(Onze heures trente-six minutes)
Mme David (Outremont) : Alors,
il y a donc eu une motion déposée par le Parti québécois, tout à l'heure, qui
concernait le jugement qui a été rendu — verbalement, doit-on le dire — de
la Cour d'appel sur la question de la langue d'affichage, et nous avons bien
dit… et je pense que j'ai eu l'occasion de le dire à certains d'entre vous hier
que nous attendions le rapport, donc, écrit, le jugement écrit pour pouvoir se
prononcer et pour pouvoir décider des meilleures actions à entreprendre quant à
ce jugement-là. Tant que nous n'aurons pas le jugement écrit, nous ne voulons
pas tout de suite décider, évidemment, et nous voulons prendre le temps
d'analyser en profondeur quels vont être les commentaires et les propos, donc,
de ce jugement de la Cour d'appel.
Ce que je trouve très dommage — et
je trouve que la question de la langue est une question suffisamment sérieuse
pour y apporter, comme je le fais, une très, très grande importance — nous
avions proposé, donc, une proposition d'amendement à la motion, qui se lit
comme suit et qui ne vous étonnera pas parce que ça va en droite ligne avec ce
qui j'ai dit hier et ce que le premier ministre a dit hier… La dernière partie
de la motion, la proposition d'amendement, c'était : «Et enfin qu'elle
demande au gouvernement du Québec d'analyser le jugement écrit lorsqu'il sera
disponible — parce qu'il n'est pas encore disponible, je le
répète — et d'envisager de proposer une modification législative
apportant les correctifs nécessaires à la charte.» Je pense que nous sommes
assez clairs sur notre sérieux de regarder toutes les options qui sont devant
nous, y compris des modifications législatives, je le répète.
Et je l'ai dit hier aussi à ceux à qui
j'ai eu l'occasion de parler qu'il y a la question de l'affichage des marques
de commerce et il y a aussi la question des durées éphémères de projets dans
les chantiers de construction quand les consortiums sont principalement des
consortiums étrangers. Alors, c'est la question qui a été soulevée par rapport
au CHUM, et nous regardons donc ces deux questions particulièrement.
Alors, je voudrais vous préciser… parce
que je pense qu'il y a des gens pour qui ce n'est pas clair, cette question-là
du jugement qui est en… en fait, du litige qui est en cause, ce n'est pas… Et
j'ai lu ce matin dans des journaux qu'on disait : Il ne faut pas aller
jusqu'à vouloir dire que Les Cafés Second Cup serait traduit par Les Deuxièmes
Tasses de Café. Ne soyons pas cyniques à ce point-là. Ce n'est pas ça qui est
en cause du tout. La marque de commerce elle-même resterait, que ça soit Best
Buy, que ça soit GAP, que ça soit Wal-Mart, ou Costco, ou Second Cup. L'idée,
c'est de mettre, par exemple, un petit surlignage, ou un petit préfixe, ou un
petit slogan francophone pour montrer qu'on est au Québec, pour montrer que ça
se passe en français : Les Cafés, par exemple, Starbucks ou Les Cafés
Second Cup.
Donc, il y a différentes façons de
répondre à cette… je pense, à ce devoir de dire : Nous sommes au Québec et,
au Québec, on veut que ça se passe en français. Donc, ça ne touche pas la
marque, elle-même, de commerce, ça touche un petit préfixe ou un slogan qui
montre bien qu'ici on est au Québec.
Staples, par exemple, a été beaucoup plus
loin que ce qui était demandé — et on salue son initiative et sa
collaboration — en mettant vraiment un effort tout particulier et en
se renommant, au Québec, Bureau en Gros. Nous saluons ça, mais ce n'est à ce
point-là. Tout ce qui est demandé, ça peut être simplement de garder la marque
de commerce, mais avec un préfixe ou avec un petit slogan qui explique et qui
définit ce qu'est le commerce en question.
M. Caron (Régys)
:
Mme David, le jugement de première instance est quand même assez éloquent
quant aux choses que le gouvernement peut faire. En quoi cela n'est-il pas
suffisant, quant à votre réflexion?
Mme David (Outremont) :
Écoutez, la première réponse à ce jugement-là a été quoi quand nous sommes
arrivés au pouvoir? Et, je me souviens, c'est un des premiers gestes que nous
avons eu à poser, c'est d'aller en appel. C'était la réponse, justement, à ce
jugement-là de dire : Écoutez, nous trouvons suffisamment sérieuse cette
question pour décider d'aller en appel. Nous sommes allés en appel. Et hier il
y a eu une première étape, je dirais, rendue du jugement de la Cour d'appel,
qui était une étape strictement orale et qui disait : Le jugement écrit
viendra. Nous attendons donc le jugement écrit. Il est clair, avec tous les
juristes, avec l'Office québécois de la langue française, avec le ministère,
nous allons regarder très sérieusement cette question. Je le répète, le
français, c'est très, très important.
