(Treize heures vingt-deux minutes)
M. Khadir
: Merci
d'être présents. Je me vois forcé aujourd'hui de venir un peu partager avec
vous la honte que j'ai à cause de l'entente secrète… qui fut secrète, et maintenant
dont on a les éléments, entre M. Barrette, un radiologiste, et la Fédération
des médecins omnipraticiens du Québec.
Je suis sûr qu'il y aura toujours des
prétextes qu'ils pourront invoquer. Ils vont nous gaver de chiffres et de
justifications, mais la réalité, c'est qu'on voit, dans cette entente-là encore,
le même souci de penser l'accessibilité, de penser les problèmes que vivent nos
patients, non pas en fonction d'eux, des usagers, de la population, mais en
fonction de l'intérêt des médecins.
Permettez-moi juste de vous lire un bref
passage de la lettre qu'a envoyée la FMOQ, et qui explique en partie ma honte,
à ses membres : «De plus, un comité paritaire FMOQ—ministère de la Santé
sera mis sur pied, auquel siégeront nos médecins de famille, vous représentant,
pour que vos intérêts et ceux de votre profession soient défendus.»
C'est pourquoi nous avons tant de fois
répété qu'il ne faut pas que le problème d'accessibilité soit réglé derrière
des portes closes, uniquement avec une fédération corporatiste de médecins. Il
y a beaucoup d'autres médecins et surtout d'autres professionnels qui auraient
eu leur juste mot à dire pour éviter les dérapages, qu'on retombe encore dans
ce que d'autres ont appelé les bonus Bolduc, hein, les primes Bolduc.
Juste pour rappeler ce que représentent ces
primes Bolduc, c'est des majorations importantes, parfois du simple à quatre
fois plus élevées, pour voir des patients qui autrement, dans un CLSC, seraient
vus à coût beaucoup moindre pour le système de santé. Déjà, dans toutes les
grilles de rémunération qui existent depuis des années, le système public, le
contribuable paie plus cher à travers les impôts quand il doit visiter un
médecin dans une clinique privée que dans le CLSC. C'est souvent 20 % plus
cher. Pourquoi est-ce qu'on se fait ça?
Les CLSC ont démontré leur efficience
depuis une quarantaine d'années. Là où il y a un problème, c'est qu'ils ne sont
pas assez longuement ouverts. Pourquoi? Parce qu'ils n'ont pas de ressources.
Là, on leur dit : Maintenant qu'on est dans l'optimisation des ressources,
maintenant qu'on connaît le rapport accablant de la Vérificatrice générale qui
nous a présenté hier, ne serait-il pas tant, une fois pour toutes, d'en tirer
les conclusions qui s'imposent? Et les conclusions qui s'imposent, M. Barrette,
les conclusions qui s'imposent, je m'adresse aussi à mes collègues de
l'opposition : il faut réajuster le tir, il faut immédiatement suspendre
le développement de ces GMF et de ces cliniques privées. Ça nous coûte trop
cher, il n'y a aucune garantie de résultat, alors que les CLSC, répartis sur
l'ensemble du territoire, 284 points de services qu'on a déjà payés avec
l'argent du public, on a des installations physiques, on n'a pas besoin de
mettre un sou de plus. Puis en plus, à cause de ça, parce que c'est déjà payé,
c'est déjà amorti, on n'a pas besoin de majorer la rémunération du médecin qui
y oeuvre d'un 20 % pour tenir compte de la secrétaire, pour tenir compte
de l'hypothèque à payer pour les locaux.
Et je rappelle que c'est une question de
simple optimisation de ressources, tel que le demande la Vérificatrice
générale. C'est une question de saine gestion des finances publiques. Il faut
arrêter de jeter notre argent par la fenêtre. Il faut arrêter aussi de créer
des conditions où les médecins peuvent avoir honte de leur profession quand on
voit à chaque fois que l'image que ça rend au public, c'est que les médecins
veulent avoir plus pour faire le travail pour lequel ils sont déjà payés par le
système de santé.
Alors, vous le savez, les majorations
viennent par-dessus déjà un paiement à l'acte qui fait des médecins les plus
hauts revenus au Québec. On est parmi le 1 % des plus hauts revenus. Allez
voir la grille de la fiscalité des particuliers, là, moi, j'en connais quelque
chose, les médecins, nous formons, avec un groupe d'autres gens, le petit
1 % qui gagne les plus hauts revenus à l'échelle du Québec. Je pense qu'on
n'a pas besoin de rajouter encore des carottes et des carottes. Il faut que ça
cesse, il faut que la médecine, la profession médicale retrouve sa dignité.
