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Conférence de presse de M. Jean-Marc Fournier, ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes et de la Francophonie canadienne

Publication d'un rapport réalisé au sujet du financement de la Société Radio-Canada

Version finale

Thursday, May 21, 2015, 13 h 15

Salle Evelyn-Dumas (1.30), édifice Pamphile-Le May

(Treize heures quinze minutes)

M. Fournier : Alors, merci beaucoup, tous et toutes, d'être avec nous, évidemment autant pour les journalistes qui nous accompagnent en personne devant nous, ainsi que ceux qui ont le bénéfice de la caméra qui nous suit et donc va faire la captation de cette conférence de presse sur le sort de Radio-Canada.

J'ai le plaisir d'accueillir aujourd'hui à l'Assemblée nationale ma collègue et, depuis le temps qu'on se voit, je pense qu'on peut même se permettre de dire mon amie, Madeleine Meilleur, qui est la Procureure générale et ministre déléguée aux Affaires francophones du gouvernement de l'Ontario, pour vous présenter les résultats de notre démarche commune de la dernière année concernant notre radiodiffuseur public national, Radio-Canada.

Nos provinces, le Québec et l'Ontario, partagent 400 d'histoire francophone commune, depuis la fondation de la ville de Québec en 1608 et les voyages de Champlain en Ontario en 1615. Nous avons développé des liens solides ainsi qu'une étroite collaboration et nous avons coopéré dans différents dossiers, et la dernière année, certainement, témoigne d'ailleurs explicitement de cette collaboration.

C'est dans cet esprit de collaboration que nous nous engagions, le 20 octobre dernier, Madeleine et moi, à unir nos efforts afin de mettre de l'avant des solutions concrètes qui pourront insuffler à Radio-Canada les moyens de remplir sa mission envers les communautés francophones et acadiennes du Canada. Cet engagement a été réitéré lors de la signature, le 21 novembre de l'an dernier, d'une déclaration portant sur la francophonie canadienne dans laquelle le Québec et l'Ontario identifiaient Radio-Canada comme l'un des enjeux déterminants pour la pérennité du fait français au Canada.

Dans le cadre de cette démarche conjointe, nous avons rencontré le Commissaire aux langues officielles du Canada, M. Fraser, différents groupes syndicaux, dont le groupe Tous les amis de Radio-Canada et le P.D.G. de Radio-Canada, M. Hubert Lacroix, ainsi que certains cadres qui l'accompagnaient, rencontre d'ailleurs à laquelle a participé notre collègue du Nouveau-Brunswick, Mme Francine Landry. Finalement, nous avons rencontré les sénatrices Chaput et Tardif, membres du Comité sénatorial permanent des langues officielles, lequel produisait d'ailleurs un rapport en avril 2014 sur les obligations linguistiques de CBC Radio-Canada.

Radio-Canada est au coeur de l'identité des Québécois, des Franco-Ontariens et des communautés francophones du Canada. Je sais que Madeleine en parlera d'ailleurs plus longuement tantôt. Mentionnons au passage qu'en 2015 Radio-Canada était identifiée dans le top 10 des entreprises les plus admirées par les Québécois et se place ainsi, encore à ce jour, au sommet de leur estime. Selon la Loi sur la radiodiffusion, la société doit offrir des services de radio et de télévision qui comportent une très large programmation qui renseigne, éclaire et divertit. Toujours en vertu de cette loi, la programmation de la société doit refléter la globalité canadienne et rendre compte, et j'insiste là-dessus, de la diversité régionale du pays, tant au plan national qu'au niveau régional, tout en répondant aux besoins particuliers des régions, et ce, dans les deux langues officielles du Canada.

Tout gouvernement doit faire des efforts, fournir des efforts afin d'assurer un équilibre budgétaire, tous en conviennent, mais, lorsqu'il le fait, il doit considérer les conséquences de ses choix et les missions fondamentales d'existence de certaines de ses organisations; dans le cas de Radio-Canada particulièrement, s'assurer du respect de la mission de Radio-Canada prévue dans sa loi. Il doit aussi considérer l'état des lieux, le contexte dans lequel ses décisions s'inscriront, et, pour Radio-Canada, le contexte qui se dessine à présent est critique.

En 2015, il nous semble évident qu'en raison de sa situation financière Radio-Canada n'est plus en mesure de remplir sa mission. Il incombe au gouvernement fédéral de soutenir la société dans la réalisation de son mandat découlant de la Loi sur la radiodiffusion, et, pour ce faire, celui-ci doit donc prendre des mesures concrètes et stables.

Entre mars 2009 et avril 2014, plus de 2 100 postes ont été coupés à CBC, SRC. Le plan stratégique quinquennal, Un espace pour tous, rendu public par la société le 26 juin 2014, annonçait une réduction d'effectifs de 1 000 à 1 500 employés de plus d'ici 2020. Depuis, 636 de ces postes ont d'ailleurs été coupés. Depuis 2009, 1 113 postes coupés étaient dans les services en français. De ce nombre, 535 ont été supprimés durant la dernière année seulement, dont plus d'une centaine dans les stations régionales desservant les communautés francophones et acadiennes, et, encore une fois, connaissant Madeleine, je sais qu'elle nous parlera de certaines de ces stations. Les bulletins d'information régionaux de 18 heures sont passés de 60 minutes à 30 minutes en Ontario, dans l'Ouest canadien et dans certaines régions du Québec.

Avant de passer à la présentation du rapport, j'invite maintenant ma collègue Madeleine Meilleur à vous parler davantage de l'impact des compressions sur les communautés francophones et acadiennes à travers le pays, et, par la suite, M. Houle fera une présentation sommaire du rapport que nous rendons public aujourd'hui. Madeleine.

Mme Meilleur (Madeleine) : Merci beaucoup à mon homologue, et moi, je le dis, mon ami Jean-Marc, le ministre Jean-Marc Fournier, pour son accueil chaleureux aujourd'hui et toujours.

C'est toujours un plaisir pour moi de collaborer avec vous, particulièrement sur le dossier de Radio-Canada. La relation entre l'Ontario et le Québec remonte à plus d'un siècle, à l'union du Haut-Canada et du Bas-Canada, et nous nous rassemblons encore aujourd'hui pour nous battre pour une institution qui a, à son tour, contribué au partage d'une conscience et d'une identité nationale. Je tiens aussi à vous remercier, M. Houle, pour votre rapport qui porte un regard détaillé sur le rôle et les défis de la Société Radio-Canada dans cette période de transformation de l'écosystème médiatique. Votre étude sur le financement de la Société Radio-Canada nous donne l'heure juste des défis budgétaires auxquels est confronté notre diffuseur public.

