout le reste était
contre. C'est encore plus odieux d'avoir des bâillons sur des projets de loi
qui sont tellement loin de faire consensus. Donc, je ne parlerai pas d'une
abolition générale, mais certainement de l'utiliser avec beaucoup, beaucoup
plus de circonspection.
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Comment vous l'expliquez cet empressement du gouvernement Couillard?
Mme David (Gouin) : Ah! bien,
ça, c'est simple. Pour le projet de loi n° 28, il y a, entre autres, une
question qui est celle de la modulation des tarifs en services garde. Tant que
le projet de loi n'est pas adopté, le gouvernement ne peut pas mettre en oeuvre
cette mesure qui lui tient à coeur. Et pourquoi cette mesure lui tient-elle à
coeur comme d'autres mesures : l'abolition des CRE, des CLD, etc.? C'est
parce que ce gouvernement a décidé de faire de l'austérité son cheval de
bataille. Il ne met pas d'argent dans la colonne des revenus en allant en
chercher, comme le dit éternellement Québec solidaire, là où il y en a de l'argent :
les banques, les entreprises financières, les redevances minières, les
contribuables à revenus très élevés, la fin du gaspillage avec la centralisation
de l'achat des médicaments prescrits. Il ne fait rien de tout ça, donc il ne
rêve, et il le fait, que de couper dans la colonne des dépenses. Et, en plus,
il est pressé parce qu'il veut pouvoir claironner à la face du monde que, lui,
il a atteint l'équilibre budgétaire, c'est donc formidable. À quel prix, par
exemple? À quel prix?
Et là je l'ai dit la semaine dernière au ministre
Leitão, qui m'a taxée d'alarmisme, il y a des conséquences concrètes aux coupes
de ce gouvernement. À plusieurs reprises, dernièrement, j'ai rencontré des
parents d'enfants en difficulté qui n'arrivent même plus à trouver, dans le système
public, un diagnostic. On leur dit clairement : Vous avez des assurances,
allez dans le privé parce que, votre enfant, on pense qu'il peut être autiste, ça
va vous prendre un an avant d'avoir un diagnostic. Pas de diagnostic, pas de
service.
Le ministre Leitão m'a dit : C'est
vrai, c'est triste, mais c'est certainement un cas isolé, Mme David, vous êtes
alarmiste. Non, mais attendez, là, ce n'est pas un cas isolé, c'est à toutes
les semaines. À toutes les semaines, comme députée, moi, que j'en vois des gens
qui ont des problèmes de ce genre-là. Je ne sais pas sur quelle planète il vit,
ce gouvernement-là, mais il est vraiment pressé d'atteindre l'équilibre budgétaire.
Mme Plante (Caroline)
: Mrs. David, you say that there is a lack of consensus around Bill
28 and about… around reaching, achieving zero deficit, yet three parties of the
National Assembly want to
achieve zero deficit, and someone argued that a silent majority of Quebeckers do support the goal of achieving
zero deficit. So isn't it justified then to use closure on Bill 28?
Mme David (Gouin) : I think we have to address that question with kind of «nuance». Québec solidaire doesn't say : It's not a good thing to have zero deficit. The
thing is : Which price will we pay to obtain that so rapidly? And the
price is too high. I think in the next years, 2015‑2016, many people in the population will realize that the way that government decide to cut will have consequences on them, on their children, on
their families.
I just come back from
Gaspésie, where I met a lot of people. You can't imagine, in that kind of
region, the consequences of all the cuts the Government made during the last six months. Many people lose their jobs and
don't know where to have a new job. So young people with families will leave
Gaspésie to go elsewhere, people who are qualified, young professionals.
My question to Mr.
Couillard is : Do you think it's really a good thing for that kind of
people? I say no, and Québec solidaire say no. So it's a question of time, I think. During the next year, I think, the difficulties
will appear for many people and then people realize that, OK, deficit zero, it's a good thing in
theory, but not so rapidly, not this way.
Mme Plante (Caroline)
: Do you think… It's your fourth closure. How do you feel about the
whole thing?
Mme David (Gouin) : I hate that. I hate that. On that kind of journey, of day, I feel
like a deputy who can't do a real job, you know. I don't know what means
«bâillon» in English, what is the good word for that word in French, but we
feel like that. We feel like people who can't talk. Yes, you will say : I
can talk. I do it, but tonight, at 11 :00 p.m., this bill will be adopted
independently of what I will say or what the PQ will say, what the CAQ will
say. It's not fair. For me, that is not democracy.
M. Harrold (Max) : What does it say about the style of the Couillard's
Government? You said the second closure — you can say closure or gag
order — what does it say about the musing closure for the second time
in three months?
Mme David (Gouin) :
I think it's… For me, it's like an evidence that Government will use
authoritarian way to govern each time he will do to… he will want to do it like
that way, and I think we have to stop that. We have to convince people in
Québec that it is not a good way, that it is not democracy. We have to explain
the people in general what happens on these days. I'm not sure each citizen has
a very clear vision on that.
M. Harrold (Max) :
Mme David, also the pharmacists are saying this is going to mean job losses and
reductions in services? Are you concerned about any of the specific effects of…
you know, that are in this bill, Bill 28, on whether it's CLD, CRD…
Mme David (Gouin) :
Sure, I am concerned. As I said, I met some people during the last weekend who
lose their jobs in the CLD, in the CRE, in the regions, and it's worst in that
kind of region where each job, you know, is so important. In the Gaspé
hospital, they cut 10 jobs of people who, you know, are «préposés aux
bénéficiaires», work…
Le Président (M.
Hardy) : Orderlies. Orderlies.
Mme David (Gouin) :
Or-der-lies?
M. Harrold (Max) :
Yes.
Mme David (Gouin) :
OK. That people, generally women, who work day by day, you know, with persons
who are sick, who are old, so each job lose is really a drama for people, but
also for the quality of services. So yes, I have many concerns around Bill 28.
Mme Plante (Caroline)
:
What's the alternative to closure? Mr. Leitão was making announcement this
morning that, if you present the bill and the Opposition blocks it, you can't
move forward.
Mme David (Gouin) : But the Opposition doesn't block it. It's not right. What I can say :
one hour of discussion for an article is normal in a democracy, and, if government wants to act more rapidly, he has
to deposit a bill with one subject, not with 20 subjects and 300 articles,
you know. It's their fault, it's their responsibility. Merci.
(Fin à 10 h 19)