M. Caron (Régys)
:
Donc, la suggestion faite dans le jugement de première instance ne vous suffit
pas, vous voulez en avoir… vous voulez avoir…
Mme David (Outremont) :
Écoutez, non, c'est-à-dire que le jugement fait en première instance, ça fait
en sorte que nous avons décidé d'aller en cour… en appel, et nous attendons
quels seront les détails, justement, sur lesquels s'appuie la Cour d'appel pour
dire : Écoutez… On attend, on n'a pas d'écrit, encore, de ça. Alors, on va
travailler très sérieusement, croyez-moi. Nous allons regarder, vraiment,
quelles sont les différentes options qui sont… qui s'offrent à nous, sans
exclure, je le répète, des modifications législatives.
M. Lessard (Denis)
: À
la fin des années 90, il y avait eu un avis du conseil disant que, sur les
raisons commerciales… des ententes internationales, puis on ne pouvait pas
ajouter quoi que ce soit, là. Qu'est-ce qui vous fait croire que la loi
pourrait modifier cet état de choses là?
Mme David (Outremont) : Bien, écoutez,
on va regarder, justement, tous les aspects, on va regarder toutes les options.
En 1990… On est en 2015, ça fait quand même 25 ans. Alors, il faut
regarder, justement, en 2015…
M. Lessard (Denis)
:
Starbucks… s'appeler Les Cafés Starbucks il y a 20 ans, là…
Mme David (Outremont) :
Pardon?
M. Lessard (Denis)
:
…Starbucks ou Home Dépôt, tout ça, ils ont la même position qu'il y a 20 ans.
Mme David (Outremont) : Oui,
mais, justement, c'est pour ça que nous allons regarder et, si besoin est, on
apportera des modifications législatives, mais laissez-nous le temps de
regarder attentivement ce que la Cour d'appel va dire, il faut être prudents.
M. Lessard (Denis)
: Est-ce
que c'est des choses… clause dérogatoire, que vous voulez dire, ce n'est pas
des questions de liberté fondamentale.
Mme David (Outremont) : Nous
ne voulons pas tout de suite nous prononcer sur quel sera l'aboutissement de
notre réflexion, mais nous sommes en réflexion et nous sommes en réflexion
sérieuse, le premier ministre l'a même dit hier.
M. Croteau (Martin)
:
Est-ce que vous estimez que… hormis les huit bannières qui ont entrepris ce
recours, estimez-vous qu'il y a un risque que d'autres entreprises emboîtent le
pas à ces bannières?
Mme David (Outremont) : Écoutez,
ce qui est intéressant de constater depuis plusieurs années, c'est qu'il y a beaucoup,
beaucoup plus de bannières qui ont tout à fait respecté l'esprit, donc, de la
Charte de la langue française et qui ont adopté, justement, ce slogan, le
slogan ou… j'ai donné quelques exemples. Donc, ce sont quelques entreprises — et
c'est ça qui est en litige — qui disent : Non, on n'est pas
obligés, et il y a des lectures différentes de la loi 101. Alors, c'est ça
qu'on veut vraiment regarder, quelles sont ces différentes lectures et quelles
sont nos options et notre positionnement par rapport à ça. Mais nous trouvons
que c'est une bonne idée, effectivement, d'avoir cette insistance sur une
partie francophone non pas, je le répète, de la marque de commerce, mais en
préfixe ou en slogan.
M. Croteau (Martin)
:
…ce groupe restreint, vous dites… ce groupe restreint d'entreprises,
diriez-vous que ce sont des mauvais citoyens corporatifs?
Mme David (Outremont) : Écoutez,
je ne veux pas poser de jugement là-dessus, on va encore attendre de voir
quelles sont les raisons qu'invoque la Cour d'appel. Ils sont sept à avoir,
donc… peut-être sept ou huit à avoir décidé, donc, de contester cette partie-là,
donc, de la charte, et ça ne veut pas dire que c'est représentatif de l'ensemble,
puisqu'on a beaucoup d'entreprises qui ont déjà, et je le répète, décidé de
franciser non pas leur marque de commerce, mais le titre avec un préfixe ou
avec un slogan.
