(Onze heures vingt et une minutes)
M. Khadir
: Alors, écoutez,
quand le projet de loi n° 20 a été... la première fois, l'idée a été
lancée en novembre, j'étais un des premiers à applaudir l'intention d'améliorer
l'accessibilité au système de santé du Québec. Après tout, ce ministre peut
bien être riche, très influent, millionnaire, à la tête de l'establishment
médical pendant des années, mais il vient d'une famille modeste et il a plusieurs
fois insisté sur le fait qu'il voulait protéger le système de santé public et
en améliorer l'accessibilité. Venant d'une famille modeste, je comprends que ça
peut être une motivation très, très sincère, mais je constate aujourd'hui que, malheureusement,
non seulement il a démontré énormément… sinon une totale fermeture à toutes les
propositions qui sont venues de la part de groupes populaires, de facultés de
médecine, de regroupements des médecins spontanés qui se sont créés un peu
partout dans le réseau, de médecins du réseau qui sont venus témoigner, des
gens des CLSC, de la première ligne, des médecins de famille qui sont venus ici
présenter des mémoires, il a montré une totale fermeture, et là on apprend, six
mois plus tard, que, dans le fond, nous, les députés de l'Assemblée nationale,
les gens qui sont venus ici témoigner en commission parlementaire, donner leur
avis, on a perdu notre temps. Tout ça était un levier pour M. Barrette
pour négocier, brandir une épée de Damoclès sur la tête de la FMOQ pour obtenir
un rapport de force et négocier, encore une fois, derrière des portes closes.
Nous, on trouve que c'est tout à fait inacceptable. D'abord, on instrumentalise
tout le monde. C'est quoi, la crédibilité du processus parlementaire puis des
consultations publiques quand on apprend ça?
Mais, au-delà de ça, la question de l'accessibilité
est bien trop vaste et complexe pour en limiter la solution juste à la Fédération
des médecins omnipraticiens du Québec. Allez voir les mémoires, là, tout le
monde parle qu'il faut intégrer les ressources, il faut avoir une vision plus
large que juste les médecins.
Donc, j'en appelle à mon collègue le
Dr Barrette, de collègue à collègue, de médecin à médecin, de député à
député — là on a une opportunité historique, tout le monde est saisi
de l'importance de régler le problème d'accessibilité : Cessez ces
manoeuvres, qui sont peut-être bonnes pour un chef syndical, mais ce n'est pas
la manière de faire pour un ministre, qui est le ministre de l'ensemble de la société
qui doit faire les choses ouvertement, démocratiquement, avec la participation
de tout le monde.
Alors, je l'invite, plutôt que de faire
ça… La FMOQ fait partie de la solution, mais c'est une partie de la solution.
Il faut une espèce d'états généraux, de sommet qui réunit tous les acteurs du
réseau — les infirmières, les intervenants sociaux, les directeurs
d'établissements publics, les médecins omnipraticiens et même les spécialistes,
parce que l'accessibilité aux médecins spécialistes a quelque chose à voir avec
l'engorgement de la première ligne — donc mettre tous les éléments de
la première ligne ensemble, leur donner du temps pour réfléchir ensemble.
Les meilleures solutions, les solutions de
la FMOQ vont faire partie de ça. Il ne faut pas que ça se fasse derrière des
portes closes. On l'a fait depuis trop longtemps, puis regardez où ça nous a
conduits, hein? C'est comme ça que le système a été organisé depuis les 20,
25 dernières années, par des négociations secrètes entre le gouvernement
et différentes fédérations professionnelles corporatistes, et ça nous a
conduits dans le cul-de-sac qu'on connaît aujourd'hui.
Donc, j'appelle le ministre d'oublier un
moment qu'il a été président de fédération. Il est maintenant ministre de la
Santé du Québec. L'accessibilité au système de santé a besoin que tout le monde
s'assoie et que tout le monde y contribue. Merci de votre attention.
M. Dutrisac (Robert)
:
Mais il n'y a pas quelque chose de positif dans le fait que, justement, le
ministre semble ouvrir la porte au fait de sortir de la logique des quotas pour
appliquer d'autres solutions?
M. Khadir
: C'est une
admission de son erreur, c'est vrai. C'est une admission, parce qu'il voit bien
que tout le monde lui dit que ça ne marchera pas, que son… disons,
l'improvisation qui accompagnait cette proposition va conduire à des
aberrations puis va empirer le problème d'accessibilité. Oui, il y a quelque
chose de positif là-dedans, mais ce n'est pas… disons que ce n'est pas de ça
qu'il s'agit. On n'est pas réunis ici, au Parlement, pour reconnaître les
erreurs du ministre, là, on est ici, au Parlement, avec ce projet de loi, pour
corriger l'accessibilité.
