(Neuf heures vingt-huit minutes)
M. Lisée
: Alors,
bonjour. Ce matin, je voudrais intervenir comme porte-parole des services
sociaux, de la prévention… tabagisme aussi, pour ceux qui ne savaient pas, ça
fait partie de mes dossiers qui m'intéressent beaucoup.
Et là on est contents du projet de loi qui
a été déposé hier. Ça faisait un certain temps qu'on le demandait au
gouvernement. Nous avions déjà, au sein du Parti québécois, lors du
gouvernement Marois, commencé à préparer une législation à cet effet. Plusieurs
des propositions qui sont faites nous conviennent. Je pense, c'est le temps de
mettre à jour la législation québécoise qui, à l'époque où Jean Rochon avait
fait la première législation, en 1998, était à l'avant-garde. On avait pris du
retard, et maintenant il ne faut pas manquer le coche.
Alors, manquer le coche, c'est établir les
nouvelles balises de façon correcte. Et il nous semble qu'il y a deux omissions
importantes dans ce projet de loi, et donc je vous annonce que nous allons
déposer des amendements pour faire en sorte de combler ces lacunes.
La première, c'est sur l'emballage neutre.
Il n'y a rien, dans le projet de loi, sur l'emballage neutre. Or, l'Australie,
l'Irlande, le Royaume-Uni, récemment la France ont adopté des législations pour
rendre l'emballage neutre. Pourquoi? Pas seulement pour enquiquiner les
compagnies de tabac, mais parce que, justement, les compagnies de tabac sont
extraordinairement créatives à trouver des façons de convaincre les jeunes de s'engager
dans le tabagisme. Et une des façons, c'est de jouer l'emballage, faire des
emballages qui sont très attractifs, qui sont très colorés, parfois des
emballages qui ressemblent à autre chose, comme un emballage de rouge à lèvres
ou un emballage de bonbons. Alors, c'est clair que ce ne sont pas les fumeurs
de 60 ans et plus qui sont visés par ça, ce sont les jeunes fumeurs, et on sait
qu'ils commencent à fumer à 13, 14 ans, et donc c'est à eux que c'est destiné.
Alors, c'est une raison pour laquelle, si
on veut être sérieux et colmater les brèches, il faut s'en aller vers
l'emballage neutre, et c'est un emballage où on dit : Bien, voici, un
paquet de cigarettes, il n'y a qu'une forme, il n'y a qu'une façon de le
montrer. Et l'Australie et d'autres sont allés plus loin en disant que, bien, vous
allez simplement indiquer la marque sur l'emballage neutre et c'est tout.
Alors, les vrais fumeurs vont acheter des cigarettes. Ceux qui ne sont pas
certains de vouloir fumer ne seront pas attirés par l'emballage. Alors, ça, c'est
important de le faire.
En entendant une entrevue de Mme
Charlebois ce matin, et elle a dit qu'elle est personnellement favorable à
cette disposition; pourtant, ce n'est pas dans son projet de loi, alors on peut
en déduire qu'il y a un problème au Conseil des ministres avec cette idée-là.
Alors, pourquoi il y a un problème au Conseil des ministres avec l'idée de
l'emballage neutre? C'est une question qu'on pourra leur poser. Moi, je le
ferai et je suis sûr que vous le ferez aussi.
Deuxièmement, une des raisons pour
lesquelles on est obligés de légiférer maintenant, c'est encore une fois à
cause de cette créativité qui fait en sorte que les compagnies de tabac, qui
ont des poches absolument... C'est des abîmes, hein, parce qu'ils réussissent...
S'il y a moins d'utilisateurs de tabac en Amérique du Nord ou en Europe, il y
en a de plus en plus en Indonésie, en Afrique et en Asie, en général, c'est
qu'ils inventent toujours de nouveaux moyens. Alors, pourquoi être toujours
après la vague? Il faut se mettre avant la vague et il faut dire : Bon,
bien, on a l'état de la situation aujourd'hui, on a pris des mesures
importantes, à partir de maintenant, il y a un moratoire sur les nouveaux
produits du tabac.
Alors, ça veut dire que s'ils inventent
quelque chose de neuf, des bonbons au tabac, de la gomme balloune au tabac, je
ne sais trop, bien, ils n'auront pas l'autorisation de le mettre en marché,
sauf si un comité du ministère de la Santé donne cette autorisation. Alors,
évidemment, s'il y a quelque chose qui arrive, puis on trouve que c'est bon
pour la santé publique, on dira oui, et le reste, on dira non. Alors, on n'aura
pas besoin de revenir légiférer constamment pour contrer la créativité des
compagnies de tabac, et ça, c'est important. Alors, ça, c'est les deux
amendements principaux qu'on veut apporter.