La Société Radio-Canada est un service public essentiel et incontournable. Elle demeure encore aujourd'hui le média le plus rassembleur qu'on puisse trouver chez les communautés francophones en milieu minoritaire. C'est la radio, la télévision et le média numérique le plus important pour tisser les liens entre francophones et francophiles partout au Canada comme en Ontario qui, je vous le rappelle, forme la plus grande communauté francophone au Canada hors Québec.

Radio-Canada est un espace privilégié pour les francophones de l'ensemble du Canada qui veulent se donner une voix proche de leur vécu, de leurs défis sociaux et de leur développement identitaire. Le plein épanouissement de la francophonie canadienne repose sur la capacité de notre seul diffuseur public national à combler son mandat légal de représenter l'ensemble des communautés francophones au pays. Il va sans dire que les vagues de compressions financières ont eu un impact destructeur sur les services de langue française et sur l'environnement de travail des artisans de Radio-Canada en Ontario, au Québec et partout au pays.

Le rapport rendu public aujourd'hui démontre qu'il est grand temps qu'on se rallie afin que Radio-Canada soit au coeur des priorités du gouvernement actuel et obtienne les ressources financières et humaines qui lui permettront de remplir pleinement son mandat. Nous cherchons non seulement à sauver notre société d'État, mais aussi à lui donner les outils nécessaires afin qu'elle remplisse pleinement son mandat qui est si déterminant pour l'identité canadienne et l'unité de notre pays.

Les recommandations retenues par nos gouvernements viennent à l'appui de cette vision pour la Société Radio-Canada, que ce soit de ramener les crédits parlementaires au niveau où ils l'étaient en 2008‑2009 et les indexer annuellement, d'instaurer du financement à l'appui de la programmation locale, d'octroyer une marge de crédit à long terme et même d'assurer que les services spécialisés de Radio-Canada soient accessibles à tous les Canadiens. Ces recommandations appuient notre vision pour une société d'État rassembleuse qui répond aux attentes des Canadiens et des Canadiennes. Merci.

M. Fournier : Merci beaucoup, Madeleine. Passons maintenant à l'auteur du rapport qui nous a renseignés sur beaucoup des éléments qui concernent Radio-Canada. Je vous présente M. Michel Houle.

M. Houle oeuvre dans le secteur des industries culturelles depuis une quarantaine d'années. Boursier du Conseil des arts du Canada, conseiller du ministre des Affaires culturelles à l'occasion de l'adoption de la Loi sur le cinéma en 1983, il fut également directeur général adjoint de la Société générale du cinéma. Depuis 1995, il oeuvre principalement comme consultant dans le secteur des industries culturelles et des communications. À ce titre, il a publié de nombreuses études sur la production, la distribution et l'exploitation cinématographiques, sur la production télévisuelle et le système de radiodiffusion canadien.

Je pourrais continuer encore. J'en ai coupé quelques bouts, excusez-moi, mais je vais permettre à M. Houle de nous présenter maintenant son rapport. À vous, M. Houle.

M. Houle (Michel) : Merci beaucoup. Donc, l'étude qui vous est présentée ce matin poursuivait deux objectifs : d'une part, faire un descriptif de la situation financière de Radio-Canada et de son évolution dans le temps, c'est-à-dire, d'une part, une évolution à long terme, c'est-à-dire au cours des 25 dernières années et, de façon plus précise dans l'analyse, au cours des 10 dernières années; et la deuxième partie de l'étude visait à proposer des moyens qui permettraient à Radio-Canada de mieux remplir son mandat de diffuseur public national, notamment auprès des communautés francophones et acadiennes, étant donné que la première partie concluait que sa situation financière actuelle compromettait sa capacité de remplir cette mission-là qui lui est conférée par la loi, comme l'a dit M. Fournier.

Alors, en ce qui a trait à la période de 25 ans, on constate qu'entre 1991 et 2014 le financement public de la société n'a augmenté que de 0,48 % pour être précis, sur 25 ans, c'est très peu, alors que, pendant la même période, l'indice des prix à la consommation augmentait de 51 % et les dépenses gouvernementales au titre des programmes du gouvernement fédéral augmentaient de 74 %. Donc, il va sans dire que la part qu'occupent les allocations parlementaires à Radio-Canada en pourcentage des dépenses publiques ne cesse de diminuer avec le temps, est passée de 0,69 % en 1991 à 0,39 % en 2014. Donc, il y a une diminution constante durant toute la période par rapport aussi bien à l'inflation qu'aux autres dépenses publiques des sommes qui sont allouées à Radio-Canada.

Si on regarde plus attentivement la période des 10 dernières années, c'est-à-dire en comparant les cinq dernières avec les cinq précédentes, on s'aperçoit que le cycle… il y a un cycle clair de compressions qui s'amorce à 2010 jusqu'à aujourd'hui, jusqu'à 2015 inclus, qui entraîne une perte importante de financement public de Radio-Canada. Et on constate aussi que, du financement public direct, c'est-à-dire des sommes que lui verse le gouvernement fédéral, mais on constate qu'en même temps, ce que j'appelle le financement public indirect, c'est-à-dire la capacité de Radio-Canada d'aller chercher à partir d'autres programmes fédéraux, les ressources diminuent également.

On peut penser que, pendant cette période-là, le CRTC, qui avait créé un fonds d'aide à la production locale pour les émissions en 2009, a décidé de le diminuer puis ensuite de l'abolir à compter de septembre 2014. Donc, seulement à ce titre, Radio-Canada perd 40 à 50 millions par année qui étaient spécifiquement dédiés à la programmation locale. En plus, dans les coupures du gouvernement fédéral, il y a eu coupure d'une subvention annuelle spéciale qui existait depuis le début des années 2000, de 60 millions de dollars par année pour l'amélioration de la programmation générale de la société. Donc, la part combinée des deux, c'est 100 millions par année dédiés à la programmation qui a disparu au cours des cinq dernières années.

Alors, ça compromet la capacité de Radio-Canada d'aller chercher, par exemple, de l'argent au Fonds des médias du Canada puisque la moindre source pour financer les programmations qui sont supportées par ce fonds-là... d'autant que, pendant la même période, les diffuseurs du secteur privé, il y a eu énormément de transactions très importantes, qui ont généré 600 millions de dollars en avantages tangibles dans le secteur privé, qui sont pour la plupart utilisés pour dépenser en émissions canadiennes, au-delà des engagements des diffuseurs qui étaient inscrits dans leurs conditions existantes. Donc, la part a diminué. Donc, brièvement, il y a une diminution très importante du financement public.

