(Quinze heures deux minutes)
M. Blais : Alors, bonjour à
tous. Je vais commencer, si vous voulez bien, par une brève allocution. Je vous
ai conviés aujourd'hui afin de rendre public le rapport d'enquête indépendant
sur les fouilles d'élèves en milieu scolaire complété par Mme Fabienne
Bouchard. Le rapport est maintenant disponible sur le site Internet du ministère.
Vous constaterez que certaines parties du
rapport ont été caviardées afin de respecter les exigences de la Loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels.
D'emblée, je vais vous signaler que je ne
commenterai pas le cas de la polyvalente de Neufchâtel. Celui-ci étant actuellement
devant les tribunaux, je ne porterai aucun jugement qui pourrait nuire au
procès. Et, comme le rapport de Mme Bouchard ratisse directement et
indirectement plus large que ce seul événement, il était pertinent de le rendre
public et de lui donner suite.
Je vous rappelle que nous avons demandé à
Mme Bouchard de faire la lumière sur les faits entourant les événements de
la polyvalente de Neufchâtel et sur toute autre situation analogue qui serait
portée à sa connaissance, de même et surtout sur l'application par les
autorités scolaires des procédures prévues au cadre de référence sur la
présence policière dans les établissements d'enseignement.
L'analyse de Mme Bouchard rappelle l'importance
de trouver un juste équilibre entre les moyens à utiliser pour s'assurer que
l'école demeure un lieu sain et sécuritaire pour tous et la protection des
droits des élèves, notamment ceux et celles soupçonnés d'enfreindre les règles
de conduite ou les lois. Il faut le rappeler, les écoles ont un pouvoir
d'autorité sur les élèves. Ce pouvoir, bien sûr, il est nécessaire, cependant
il doit être bien encadré, et cet encadrement est susceptible d'évoluer avec le
temps.
Je vous informe que nous donnerons suite à l'ensemble
des recommandations du rapport. Principalement, Mme Bouchard nous demande
de revoir le cadre de référence sur la présence policière dans les établissements
d'enseignement et d'assurer la concertation nécessaire entre les différents
intervenants, notamment quand il s'agit de lutter contre le trafic des drogues.
Ainsi, le ministère de l'Éducation, de
l'Enseignement supérieur et de la Recherche travaillera de concert avec les
membres de la Table provinciale de concertation sur la violence, les jeunes et
le milieu scolaire afin de préciser les balises que doivent respecter les établissements
scolaires. Nous irons cependant plus loin que les recommandations du rapport,
nous interdirons explicitement les fouilles à nu par des intervenants
scolaires. En modifiant le cadre de référence, nous nous assurerons que les
intervenants soient mieux outillés pour faire les interventions disciplinaires
appropriées. Par ailleurs, nous travaillerons avec des commissions scolaires et
les écoles afin de développer les outils adéquats pour la formation des
intervenants.
En terminant, je tiens à m'adresser aux
parents et aux élèves. Avec la mise en place de ces mesures, nous croyons que
nous assurerons un meilleur équilibre entre les pouvoirs des écoles d'assurer
la sécurité des enfants et les droits des élèves au respect de leur personne. Je
vous remercie.
M. Caron (Régys)
: M. Blais,
est-ce qu'une fouille d'un élève à nu ou partielle, c'est un abus de pouvoir
par les autorités scolaires?
M. Blais : Non, je ne pense
pas qu'on peut parler que c'est un abus de pouvoir. C'est une pratique — vous
lirez le rapport — qui existe, on ne l'a pas recensée dans le
rapport, hein, elle n'est pas recensée. Jusqu'à point elle est importante,
jusqu'à quel point elle a pu évoluer, on n'a pas ces informations-là ni au ministère
ni dans le rapport. C'est une pratique qui existe, cependant, donc, on a eu un
cas, puis je pense qu'il fallait prendre une position là-dessus.
La Cour suprême, vous savez, a reconnu
l'autorité des écoles, une extension, finalement, de l'autorité des parents, notamment
dans les cas de fouille. Cependant, la fouille à nu, vous en conviendrez, c'est
une pratique qui est quand même assez extrême, hein?