Alors là, j'espère qu'il ne va pas s'en
tenir à simplement reconnaître tacitement qu'il s'est trompé. Là, ce qu'il
faut... puis on ne veut pas le blâmer... Ce qui est bon, qu'il a
fait — et je le reconnais et je tiens à le resouligner — d'avoir
mobilisé tant d'opinions, d'énergie pour que ça bouge puis qu'on améliore
l'accessibilité, c'est à son honneur. Mais ça serait mieux, et on réussirait
mieux si le monde est mobilisé et non pas terrorisé, que le monde soit mobilisé
et non pas intimidé pour arriver à ces fins. Parce que, pour qu'une réforme d'une
si grande importance marche, il faut que les gens y adhèrent.
M. Poinlane (Pascal)
:
En somme, aujourd'hui, c'est un problème purement politique, là, dans la manière
de faire?
M. Khadir
: C'est plus
que ça, c'est un problème substantiel, de fond. Comme je vous dis, si vous...
peut-être que vous avez été moins attentif aux délibérations... aux auditions
particulières, aux consultations particulières, mais tous les acteurs du réseau
d'une certaine importance sont venus dire que le problème d'accessibilité,
c'est un problème complexe qui n'implique pas que les médecins, il y a la
question d'accessibilité aux ressources techniques. La rémunération fait partie
de la solution si on veut régler les choses, il faut revoir la rémunération,
l'intégration des ressources, première ligne versus soins de psychologie,
versus places en CHSLD.
Donc, ça prend plus que juste des quotas,
ou une négociation, ou l'abandon des activités médicales particulières pour
régler le problème, là. Ça prend plus que ça. L'Ontario, quand ils ont fait ça,
il y a 10 ans, ils ont fait exactement ce que nous proposons. Ils ont
mobilisé... il y a des gens des facultés, des fédérations de médecins, des
acteurs... des comités d'usagers, tout le monde s'est mis ensemble, ils ont
travaillé sur un plan, puis ça a donné les «health clinics», qu'on sait qui ont
amélioré grandement l'accessibilité en Ontario.
Mme Plante (Caroline)
:
Mr. Khadir, aviez-vous terminé en français? Oui? There is
a lot of talk today about Mr. Péladeau. Is it a good idea to hear about
his case on May 26 with the Ethics Commissioner?
M. Khadir
: I am a bit taken by surprise by your question because
I haven't had the opportunity to go through what has been said since this
morning about the case. For Québec solidaire, one thing can be said, at this
point, that I can say, is that the Parti québécois people are in front of a
choice. And this choice is imposed… seems to be imposed to them by the
direction, by the establishment of the Parti québécois party.
What we think is Québec…
all parties need more democracy, more openness to ideas, more discussion about
new ideas and more transparency, less authoritarianism by one-ruler parties,
concentration of power at the head of the parties. As we see, it's the same
case as the Liberal Party. Remember, during all the public upheaval about the
corruption, nobody would think the Liberal Party was allowed to question the
decisions of Mr. Charest and the direction.
We seem to see the same
situation now in Parti québécois, with inability to discuss openly, to contest
Mr. Péladeau, to put into question the acceptability that a big media
mogul takes control over not only the party, but possibly the power, and all
these things seem to be now impossible to discuss within the Parti québécois
party. This says a lot about the extent of the decay of these old parties,
their democratic decay, their incapacity to really be at the level of our
expectations of a good democratic vitality.
Mme Plante (Caroline)
:
Do you wish that this question or problem of Mr. Péladeau being the majority shareholder of Québecor be resolved once and for all?
M. Khadir
: Of course. We have always
asked that. When we have questions, we were the first to criticize this situation. So, we will participate in every effort to be done to put pressure
on Mr. Péladeau, if he's chosen as the leader of the Parti québécois, to choose between his
empire, his financial and industrial empire, and his
desire to serve Québec interests, because these two things cannot be
represented at the same time by the same person. It's the basic rule of
democracy.