C'était le message de ROME, le Regroupement des omnipraticiens pour une
médecine engagée; c'est le médecin que... c'est le message que j'entends de
Médecins québécois pour un régime public. Nous avons besoin de retrouver la
dignité de notre profession, de notre engagement dans un service public, cette
vocation qui fait que nous ne sommes pas avant tout des hommes et des femmes
d'affaires, nous sommes des hommes et des femmes au service d'un... qui
oeuvrons dans un service public. Et ça, ça veut dire, ce genre d'entente conclue
entre le ministre et la FMOQ n'est pas digne de notre profession. C'est une
source de honte pour moi comme pour des centaines et des milliers d'autres
médecins. Merci beaucoup de votre attention.
M. Poinlane (Pascal)
: Est-ce
qu'il n'y a pas une différence quand même entre ce qui est prévu dans l'entente
et ce que vous appelez la prime Bolduc, là, c'est-à-dire qu'il y a un
supplément à une première visite, mais qui est associé à une inscription?
Alors, est-ce qu'il n'y a pas une différence, là, juste pour bien se
comprendre?
M. Khadir
: Non.
Écoutez, M. Bolduc recevait deux choses : un supplément pour la visite, parce
que la visite était associée à une inscription, puis un supplément pour avoir
un certain nombre de noms inscrits sur sa liste, qu'il les ait vus ou pas. D'accord?
Là, ce qu'on apprend, c'est que ça va être
réaménagé, mais c'est toujours associé à des suppléments. Et entendons-nous
bien, un supplément, c'est quoi? C'est un supplément pour que le médecin fasse
le travail pour lequel il est déjà payé. Elle est où, la noblesse de notre
profession là-dedans? Puis elle est où, la responsabilité de la FMOQ envers un
problème qu'elle est en partie responsable d'avoir créé? Et d'ailleurs je vous
rappelle que ces suppléments, tout ce manège des suppléments et des carottes à
n'en plus finir, ça vient en grande partie du ministre Barrette, qui en a
inspiré les principaux éléments alors qu'il était à la tête de la FMSQ. À
chaque fois, la vision Barrette, hein... Les primes Bolduc, en réalité, c'est
la vision Barrette de la médecine qui s'était imposée au cours des années 2000,
lorsqu'il négociait en cherchant toujours des avantages, en pensant que la
médecine, c'était une question de payer toujours plus.
Beaucoup, beaucoup de médecins, je pense,
une majorité de médecins ne se retrouvent pas là-dedans. Ça fait honte à notre
médecine, à notre profession de voir que la direction de la FMOQ, puis le ministre
de la Santé, qui lui-même est médecin, puis un gouvernement qui a à sa tête un
médecin regardent la médecine avec cet oeil, avec cette vision réductrice et
qui est indigne de notre profession.
M. Robillard (Alexandre)
:
Mais, quand même, ces primes-là, elles avaient été abolies.
M. Khadir
: Mais elles
sont en retour.
M. Robillard (Alexandre)
:
Mais comment vous expliquez que ce... par quel...
M. Khadir
: C'est
cette vision, c'est parce qu'on a un ministre de la Santé qui ne pense à la
pratique qu'en vertu de la rentabilité commerciale, hein? C'est une vision
commerciale, très, très, je dirais, hommes d'affaires. Ça pourrait être un
merveilleux, un formidable homme d'affaires, M. Barrette, mais est-ce que c'est
de ça que les patients ont besoin? Ceux qui attendent depuis deux ans, là, sur
les listes, est-ce qu'ils ont besoin de cette vision-là?
On a appris que cette vision-là, pendant
des années… La Vérificatrice générale est venue nous dire exactement hier que
cette vision qu'on a appliquée pendant 10 ans… Les GMF, c'était un peu cette
vision : on vous donne plus d'argent, des moyens, on vous gave et on va
espérer, comme un peu au casino, que ça va augmenter l'accessibilité. Et c'est
quoi, le verdict hier? C'est un verdict accablant. La Vérificatrice générale
dit : Ça ne marche pas.
Je pense qu'il faut en revenir. Les CLSC
sont là, c'est un gage d'efficience. Là, on est sûrs que, lorsqu'on donne de
l'argent aux CLSC, le ministère a un contrôle direct, il sait à quelle heure ça
ouvre, à quelle heure ça ferme et comment sont payés les médecins.
M. Robillard (Alexandre)
:
Quel était l'intérêt, selon vous, d'annuler la prime que M. Barrette avait…
M. Khadir
: Bien,
c'est parce qu'il y avait une pression de l'opinion publique. À l'époque, il ne
pouvait pas tenir. Il fallait faire un geste pour montrer qu'on est un peu
sensibles à l'indignation populaire. Et là, par la porte d'en arrière, derrière
des portes closes, M. Barrette va renégocier avec la FMOQ la prime Bolduc à
nouveau, ce qui montre qu'ils n'ont rien appris et surtout qu'ils tiennent à
cette vision commerciale et indigne de la profession médicale.
