(Onze heures vingt-huit minutes)
M. Lisée
: Alors,
bonjour. Aujourd'hui, on peut célébrer la victoire du bon sens, puisque le ministre
de la Santé a pris une décision qui va dans le sens de l'intérêt des aînés et
des handicapés du Québec qui utilisent régulièrement — certains plusieurs
fois par semaine — les centres de jour.
Les centres de jour, qu'est-ce que c'est?
Ce sont des endroits où des gens qui ont des difficultés, mais vivent à
domicile et veulent continuer à vivre à domicile, peuvent se rendre pour avoir
des traitements, pour avoir du répit ou pour avoir des activités sociales.
Jusqu'à maintenant, les centres de jour avaient les budgets nécessaires pour
payer le transport adapté pour les gens qui ont des difficultés physiques à un
coût relativement bas, et donc une subvention gouvernementale pour faire en
sorte que ça ne coûte pas trop cher se rendre au centre de jour, 1,50 $,
5 $ par jour — le coût d'un billet d'autobus ou de métro — et,
de la même façon, les repas étaient relativement peu chers, 3,50 $ à peu
près.
L'automne dernier, le ministère de la
Santé a envoyé une circulaire disant : Ça ne va pas, il faut augmenter ces
tarifs-là considérablement, passer les repas de 3,50 $ à
6,50 $ — ça, c'est une augmentation de 87 % qui est entrée
en vigueur le 1er décembre — et, pour ce qui est du transport
adapté, il faut charger 10 $ à tout le monde. Or, il n'y a aucun calcul
qui a été fait à savoir si, par exemple, à Laval, ils chargeaient 1,50 $,
ça passe à 10 $ — ça, c'est l'augmentation de 650 % dont on
a parlé — à d'autres endroits, c'était 5 $, et chaque
établissement faisait son calcul. À partir, donc, du 1er janvier, ils ne
pouvaient plus le faire, ils devaient adopter uniformément 10 $ pour
chaque personne. Alors, évidemment, pour un aîné ou un handicapé qui se rend
deux fois par semaine à un centre de jour, ça voulait dire jusqu'à et davantage
que 1 000 $ par an de plus pour à la fois le repas et le transport
adapté.
Alors, c'est d'autant plus injuste que ces augmentations,
ce choc tarifaire majeur a été mis en vigueur le 1er janvier, quelques
jours après que le premier ministre Couillard ait déclaré que ça suffisait, les
augmentations de tarifs et que, maintenant, on allait s'en tenir à l'inflation.
Alors, il a dit ça, puis ce choc tarifaire est arrivé.
Alors, les associations, évidemment, depuis
le 1er janvier, ont vu l'impact que ça avait chez les utilisateurs des
centres de jour. À certains endroits, comme à l'Institut universitaire de
gériatrie de Montréal, ils ont dit : Bien, nous, on ne peut plus assumer
les transports. C'est nous qui les assumions, c'est terminé. Au CSSS Cavendish,
même chose, et ailleurs au Québec. Et ils ont constaté une baisse — qu'on
ne peut pas chiffrer — de nombre de gens qui se rendent dans les
centres de jour et donc qui utilisent ces services-là qui doivent leur
permettre de rester autonomes.
Alors donc, on a questionné le ministre
hier et aujourd'hui là-dessus, et aujourd'hui il nous a fait la surprise,
d'abord, de nous affirmer qu'il n'était pas au courant. Essentiellement, cette
circulaire avait été envoyée à son insu à l'automne dernier. Alors ça, c'est
une information intéressante que le superministre de la Santé ne savait même pas,
qu'il imposait un choc tarifaire important aux aînés et aux handicapés.
Et deuxièmement il nous a… il a changé
d'avis depuis hier en disant que, bon, il avait demandé à revenir à la
situation antérieure. Donc, ça, c'est-à-dire qu'il faut vérifier à partir de
maintenant si, dans les centres de jour partout au Québec, les augmentations de
tarifs pour les repas et pour le transport adapté est revenu à la situation
antérieure — ce qui est une excellente nouvelle pour les handicapés
et pour les aînés — est-ce que ça va être appliqué.
Mais évidemment les centres de jour vont
se retourner vers le ministère de la Santé pour dire : Est-ce que vous
allez nous donner les budgets équivalents? Parce qu'évidemment pourquoi est-ce
qu'ils ont augmenté la tarification? C'est parce que, par ailleurs, il y avait
des restrictions budgétaires. Et d'ailleurs, dans une lettre, l'Institut de
gériatrie de Montréal dit : Écoutez, nous, avec les coupes qu'on a eues,
nous n'avons plus aucune marge de manoeuvre. Alors, si on leur dit : Bien,
vous chargiez 10 $ ou vous chargiez 6,50 $ pour les repas, puis
maintenant vous revenez à 3,50 $, très bien, mais est-ce qu'ils vont être
compensés par le ministère de la Santé? C'est une question que je pose. Bon.