M. Gagné (Louis) : …en
français, sur le fait de régler la question de la propriété des médias de
M. Péladeau en commission parlementaire?
M. Khadir
: Qu'un
empereur médiatique… Parce qu'il faut le dire comme ça, hein? On est, au
Québec, dans un des pays où les médias sont les plus concentrés. Parfois, on
nous compare même désavantageusement à l'Italie, où un certain Berlusconi a
régné quelques années. Ce n'est pas une bonne comparaison pour le Québec, ce
n'est pas à l'honneur du Québec. Cette concentration, maintenant, entraîne
toutes sortes de méfaits, avec toutes les conséquences qu'on connaît et que
tout le monde reconnaît depuis au moins 100 ans : que les médias et
la politique doivent être complètement séparés, et il doit y avoir une barrière
étanche.
Or, M. Péladeau a pris, peu à peu, le
contrôle du Parti québécois et maintenant s'apprête à prendre, possiblement,
avec le PQ, le contrôle du pouvoir au Québec. Ça, c'est inadmissible. Il faut
qu'il choisisse : soit qu'il veut servir l'intérêt des Québécois, soit
qu'il veut servir l'intérêt de Québecor. Ces deux intérêts sont
contradictoires, il y a un conflit d'intérêts patent. C'est le principe
essentiel de n'importe quel code d'éthique, de déontologie des administrateurs
du gouvernement, des employés de l'État, ou de ministres, ou de députés. Alors
là, à un moment donné, là, il faut arrêter de tourner alentour du pot puis il
faut régler ça.
M. Dutrisac (Robert)
: Pour
lui, il faut choisir au moment où il va être nommé chef du Parti québécois et
non pas simplement au moment où il va être premier ministre?
M. Khadir
: C'est sûr
que ce détail peut être une question. Mais, au-delà de ce détail-là, ce qui
intéresse, au bout de la ligne, c'est que, d'abord, comme chef d'un
gouvernement, là c'est vraiment intolérable. Sans ça, ça donne des choses que
l'on décrie même ici, dans les médias québécois, qu'on a décriées puis
desquelles on a ri lorsqu'il s'agissait de l'Italie, d'accord? Là, on ferait
un... disons, on ferait de nous-mêmes un État risible aux yeux des autres, où
un chef d'empire médiatique est à la tête du gouvernement.
Mais c'est sûr que, même chef de parti,
comme personne qui se lève chaque jour pour poser des questions au premier
ministre, il y a une apparence de conflit d'intérêts tellement grande… Vous
savez qu'en justice, comme en médias, en question… enfin, partout, lorsqu'il
s'agit de charges publiques, l'apparence de conflit d'intérêts est aussi
nuisible que le conflit d'intérêts lui-même. Le seul fait pour les gens de se
demander : Ce que je lis, moi, dans les… Québecor, ce que j'entends à TVA
et LCN, quelle est la part de subjectivité liée au fait que ça appartient au
chef de l'opposition? Les gens vont se poser la question, et c'est légitime de
se poser cette question-là quel que soit le conflit d'intérêts réel, et ça, c'est
un problème pour la démocratie. On n'est jamais sûrs, donc, que ce qui nous est
rapporté est-il teinté ou pas par cet intérêt en arrière, par cette épée qui
pèse… qui va peser sur la tête de n'importe quel membre de l'empire Québecor
qui va vouloir, à un moment donné, rapporter les faits, critiquer M. Péladeau
pour ce qu'il fait.
Mme Plante (Caroline)
: Do you think that he has already used his media
influence to criticize the Liberals? I'm referring to the Amorfix case here.
M. Khadir
: Part of that, but we can say also the close
relationship between Power Corporation and Mr. Desmarais' family, the
multibillion dollar interests that it represents with the Liberal Party of
Québec and Canada is a big problem for our democracy since years. So, in that
regard, it's nothing new and it's very, very deplorable for democracy in Québec
that these media empires have so much influence on political parties. It's not
good for democracy, it's not good for the progress of new ideas like Québec solidaire.
This is one of the
problems of Québec solidaire, be facing with such huge financial capacities by
our adversaries to, you know, implement ideas through the medias or organized
polls, directed polls as we know they can be manipulated, reason for which in
Great Britain, for example, carrying media polls is now — comment on
dit «interdit»? — forbidden.
But, this being said,
before that, remember all the the manipulations of the public opinion in Québec
City to obtain the $400 million public support for the «amphithéâtre», for
the Coliseum of Québec, for the interest of Québecor is now evident to
everybody, and remember all we said around that. This is a great problem. We
have problems with these corporate media, which have a lot of capacity to influence
our decisions and obtain what they want. Merci.
(Fin à 11 h 36)