(Dix heures cinquante-neuf minutes)
M. Legault
: Oui.
Bonjour, tout le monde. Le peuple québécois est en deuil. Cette nuit, il a
perdu l'un de ses grands bâtisseurs. Jacques Parizeau s'est éteint, entouré de
ses proches, à 84 ans. Je suis touché par cette mort. C'est un grand homme
d'État que le Québec vient de perdre, un homme hors du commun, qui laissera un
héritage hors du commun.
M. Parizeau a eu un impact important
sur mon cheminement. Étudiant, j'ai été fasciné par sa façon de voir
l'économie. Il a élargi mes horizons. J'ai appris grâce à lui que le
développement économique pouvait être mis au service de nos concitoyens. Il a
été, pour moi, une inspiration, une des raisons pourquoi je me suis lancé en
politique. J'ai eu ensuite le privilège d'avoir de longs lunchs privés avec
lui, c'était toujours passionnant. Aujourd'hui, je regrette plus qu'un ancien premier
ministre, mais aussi un mentor, un guide, un sage.
Jacques Parizeau venait d'un milieu aisé.
Il a fait de brillantes études à Paris, à Londres. S'il avait voulu, il aurait
pu faire carrière n'importe où dans le monde, mais il a décidé de rester ici,
près des siens, et laissez-moi insister sur ce point qui me paraît important :
les Québécois doivent savoir qu'il y a des gens ici, peu importe leur
allégeance politique, qui se sont sacrifiés pour eux et pour leur avenir.
Jacques Parizeau a participé à la création
de la Caisse de dépôt et placement du Québec, à la Société générale de
financement, au Régime d'épargne-actions du Québec, il a été un homme d'État au
parcours exceptionnel. Aux côtés des Jean Lesage et des René Lévesque, il a
fait partie des grands bâtisseurs du Québec. C'était un géant.
M. Parizeau a toujours gardé foi en
les Québécois. Il n'a jamais perdu confiance. Jusque dans ses dernières années,
il continuait à se déplacer pour rencontrer les jeunes, leur parler de l'avenir
du Québec. Je souhaite qu'on se souvienne de lui, oui, comme un homme de
caractère, de convictions, qui regardait droit devant lui, qui ne baissait jamais
les bras, mais aussi je souhaite qu'on se souvienne de lui comme d'un homme
généreux, qui toute sa vie a tendu la main. Il tendait la main en particulier
aux nouvelles générations parce qu'il savait garder l'avenir ouvert. C'est à
notre tour aujourd'hui de lui tendre la main, de lui dire merci pour tout ce
qu'il a fait pour nous. Notre gratitude est immense.
Donc, en terminant, je tiens, au nom de ma
formation politique, à transmettre à Mme Lisette Lapointe ainsi qu'aux
proches de M. Parizeau nos plus sincères condoléances. Merci.
Le Modérateur
: On va
prendre trois ou quatre questions rapides sur le sujet.
M. Laforest (Alain)
:
Alain Laforest, TVA. Bonjour, M. Legault. Vous avez écrit le budget de
l'an 1, vous en avez parlé avec M. Parizeau. Est-ce qu'il a été
critique à votre endroit concernant le budget… Est-ce que ça a été le
professeur, le pédagogue Parizeau qui vous est revenu avec votre document?
M. Legault
: Non. Il a
été extrêmement utile. Je me souviens, le document avait une centaine de pages,
et il m'est revenu avec des commentaires, des questions presque sur chaque
page, mais des suggestions souvent constructives. Il connaissait tellement tous
les dossiers, les pensions, les régimes de retraite, le partage de la dette,
là. C'était passionnant parce que c'était quelqu'un… Vous savez, parfois, il y
a des gens en politique qui surfent un peu, mais lui, c'était quelqu'un de
travaillant, qui, de toute évidence, avait lu les 100 pages, était allé faire même
des petites recherches. Donc, c'était un studieux, un travaillant, et, non, il
m'a beaucoup aidé à améliorer le document.
M. Laforest (Alain)
: Le
premier ministre vient de confirmer que l'édifice de la Caisse de dépôt va
porter le nom de Jacques Parizeau maintenant. Est-ce que… Vous en pensez…
M. Legault
: C'est une
excellente idée parce que, vous savez, Jacques Parizeau avait compris que le
peuple québécois a besoin de la Caisse de dépôt. Encore aujourd'hui, je le dis
souvent, il n'y a pas 10 familles au Québec qui sont capables d'écrire un
chèque de 1 milliard. On a besoin, parce qu'on n'a pas une longue
tradition en affaires au Québec, d'avoir la Caisse de dépôt pour développer
puis garder nos sièges sociaux d'entreprises au Québec. Et c'est une de ses
grandes réussites, et il croyait à Caisse de dépôt. Je me souviens, quand on a
eu la fameuse commission sur la Caisse de dépôt, j'avais passé une bonne partie
d'une journée avec lui à discuter de comment ça devrait fonctionner, la mission
de la caisse, qu'est-ce qui était arrivé pour qu'on se retrouve avec une perte
exceptionnelle, et il connaissait encore très bien, là, la Caisse de dépôt, ses
interventions. Puis je trouve que c'est une excellente idée, là. C'est une de
ses grandes réalisations, puis la Caisse de dépôt, aujourd'hui, c'est
probablement un de nos outils économiques les plus importants, sinon le plus
important.