Alors, c'est une très bonne nouvelle,
cette annonce du ministère de la Santé, du ministre. On va voir si ça
s'applique dans la réalité dans les jours qui viennent, on va être très
attentifs. Mais aussi il a dit qu'il allait revoir cette tarification, et nous
réclamons que, s'il la revoit, bien, qu'il fasse comme pour les CHSLD, où, là
aussi, il avait dit que ça prenait des ajustements, là aussi il voulait faire
plus que l'inflation. Après avoir regardé ça, il a admis que l'inflation
suffirait, et puis, nous, de la même façon, on veut que cette logique-là
s'applique pour la tarification aux centres de jour, le retour à l'inflation.
Journaliste
: Le
ministre Barrette dit que la situation est causée par le rachat d'une société
de transport qui se retrouve en situation de monopole. Est-ce que vous êtes au
courant de cette situation? Est-ce que c'est quelque chose qui a été porté à
votre connaissance?
M. Lisée
: Alors, ça
n'a pas d'impact sur la tarification du coût des repas, évidemment, d'une part.
D'autre part, il est vrai que, jusqu'à maintenant, certains centres de jour
organisaient eux-mêmes leur transport adapté, donc l'assumaient complètement, et
là, maintenant qu'ils n'ont plus les moyens de l'assumer, ont décidé de le
remettre à des sociétés privées, qui, eux, ont imposé une augmentation
tarifaire très importante. Mais ce n'est pas directement lié, en fait c'est un
genre d'effet secondaire négatif aussi.
Ce que les centres de jour font, c'est
dire : Bon, ils utilisent des bénévoles, les gens prennent des taxis, mais
donc c'est la réduction du service de transport adapté, et que, donc, une des
autres avenues pour le transport adapté, effectivement, est devenue hors de
prix. La situation antérieure, c'est que les centres de jour s'organisaient et
chargeaient un tarif réduit.
M. Chouinard (Tommy)
:
Mais cette situation antérieure là, vous voulez dire que c'est antérieur à la
circulaire ou antérieur encore davantage?
M. Lisée
: Antérieur à
la circulaire. C'est-à-dire que la circulaire s'applique au 1er janvier,
et donc, normalement, pour les repas, c'était 3,50 $ le 31 décembre,
6,50 $ le 1er janvier. Donc, la situation antérieure, c'est
3,50 $ et, pour le transport adapté, bien, à certains endroits, ils
chargeaient 1,50 $ le 31 décembre, à certains endroits ils
chargeaient 5 $. Bien, normalement, si je comprends bien le ministre, on
devrait revenir à la situation antérieure, si tant est que le ministre donne
aux centres de jour les budgets nécessaires pour le faire.
M. Chouinard (Tommy)
:
Mais le transport adapté que les centres finançaient eux-mêmes sont abandonnés
en raison des coupes budgétaires. Donc, ils n'étaient pas en mesure d'assumer
le coût, donc… O.K., bien, je comprends.
Journaliste
: Et vous,
vous seriez à l'aise avec une augmentation équivalente à l'inflation?
M. Lisée
: Absolument.
Que ce soit équivalent à l'inflation, tout le monde accepte ça, il y a des
coûts qui augmentent. Évidemment, dans le cas des CHSLD, comme dans ce cas-là,
ils disent : Pendant plusieurs années, il n'y a pas eu d'augmentation.
C'est possible, mais ce n'est pas la faute des aînés, des handicapés de maintenant,
et on n'a pas à leur imposer un choc tarifaire parce que les gouvernements ont
jugé utile de ne pas augmenter ces tarifs-là pendant des années. S'ils ont jugé
utile de ne pas l'augmenter, c'était une décision politique qui a été prise à
ce moment-là. Et, si on juge utile de l'augmenter maintenant, bien, qu'on le
fasse selon l'inflation parce qu'il n'y a pas de raison d'imposer un choc
tarifaire à une population et pas à une autre.
Et en plus c'est l'engagement du premier
ministre. Ce qui est remarquable là-dedans, c'est que le premier ministre prend
un engagement début décembre, et que, dans l'administration publique, personne
ne se dit : Oups! Nous, on a une circulaire dans le réseau, là, qui va
contredire le premier ministre, on devrait peut-être la retirer. Mais non,
c'est comme si la parole du premier ministre n'a pas d'impact sur ce qui est en
train de se faire dans les réseaux.