Si on regarde maintenant du côté des revenus, on s'aperçoit que Radio-Canada s'est assez bien débrouillée au niveau des revenus autonomes, qui ont augmenté globalement de 18 % entre les cinq dernières années et les cinq années précédentes. Alors, tous les types de revenus, que ce soient ceux de publicité, ceux de services spécialisés, ceux de location d'équipement et de locaux, etc., ont tous augmenté, et la moyenne est 18 %. Donc, le problème n'est pas au niveau de la capacité de Radio-Canada de générer de nouveaux revenus, mais au niveau de la perte du financement public direct et indirect.

Compte tenu de ce constat, j'ai fait des recommandations, dont certaines ont été rapportées déjà. L'objectif était d'analyser toutes les options qui ont déjà été soumises ou qui découlaient de l'analyse pour permettre d'améliorer le financement de Radio-Canada, d'une part, de façon globale pour l'ensemble, ou de façon ciblée, particulièrement sur la programmation locale et régionale, qui a été celle qui a le plus souffert des coupures des dernières années puisque, proportionnellement parlant, la baisse a été beaucoup plus accentuée dans les régions que la programmation réseau par exemple. La programmation régionale a diminué de 12 %, alors que la programmation réseau a diminué de 1 %. Les employés, c'est un peu la même chose, la distribution des pertes d'emploi, si on veut, ont été beaucoup plus accentuées dans les régions que là où sont les têtes de réseau.

Alors, ça crée une situation particulière que Mme Meilleur a décrite au niveau du service aux communautés, et donc j'ai fait un ensemble... analysé un ensemble d'options dont certaines peuvent être mises en oeuvre parallèlement ou alternativement, de façon complémentaire, qui ont été soumises et parmi lesquelles les deux gouvernements, du Québec et de l'Ontario, ont privilégié un certain nombre qu'ils vous ont transmis aujourd'hui. Alors, voilà, pour l'essentiel.

M. Fournier : Merci, M. Houle. Je suis sûr qu'on pourra répondre à quelques questions tantôt. Avant de conclure, permettez-moi de saluer Mme Marie-France Kenny, la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne, qui est avec nous.

Je tenterai donc de résumer. Le rapport nous permet de constater qu'entre 1990 et 2014, comme vous l'avez dit, M. Houle, les crédits parlementaires de la SRC ont augmenté d'un peu moins de 0,5 %, alors que les dépenses gouvernementales augmentaient, elles, fédérales, augmentaient, elles, de 74 %, et l'indice des prix à la consommation de 51 %. La solution de Radio-Canada n'est pas dans la poche des Canadiens, elle est dans la poche du gouvernement.

Contrairement aux crédits parlementaires, qui ne progressent que très légèrement entre 2005‑2009 et 2010‑2014, soit 1,4 %, les revenus autonomes de la société, vous l'avez dit, augmentent d'un peu plus de 18 %. L'IPC, durant la même période, est de 9 %. Autrement dit, les revenus de publicité, parlons de ça parce que c'est l'essentiel des autres revenus, ont augmenté de deux fois l'IPC, alors que, lorsqu'on regarde les crédits parlementaires offerts, évidemment ils sont à des années-lumière de l'indice des prix à la consommation. Évidemment, vous avez parlé aussi de l'abolition du fonds d'aide à la production locale et des impacts, vous avez parlé des sommes d'argent. Le constat s'impose, le problème est bel et bien au niveau des crédits budgétaires de la société qui, rappelons-le, sont à l'entière disposition du gouvernement fédéral et ne peut être imputable à une carence par la société à faire progresser ses revenus autonomes.

Nous proposons donc, et c'est essentiellement ce que nous voulons dire aujourd'hui, l'Ontario et le Québec, mais c'est aussi ce que nous allons dire lundi prochain à Ottawa Madeleine et moi allons nous présenter devant les caucus fédéraux qui ont accepté notre souhait de les rencontrer. Nous allons donc rencontrer, lundi, le caucus du NPD et le caucus du Parti libéral du Canada, et je crois que le Parti conservateur n'a pas été disponible. Peut-être... C'est Madeleine qui a fait les approches. Elle pourra nous dire leur réaction à eux, mais disons que c'est les deux que nous allons rencontrer lundi prochain. Nous allons donc leur proposer non seulement un rapport, mais aussi les solutions que nous privilégions, tirées de ce rapport.

Premièrement, rehausser graduellement, sur une période de trois ans, les crédits parlementaires de Radio-Canada au niveau où ils étaient en 2008‑2009. Les crédits atteindront alors 1 170 800 000 $, ce qui représente une augmentation de 150 millions par rapport aux crédits actuels de la société. Parenthèse : en allant rejoindre les crédits de 2008‑2009, ce 150 millions sur trois ans à injecter, Radio-Canada va se retrouver dans la situation, en termes absolus, là, des crédits qu'il avait en 1994. On ne peut pas appeler ça un luxe.

Une fois ce niveau atteint, nous demandons de maintenir ce niveau et d'indexer annuellement le montant des crédits budgétaires en fonction de l'indice des prix à la consommation, et ce, pendant les cinq années suivantes.

Troisièmement, d'instaurer une subvention annuelle de 35 millions au-delà des crédits parlementaires de base, pour une période de cinq ans afin de renforcer la programmation locale des stations de radio et de télévision hors des marchés métropolitains. Ce montant qui y serait dédié vise à pallier à la perte financière occasionnée par l'élimination totale du Fonds pour l'amélioration de la programmation locale, comme M. Houle nous l'a dit tantôt, qui a été abandonné en août dernier.

Quatrièmement, convertir la capacité d'emprunt de la Société Radio-Canada, qui est actuellement de 220 millions, de la convertir en marge de crédit à long terme, d'environ 300 millions, à peu près dans les mêmes sommes, mais en marge de crédit à long terme, afin qu'elle puisse déployer des initiatives multiplateformes et accroître sa présence dans l'univers de la télévision spécialisée sans qu'il n'y ait d'incidence sur la qualité et la quantité de la production de contenus. Je fais une parenthèse pour rappeler que Radio-Canada dit qu'il doit aller multiplateformes, tout le monde le reconnaît, mais nous plaidons, et c'est ce qu'on avait d'ailleurs discuté avec M. Lacroix, qu'il ne faut pas prendre l'argent du contenu pour le mettre sur le contenant. Il faut s'assurer d'un très bon contenu pour un très bon contenant et il doit donc y avoir une capacité financière de Radio-Canada de supporter la transition vers les plateformes multiples sans que cela vienne des budgets qui sont normalement dévolus à la qualité du contenu.