La chose qui nous inquiète, c'est la
déclaration de M. Couillard, hier, disant qu'il y aurait de longues
consultations. Ça, c'est ce que l'industrie du tabac veut, de longues consultations,
parce qu'ils arrivent souvent avec leur capacité de mobilisation, leur lobby,
leurs groupes qui défendent sur d'autres raisons que la raison officielle à
limiter la volonté des gouvernements. Nous, on pense et on constate que le
consensus est assez large sur l'essentiel des mesures proposées, y compris chez
les fumeurs, et donc on a le temps, entre maintenant et la fin de la session, à
faire les consultations, à discuter du projet de loi et à l'adopter.
Alors, nous proposons un calendrier
rapide, correct mais rapide, pour que, dès l'été, il y ait une nouvelle loi sur
le tabac au Québec. Voilà.
Mme Dufresne (Julie)
:
Sur l'emballage neutre, c'est effectivement une chose qui a été faite à plusieurs
endroits ailleurs dans le monde. Hier, la ministre Charlebois disait qu'elle
estime que c'est de juridiction fédérale, qu'Ottawa s'apprêtait à légiférer là-dessus.
Est-ce que vous partagez ce point de vue là? Enfin, vous ne savez peut-être pas
sur l'intention de légiférer, mais est-ce que le Québec devrait faire quelque
chose, nonobstant ce que fait le Canada?
M. Lisée
: Bien oui, parce
que le gouvernement canadien a toujours été à la remorque des initiatives québécoises
là-dessus. On a des signaux très mauvais du gouvernement fédéral sur sa volonté
d'agir. En fait, ils sont allés de rapport en rapport et de report en report,
et donc, là-dessus comme sur bien d'autres choses, il ne faut pas compter sur
le gouvernement fédéral. Nous avons la capacité de légiférer et de réglementer
sur l'emballage, nous devrions l'utiliser.
Mme Dufresne (Julie)
:
Donc, ce serait possible de se faire, d'imposer, à partir du Québec, aux
commerçants un emballage neutre, à votre avis?
M. Lisée
: Absolument.
Mme Dufresne (Julie)
: Et
vous estimez que, si ça ne se fait pas, c'est qu'il y a dissension au Conseil
des ministres.
M. Lisée
: Bien, c'est
ce que ce je conclus de la déclaration de Mme Charlebois ce matin, disant
qu'elle était favorable, elle, personnellement. Alors donc, on va l'aider à
faire en sorte que ce soit dans le projet de loi.
Mme Dufresne (Julie)
: En
ce qui a trait à la consultation, effectivement, ceux qui risquent de la
demander plus, ce sont les gens de l'industrie. En même temps, ils risquent
d'être affectés au niveau économique. Est-ce qu'il y a, à votre avis, un moyen
de trouver un terrain d'entente avec eux, c'est-à-dire d'être plus souple dans
le projet de loi, ou tel quel, hormis les deux amendements que vous proposez,
vous jugez qu'il est bon?
M. Lisée
: Moi, la
santé économique de l'industrie du tabac, ça ne m'intéresse pas. C'est la santé
des Québécois, et des Québécoises, et des jeunes en particulier, qui
m'intéresse. Et on sait que le tiers du coût des hospitalisations au Québec, en
ce moment, sont liées au tabagisme. Alors, c'est cette santé-là qui
m'intéresse.
Maintenant, que les restaurateurs viennent
discuter de comment adapter les terrasses pour qu'il y ait des zones fumeurs ou
non-fumeurs ou qu'est-ce que ça va… ça, ça m'intéresse. Que les dépanneurs et
les restaurateurs et les citoyens nous disent : Écoutez, peut-être, dans
la réglementation, vous devriez faire en sorte qu'il y ait des zones, je ne
sais pas. Pour l'instant, moi, la proposition sur les terrasses, elle me va,
mais je veux entendre les gens là-dessus. Ce que l'industrie du tabac va nous
dire, on va être polis, on va les écouter, mais on sait quel est leur intérêt.
Leur intérêt, c'est qu'il y ait le plus de gens possible qui fument le plus de
cigarettes possible le plus jeune possible, alors ce n'est pas un intérêt qui
est très… qui inspire beaucoup d'empathie de ma part.
Mme Dufresne (Julie)
:
Et donc, à votre avis, il est possible de tenir toutes ces consultations-là
avant la fin de la session, pratiquement?
M. Lisée
: Bien sûr.
C'est une question de priorités. Alors, si le gouvernement Couillard décide que
la santé des Québécois est une priorité, plutôt que d'essayer de passer rapidement
le projet de loi n° 20 — de toute façon, le Dr Barrette est en
train de négocier quelque chose avec les médecins, qui va le changer
substantiellement — je pense qu'on pourrait utiliser cet espace-ci,
mai, début juin pour faire l'ensemble du travail sur un projet de loi qui va
faire consensus à l'Assemblée nationale.
Mme Dufresne (Julie)
:
Avant de passer à l'anglais, si vous me permettez, je suis curieuse de savoir
ce que vous pensez du résultat de l'élection en Alberta hier.