M. Caron (Régys)
: Est-ce
n'est pas parce que le réseau a besoin de plus d'argent que le ministre veut
bien le dire?
M. Lisée
: Ou que le premier
ministre veut bien le dire, hein, tout à fait. C'est certain que... Là, tu as
le Conseil du trésor, qui dit : Vous avez des compressions importantes à
assumer en Santé, 1,4 % d'augmentation cette année. Le candidat Philippe
Couillard avait dit que c'était irréaliste de n'avoir qu'une augmentation de
4 % — c'est ce que proposait le Parti québécois — il
disait : C'est irréaliste. Si c'était irréaliste pour l'ancien ministre de
la Santé, chef du Parti libéral, c'est irréaliste aujourd'hui.
Alors, c'est sûr qu'il y a des
compressions très importantes qui sont demandées, mais, en même temps, on a le
premier ministre, qui dit : Plus de choc tarifaire. Bien là, il y a un
moment où il faut que leurs promesses soient tenues, et certainement pas sur le
dos des aînés puis des handicapés. Ils ont fait un choix politique aussi de
consentir cette année 210 millions de dollars d'augmentation aux médecins
spécialistes. Ça, c'est un choix politique qu'ils ont fait, alors qu'ils
l'assument. Mais on ne peut pas avoir un premier ministre qui dit : C'est
fini, les chocs tarifaires, et, quelques jours plus tard, avoir un choc
tarifaire de 87 % à 600 %.
M. Caron (Régys)
:
Mais, quand le ministre recule comme ça, il se prive d'argent. Est-ce qu'il ne
va pas... Est-ce qu'il ne risque pas de prendre l'argent ailleurs?
M. Lisée
: Bien, qu'il
dise au premier ministre : Vous avez pris un engagement, donnez-moi les
ressources nécessaires pour le réaliser, cet engagement-là.
M. Robillard (Alexandre)
:
M. Lisée, est-ce que votre éclairage est...
M. Lisée
: Il est
singulier.
M. Robillard (Alexandre)
:
...à ce point singulier que vous deviez vous retirer de la commission
parlementaire qui doit étudier le rapport du Commissaire à l'éthique?
M. Lisée
: C'est une
question d'équipe. Un parti politique, c'est indispensable pour réaliser un
certain nombre de choses. Et c'est une démocratie, et il y a des moments où la
parole est très libre — une course au leadership, c'est ce
moment-là — puis il y a un moment où quelqu'un est élu chef, et à ce
moment-là on joue l'équipe puis on travaille sur... J'ai dit «la convergence»,
ça fait sourire les gens. Le mot existait dans le dictionnaire avant qu'il soit
utilisé dans les médias. Mais effectivement, dans une équipe de forte tête, des
gens qui ont des idées, des propositions et qui décident de travailler en
équipe pour faire avancer des objectifs communs, bien, il y a des situations où
on ne fait pas exprès pour être en porte-à-faux. C'est tout simplement ça.
M. Robillard (Alexandre)
:
Êtes-vous le seul à avoir cette opinion-là? Singulier, c'est ce que ça veut
dire, ça veut dire que vous êtes seul.
M. Lisée
: Ça veut dire
original, original.
M. Robillard (Alexandre)
:
Bien, il y a eu... On faisait référence, là, à votre position concernant la
propriété des médias de M. Péladeau. Êtes-vous le seul à vous en
préoccuper au sein du caucus? Quand on parle d'un éclairage singulier, êtes-vous
le seul à jeter ce regard-là dessus?
M. Lisée
: Le débat a
eu lieu pendant la course au leadership, et Pierre Karl a eu une victoire
convaincante, et donc c'est sa position qui prévaut, et moi, j'accepte ça, tout
simplement. Alors, je n'ai pas à… Je comprends que ça serait beaucoup plus
divertissant pour nous, avec les journalistes, qu'on continue ce débat-là,
mais, puisque je veux que le parti politique auquel j'adhère puisse…
M. Robillard (Alexandre)
:
Sur le fond, vous maintenez votre dissidence, vous dites : Je ne veux pas
me dédire. Ça veut dire que vous maintenez votre position.
M. Lisée
: Moi, je…
c'est… Les gens savent ce que j'ai dit. Je n'ai pas l'intention de faire
semblant, tu sais, je ne veux pas être en situation de faire semblant puis je
veux être en situation d'aider et de ne pas nuire. Alors, la meilleure chose…
M. Robillard (Alexandre)
:
Vous maintenez que ça constitue un risque.