Je vous rappelle ce que c'est, une fouille
à nu, pour ne pas qu'il y ait de confusion : il s'agit de demander à une
personne de se placer derrière un drap et de se dévêtir complètement, de
remettre ses vêtements pour que ses vêtements soient fouillés, palpés si nécessaire,
et ensuite on lui remet. Donc, il n'y a pas de contact physique avec la
personne dans le cas de ce type de fouille, bien sûr. Mais cependant on
considère — et vous lirez le rapport — que c'est une
pratique ou une méthode qui n'est pas nécessaire à utiliser dans les écoles.
Mme Richer (Jocelyne)
:
M. Blais, ce que vous venez de faire, c'est enlever aux directions
d'écoles un outil pour contrer le trafic de drogue dans les écoles.
M. Blais : Oui, il faut faire
attention, parce que je ne pense pas qu'on a enlevé un outil. En tout cas, il y
a une pratique qui n'est pas nécessaire, mais en lisant le rapport, vous verrez
bien, on explique pourquoi il n'est pas nécessaire de se rendre aussi loin que
ça. Les fouilles sont encore permises, elles peuvent être utiles. Fouiller un
casier scolaire, ça se fait encore dans les écoles, et c'est nécessaire. Il
faut vous rappeler… il faut donner, vous avez raison, les outils, là, aux
directions d'école pour lutter contre certains trafics, là, dans les lieux, mais,
lorsqu'on est rendus à une pratique qui est aussi, disons, ultime, là, que la
fouille à nu, on considère — vous verrez pourquoi dans le
rapport — que ce n'est pas nécessaire, ce n'est pas efficace, en plus
d'être, il faut bien le dire, humiliant pour la personne qui subit, là, cette
pratique.
M. Croteau (Martin)
:
Est-ce qu'en empêchant cette pratique vous n'empêchez pas les intervenants
scolaires d'intervenir adéquatement? Et ne risquez-vous pas de surcharger les
services policiers, qui vont devoir intervenir à chaque fois qu'il y a un cas
soupçonné?
M. Blais : C'est-à-dire, dans
le rapport, hein, c'est bien expliqué que la collaboration existe déjà, hein?
Il y a des ententes de collaboration entre les services policiers et les
écoles, et le rapport prêche pour un rapprochement, hein, dans les situations
où il y a vraiment, là, des enjeux de trafic de drogue. Et le rapport considère
que c'est encore possible, ces rapprochements-là sont nécessaires et seraient
beaucoup plus efficaces que d'aller, disons, vers des pratiques de ce type.
Mme Dufresne (Julie)
:
Mais le rapport dit aussi que, si on veut obliger que les fouilles à nu soient
faites par les policiers, il faut aussi obliger les policiers à se rendre sur
place. Donc, est-ce que vous avez l'intention d'accorder ce type de pouvoirs là
aux forces policières?
M. Blais : Non, pas du tout.
Donc, ce n'est pas du tout... Je n'ai pas la même lecture du rapport, madame.
Donc, il ne s'agit pas d'obliger les policiers à avoir cette pratique-là, hein?
Il s'agit pour nous de dire : Cette pratique-là, on met fin à cette
pratique-là. En tout cas, si elle existait encore dans certains endroits, on y
met fin explicitement, on demande aux intervenants scolaires de ne plus
l'exercer. Si les policiers, pour des raisons x, la pratiquent, ont besoin
de l'utiliser, c'est à eux de juger. Ce n'est pas au ministre de l'Éducation,
hein, de plaider en faveur de ça. Mais, pour ce qui est des intervenants
scolaires…
M. Bélair-Cirino (Marco) :
Mais estimez-vous aujourd'hui que les forces policières, notamment le Service
de police de la ville de Québec, a les effectifs nécessaires pour assumer ces
responsabilités-là?