Le Modérateur
: Julie
Dufresne.
M. Legault
: Bonjour.
Mme Dufresne (Julie)
: M.
Legault, vous avez oeuvré aux côtés de M. Parizeau comme un militant
souverainiste. Que reste-t-il de son projet aujourd'hui, à votre avis?
M. Legault
: Bien,
écoutez, c'était quelqu'un qui était passionné du Québec, passionné de
l'économie du Québec. Encore dernièrement, il écrivait que c'était important
d'augmenter la productivité puis la richesse au Québec pour être capable de se
donner les moyens de nos ambitions. Bon, peut-être que ses ambitions n'étaient
pas les mêmes que tous les Québécois, mais il avait de l'ambition, puis je
pense que ce qui reste… bien, il a toujours souhaité un Québec fort. Puis
c'était un économiste, c'était quelqu'un…
Écoutez, moi, si ce n'était pas du Régime
d'épargne-actions du Québec, on n'aurait peut-être pas lancé Transat. Donc, ce
qu'il a mis en place, c'était pour permettre aux Québécois de s'intéresser
davantage à l'économie, de reprendre le contrôle de notre économie. Moi, je
dirais qu'un des plus grands gains de la Révolution tranquille, c'est le fait
qu'on est passé d'avoir des entreprises qui étaient des succursales américaines
à des entreprises qui nous appartiennent. Donc, tout ça, là, ça fait partie de
son héritage.
Mme Dufresne (Julie) : Est-ce
que la souveraineté de Jacques Parizeau est toujours vivante?
M. Legault
: Bien, écoutez,
là-dessus, on a une question… on a un différend sur le timing, puis je ne pense
pas qu'aujourd'hui je veux commencer à vous faire des analyses, là, sur la date
du prochain référendum. Mais je peux vous dire une chose, c'est que M. Parizeau
voyait grand pour le Québec, puis là-dessus, bien, on est tous les deux très
d'accord.
Le Modérateur
: Robert
Dutrisac, une question en français. Après, on va passer en anglais.
M. Dutrisac (Robert)
: Oui.
Vous avez décrit M. Parizeau comme un homme de conviction, un homme qui ne
baissait pas les bras. Qu'est-ce que vous retenez de lui, fondamentalement, compte
tenu de votre parcours à vous et votre décision à vous de ne certainement pas
suivre son exemple?
M. Legault
: Oui. Bien,
ce qu'il souhaitait, c'est d'avoir un Québec fort, un Québec qui a les moyens
de ses ambitions. Donc, là-dessus, je suis 100 % d'accord avec lui.
Est-ce que, la souveraineté, c'est un
moyen? C'est une fin? Moi, je pense que c'est un moyen, mais ce qui est
important, c'est de viser un Québec fort, puis là-dessus, on s'entendait. On
s'entendait sur l'importance d'offrir à nos jeunes des emplois de qualité pour
que nos enfants, nos petits-enfants fassent leur vie au Québec. Maintenant, les
outils pour y arriver, bien, il y a des choses sur lesquelles peut-être qu'on
ne met pas les priorités à la même place, moi et lui. Mais j'étais content de
voir dernièrement qu'il disait que c'était important d'augmenter la richesse
puis la productivité au Québec. On ne peut pas laisser nos entreprises, entre
autres, manufacturières ne pas s'être mises à jour, ne pas avoir de
l'équipement à jour, avoir des technologies de l'information à jour. Il disait
tout ça, là, il y a encore un mois ou deux.
Donc, je pense que c'était un visionnaire,
et, bien, l'économie du Québec, d'un Québec fort, on est d'accord là-dessus.
Le Modérateur
: Question
en anglais. Max Harrold.
M. Harrold (Max) :
So you agree that he had this vision that was important for Québec in terms of the
caisse, but why is that vision no longer applicable? How do you see his legacy
in terms of… as a separatist?
M. Legault
:
OK. I think he was an authentic leader. He tabled some concrete projects, like
the Caisse de dépôt, like the Régime d'épargne-actions du Québec, like the
Société générale de financement, in order to make sure that we have more
headquarters in Québec, that we can offer to our young people all tools to
reach their total potential.
So it's with deep sadness
that I learned this morning that he passed away. I think that we lost one of
the greatest statesman in Québec, a guy who didn't work for himself but who worked really because he
loved Québec. Merci, tout le monde.
(Fin à 11 h 9)