M. Caron (Régys)
:
Comment éviter l'effet d'entraînement? Le Parti québécois craint que ce
jugement-là, s'il y a une action, toutes autres choses étant égales, que
d'autres entreprises les imitent, question de multiplication des marques de
commerce en anglais…
Mme David (Outremont) : Écoutez,
je répète, ce n'est pas le cas pour l'instant, et le Parti québécois voudrait tout
de suite qu'on saute à une solution, comme ça, on va ouvrir la loi. C'est du
sérieux quand il y a une cause en cour comme ça, et on a montré notre sérieux
en décidant d'aller en appel, on a montré qu'on prenait cette question très,
très à coeur. Et nous allons être aussi sérieux dans notre analyse des suites,
mais laissez-nous le temps de regarder le jugement écrit, qui n'est même pas
entre nos mains encore, qui n'a pas été déposé, et puis, en temps et lieu, nous
allons travailler.
Mais je tenais vraiment à remettre les
pendules à l'heure et peut-être, je dirais, à déplorer le fait que, malgré l'amendement
que nous avons proposé, le Parti québécois n'ait pas voulu, donc, accueillir le
fait que nous envisagions même, sans l'exclure, de proposer une modification
législative. Je trouvais ça important de vous le dire, je trouvais ça important
de montrer que le français, c'est quelque chose d'important.
Et un dossier sur lequel… quand je suis
arrivée, moi-même, en fonction, avec cette formidable responsabilité qui est
celle de protéger le visage français au Québec, protéger la langue, la
promouvoir, il y avait une perte financière importante du côté des centrales
syndicales. J'ai rencontré, au mois de juillet 2014, les trois principaux chefs
syndicaux pour… qui voulaient se plaindre de coupures radicales que le Parti
québécois avait faites dans l'argent que les centrales syndicales recevaient
pour la Stratégie commune d'intervention de Montréal, qui est une stratégie
importante. Et là je ne veux pas m'étendre trop longtemps là-dessus, mais c'est
pour franciser les petites entreprises de moins de 50 employés. Et vous
savez quoi? Ils avaient coupé radicalement dans les montants… dans les
subventions données aux centrales syndicales pour pouvoir franciser, sur place,
dans les milieux de travail, les employés.
Et, pendant toute l'année, je me suis vraiment…
j'ai travaillé très, très fort. Vous savez, la rigueur budgétaire à laquelle,
donc, nous faisons… avec laquelle nous travaillons. J'ai travaillé avec le président
du Conseil du trésor, et nous avons remis les subventions presque à la hauteur
où elles étaient avant. Et il y avait eu une très grande inquiétude du côté des
centrales syndicales. Et, quand je les ai appelées moi-même, au mois de
décembre 2014, pour leur dire : J'ai retrouvé des subventions pour vous
aider à franciser, bien, je pense que c'est un geste important qu'on n'a peut-être
pas suffisamment… dont on n'a pas suffisamment parlé, qui montre la motivation,
la mienne et celle du gouvernement, à protéger cette langue française et à la
promouvoir.
Mme Plante (Caroline)
: What are the chances that you
will go all the way to the Supreme Court with this?
Mme David (Outremont) : Listen, we are waiting for the written decision by the Cour d'appel,
so we will wait and we will see. We have many options and we will see, but we
will look over and we will come back to you as soon as
possible.
Mme Plante (Caroline)
: But do you really have power over this, given that, most of the
time, it's my understanding that it's under federal or even international
jurisdiction, the trademark?
Mme David (Outremont) : No, the trademark, you know, we don't ask the companies to have
French trademark, be very, very careful about that. What we are asking for is
that they will add a few words in French, you know. It can be Les Cafés
Starbucks, we do not want to translate Second Cup by Deuxième Tasse de Café, it
is not the case at all. The case is about, you know, to add a few words in
French, because we are living in Québec and we want to have, you know, this specific language, the French
language, to be a little bit in the «affichage» of the
trademarks.
Mme Plante (Caroline)
:
But there have been several PQ governments in recent history, how come they haven't
succeeded yet in making that change?
Mme David (Outremont) :
I think they have… we have collectively succeeded with the Bill 101, with the,
you know, this French picture about the trademarks, because a lot of companies
do agree and did their best, you know, like I gave the example of Staples, who
translated the name by Bureau en Gros. So, many companies accepted and are very
willing to have this little, you know, French word before, like les magasins
Canadian Tire or les magasins Best Buy.
So, the purpose is not to
translate the trademark itself, it's to add a few French words.
Mme Plante (Caroline)
:
But it seems impossible to get all of the companies to agree on this.
Mme David (Outremont) :
A few companies didn't agree, so that's why, you know, they say : We
decided to have this very clear and we asked the court, you know, to be clear
about that. So we will wait for the written report and we will do what's the
best to do with that issue.
(Fin à 11
h
49)