M. Blais : La réponse, c'est
oui. La réponse, c'est oui, puis ils ne veulent que collaborer davantage avec
les écoles. Ils collaborent déjà beaucoup avec les écoles. Encore une fois,
c'est des situations limites. Les situations de trafic de drogue, ça existe, il
faut trouver les moyens appropriés. Mais, la réponse, c'est oui. Et c'est
nécessaire, il faut qu'il y ait un maintien de cette collaboration-là.
Mme Biron (Martine)
:
Mais, M. Blais, dans le rapport, il y a plusieurs témoignages caviardés,
là, je comprends, on ne sait pas d'où ça vient, mais il y a des gens qui
disent : On est pris avec notre misère, c'est difficile, on doit faire… on
n'a pas une réponse rapide des autorités, on appelle les policiers, ils ne sont
pas là. Qu'est-ce qu'on fait dans notre misère quand tu as un problème de
drogue dans ton école?
M. Blais : Alors, ce que je
vous dis aujourd'hui, c'est que la fouille à nu n'est pas une solution. Si
misère il y a, madame, hein, la fouille à nu n'est pas une solution, un,
première chose.
Et deuxièmement on va clarifier des
éléments par rapport au cadre de référence et d'intervention. Je pense qu'il y
a des choses qui doivent être clarifiées. Clairement, là, en lisant le rapport,
vous allez voir qu'il y a peut-être un manque de clarté sur les rôles, hein, à
la fois des intervenants scolaires et les rôles policiers, et c'est pour ça qu'il
y a un travail à faire en amont là-dessus.
M. Caron (Régys)
: Est-ce
qu'il n'y a pas une culture, dans les écoles, qui consiste à régler eux-mêmes…
soi-même les situations problématiques pour, par exemple, des cas de
criminalité, dire : On s'empêche de faire appel à la police, on est
capables de régler ça à l'interne? Est-ce qu'il n'y a pas cette culture-là à
briser dans les écoles?
M. Blais : Je ne le sais pas,
mais ce serait malheureux si c'était le cas. Je pense que ça n'avancerait
absolument à rien. Il faut qu'il y ait une collaboration plus nette. Puis,
encore une fois, on parle de services policiers qui sont déjà en étroite
collaboration, qui connaissent la culture des écoles, qui connaissent la
culture de la protection de la jeunesse, par exemple, etc., donc qui sont en
mesure d'intervenir de façon correcte avec des adolescents et des adolescentes.
M. Caron (Régys)
: Où
s'arrête le pouvoir… où devrait s'arrêter le pouvoir des directions d'écoles
dans des cas comme ça?
M. Blais : Bien, le pouvoir
des écoles, le pouvoir des directions scolaires a été reconnu par un certain
nombre de décisions, notamment la possibilité de faire des fouilles si
nécessaire, hein? Donc, ici, tout ce qu'on annonce, c'est qu'il y a une
technique, il y a une pratique qui n'a plus lieu d'être tout simplement parce
qu'elle est humiliante, disons-le, pour la personne qui va la subir et elle
apporte peu de choses au niveau des informations qu'on recherche.
Mme Dufresne (Julie)
:
Mais est-ce que, par exemple, vous voulez aussi mettre un frein aux fouilles
tout court ou aux chiens renifleurs? Jusqu'où est-ce que vous êtes prêt à
aller?
M. Blais : Donc, le rapport,
hein, concerne uniquement la fouille à nu, bien sûr, mais ensuite on invite à
une collaboration. Donc, on va procéder à une collaboration pour améliorer
notre cadre de référence, là, au cours des prochaines semaines.
Mme Dufresne (Julie)
:
Donc, vous allez étudier… Juste pour être clair, vous allez étudier ces
possibilités-là, par exemple…
M. Blais : Lesquelles?
Mme Dufresne (Julie)
:
…pour encadrer les pratiques de recours aux chiens renifleurs ou de fouilles
tout court?
M. Blais : Sincèrement, là, le
chien renifleur, là, c'est la première fois que j'entends ça.
Mme Dufresne (Julie)
:
Ça a été évoqué dans le rapport, notamment.