Cinquièmement, faire en sorte que les services spécialisés en propriété exclusive de Radio-Canada soient accessibles à tous les Canadiens. Pour ce faire, le gouvernement pourrait, par décret, exiger du CRTC que ces services fassent partie de la distribution numérique dans les deux marchés linguistiques au Canada, ce qui forcerait les entreprises de radiodiffusion à les inclure dans leur offre aux consommateurs. Rappelons qu'à compter de septembre 2018 les entreprises de distribution et de radiodiffusion pourront faire le choix de ne pas distribuer ces services, tel qu'il appert dans la politique réglementaire de radiodiffusion du CRTC annoncée en mars dernier. Je précise ici qu'il ne s'agit pas de forcer les gens à avoir ces services, mais de forcer l'offre pour que les gens puissent avoir le choix.

Nous demandons donc aux acteurs fédéraux de prendre acte de ce rapport et de mettre les moyens en place afin d'améliorer la situation financière de Radio-Canada. Pour nous, le fait français est l'une des caractéristiques fondamentales de l'identité canadienne. C'est en préservant des piliers de notre héritage francophone comme Radio-Canada que l'existence de l'un des peuples fondateurs du Canada pourra perdurer et s'épanouir. À l'aube des élections fédérales, les partis politiques seront-ils au diapason des Québécois, des Ontariens, des communautés francophones du Canada, des Acadiens? Reconnaîtront-ils aussi que Radio-Canada est un enjeu national pour la pérennité de la langue française? Pour nous, la création d'un diffuseur public national ayant l'obligation d'informer en anglais et en français est l'expression d'un pacte fédératif des deux nations fondatrices du Canada. Notre démarche conjointe dans le dossier du Radio-Canada est un exemple éloquent de la collaboration, de la solidarité entre le Québec et l'Ontario, qui continueront de renforcer ce pacte fédératif les unissant déjà.

Je tiens à remercier M. Houle, Mme Meilleur du travail que nous faisons ensemble, et nous sommes évidemment prêts à prendre vos questions à ce moment même. Nous n'avons pas de modérateur, je le serai. M. Caron.

M. Caron (Régys) : Ma question s'adresse à M. Houle. Bon, on parle d'une diminution qui s'est échelonnée sur 25 ans. Est-ce qu'il y a eu des… Est-ce que c'est linéaire, cette diminution-là, ou s'il y a eu des moments où ça a été pire que d'autres?

M. Houle (Michel) : Oui. Il y a eu, en fait, deux cycles de diminution significative du financement public de Radio-Canada CBC. Le premier, comme je le disais tantôt, de 1995 à 2000, et le deuxième actuellement, de 2010 à 2015. Ce qui distingue, je dirais, les deux cycles, c'est que, pour la période 1995‑2000, le financement public direct a diminué, mais c'est la période où, en parallèle, on instituait de nouvelles sources de financement public indirect très importantes.

Je rappelle que c'est en 1994‑1995, justement, que le CRTC a institué ce qui est aujourd'hui le Fonds des médias, qui s'est appelé le fonds des câblos, le fonds canadien de télévision, etc., qui a injecté des ressources importantes au financement des émissions qui étaient destinées à Radio-Canada. Et à l'époque il faut se rappeler qu'au milieu des années 90 il y avait très peu de services spécialisés, et donc, essentiellement, les ressources du fonds, à l'époque, allaient aux diffuseurs conventionnels, et comme Radio-Canada avait une présence d'émissions canadiennes beaucoup plus forte que les privées, elle accaparait minimalement 50 % du fonds et parfois plus. Donc, en même temps que le financement direct diminuait, ce financement indirect augmentait. C'est aussi en 1995 que le gouvernement fédéral a emboîté le pas au Québec et créé un programme de crédit d'impôt remboursable pour la production cinématographique et télévisuelle. Ça aussi, ça permettait d'alléger le coût, pour Radio-Canada, des émissions qui arrivaient du secteur indépendant.

Alors, il y avait deux mouvements contradictoires, si on veut. Ce qui est caractéristique de la situation actuelle, c'est que tous les éléments de financement public, directs et indirects, diminuent en même temps que la subvention de base, la subvention spéciale de 60 millions qui est disparue, le Fonds d'amélioration de la production locale qui a diminué et les ressources que Radio-Canada va chercher au Fonds des médias.

M. Caron (Régys) : Croyez-vous que la francophonie canadienne est davantage pénalisée par ces coupes-là plutôt que comparativement à la population anglophone?

M. Houle (Michel) : Je pense que la population francophone, particulièrement en région, mais je pense que c'est vrai aussi pour les anglophones en région. Je dirais que la programmation régionale, locale et régionale, hors des grands centres, hors de Montréal et de Toronto, est pénalisée, enfin, c'est ce qu'indique clairement l'analyse des données. Comme je l'ai dit tantôt, que ce soit en termes de personnel, que ce soit en termes de dépenses de programmation, les baisses sont beaucoup plus accentuées dans les stations locales et régionales que pour la programmation réseau, par exemple.

M. Caron (Régys) : C'est une diffusion du diffuseur, par exemple, j'imagine.

M. Houle (Michel) : Ça, c'est une diffusion… oui, c'est une décision… c'est la haute direction de Radio-Canada et le conseil d'administration qui décident de la répartition des crédits entre centre et régions, entre français, anglais, télévision, radio, etc.

Mme Meilleur (Madeleine) : Mais moi, j'aimerais ajouter…

M. Fournier : Allez-y, Madeleine.

Mme Meilleur (Madeleine) : En fait, en milieu minoritaire, les francophones en milieu minoritaire, non seulement en Ontario, mais dans le reste du Canada, sont pénalisés parce que c'est le seul filet d'information en français que les communautés francophones en milieu minoritaire ont. Alors, s'ils ne sont pas financés à la hauteur qu'ils devraient, alors, bon, on coupe, par exemple, les nouvelles, là, le soir, d'une heure à 30 minutes, alors 30 minutes par jour, et ça prend aussi du contenu. Alors, si on n'a pas les journalistes en place, bien, on entend, bon, les problèmes qu'il y a sur le pont Champlain, la congestion urbaine sur le pont Champlain, pour emprunter l'exemple de mon ami ici.