M. Lisée
: Bien, écoutez,
moi, je ne suis pas un fan du NPD, mais je ne suis pas un fan des conservateurs
non plus, et je vois qu'il y a quelque chose de constant en politique, c'est le
changement. Et ceux qui pensent qu'on est… la situation actuelle est une situation
qui est figée et qu'il n'y aura pas de changements importants, bien, viennent
de se faire dire par les Albertains que c'est faux. Des changements importants
sont possibles, des gens veulent parfois une autre façon de voir les choses,
une autre façon de gouverner, et je pense que c'est un signal qui est envoyé à
tous ceux qui croient qu'ils sont là pour plusieurs mandats, au premier chef le
gouvernement Couillard. D'ici trois ans, il peut se passer plein de choses, et
je pense que la soif de changement des Québécois va être au rendez-vous en
2018, et j'ai bien l'intention que le Parti québécois soit là pour être à la
hauteur des attentes des Québécois.
Mme Dufresne (Julie)
:
Il y a des équipes des candidats restants à la course à la direction qui
disaient hier, justement : Vous voyez, une campagne, ça sert à quelque
chose. C'est la preuve qu'il ne faut pas… Le résultat peut changer, l'issue du
vote n'est jamais prévisible. Qu'est-ce que vous en dites?
M. Lisée
: Je pense, c'est
un bon argument, mais ça ne s'applique pas dans tous les cas, mais c'est
effectivement… les prédictions concernant l'avenir sont les plus hasardeuses.
M. Harrold (Max) :
Tobacco companies… The products are generally distributed across Canada. How do
you think the Québec could institute a system where the products will be
different than the ones that would be distributed in Québec.
M. Lisée
:
Because we did it before. I mean, Québec has been at the forefront of these
legislations about tobacco since 1998, was a model for the world. And we've
seen on a number of issues that you can act, as a city, as a province, and
then, sometimes, the federal Government follows suit, but not always.
M. Harrold (Max) : But we talk about the packaging itself of the product. You think Québec can control that?
M. Lisée
: Sure, absolutely. I mean, there are… The ability of Québec to define the packaging, the
distribution, the areas in which tobacco is consumed or not, it is within Québec's means.
M. Harrold (Max) : And, on Alberta, I wonder…
Mme Plante (Caroline)
: Can I just ask my question about smoking?
M. Harrold (Max) : Sure.
Mme Plante (Caroline)
:O.K. On the
moratorium, I am just wondering : Are you proposing an outright ban,
really, because… is the comity… can the comity really approve a tobacco
product?
M. Lisée
: The issue we have before us is that the tobacco companies are very
creative on new ways at reaching consumers, especially young consumers, and the
reason why we're having to legislate now is because of their creativity over
the last 10 years. So what we're saying at the Parti
québécois is : Let's get ahead of the curve and
say : Listen, if you have a new tobacco product that you want to market,
come to us and we'll give you the green light or the red light. If somehow you
have a product that seems good for health and…
Mme Plante (Caroline)
: Is that possible?
M. Lisée
: I don't see how, I don't see how.
Mme Plante (Caroline)
: That's my question. So it's not really a moratorium, you're
proposing a ban on these new products.
M. Lisée
: A ban that would not be airtight. I mean, there would be a
possibility… Well, the e-cigarettes is a casing point. I mean, if someone had
come to us with e-cigarettes five years ago — it was introduced in 2004 — and saying : Well, this could be a way for smokers to quit
smoking, we could have said yes, you know, in the sense that, well, this could
be a tool to quit smoking, and then we could have allowed it and we know that
many doctors are saying that it's a great way to quit smoking.
We know also it's a great
way to begin smoking, and that's why cigarette companies have been investing
massively in e-cigarettes, because they know it's a gateway. But no, this is a
discussion that we could have had and we could have said : Well, as we do
now, we will put e-cigarettes in the confines of the tobacco law and we will
admit it because we think it's a way out for a number of smokers.
M. Harrold (Max) : So, yes, on Alberta… You know, I wonder what you think about this
win and if it changes in any way this idea that there is this monolithic
federalism, a different set of ideas in the rest of Canada, that are opposed, dramatically opposed to Québec's interests?
M. Lisée
: Well, no, I don't see it this way. I mean, there's been reversals
in Canadian politics, in the provincial area or the federal area for years. I
mean, that's not… it doesn't change the nature of Canada as a country that is at ease with its Constitution, where Québec is not a part of the Constitution. I
don't think it changes that dynamic.
What it tells us as
politicians and as citizens is that change is always possible, and although
you're looking at the present, saying : Well, this is going to be the situation for some time to come; you say :
Well, no, it can change rapidly, and people, when they are focused on an issue,
can realize that there's another way and pick that other way. So that's part of
the reason we're in politics. I mean, when we're in opposition,
we think that at some point, people will find that what we have to offer is a
good solution for the time and never think that the game is over. The game is
always going and the only constant is change. Merci.
(Fin à 9
h 42)