M. Lisée
: C'est
certainement un enjeu, mais j'accepte le fait que la position de Pierre Karl a
été validée par l'élection. Je suis un membre de l'équipe et je ne veux pas
nuire, je veux aider, alors…
M. Bélair-Cirino (Marco) : …où
la parole est libre dans un parti politique, donc là, en ce moment, on comprend
qu'elle ne l'est plus, là. M. Tanguay, tout à l'heure, disait que vous
aviez été muselé. Il a raison.
M. Lisée
: C'est un
choix… Non, j'ai été… Il y a eu une élection, et je travaille pour l'équipe et
je veux qu'énormément des idées que je partage avec Pierre Karl et les autres
membres de l'équipe — la nation québécoise, la langue,
l'indépendance — que ces idées-là progressent et soient victorieuses.
Et j'ai eu le moment où j'ai fait le débat, je l'ai fait, vous m'avez entendu.
Le débat, maintenant, est terminé, on s'en va à une autre étape. On aura des
discussions, évidemment, en caucus ou en privé sur un certain nombre de
questions, et, pour le reste, un parti politique, c'est une équipe. Alors,
c'est un choix à faire. Si on n'est pas capable de faire ce choix-là, on fait
autre chose, mais moi, je crois en ce parti-là, je crois en cette équipe-là, et
donc je…
Journaliste
: Il y a
des gens qui vous ont influencé dans cette…
M. Chouinard (Tommy) : Est-ce
que c'est une décision strictement personnelle?
M. Lisée
: Absolument.
Oui, oui, non, mais je savais depuis le début…
M. Chouinard (Tommy) : Donc,
il n'était pas venu un moment où une pression était exercée sur vous?
M. Lisée
: Aucune,
aucune, non, non. Moi… non, non. Moi, je trouve ça normal, je trouve ça normal,
et ne pas faire semblant, ne pas nuire et travailler sur les points d'accord,
je trouve que c'est la meilleure façon de travailler en équipe.
La Modératrice
: En anglais.
Mme Plante (Caroline)
: Had it become too uncomfortable to be a dissident
voice?
M. Lisée
:
No, I enjoy it very much! No, but, you know, this is a team, OK? When you have
a leadership race, that's the time where you can voice a number of dissentions,
and, when the vote is taken, well, the majority wins, you're in the team, you
want the team to win, you want the ideas that you share with the team to be
victorious and you get on with the program. We have spaces where we can have
these discussions, within caucus or in meetings with the leader, and I'll keep
on being a singular voice. But, you know, I'm a team player, and this is the
time to be within the team.
Mme Plante (Caroline)
:
You said in French that it's a shame that you won't be able to be as
entertaining…
M. Lisée
:
Well, I know… I know that…
Mme Plante (Caroline)
:
…but isn't it an important question? Mr. Péladeau's double role, isn't it
an important question that we should take seriously?
M. Lisée
: Well, it is an issue that he takes it hard because he proposes a
number of steps. And I feel that his proposals have been validated by the vote
of the PQ members. And I care deeply about the PQ, and its aims, and the team,
and so… I'm not that stubborn that to think that I should not play with the
team, but I'm not that dumb that I'll pretend that I changed my mind.
Mme Plante (Caroline)
: But can you speak freely on the matter or are you being muzzled?
M. Lisée
: I'm part of a team, and the organization of the team makes it more
cohesive if you… Once the debate is over, you stress the points on which you
agree and you don't stress the points on which you disagree.
Mme Plante (Caroline)
: Doesn't that feed Quebeckers' cynicism, though?
M. Lisée
: That's how parties work, you know.
Mme Plante (Caroline)
: We keep hearing you politicians say, you know : We have to
fight against cynicism. But couldn't that kind of attitude feed cynicism?
M. Lisée
: Well, both… Well, we have… It's a complicated discussion because,
even during the space of open discussion which is a leadership race, I was not
the only one to say things differently than what had been the case during the
Marois Government. And some,
including the media, said : Well, he shouldn't have said… he shouldn't
have contradicted what the Government had said. So, it's not an easy thing to say, but I think the
principle is clear : once you're in a race, you know — and in all parties — you go on with your positions.
Once the race is over, you're part of the team. If you don't agree on something
fundamental, you decide to get
out of the team. That's not my case. My case is that the number of areas on
which I agree with our leader, Pierre Karl Péladeau,
and others is so much greater than the points of disagreement that I want to be
a positive force. It doesn't mean that I'll try to convince you that I changed
my mind on some of these issues. It's just my mind is made on the necessity of
the team being cohesive and so I will not play… I will not be as entertaining
as you'd like me to be. OK? Merci.
(Fin à 11 h 44)