Alors, ça n'intéresse pas les francophones de Sarnia, par exemple. Ils veulent s'entendre, ils veulent se voir. Et un bon exemple de ça, c'est… il y a quelques années, on a coupé un poste à Radio-Canada à Windsor, qui était… Bon. Alors là, on avait seulement qu'une petite demi-heure le matin, on n'avait plus rien de la région. Alors, si on ne s'entend pas, si on ne se voit pas, si on ne parle pas de nous, alors on va syntoniser un autre poste, et c'est souvent... Bien, ils n'ont pas d'autres choix que d'aller vers le côté anglophone. Alors, la survie pour la communauté francophone en milieu minoritaire, c'est Radio-Canada.

Alors, juste pour vous donner un exemple, alors il y a une jeune professeure qui venait d'une famille exogame, et sa mère était anglophone, son père francophone, alors elle est allée à l'école française puis, pour maintenir son français, elle écoutait Radio-Canada. Alors, pour elle, Radio-Canada était très important. Alors, elle est montée aux barricades contre Radio-Canada, et le CRTC vient de lui donner raison et ont obligé... le CRTC, lorsque Radio-Canada ont demandé un renouvellement de leur licence, ont exigé qu'il redonne le poste qu'ils avaient coupé et aussi le nombre d'heures qui... Donc, Radio-Canada parlait de la région de Windsor, alors on est revenus à ce qu'on avait auparavant. Mais tout...

Windsor, c'est un exemple. On l'a vu à Moncton aussi quand il y a eu la tuerie à Moncton. Alors, l'ombudsman de Radio-Canada a sévèrement critiqué RDI parce que les gens se sont réveillés le lendemain matin, alors la... C'était la panique totale, on ne pouvait plus sortir de notre maison, mais les francophones n'avaient pas eu cette information-là, alors… Et ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'ombudsman de Radio-Canada, qui a critiqué sévèrement Radio-Canada et RDI.

Alors, oui, on peut critiquer le journaliste, mais il faut encore leur donner les outils pour qu'ils puissent parler de la situation. Alors, c'est deux exemples. Je pourrais vous en donner d'autres. Il y a des francophones partout au Canada. On a les réunions des ministres de la Francophonie, il y a un grand pourcentage de francophones au Yukon, par exemple, et eux ont besoin de Radio-Canada pour maintenir l'information qu'ils ont besoin.

M. Fournier : Peut-être, si vous me permettez, juste pour un autre élément sur la question de l'égalité entre les réseaux anglais et français, il y a... La réponse se donne aussi par le filet qui est vraiment bien différent dans le réseau anglais, mais l'autre élément, c'est que la proportion de francophones est moindre au Canada. Donc, proportionnellement, la francophonie a eu plus de mal puisque les compressions sont à peu près égales entre le service français et anglais. Donc, conséquemment, le fardeau chez les francophones est beaucoup plus grand. Si vous êtes 25 % de la population, mais que c'est 50 % de l'impact chez les francophones et 50 % chez les anglophones, bien, forcément, vous voyez bien qu'en termes d'impact il est plus grand chez les francophones.

M. Caron (Régys) : ...

M. Fournier : Pardon?

M. Caron (Régys) : Les dommages sont plus importants chez...

M. Fournier : Bien, évidemment, puisque c'est 25 % qui subit 50 % des coupures.

Mme Meilleur (Madeleine) : Sudbury, on a coupé huit postes à Sudbury. Sudbury couvre tout le nord de l'Ontario. Alors, lors de l'écrasement du toit du centre d'achats d'Elliot Lake, bien, ça a pris du temps avant que le journaliste se déplace pour arriver à Elliot Lake. O.K., plus tard, on est venu lui prêter main-forte, mais… Alors, bon, la plupart du temps, ils n'entendent pas parler d'Elliot Lake, puis ils n'entendent pas parler de Haileybury, puis ils n'entendent pas parler de ces communautés-là parce qu'ils n'ont pas assez de journalistes pour couvrir.

D'ailleurs, il y a deux plaintes qui ont été portées au CRTC et au Commissaire aux langues officielles par deux personnes du nord de l'Ontario : un monsieur de Sudbury, qui a un journal, justement, communautaire francophone et qui a fait une plainte, et aussi le doyen de la faculté… le recteur de l'Université de Hearst, qui ont fait… les deux ont fait des plaintes parce que huit coupures à Sudbury, c'est énorme.

M. Ouellet (Martin) : Sur le plan des espèces sonnantes et trébuchantes, là, est-ce que vous avez fait… est-ce que vous avez précisé des montants que… Bon, je vois, c'est 150 millions de dollars par année de plus. C'est ça?

M. Fournier : C'est 150 millions sur trois ans, donc, si on leur dit… parce qu'honnêtement, on présente ça de façon assez raisonnable.

M. Ouellet (Martin) : Mais vous revenez… Excusez-moi.  Vous revenez au financement de 1994. Est-ce que j'ai bien compris?

M. Fournier : En fait, en revenant au financement de 2008‑2009, là, on revient au financement de 1994. C'est pour vous dire les écarts. Mais, comme M. Houle l'a dit tantôt, il y a eu une première vague de coupures après 1994, qui, en même temps qu'elle s'est faite, était accompagnée d'un mouvement de revenus d'autres sources qui venaient à Radio-Canada. Donc, jusqu'à un certain point, il pouvait… puis là on peut toujours le contester, mais il pouvait y avoir une certaine forme d'équilibre.

La différence qui s'est produite depuis les cinq dernières années, c'est qu'il n'y a pas eu une contrepartie à la hausse. Nous ne sommes que dans des éléments qui déclinent, où le budget tombe. Alors, ce qu'on dit, c'est... On le voit bien depuis ces années-là, là on est rendu non seulement à l'os, mais on l'a grugé, alors il faut aller protéger l'os. Alors, il faut revenir aux crédits qu'il y avait en 2008‑2009. Ça représente 150 millions. On dit : Prenez trois ans pour vous rendre à ce 150 millions. On ne vous demande pas de prendre les bouchées trop grandes, prenez trois ans pour y arriver. Après ça, donnez de la stabilité au système, assurez que, pour cinq ans d'après, il va y avoir une indexation à l'indice des prix à la consommation. On ne dit pas ça pour rien. Quand vous regardez le rapport, vous voyez que, dans les dernières années, là, c'était 0,5 % d'augmentation, puis l'IPC était autour de 50 %. Alors, honnêtement, juste revenir à l'IPC, ça permet de rester à niveau. Et à ça s'accompagnent certaines autres mesures qui sont de l'ordre de la programmation locale et de l'ordre aussi des choix à offrir.

M. Ouellet (Martin) : Il y a une élection cet automne. Est-ce que vous demandez au gouvernement actuel et aux partis de s'engager formellement à adopter ce rapport-là et à l'appliquer?