M. Poinlane (Pascal)
:
On faisait remarquer à Mme Lamarre que les sommes, là, c'est à peu près un
26 millions de dollars, que c'étaient des enveloppes fermées, alors, de
toute façon, c'était déjà prévu en rémunération des médecins. Qu'est-ce que…
M. Khadir
: Alors, je
vous signale humblement que ce 26 millions de dollars, s'il est dépensé à
travers les CLSC, c'est 20 % de services de plus. Regardez la grille
tarifaire, c'est à peu près toujours ça. Que ça soit dans le cadre des
suppléments, que ça soit dans le cadre du paiement à l'acte, la base, c'est
toujours à peu près un 20 % de plus lorsqu'on paie des cliniques privées.
Alors, pourquoi est-ce qu'on jette notre
argent par la fenêtre? Si on veut avoir 26 millions qui donnent le
meilleur rendement, hein, l'optimisation des ressources en temps d'austérité,
bien, que le ministre Bolduc suive la logique de l'austérité puis utilise les
ressources les plus efficientes, c'est-à-dire les CLSC.
M. Robillard (Alexandre)
:
Est-ce qu'on peut vous poser une question sur un autre sujet?
M. Khadir
: Je demande
toujours l'autorisation à Mme Guévremont. Très bien.
M. Robillard (Alexandre)
:
M. Khadir, êtes-vous d'accord avec M. Legault qui croit que M. Péladeau nuit au
retour des Nordiques en étant chef du Parti québécois?
M. Khadir
: C'est sûr
que monsieur… Disons que le Québec doit avoir d'autres soucis que le retour des
Nordiques, franchement. Je pense qu'on a assez de jeux, il nous fait maintenant
penser un peu au pain, d'accord? Les Québécois, là, leurs services publics, les
employés qui sont là actuellement en train de manifester devant vous, même les
dépanneurs qui sont ici pour faire représentation, disent que ça va mal économiquement,
les gens ont peu d'argent, les gens perdent leur emploi, puis toute l'économie
s'en trouve affectée. Dans cette équation-là, les Nordiques sont très loin de
la préoccupation des gens qui perdent leur emploi, qui peinent à arriver à
rejoindre les deux bouts, qui sont asphyxiés par la hausse des tarifs d'hydroélectricité.
Maintenant, c'est sûr que M. Péladeau va
se trouver continuellement sous les feux des rampes à cause de ses nombreux conflits
d'intérêts, ses innombrables conflits d'intérêts. C'en est un autre. C'est sûr
qu'à la tête d'un parti qui a été l'instrument, je dirais, des processus odieux
et des lois spéciales qu'on a passées ici, et que Québec solidaire était le
seul à s'opposer, c'est-à-dire la loi qui a permis des entourloupettes pour
consacrer 400 millions d'argent public à construire l'amphithéâtre pour
accueillir les Nordiques, c'est sûr que, là, il est très mal placé, hein? Il
est bénéficiaire maintenant non seulement de cet argent, ce cadeau aux dépens
des contribuables, puis là il a pris le contrôle du parti qui lui a donné ce
bénéfice-là, et comment ce parti-là a la moindre, maintenant, capacité
d'oeuvrer dans leur logique en faveur des Nordiques, c'est le genre de
contradiction dans laquelle il est plongé, là.
M. Robillard (Alexandre)
:
Pensez-vous que la LNH ou certains propriétaires ont une sensibilité politique
qui fait en sorte que…
M. Khadir
: Ah! Parce
qu'il serait indépendantiste? Je pense que, de toute façon, les dés sont pipés
contre les Nordiques à Québec, hein, depuis très longtemps, puis ce n'est pas
cet élément-là qui va avoir une incidence majeure, je ne pense pas. Moi, je ne
suis pas un spécialiste de la chose et je pense qu'on a déjà assez perdu de
temps et surtout 400 millions de dollars de fonds publics à s'intéresser à
ce sujet, alors que, je pense, les gens qui sont les plus lucides pensent que
ça ne reviendra jamais.
M. Robillard (Alexandre)
:
Faites-vous un lien avec les élections partielles? M. Bérubé du PQ…
M. Khadir
: Bien sûr.
C'est le jeu politique, et on y consacre un temps qu'on devrait peut-être
consacrer à savoir le pain sur la table des gens qui perdent leur emploi dans
les services publics, les compressions, là, qui font scraper des centaines,
sinon des milliers d'emplois dans le réseau de public. Qu'est-ce qu'on fait de
ces gens-là? On a-tu pensé à eux plutôt que de penser à des millionnaires qui
vont venir jouer avec une puck?
La Modératrice
: Merci.
(Fin à 13 h 35)