M. Blais : Oui, bien, pour le
moment, moi, là… on n'a pas une demande particulière à ce niveau-là. Ça a
peut-être été évoqué, là, mais il y a des choses beaucoup plus urgentes qu'il
faut faire en termes de qualité des relations entre les écoles, les services de
police pour favoriser une plus grande collaboration.
M. Croteau (Martin)
:
M. Blais, pourquoi est-il plus acceptable qu'un élève soit fouillé à nu
par un policier que par un membre du personnel de l'école?
M. Blais : Ah non, mais, à
vrai dire, moi, je ne me suis surtout pas prononcé sur le fait que c'est plus
acceptable pour les policiers. Je dis simplement que c'est problématique pour
les intervenants scolaires, et il n'y en aura plus. Donc, on ne va plus
permettre cette pratique-là.
Ensuite, pour les policiers, c'est à eux
de décider. Ils sont peut-être dans des situations que ne rencontrent pas les
intervenants scolaires, alors ils pourront répondre à cette question-là.
Mme Biron (Martine)
:
Une chose qui sort dans le rapport, c'est que le spectre de la fouille à nu
s'avère assez dissuasif chez les élèves. À partir du moment où vous les
interdisez... que c'est interdit, la fouille à nu, est-ce que vous reconnaissez
qu'il y a des lacunes dans le système actuellement?
M. Blais : Même pour... Je
dois... J'essaie de me mettre à la place… Je fais un effort avec vous pour me
mettre à la place des élèves, voir jusqu'à quel point ce spectre-là a un effet
dissuasif. Ce n'est pas facile à y voir, tout simplement parce que c'est
difficile de comprendre exactement ce que l'on va cacher ou la technique, là,
pour cacher les choses, là, pour se rendre jusqu'à la fouille à nu. Donc, à
vrai dire, là, je fais un effort avec vous là-dessus.
Je pense que ce qui est important de
comprendre aujourd'hui, puis vous me permettez de le dire, c'est qu'il faut
continuer... les parents doivent continuer à appuyer les directions d'école,
hein? Vous le savez, là, ce n'est pas facile, les directions d'école... d'être directeur
d'école dans une grande école, une polyvalente. Il y a des enjeux de sécurité
pour les enfants, et les parents, je pense, souhaitent que la sécurité soit au
plus haut niveau et que des mesures soient prises, des sanctions, si nécessaire,
lorsqu'on dévie des règles de vie ou même des lois.
La Modératrice
: En
anglais?
M. Harrold (Max) : Why is not acceptable for school officials? Why is not acceptable
for them to conduct these searches?
M. Blais :
For two different reasons. First, it is not acceptable for… because it's a kind
of humiliation, hein, for people and, second, only because it's not efficient,
it's not really efficient.
M. Harrold (Max) :
And you said there need to be clarifications about the relationship between
police and schools. Can you say a little more about that?
M. Blais : We
think it is better to continue to work… the cooperation between schools and
police will be necessary, in the first… in the next weeks, to find the best
solution, a best cooperation to work against the drugs.
Mme Plante (Caroline)
:
How would you qualify Mrs. Bouchard's participation or contribution to the
debate?
M. Blais :
The contribution is very important. The recommendations are clear, hein, and
the investigation was necessary to clarify the practice and to clarify the law,
hein, around the practice.
Mme Plante (Caroline)
:
What is your next step?
M. Blais :
Next step, just to say today : We accept the recommendations and we'll do
our best to put in place the recommendations.
Journaliste
:
Juste une précision, c'est pour quand, le nouveau cadre de référence?
M. Blais : Il va y avoir des
travaux qui vont commencer là-dessus, je pense que… vous comprenez qu'on
attendait un petit peu le rapport, la position du ministre par rapport à tout
ça, mais, dans les prochaines semaines, là, il y a un travail qui va se faire.
Journaliste
: Avant la
rentrée scolaire de septembre?
M. Blais : Bien, je pense que
c'est dans les meilleurs délais. Au revoir.
(Fin à 15 h 15)