M. Fournier : Soyons francs, notre oeuvre, ni plus ni moins, commence, si on veut nommer les moments, là, à la conférence de l'an dernier, de juin, à Charlottetown, où nous avons abordé cette question-là. Nous avons dit au gouvernement fédéral qu'il fallait qu'il y ait des gestes qui soient posés, et, depuis ce temps-là, on a senti le besoin de s'unir ensemble pour poser… d'abord, mieux analyser, proposer des solutions. C'est ce avec quoi nous arrivons maintenant.

Alors, forcément, ces solutions-là, nous les mettons sur la place publique. Nous allons rencontrer les caucus de deux partis qui veulent nous recevoir lundi prochain. Nous espérons qu'ils en fassent… évidemment qu'ils épousent les solutions, mais on leur offre, et ils feront les choix qu'ils voudront, mais on veut faire de cette question un enjeu électoral. C'est important pour la francophonie du Québec, c'est important pour la francophonie de l'Ontario, c'est important pour la francophonie du Canada et c'est dans la loi fédérale. Et, à partir du moment où c'est dans la loi fédérale… puis encore une fois, je veux… Puis vous connaissez l'état de la situation au Québec, on n'empêche pas des gouvernements de se poser des questions sur comment arriver à un équilibre budgétaire. Par contre, il faut se demander sur les effets des gestes posés.

Et là il y a une étude qui vient nous montrer quels sont les effets, qui vient nous montrer la mesure qui a été prise au fil du temps à l'égard de Radio-Canada. Et force est d'admettre que, dans les fonds fédéraux, il y a un choix de priorité à faire. Ou bien la loi est maintenue et il y a un financement correspondant qui permet de respecter la loi, ou bien ils nous disent clairement qu'ils veulent abandonner la loi. Mais au moins on saura à quoi s'en tenir. Mais, pour l'instant, on est dans… Oui, on a une loi et puis on nous disait : Vous savez, c'est les revenus publicitaires qui ont tombé. Bien là, il y a une étude qui permet de dire : Ce n'est pas les revenus publicitaires. Ils ont monté. Ce qui a baissé, c'est les crédits.

M. Dutrisac (Robert) : Oui. Robert Dutrisac du Devoir. Peut-être à M. Houde. Vous avez dit que 50 % des coupes allaient du côté francophone et 50 % du côté anglophone, alors que, bon, traditionnellement, dans la tête, on disait qu'un tiers des sommes allaient au réseau francophone puis deux tiers au réseau anglophone.

M. Houle (Michel) : Je pense que M. Fournier donnait un exemple tantôt en disant : Si c'est 50-50 et que c'est 25-75, ça ne va pas donner… Si on regarde les coupes, vous allez avoir le détail dans l'étude, là, il faudrait les passer selon chaque type de financement public, il y a des variations parfois entre réseau français et réseau anglais, entre télévision et radio. Alors, il n'y a pas une réponse globale qui peut être donnée. Il faut regarder élément par élément, mais c'est certain que ce qui est clair, c'est que c'est les régions, par rapport au réseau, qui perdent aussi bien…

M. Dutrisac (Robert) : Ce que vous appelez la programmation locale, là, tout ce qui se fait en dehors des grands centres.

M. Houle (Michel) : Tout ce qui n'est pas local et régional. Donc, tous les…

M. Dutrisac (Robert) : Ce qui se fait à l'extérieur de Montréal.

M. Houle (Michel) : …bulletins de nouvelles régionaux, les émissions d'affaires publiques régionales, mais aussi, pendant la période où il y avait le FAPL, ça a permis notamment à Radio-Canada, au début de la période, de produire, par exemple, des dramatiques en Atlantique ou même au Manitoba, si ma mémoire est bonne, des dramatiques de langue française. Bon. Face aux coupures qu'ils ont reçues à compter de 2012, ils ont annoncé qu'ils se retiraient du domaine des émissions autres que de nouvelles et d'affaires publiques en région. Donc, il y a une diminution là. Donc, c'est clair que les régions écopent.

Par ailleurs, ce qu'on constate, c'est qu'au niveau des revenus, et c'est très clair que les plus performants, c'est le service de langue française. Que ce soit au niveau de la télévision traditionnelle ou des spécialités, la croissance des revenus est toujours plus forte du côté français. Et, je veux dire, des revenus totaux de Radio-Canada, en moyenne, je dirais que c'est quelque chose comme 43 %, 44 % vient du réseau français et, la différence, du réseau anglais, globalement, là, incluant les services spécialisés, alors qu'en population c'est 25-75. Donc, heureusement qu'il y a le réseau français et les services français qui génèrent quand même une croissance de revenus plus soutenue que les services anglophones.

M. Dutrisac (Robert) : Donc, grâce à cette possibilité d'aller chercher des revenus autres, on est capables de limiter les dégâts peut-être davantage que du côté du réseau anglais où ils comptent plus sur l'argent public.

M. Houle (Michel) : C'est-à-dire que le fait que le réseau français génère des revenus, ça permet de limiter les dégâts des deux côtés parce que les revenus vont dans la… on pourrait appeler ça le fonds consolidé de Radio-Canada.

M. Dutrisac (Robert) : Dans le fonds consolidé.

M. Houle (Michel) : Donc, ça permet de voir les choses. Je voudrais juste…

M. Dutrisac (Robert) : Mais est-ce qu'il y a eu des changements dans la répartition des sommes allouées au réseau francophone puis au réseau anglophone pendant cette période-là, globalement?

M. Houle (Michel) : Bien, c'est ça, on peut trouver des réponses partielles au niveau des réseaux de radio et de télévision parce qu'ils sont rapportés au CRTC de cette façon-là, mais il n'y a pas une réponse globale. Donc, vous allez voir, dans l'étude, chacun de ces aspects-là et vous allez avoir le pourcentage de répartition des sommes entre… et du financement public entre le réseau français et réseau anglais en télévision et en radio... et même chose en radio.

M. Fournier : Si vous me permettez, sur la question des régions et des réseaux, je veux quand même vous mentionner… parce que parfois on pourrait se dire : Bon, bien, au moins il y a le réseau. Mais la loi constitutive de Radio-Canada le force à refléter la globalité canadienne en rendant compte de la diversité régionale du pays tant au plan national qu'au niveau régional tout en répondant aux besoins particuliers des régions. Et, comme le mot «régions» revient quelques fois dans son mandat de Radio-Canada, et ce n'est pas pour rien qu'il revient quelquefois… Madeleine le disait, les communautés veulent se voir, veulent s'entendre, et la francophonie, dans son ensemble, veut se connaître. Et évidemment, s'il n'y a qu'un seul lieu de production et un seul lieu émetteur, bien, les gens finissent par dire : Ce n'est pas chez nous, ce n'est pas nous.

Alors, dans le mandat, il y a cette obligation. Alors, ce n'est pas une réponse de dire…

Mme Meilleur (Madeleine) : La qualité doit être égale.

M. Fournier : …on a réussi à faire de la production à Montréal. Les gens disent : Oui, très bien, mais, le mandat, est-ce que c'est juste Montréal? La réponse, c'est non. La loi dit que c'est non.

Mme Meilleur (Madeleine) : Oui.

M. Houle (Michel) : Vous allez trouver la réponse précise à la page 29, là, c'est 43 % qui est allé des crédits parlementaires au service en français, 57 % au service en anglais.

M. Dutrisac (Robert) : Mme Meilleur, je sais qu'il y a un mouvement, genre, Friends of CBC à travers le Canada, du côté anglophone. On connaît, au Québec, l'attachement de la population générale à l'égard de Radio-Canada, et je crois que ça doit être exactement la même chose ou peut-être davantage pour les francophones hors Québec. Est-ce que justement il y a... Est-ce qu'il y a un appui du côté des anglophones pour... assez fort, là, pour contrer les coupes à Radio-Canada?

Mme Meilleur (Madeleine) : Bien, j'ai été invitée à l'événement au Centre national des arts à Ottawa, là, puis la grande majorité des gens qui était là, c'étaient des anglophones. Alors, oui, il y a beaucoup d'appui chez les anglophones, mais il y a beaucoup d'appui chez les francophones parce que c'est le seul filet d'information qu'ils ont.

Moi, là, j'ai beaucoup d'admiration — je vais vous dire, je suis Québécoise d'origine — beaucoup d'admiration pour les francophones de Sarnia, les francophones de Windsor, les francophones de Thunder Bay, qui sont 2,5 % de la population. Puis quand je voyage, là, à travers le pays puis que j'arrive à Regina, là, puis il y a une belle petite communauté francophone, là, puis eux autres, là, ils peuvent maintenir leur francophonie parce qu'ils syntonisent Radio-Canada... puis ils aiment ça se voir. Puis avec le fonds spécial du CRTC, bien, on pouvait avoir des petits reportages, des émissions où on se voyait, comme la Cloche de Batoche, par exemple, là. Bon, bien, ça, ce n'est pas juste eux qui l'ont regardée, c'est nous. Puis c'est aussi une culture pour le reste des francophones à travers le pays.

Alors, eux veulent se voir, veulent s'entendre, veulent faire partie de cette grande communauté franco-canadienne et... alors, c'est pour ça que les ministres de la francophonie, qui maintenant représentent de plus en plus de francophones... Au Yukon, par exemple, c'est une grande partie de la population. Je pense, c'est 27 % de la population qui est francophone. Vous allez me dire il y a peut-être juste 40 000 de population, mais c'est quand même assez majeur. Vous voyez, dans les journaux, récemment, à Vancouver, par exemple, les gens, hein, se battent pour avoir leur école francophone. Au Yukon, ils veulent avoir le droit d'admettre dans leurs écoles francophones des francophiles aussi.

On a, en Ontario, des belles écoles d'immersion, on construit toujours, de plus en plus... depuis 2003, on a construit presque 100 écoles francophones de plus. Bien, ces gens-là, pour maintenir leur langue, ils doivent aussi s'amuser en français. Alors, on a des programmes que l'on met sur pied, mais, si on met des programmes sur pied, puis le gouvernement fédéral coupe d'un autre côté, alors on fait du surplace à la place d'améliorer cette visibilité-là francophone. Et je suis francophone, je peux vivre en français, je peux écouter un film en français, je peux écouter une émission, je peux écouter Damien Robitaille, hein, un bon Franco-Ontarien. Alors, c'est tout ça que je veux vous dire. J'ai beaucoup d'admiration pour les francophones hors Québec. Ils veulent maintenir leur langue et ils tiennent à avoir Radio-Canada.

M. Dutrisac (Robert) : Dans les deux cas, en Ontario et au Québec, vous avez un diffuseur public, une télé publique. Est-ce que vous ne pourriez pas faire davantage, de ce côté-là, pour combler?

Mme Meilleur (Madeleine) : Écoutez, TFO, TVO, c'est une télévision éducative. Alors, il y a très peu d'émissions d'affaires publiques, très, très peu.

M. Dutrisac (Robert) : ...c'est pour une télé éducative, c'est la même chose au Québec. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, justement, de demander au CRTC une modification de la licence de la licence?

M. Fournier : Bien, une chose à la fois, là. D'abord, le fait que ce soit une télévision culturelle informative fait déjà une différence dans les capacités d'utiliser les crédits d'impôt du Canada avec sa mission d'information. On ne peut pas aller chercher le crédit d'impôt par la production indépendante, c'est fait à l'interne, ce qui est différent des productions. Télé-Québec, par exemple, est passée d'un niveau de production à l'interne très élevé pour une production indépendante parce que son financement lui permet d'aller chercher de la production de qualité dans sa mission qui lui permet de faire ça.

Donc, Radio-Canada et Télé-Québec, même chose pour chez vous, ont des missions qui les amènent à des contraintes qui sont différentes. Dans le cas de Télé-Québec, lorsqu'on regarde le support au fil des ans, on est en ce moment... je faisais sortir les chiffres pour aujourd'hui d'ailleurs, on est à peu près à la même hauteur de ce qu'on était en 2010‑2011 en termes de budget qui est dévolu, les budgets qui sont dévolus. Puis je suis sûr que les gens de Télé-Québec pourraient dire : Bien, on en voudrait encore plus, puis je ne les empêche pas de le dire, mais la question est la suivante… Comme je l'ai dit, tous les États ont à faire des efforts pour atteindre l'équilibre. Il faut quand même se demander, une fois qu'on prend une décision, quelle est la conséquence réelle. Quand ça fait plusieurs fois que c'est à l'égard de la même place qu'on fait une compression, quel est le résultat? Avec tous les chiffres, on a vu qu'on est rendu à cet os-là.

Est-ce que les provinces doivent prendre le relais d'une responsabilité fédérale qui a été assumée parce qu'elle fait partie, et je le disais tantôt, d'une façon de se voir dans nos langues de nos deux peuples fondateurs dans ce pays-là, à l'effet qu'il doit y avoir, dans nos institutions nationales, l'écho, la représentation de ces deux langues de ces deux peuples fondateurs? C'est une responsabilité qu'il leur revient d'assumer.

Et il ne s'agit pas d'aller chercher l'argent dans la poche des Canadiens, ils ont l'argent. Les Canadiens ont payé l'argent au gouvernement pour qu'il prenne charge de nos institutions nationales. Il s'agit de revoir les priorités pour s'assurer qu'on serve des fins comme celles-là, qui sont fondamentales à l'identité canadienne, à la représentation de la francophonie et à la représentation de notre francophonie québécoise à l'égard de l'ensemble du pays.

M. Dutrisac (Robert) : Donc, la réponse est non, là, il n'y a pas lieu de…

M. Fournier : La réponse est… vous me connaissez, j'ai toujours des réponses longues. La réponse est : Il leur revient à eux d'assumer cette responsabilité à l'égard d'institutions nationales.

Mme Meilleur (Madeleine) : Deux choses que je veux dire. Nous, on ajoute toujours à TFO, TVO, c'est des chaînes éducatives. Alors, ils ont le mandat, puis on veut s'assurer qu'ils remplissent bien leur mandat, puis ils le font bien.

Deuxièmement, l'investissement canadien chez le diffuseur public est un, sinon le plus bas dans des pays comparables. Alors, on investit, quoi, 0,27 $ par habitant, où est-ce que… bon, l'Angleterre, c'est plus de 1 $ par habitant. On fait partie des quatre, dans les pays qui ont été revus, on fait partie des quatre plus bas et, parmi les quatre plus bas, on est le seul qui a un mandat double, un mandat bilingue. Les États-Unis n'ont pas de mandat bilingue, puis je pense que l'autre, c'est la Finlande et puis…

Une voix : L'Italie.

Mme Meilleur (Madeleine) : L'Italie. En tout cas, ils n'ont pas de mandat bilingue. On a un mandat bilingue puis… alors, on n'investit pas beaucoup.

M. Fournier : Ça vaut la peine de lire le rapport là-dessus parce que le rapport fait état de cette dimension-là, et c'est assez fascinant parce que, non seulement il y a le bilinguisme ici, mais il y a l'aspect des régions. Or, le Canada, c'est un grand pays, il y a beaucoup de régions.

Mme Meilleur (Madeleine) : Ça fait partie de l'unité nationale aussi. Je pense que, quand on a décidé d'une confédération, on a décidé qu'il y avait Radio-Canada, CBC, on a décidé aussi qu'il y avait, bon, le chemin de fer qui allait d'un océan à l'autre. Est-ce que là, on décide que ça, ce n'est plus important? Je ne pense pas. Je ne pense pas que c'est ça que les Canadiens veulent.

M. Fournier : M. Caron, je pense que vous aviez une dernière question.

M. Caron (Régys) : Peut-être deux, mais commençons par la première. Quand vous dites : Le gouvernement fédéral ne permet pas à Radio-Canada d'assumer son mandat, est-ce qu'il déroge à la loi?

M. Fournier : Ce que je dis, c'est qu'en ce moment… et l'étude, à mon avis, l'atteste, parce que non seulement il démontre les compressions réelles… Ce n'était pas ce qu'on nous a déjà dit, des revenus publicitaires qui tombent, ce sont des crédits parlementaires qui chutent, d'une part. En même temps que cela arrive, les effets, on les voit. Ce sont des 60 minutes qui passent à 30, ce sont des postes qui sont coupés, et les postes coupés étaient ceux qui offraient un service dans le cadre du mandat de Radio-Canada.

Donc, la conclusion est la suivante : Quand il y a une loi qui dit d'offrir un service, il doit y avoir des moyens pour remplir ce mandat. Et la question est la suivante : Si le gouvernement fédéral ou les acteurs fédéraux qui en débattront lors des prochaines élections veulent nous dire qu'ils considèrent que Radio-Canada est important, il faut qu'ils sachent qu'en ce moment Radio-Canada n'a pas les moyens que la loi prévoit. Ou bien ils nous diront : Nous ne croyons pas à Radio-Canada, et donc on ne leur donne pas de moyens. Mais, au moins, ayons la capacité de reconnaître les faits. En ce moment, il n'a pas les moyens de remplir sa mission légale.

M. Caron (Régys) : Avez-vous l'intention de fédérer les autres provinces? Vous êtes deux, je comprends que c'est 60 % de la population canadienne. Il y a 10 provinces. Est-ce que ça ne serait pas plus influent avec les autres provinces?

M. Fournier : Il y a eu des discussions, là… D'ailleurs, je vous renvoie aux communiqués provinciaux-territoriaux du mois de juin dernier, où l'ensemble des provinces avons discuté et pris position sur Radio-Canada. C'est vrai que la proximité de l'Ontario et le Québec et c'est vrai que nos relations, à plusieurs niveaux, entre le Québec et l'Ontario, nous ont amenés à prendre plusieurs missions ensemble. On l'a fait, le Nouveau-Brunswick s'est joint à nous lorsqu'on a vu le P.D.G. de Radio-Canada.

Ceci étant, le Québec et l'Ontario ont conjointement décidé de procéder à une étude, et nous l'offrons à l'ensemble des autres gouvernements des provinces, aux acteurs fédéraux. On les offre à tout le monde qui s'intéresse à la question, et surtout, nous voulons que cet enjeu-là soit un enjeu qui soit discuté pour le choix du prochain gouvernant du Canada. Nous croyons à la mission de Radio-Canada, nous croyons qu'il est important pour le Canada, qu'il est important pour la francophonie, et lundi nous allons le présenter et surtout souhaiter que ça devienne un enjeu électoral.

M. Caron (Régys) : M. Houle, est-ce que Radio-Canada a atteint la limite avec le financement privé par la publicité, là? Est-ce qu'on est au maximum ou…

M. Houle (Michel) : Bien, c'est-à-dire, Radio-Canada améliore constamment sa performance, mais ça ne permet pas de compenser la diminution du financement public. Il faut dire que l'étude se termine en 2013‑14… les données, c'est-à-dire. Je vous rappelle que l'impact de la perte du hockey à CBC, ça va être 2014‑2015 puisque c'était en septembre 2014. Donc, de ce côté-là, il y a sûrement un impact.

Mais maintenant, une année sur deux, Radio-Canada a les Olympiques puisqu'il a gagné les droits de diffusion. Alors, les années olympiques, par contre, les revenus publicitaires augmentent significativement. Alors, on va voir ce que ça va donner, mais on n'a pas les données encore de ce côté-là.

M. Fournier : Si vous me permettez, je voudrais vous merci, à tous les journalistes qui ont suivi la conférence de presse. Pour nous, c'est très important, on est très heureux que vous ayez été là. Merci beaucoup.

(Fin à 14 h 5)

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